file Le Prisonnier (1/2)

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il y a 6 ans 11 mois - il y a 6 ans 11 mois #21194 par Zarathoustra
Le Prisonnier (1/2) a été créé par Zarathoustra
Bon, on va tenter de continuer d'animer le site.

Voici une tentative de nouveau portrait qui me trotte dans la tête depuis plusieurs moi. Je vous livre ici la première partie (il devrait y en avoir deux). Je pense que le récit prend une forme assez inhabituel pour moi, même si je n'ai aucune difficulté à me lancer dans ce genre de récit, plus mystérieux avec une intrigue un peu plus scénarisé (et surtout beaucoup moins d'états d’âme), disons que j'essaie de jouer avec une sorte de suspense quant au dénouement. Par contre, y a du dialogue.... Sans doute trop...

Voilà, il s'agit d'un truc quasi à chaud. J'espère qu'il n'y a pas trop de coquilles.

Ce que j'aimerai savoir, c'est si ce récit vous donne envie de continuer sa lecture. Et surtout si vous vous y retrouvez. Je livrerai la suite sans doute sous sa forme définitive das la bibliothèque en fonction de vos retours.
Si j'ai un problème avec ce texte, c'est plus au niveau du style. Je dirais que c'est un peu pauvre. Et en même temps, je veux qu'il soit au service de l'histoire et que le moins de choses possibles viennent distraire inutilement le lecteur.
Bref. J'aimerai un texte ludique à lire et si possible agréable et, pourquoi pas, un peu excitant à suivre...

Le Prisonnier (1/2)


Il était difficile de définir précisément ce qu’il ressentait, tout au plus une impression d’exister à peine, ou si peu qu’il était difficile de se prononcer. Et pourtant, il ne s’agissait pas forcément d’un état physique qui aurait établi qu’il était soit en vie soit mort, mais plutôt d’un état flou entre la conscience et l’inconscience dans lequel le temps se déconnecte de l’être et où tous les espaces multidimensionnels connus ne formeraient soudain plus qu’un seul unique petit point qui résumerait sur l’instant tout ce que l’on est.

Depuis quelques temps déjà, une image floue ne cessait de tourner dans sa tête, comme une goutte d’eau qui infiniment heurterait une autre étendue d’eau, avec l’onde de choc qui se répercuterait inexorablement sur la surface parfaitement lisse avec ses cercles excentriques et frissonnants, à moins que ce ne fût sa tête elle-même qui tournât autour d’une idée fixe, comme si elle aspirait en elle cette même goutte d’eau d’une surface redevenue lisse comme un miroir. Au même moment où il se fit cette remarque, les deux sensations autour de cette goutte se superposèrent dans sa tête et il ouvrit les yeux. Il se sentit encore lourd, très lourd, et si fatigué qu’il aurait immédiatement replongé dans ce même sommeil léthargique sauf qu’une sorte d’alarme s’était déclenchée en lui et réclamait que son esprit se réveillât au plus vite. Malgré tout, sa nuque tomba à nouveau en arrière, à moitié inerte, dans une trajectoire molle de demi-cercle, comme cette même surface vibrante de l’eau, puis se stabilisa à peu près à la verticale, en figeant à nouveau le temps et l’espace et toutes les autres dimensions autour de lui.

Tout restait encore flou mais ses nerfs et ses sens lui communiquaient déjà des informations plus précises sur un possible danger. Un début de tableau se formait sous ses yeux au fur et à mesure que la réalité réapparaissait derrière l’étrange brouillard qui remplissait encore son cerveau. Avec les bras tombés en arrière, ses pieds étaient coincés derrière ceux d’une chaise, tout comme son dos calé contre le dossier ferme et rigide qui lui rentrait dans les omoplates. Son sommeil l’avait placé dans une position pas très confortable, mais plutôt stable, qui avait permis ce sommeil troublé qui n’en était pas vraiment un, puisqu’il avait la certitude qu’il avait toujours gardé les yeux ouverts, à l’affût du moindre signes pour lui permettre de comprendre où il se situait et ce qui s’était passé, ou tout du moins parvenir à reconstituer une séquence logique entre le présent et les seules bribes de son passé dont il se souvenait encore, une course après un groupe d’individus qu’il était sur le point de rattraper et d’anéantir. Il aurait pu à cet instant se demander ce qu’il faisait là, mais il préféra s’étirer le dos. Il remarqua seulement les liens autour de ses poignets qui lui empêchèrent tout mouvement. « Ligoté. Je suis ligoté ».

Ce n’est pas encore à cet instant qu’il paniqua, mais uniquement quand il comprit que ses pieds étaient eux-mêmes ligotés à la chaise et qu’il n’arriva pas pour autant à les rompre, alors qu’il savait qu’il avait la force pour y parvenir. Il lui suffisait de le vouloir très fort, beaucoup plus fort que l’énergie qu’il ressentait en lui ne l’autorisait. A dire vrai, il avait d’abord imaginé des cordes mais un cliquetis métallique les transforma instantanément dans sa tête en des chaines ou des menottes et les contraintes qu’elles imprimaient sur ses membres devinrent plus vives maintenant qu’il cernait mieux sa situation.

Il ignorait encore comment, mais il se trouvait bien prisonnier dans un pièce quasi sombre, que de maigres faisceaux de lumière éclairaient derrière lui une fenêtre sans doute encrassée au vue du délabrement des murs nus, jaunis et fissurés autour de lui. Et il était prisonnier. Prisonnier.

Or le maître des clés lui avait certifié que rien n’était plus fort que sa force. « Mon super-pouvoir m’a été confié par le maître des clés. Et le maître des clés dit toujours la vérité. Or il m’a bien dit que rien ne peut surpasser ma force si je puisais dans mon pouvoir et que rien en ce monde ne pourrait lui résister ».

Pourtant, maintenant qu’il voyait cette pièce autour de lui et qu’il devinait plus que jamais les liens autour de ses poignets et de ses chevilles, et qu’il sentait le dossier métallique de cette chaise lui rentrer dans le dos, il était indéniable qu’il était prisonnier. Et que, pour l’instant, il lui fallait accepter qu’il le resterait encore.

« Donc comment est-ce possible que je sois enchaîné et que je ne puisse pas me libérer ? C’est tout simplement impossible ! Ce qui est sûr, c’est que le Maître des Clés dit toujours la vérité et que ma force aurait dû par conséquent les briser. »

Il n’était pas logique qu’il ne parvienne pas à rompre les chaînes avec ses super pouvoirs. Alors, une idée dans sa tête germa qui pouvait expliquer l’impossible. D’une manière toute simple et finalement tout à fait logique, il se dit que, quelque part, quelque chose l’empêchait d’exercer ses super pouvoirs.



L’espace de cette pièce était réduit. Tout du moins, l’espace qu’il pouvait voir l’était. De la chaise à la porte délabrée devant lui, il y avait tout au plus quatre ou cinq mètres. Seulement, il ne pouvait pas voir la fenêtre derrière lui, tout au plus la visualisait-il mentalement. Même en tournant la tête de gauche à droite, il ne pouvait apercevoir le mur derrière lui et, par conséquent, rien non plus de ce qui pouvait s’y cacher. Depuis quelque temps déjà, il avait l’impression de ne pas être seul dans la pièce. Alors, à tout hasard, il appela.
- Y a quelqu’un ?
- Bonjour, mon ami. Bien dormi ?
Une gifle venue de nulle part fit violemment pivoter sa tête. Il n’avait nul besoin de voir la silhouette qui s’était tenu cachée derrière lui sur sa gauche pour reconnaître cette voix grave et ricanante. Elle fit quelques pas dans sa direction et se plaça au centre des rayons de lumières qui plongeaient plus en avant dans la pièce, juste à côté de la vielle porte, qu’un simple coup d’épaule aurait fait voler en éclat si ses chaînes n’avaient été préalablement ensorcelées par son adversaire avec ses yeux malicieux qui observaient sa proie.

Le coup ne cessait de répercuter dans sa tête. Au lieu de s’estomper, la sensation ne faisait qu’empirer. La voix qu’il avait entendue résonnait infiniment dans son crâne, un peu plus claire à chaque fois, sauf qu’à chaque fois que l’écho répétait la phrase, un nouveau voile, plus coloré, se superposait sur la réalité qui avait émergé du brouillard. Bonjour, mon ami. Bien dormi ?

- Bonjour, mon ami. Bien dormi ?
- Bonjour, mon ami. Bien dormi ?
- Bonjour, mon ami. Bien dormi ?
- Bonjour, mon ami. Bien dormi ?
- Bonjour, mon ami. Bien dormi ?

La sonorité de la voix avait complètement changé, avec une intention plus douce et aussi attentionnée que possiblement ironique. En même temps, elle s’était rapprochée pour provenir d’en face de lui. Et au fur et à mesure que les voiles s’entassaient devant ses yeux, un vert clair olive s’en dégageait, puis un ovale agréable avec un séduisant sourire surligné de rouge à lèvre et de longs et fins cheveux blond très clair que traversait une lumière chaleureuse émergèrent au gré des mots qui semblaient sans cesse se cogner et butter dans sa tête.

La pièce autour de lui n’était plus du tout la même.

**
*

Il devait dormir. Ou il venait enfin de se réveiller. Les deux étaient possibles.

Toujours qu’autour de lui, tout avait changé. La seule chose qui ne l’avait pas était sa position sur sa chaise et les liens qui le tenaient fermement ligoté derrière les pieds et le dossier de la chaise.

Il n’y avait plus rien de lugubre et de sale. C’était au contraire une chambre bien feutré qui baignait dans une belle lumière qui filtrait des voiles de rideau de part et d’autre d’une grande fenêtre, avec un grand lit en baldaquin avec ses étoffes vert olive. Au sol, il n’y avait plus ce béton gris, grossier et rempli d’humidité, mais un joli parquet en bois.

En face de lui se tenait la ravissante silhouette d’une femme qu’il connaissait parfaitement. La taille fine et élancée, avec sa longue robe assortie au vert de la chambre, avec des manches qui s’évasaient largement au niveau du coude, et son diadème de diamant autour de la tête, se tenait sa rivale depuis toujours, la Magicienne des Ombres. Une partie de sa longue chevelure blonde brillait même à travers le soleil qui la transperçait, ce qui renforçait l’idée d’une apparition. Elle possédait réellement une beauté unique, époustouflante, qui avait pour beaucoup valeur du plus puissant des enchantements. Combien de fois en avait-elle usé et abusé ? Bizarrement, elle ne l’avait exercé sur lui. Pourtant, il devait encore y avoir dans cette jolie tête un quelconque mauvais tour qu’il lui faudrait une fois de plus déjouer.

Alors, à nouveau, il chercha à se défaire de ses liens car, aussi forte et puissante était-elle, elle n’avait pas le pouvoir de le maintenir prisonnier. Elle sourit en le voyant se démener de la sorte.

- Oh, tu peux t’amuser longtemps, je crains que, cette fois-ci, tu ne puisses t’en sortir aussi simplement.
- Mais comment est-ce possible. Aucun maléfice n’est assez puissant !
- Vois-tu, comme toi, j’ai obtenu du Maître des Clés un don. En ma présence, tes pouvoirs n’existent plus. Certes, tu les as toujours en toi, ils sont toujours aussi puissants, mais face à moi, tu deviens un homme comme les autres. Bien entendu, dès que je quitterai cette pièce, tu les retrouveras. Intacts.
- Je n’ose imaginer comment tu l’as obtenu !
- Menteur ! Dis plutôt que tu imagines très bien, avoue… Parce que ça t’arrange de le penser. Parce que je suis une femme dotée d’un physique avantageux qui sait séduire les hommes, alors je ne peux avoir d’autres solutions d’user de mes charmes pour obtenir ce que je veux, c’est ça ?
- Pourquoi en serait-il autrement ?
- Tu as raison. Pourquoi en serait-il autrement…
- Tu dois bien t’amuser et te moquer de lui…
- Tu te fais une bien piètre représentation du Maître des Clés. Et si je te disais qu’il a été déçu de la façon dont tu usais de tes pouvoirs ? Et que je n’ai pas eu à le forcer parce qu’il était très heureux de te jouer un tour, qu’en dirais-tu ?

Il n’osa répondre. Peut-être disait-elle vrai ? Mais elle n’était pas comme le Maître des Clés, elle ne disait pas que la vérité. Au contraire, elle excellait dans le mensonge et dans l’art de les revêtir des plus beaux oripeaux de la vérité. Pour elle, vérité et mensonge ne formaient qu’un jeu. C’était à lui de démasquer le contenu de l’un et l’autre. Dans ces cas-là, il fallait partir d’un axiome incontournable et, petit à petit, avancer et dérouler l’ensemble pour en extraire l’unique vérité. Or, à cet instant, le seul fait incontournable qu’il devait accepter, c’était qu’il n’arrivait pas à se libérer de ses chaînes et qu’effectivement, il était probable que la simple présence de la magicienne lui retirait tous ses pouvoirs. En tout cas, ça tenait la route. Seulement, aucune solution ne lui apparaissait pour autant pour se libérer.

Jusqu’à présent, il avait toujours réussi à déjouer les innombrables pièges qu’elle lui avait tendus. Il avait à sa disposition deux pouvoirs : une force insurpassable et la capacité de voir à travers les objets ce qu’on lui cachait. Certains avaient d’autres pouvoirs plus puissants que lui et savaient en abuser. Pour autant, tous le craignaient et se pliaient à sa volonté quand il le désirait. Pour lui, il ne devait pas son ascendant sur eux à ses pouvoirs mais à sa seule personnalité. Il avait toujours su argumenter et convaincre son entourage. Obtenir l’adhésion des autres était comme une seconde nature. S’il n’avait eu ce goût prononcé pour l’individualisme et l’indépendance, il était né pour être un chef, un leader. Il le devenait alors seulement quand il en éprouvait l’absolue nécessité. Aussi, dès qu’il serait libéré, il savait que sa prochaine priorité serait de neutraliser définitivement cette maudite magicienne. Elle avait dépassé les limites, il fallait qu’elle paye. Et avec l’aide des autres, il saurait l’anéantir et le lui faire payer le prix exact.


La magicienne jubilait visiblement à le voir ainsi à sa merci. Elle devait y percevoir une délicieuse ironie qu’il devinait pour partie, mais dont il savait qu’elle ne tarderait pas à lui en divulguer toute la saveur raffinée qu’elle savait dans ce cas déployer.
Devant lui, avec son expression mutine, elle avait vraiment de jolis yeux gris vert, avec dans l’iris quelques lamelles dorées qui leur donnaient cet aspect quasi surnaturel. Pour la première fois, il remarqua combien son maquillage, à la fois discret sur sa peau, et au mascara et au rimmel plus appuyé sur les yeux, avait été disposé pour les magnifier, en accentuant leur intensité et en allongeant la finesse de ses cils pour créer cette image un peu fatale sous des atours promettant d’infinies douceurs.

« Elle est décidément très belle. Mais elle le sait. Tout comme elle sait que je la regarde et que je pourrais tomber sous son charme si elle insistait. »

Il le devina d’autant plus que son sourire était devenu plus enjôleur, presque malicieux. Il remarqua également qu’elle avait parfaitement dessiné ses lèvres d’un rose indien qui se mariait très bien aux teintes de ses cheveux et de sa robe. Et il se fit également la remarque que sa longue coiffure qu’elle avait laissé librement tombé derrière elle, seulement maintenue de part et d’autre de son visage par son diadème, avait un éclat d’un blond encore plus claire que d’habitude, comme si le soleil avait l’avait soudain éclaircie pour lui donner l’image d’un ange.

Pour autant, la pièce autour de lui ne lui disait rien. Alors, pour la première fois, il imagina qu’il put s’agir de sa chambre et qu’il était dans son palais, ce qui expliquait sans doute qu’elle semblait si assurée et impassible. On le disait empli d’enchantements et de maléfices pour quiconque s’y aventurait et qu’il était un immense labyrinthe pour ceux qui y rentraient sans obtenir ce qu’ils étaient venus y chercher. Combien d’amants avaient dû ainsi disparaître ? Il ignorait d’ailleurs si quelqu’un en était un jour sorti vivant… Ainsi, se débarrasser de ses liens n’était qu’une partie du problème qu’il avait à affronter. Peut-être même était-ce le plus simple.
Elle le regardait, les mains pliées sur ses hanches, sur laquelle une natte légèrement plus claire avait été enroulée en guise de ceinture et dont les extrémités tombaient jusqu’entre ses jambes, soulignant sa taille tout en attirant sensuellement l’œil sur l’emplacement du nœud qui reposait non loin du pubis. Elle attendait, visiblement amusée, le moment propice pour dire ce qu’elle attendait de lui, car, après tout, elle ne l’avait pas tué. Il s’agissait du second fait incontournable dont il disposait. Derrière toute cette mise en scène, il y avait un enjeu qu’il ne mesurait pas encore et qui justifiait qu’il n’était à cet instant que prisonnier. Son sourire faisait maintenant adorablement briller ses jolis yeux vert clair. Il devina qu’elle allait parler.

- Tu te demandes sans doute les raisons de ce piège ? Elles sont pourtant très simples. C’est une épreuve pour mesurer ta force. Les chaînes et menottes qui entourent tes poignets et chevilles appartiennent au maître des clés. Dans la boîte en ivoire que tu vois sur ma coiffeuse se trouve une dizaine de clés dont celle qui peut les ouvrir et donc de délivrer.

Immédiatement, il chercha au milieu des fioles et des peignes et autres produits de beauté cette fameuse boîte. Il la connaissait parfaitement. C’était effectivement celle qui appartenait au Maître des Clés. Se pouvait-il qu’il lui ait même confié ses clés ? Pourquoi tant d’acharnement sur lui ? Après tout, s’il était devenu aussi puissant, c’était parce qu’il lui avait confié ses pouvoirs. Pourquoi un tel revirement ? Non, ce devait être une copie de sa boîte ou un enchantement d’illusion. Avec elle, tout était possible. Mais, visiblement, elle n’en avait pas fini.

- Oui, c’est bien la boîte à laquelle tu penses. Et le plus drôle, vois-tu, c’est qu’autour de ton cou se tient également la clé qui ouvre la boite.

Il remua le torse et sentit effectivement un objet bougé sous sa chemise blanche, sans doute attaché autour du cou par un lacet. Il en apprécia presque l’ironie.

- Voilà. L’épreuve est simplissime, non ? Je te propose un piège à la mesure de ta force. Et en plus, avec ou sans pouvoir, tu as tout à ta disposition pour te libérer.
- Oui, mais, tant que tu es présente à mes côtés, si je comprends bien, je n’ai pas accès à mes pouvoirs, donc c’est impossible.
- Qui t’a dit que j’ai du temps à perdre pour te regarder te libérer ou échouer ?
- Mais c’est absurde. Si j’ai mes pouvoirs, alors je n’ai plus besoin des clés… Cela devient ridicule.
- Tu oublies que ces chaînes appartiennent au Maître des Clés. Tu te mesures à moi, mais aussi indirectement à lui. Il m’a confié un secret. Un enchantement qui devrait te donner particulièrement du fil à tordre. J’en suis très fière… parce que j’ai enfin trouvé quelque chose la mesure de ta force.

Il y avait indéniablement quelque chose qui clochait. Ou alors, elle continuait de lui cacher l’essentiel. Pourquoi le Maître des Clés aurait-il d’un coup basculé dans son camp ? Avait-il lui aussi peur de lui ? Il y avait forcément une raison. Jamais le Maître des clés agissait à la légère. Surtout si elle disait vrai et qu’il lui avait confié tant de secrets jusqu’à lui confier ses clés. Il y avait forcément une raison et il devait la connaître. D’ailleurs, il devinait que cela faisait partie du jeu. Il devait tout avoir à sa disposition pour comprendre la situation et s’en échapper, c’était en tout cas tout à fait dans l’esprit tordu de la Magicienne des Ombres.

- Tu as certainement compris mon petit jeu. Puisque rien n’est censé surmontée ta force, que se passerait-il si je montrais aux yeux de tous que je t’ai vaincu par la force ? Moi, une simple femme avec mes muscles ridicules et avec, pour ultime arme, mon sourire ravageur… Terrassé par la force d’un sourire. Quelle image tu laisserais !
- Mais ce n’est pas ton sourire qui me terrasse, ce sont les pouvoirs du Maître des Clés ! Et tu le sais bien ! Et tout le monde le sauras !
- Tu as raison. Oublions mon sourire et changeons légèrement le jeu.
Les traits de cette femme pouvaient très vite basculer, ils gardaient pour autant un irrésistible attrait. Il n’y avait plus de vrais sourires, mais un regard un peu plus vague, plus sérieux, mais avec un léger voile mélancolique qu’il ne lui connaissait pas.
- Tu connais le Maître. Il sait lui aussi fixer son prix.
- Mais, si c’est le cas, pourquoi tu ne me tues pas à la place ?
- Parce que ce serait la preuve que je ne t’ai pas vaincu. Tu ne comprends pas ?
- Non, pas vraiment.
- Pour que je gagne aux yeux du Maître, je dois te forcer à utiliser tes pouvoirs. Mais si tu réussis à te délivrer, alors, c’est toi qui gagnes.
- C’est ridicule !
- Tu ne sembles pas comprendre. Pour te vaincre, je dois te forcer à capituler, à renoncer à jamais à qui tu es et à tes pouvoirs. Si tu parviens à te libérer sans, alors il est possible qu’en renonçant à eux pour me vaincre, tu ne les perdes à jamais. Le paradoxe est savoureux, non ? Pour te vaincre, je dois te forcer à te libérer ! Et pour que tu gagnes, tu dois me prouver que je suis plus forte que toi !

Seulement, il y avait dans sa voix un étrange accent de défaite. Au lieu de jubiler, elle semblait presque paniquer à l’idée de gagner. Jamais il ne l’avait sentie à ce point fragile et vulnérable. Il était possible qu’elle se jouait une nouvelle fois de lui, mais ses yeux tremblaient comme si elle retenait des larmes. Il commençait à comprendre les enjeux. Du moins, les enjeux qu’on lui cachait. Ceux-ci n’étaient plus entre elle et lui, mais entre elle et le Maître de Clés. La négociation avait dû être rude et sans doute était-ce pourquoi la Magicienne des Ombres avait tant obtenu de lui. Mais si le prix avait été aussi élevé, pourquoi avait-elle orchestré ce vaste jeu ridicule ? Se pouvait-il qu’elle n’eût été qu’un pion entre les mains du Maître ? Et ce duel entre elle et lui n’était-il pas plutôt un affrontement à peine voilé entre lui et le Maître ? Les réponses à ces questions, pour l’instant, le dépassaient totalement. Il ne disposait à cette heure que de deux certitudes : les liens qui le retenaient étaient paradoxalement plus forts que lui et la magicienne ne l’avait pas tué. Le reste n’était peut-être que des mensonges ou des embrouilles dont elle avait le secret.

Elle se tut alors comme pour le laisser mesurer l’étendue des enjeux qui l’attendaient. Le silence qui les séparait dura ainsi pendant de longues minutes. Il en devenait si gênant que le prisonnier chercha comment l’interrompre.

- En gros, je perds quoi qu’il arrive…
- Non… Tu n’as rien compris… Rien du tout…
- Et tu vas, comme ça, me laisser tout seul, récupérer mes pouvoirs avec les clés du Destin à portée de main ? Je ne te crois pas. Il y a forcément un piège.
- Et pourtant, il va falloir. Et tu ne crois pas que la situation que je t’ai exposée est déjà suffisamment un vaste piège en soi ? Que te faudrait-il de plus ?
- Je ne comprends toujours pas ce qu’attend le Maître de moi. Ou de toi.
- Tu n’as pas à le savoir pour l’instant. La seule chose qui compte, c’est le défi que je te lance : si vraiment rien n’est plus fort que toi, alors je te défie de te débarrasser de tes liens. C’est tout. Certes, ces chaînes appartiennent au Maître des Clés, mais ces liens sont recouverts de ma seule magie. Je veux savoir si ma magie peut être plus forte que toi. Tu comprends l’enjeu ? Si rien n’est plus fort que toi, alors cela doit être chose facile pour toi. Si tu échoues, tu devras admettre que mon pouvoir est devenu plus fort que le tien. Tout le reste n’a pas d’importance. Seulement, tu as le choix sur la façon de gagner. Tu peux gagner pour que je perde. Ou tu peux gagner pour que je gagne. Je te laisse choisir.

Elle énonçait toutes ces phrases d’une voix presque résignée, comme si le résultat ne l’intéressait plus vraiment. Le seul moment où il avait vu ses yeux briller avait été provoqué par la possible puissance de sa magie. Son attitude commençait d’ailleurs à l’agacer. Pour l’heure, il ne mesurait pas toute la portée de ce qu’elle disait, tout du moins, il saisissait encore mal les subtilités évoquées parce qu’il avait besoin pour cela d’être confronté face à elles, dans le feu de l’action. Mais il se mit à sourire, car la magicienne avait écarté une hypothèse qui, soudain, lui parut avoir un certain charme.

- Et je peux perdre pour que nous perdions tous les deux… Tu sembles l’oublier…
- Oui, tu peux aussi décider de nous faire perdre tous les deux… Mais ça, cela voudrait dire que tu n’as pas compris les vrais enjeux…
- Mais comment puis-je être sûr que tu dis vrai sur toutes ces clés ? Admettons que je renonce à mes pouvoirs pour me libérer, tu es fort capable de te jouer de moi en ne me confiant que des mauvaises ?
- Ah, je vois. Tu te dis que la magicienne joue une fois de plus avec la vérité et les mensonges. Tu veux jouer à ce jeu ?
- C’est que je te connais.
- Tu n’as pas tort. Je te propose ce principe : Si je te dis que cette clé autour de ton cou est la clé qui ouvre la boîte et que je t’affirme que c’est la vérité, alors soit je dis soit toujours la vérité soit toujours des mensonges. Et la seule façon de savoir si je dis la vérité, ce sera d’ouvrir cette boite pour savoir si elle contient la bonne clé. Je te laisse choisir, mais tu sauras alors si je t’ai menti ou pas. Or je te dis que c’est la vérité. Sinon quel serait l’intérêt de ce jeu ?
- Tu ne changeras jamais ! C’est pourquoi je te méprise. Tu ne vois que des jeux et jamais au-delà. Et tu cherches juste à prouver au monde entier que tu es la plus forte. C’est pitoyable.
- Oui, c’est sûr. Toi, tu ne te poses jamais la question. Chaque matin, tu connais la réponse. Seulement, moi, je suis une femme, jamais je n’aurai ta force… C’est dans la nature. Et pour autant, suis-je plus faible que toi ? Le but n’est pas de savoir qui de nous deux est le plus fort, contrairement à ce que tu penses, mais plutôt qui est le plus faible. Et vois-tu, l’un comme l’autre nous sommes pitoyablement faibles. Ça en est même risible !

Les propos de la magicienne firent étrangement mouche. A cet instant, il douta qu’elle mentait. En fait, jamais il ne l’avait sentie aussi sincère. A nouveau, il songea au prix qu’elle avait dû payer au Maître. Sans doute était-il le seul à véritablement jouer, à tenir les tenants et aboutissants de cette mascarade ? Pour autant, il détestait se sentir prisonnier. Et en même temps, la façon de se libérer le répugnait. Ce sentiment était curieusement monté en lui au fil des entrelacs des formulations mystérieuses que la magicienne se plaisait à distribuer. Il y avait autour d’eux une logique à la fois vertigineuse et consternante qui se dérobait à lui à chaque fois qu’elle expliquait un peu plus le jeu qu’elle lui proposait. Tout paraissait limpide sur le moment, puis quelques secondes plus tard, il ne restait en lui que des paradoxes.

Il eut soudain hâte de se retrouver seul face à ce magma d’idées qui bouillonnait et s’entrechoquait dans sa tête. Il se disait que la vérité n’apparaitrait qu’en prenant un peu de recul.

- Un dernier mot. Tu veux vraiment savoir pourquoi je ne t’ai pas tué ? Tout comme moi, tu as besoin de moi pour exister, car nous sommes faits l’un pour l’autre. Et tu le découvriras dans cette boîte quand tu auras compris qui je suis vraiment pour toi.
- Tu mens. Tu ne fais que mentir.
- Oui, peut-être. Mais, moi, je crois que je n’existe que parce que tu existes. Ne trouverais-tu pas effrayant que, sans l’un, l’autre disparaitrait ? Et en même temps, ce serait d’une incommensurable beauté, n’est-ce pas ?
- Tu ne dis que des conneries !
- Oui, tu as raison. De belles conneries. Sur ces mots, je te laisse à ton sort. A toi de jouer.

Quand la porte se referma derrière lui, un immense soulagement l’envahit. Tous ces échanges lui en avaient donné mal à la tête. Et en même temps, il voulait savoir si vraiment il était resté le même. Cela aurait été un nouvel élément tangible pour comprendre et raisonner. Pour ça, il n’avait qu’à contracter ses muscles et briser ses chaînes. Or tout le travail de la magicienne avait été de semer le doute dans son esprit. Et elle y était complètement parvenue.

Il devina combien elle devait sourire derrière la porte à le voir soudain hésiter. Il eut le désagréable sentiment qu’elle avait déjà gagné avant même qu’il ne commençât à jouer. Il y avait un autre élément tangible, sous sa chemise, il y avait bien quelque part sur son torse quelque chose qui ressemblait fort à une clé.

- Résumons : tu es vivant et elle ne t’a pas tué ; la magicienne a trouvé le moyen de t’immobiliser mais tu ignores lequel et tu as quelque chose autour du cou qui est peut-être une clé. Et dans quelques instants, tu sauras si tes pouvoirs sont intacts.

Pour autant, pour la première fois depuis qu’il les avait reçus du Maître des Clés, il redouta de les utiliser comme s’ils avaient désormais le pouvoir de le briser lui-même.

**
*

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il y a 6 ans 11 mois - il y a 6 ans 11 mois #21201 par Leagend7381
Réponse de Leagend7381 sur le sujet Le Prisonnier (1/2)
Je trouve que tu écris avec beaucoup d'intelligence, dans le sens où tu arrive à jouer avec l'intelligence des autres. A de nombreux moments on essaye de comprendre, comprendre la métaphore de la goute d'eau au début, comprendre le jeu et son enjeu, et tu arrive très bien à semer le doute dans cette compréhension. Alors pour répondre à ta question : s'y retrouve-on ? J'ai comprends l'essentiel, la trame, mais comprendre ce qui se passe réellement demande un effort, et c'est ce qui en fait le charme, car ton texte invite à cet effort.
En plus du fait que ton personnage se retrouve prisonnier, et visiblement dans une situation délicate, cette recherche viens donner une autre forme de suspense au récit. On cherche non seulement à connaître mais aussi à comprendre le dénouement.

Pour ce qui est du style je ne pense pas être apte à en juger, du moins précisément. Il y a juste, pour ma part, le problème des "supers pouvoirs", j'ai toujours eut du mal avec les "supers" trucs, je pense que pouvoir est suffisant.

Quelques remarques :

qu’un simple coup d’épaule aurait fait voler en éclat si ses chaînes n’avaient été préalablement ensorcelées par son adversaire avec ses yeux malicieux qui observaient sa proie.


L'enchainement des subordonnées fait buter. Personnellement j'aime bien buter de temps en temps dans le texte, et peut être que cela est fait exprès.

Il n’était pas logique qu’il ne parvienne pas à rompre les chaînes avec ses super pouvoirs. Alors, une idée dans sa tête germa qui pouvait expliquer l’impossible. D’une manière toute simple et finalement tout à fait logique, il se dit que, quelque part, quelque chose l’empêchait d’exercer ses super pouvoirs


Répétition de super pouvoirs

à l’affût du moindre signes


Petite coquille -> moindre signes

Note : je n'arrive pas à insérer un saut de ligne entre le commentaire et la citation

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il y a 6 ans 11 mois #21205 par Vuld Edone
Réponse de Vuld Edone sur le sujet Le Prisonnier (1/2)

Depuis quelques temps déjà, une image floue ne cessait de tourner dans sa tête, comme une goutte d’eau qui infiniment heurterait l’immense étendue d’un lac, avec l’onde de choc qui se répercuterait inexorablement sur la surface parfaitement lisse, avec ses cercles de plus en plus excentriques et frissonnants, à moins que ce ne fût sa tête elle-même qui tournât autour d’une idée fixe, comme si elle aspirait en elle cette même goutte d’eau d’une surface redevenue lisse comme un miroir. Au même moment où il se fit cette remarque, les deux sensations autour de cette gouttelette qui semblait peser si fort sur l’univers se superposèrent dans sa tête et il ouvrit les yeux. Il se sentit encore lourd, très lourd, et si fatigué qu’il aurait immédiatement replongé dans ce même sommeil léthargique, sauf qu’une sorte d’alarme s’était déclenchée en lui et réclamait que son esprit se réveillât au plus vite. Malgré tout, sa nuque tomba à nouveau en arrière, à moitié inerte, dans une trajectoire molle de demi-cercle, un peu comme cette même surface vibrante du lac heurtée par la même petite goutte, puis se stabilisa à peu près à la verticale, en figeant à nouveau le temps et l’espace et toutes les autres dimensions autour de lui.

Non.
Non non non non non non no no nnon non on on on on onon non on on onon nonon et non, on reprend.

"Depuis quelques temps déjà se répercutait dans sa tête une image floue comme l'onde de choc d'une goutte d'eau sur l'étendue d'un lac, à moins que sur cette surface lisse frissonnant aux vagues excentriques ce ne fût sa tête elle-même qui tournait autour et l'y aspirait."
"Les deux sensations sur l'instant, avec un poids égal à l'univers, le ramenèrent à la réalité, yeux grands ouverts."
"La pesanteur dans son crâne, mêlée de fatigue, l'aurait écrasé sans une alarme véhémente qui l'animait tout entier."
"Sa nuque tomba à nouveau en arrière, incapable, pareille à cette même surface vibrante du lac autour de laquelle le temps et l'espace et toutes les autres dimensions autour de lui se figeaient."

Il n'y a rien qui va dans ce paragraphe.
À partir de "...avec l'onde de choc qui..." tu m'as déjà perdu. La répétition de "avec" empire les choses, puis on a un "à moins que" qui expose le narrateur et qui brise donc déjà la narration à peine installée, puis un "comme si" question de bien enfoncer le clou. Rien que cette phrase est déjà un chantier et juste dire "c'est trop long" ne commence pas à en décrire le problème.
Qu'est-ce qui est important ? Qu'est-ce qui ne l'est pas ? Est-ce que l'image du lac est pertinente ? Est-ce qu'on doit retenir qu'il a une idée dans la tête, ou bien le fait que c'est une image floue est prioritaire ? Qu'est-ce que jlksh-
Mais enfin mettons même qu'on remette de l'ordre dans cette phrase, à la suivante on découvre que tout ce pavé était juste là pour nous dire que le personnage se réveille. Sérieux.

Dans des tréfonds de sa tête abimée pareillement aux jachères de son enfance, végétation brûlée aux soleils d'été et qui sur le soir avaient les aspects du métal, brûlait un feu plus terrible encore, à moins que toutes les figures arrachées à ces flammes insistantes, pantins d'air brûlant, ne soient au contraire compressées dans son esprit, attisées par cette même jachère profonde. Jean-Luc se réveilla en sursaut.

Plus jamais ça.
Plus jamais.

Je pense que c'est Impe' qui, voilà des années et des années maintenant, m'avait fait remarquer que je pouvais y mettre tout le drame que je voulais, je décrivais juste un enfant allant à l'école. Peu importe à quel point ton texte peut être philosophique, tu me dis juste que quelqu'un reprend conscience.
Je veux bien croire que l'image du lac aura une raison d'être, elle apparait en début et fin de paragraphe, mais alors pourquoi ne pas faire :

Jean-Luc se réveilla. Dans sa tête, un incendie pareil à ceux de son enfance. Ciel d'un rouge profond. Cimes noires des arbres et des maisons. Et les ombres et les silhouettes comme des braises animées, affolantes. Le bras sur le front, il se laissa retomber en arrière. Le crâne encore battant de sensations, de ces brûlures profondes, de ces faux souvenirs qui jouaient avec sa mémoire et semblaient la réduire en cendres...

On expédie le superficiel (il se réveille) pour concentrer le lecteur sur ce qui compte (ce qu'il ressent) et si ce qui importe est l'image floue alors on expédie également combien sa tête est lourde et l'alarme et tout ça. Pertinence.

Soupir.
Je ne vais pas mentir, j'ai vu trop de fois ce paragraphe dans trop de textes, l'archétype du héros qui se réveille en sursaut, puis la tête lourde, et puis l'alarme et puis tout ça. Ici, il n'y a même pas de variation pour me rappeler à quel point c'est convenu.
J'en suis presque furieux.

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il y a 6 ans 11 mois #21206 par Zarathoustra
Réponse de Zarathoustra sur le sujet Le Prisonnier (1/2)
D'abord tu aurais du lire la version qui est dans la bibliothèque. :oops: Je ne sais plus si j'ai modifié ce passage, mais dans l'ensemble, y a quand même beaucoup de révisions stylistiques et des ajustements dans la trame.

À partir de "...avec l'onde de choc qui..." tu m'as déjà perdu. La répétition de "avec" empire les choses, puis on a un "à moins que" qui expose le narrateur et qui brise donc déjà la narration à peine installée, puis un "comme si" question de bien enfoncer le clou. Rien que cette phrase est déjà un chantier et juste dire "c'est trop long" ne commence pas à en décrire le problème.

Déjà, le fait que tu sois perdu est complètement volontaire. Que le texte saisisse à froid le lecteur est complètement volontaire.
La vraie question n'est pas qu'elle est trop longue, c'est éventuellement comment l'écrire aussi longue pour éventuellement qu'elle passe mieux. J'ai de plus en plus envie de faire des phrases longues. Elles n'agissent pas de la même manière sur le lecteur.
L'idée est vraiment que le lecteur rentre dans ce texte comme en apnée.

Mais enfin mettons même qu'on remette de l'ordre dans cette phrase, à la suivante on découvre que tout ce pavé était juste là pour nous dire que le personnage se réveille. Sérieux

Non, ça ne veut pas uniquement dire ça. On peut passer dessus effectivement sans problème, sauf que... Disons que c'est là pour quelque chose que le lecteur ne peut pas comprendre à ce stade. La seule question pertinente du lecteur serait à ce stade: pourquoi c'est là et pourquoi je le perd avant même de commencer.
Après, il y a certainement d'autres façons de procédés pour faire ce que je veux faire. Mais éventuellement on reparlera à la fin.;)

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il y a 6 ans 11 mois #21207 par Vuld Edone
Réponse de Vuld Edone sur le sujet Le Prisonnier (1/2)
Non non en fait j'aimerais en discuter dès à présent -- ne serait-ce que pour pouvoir me lancer ensuite sereinement dans la suite.

Tu connais mon obsession pour les structures de phrase -- ou comment pousser la morphosyntaxe dans ses derniers retranchements -- donc l'idée de rallonger une phrase volontairement, par effet stylistique, pour provoquer chez le lecteur une attente est un défi exaltant.

D'autant que je vois à peu près ce que tu as voulu faire. Si ton intention était vraiment d'entrer "en apnée" alors l'image de la goutte d'eau sur le lac est bonne -- en supposant qu'elle ait aussi une résonance dans l'intrigue même, mais ça c'est entendu -- et la seule question est formelle.
Nos deux objectifs sont donc, un, de créer de la curiosité chez le lecteur ("Il y a X, pourquoi ?"), et deux, d'emporter le lecteur, de l'obliger à laisser ça derrière lui.

Normalement, le second objectif appellerait une "gradation" allant de phrases longues à des phrases courtes. Le texte "s'accélèrerait" et le rythme du lecteur avec, le forçant à passer de la curiosité au suspens, et donc à changer de focus. Mais. Si on travaille seulement avec des phrases longues alors la réponse est l'élément-pivot qui enchaînerait des propositions au sein d'une seule et même phrase, et ce n'est alors plus qu'une question de disposition desdites propositions.
Mais.
Ta métaphore est celle d'une goutte d'eau frappant une mer plate, avec des ondes excentriques (compliquée par la sensation inverse de la mer avalant la goutte). Et dans l'idéal, la forme devrait refléter cette sensation. Or des phrases longues jouant sur l'alternance de focus aurait plus l'effet de coups de poings pour briser le miroir.

Je te reviens, une minute, je dois tester ça...

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il y a 6 ans 11 mois - il y a 6 ans 11 mois #21212 par Zarathoustra
Réponse de Zarathoustra sur le sujet Le Prisonnier (1/2)
Dans l'Iconoclaste, déjà, je me suis lancé dans les phrases longues, mais cette fois-avec un autre objectif.
Pour ce qui est de l'intention ici, cela me dérange de commencer à donner clairement mes intentions car ce serait déjà dévoiler une bonne partie du fonctionnement du texte. Si tu veux qu'on développe la problématique des phrases, l'Iconoclaste serait plus pertinent car presque tout y est déjà expliqué et c'est vraiment un choix stylistique délibéré. Dans le Prisonnier, il y en a quelques unes, mais beaucoup moins. La seule qui compte vraiment est effectivement celle-là en matière d'intention.

Nos deux objectifs sont donc, un, de créer de la curiosité chez le lecteur ("Il y a X, pourquoi ?"), et deux, d'emporter le lecteur, de l'obliger à laisser ça derrière lui.

Pour ça, c'est OK. C'est effectivement ce qu'il faut réussir avec une longue phrase pour lancer une histoire. Donc ça , on peut en discuter.
Mais si tu veux ou cette problématique t'intéresse, je peux ouvrir un topic avec une phrase ou deux de L'Iconoclaste que j'ai tout particulièrement en tête.

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il y a 6 ans 11 mois #21213 par Vuld Edone
Réponse de Vuld Edone sur le sujet Le Prisonnier (1/2)

À nouveau le parc, et de nouveau ses pensées s'emplissaient de ces remords et ces idées égrenées à la meule du passé, dans un craquement long et lent, ronflement de ses poumons et de sa gorge enrouée, de ces pensées qu'il regardait partir en fumée et qui ne partaient pas, qui s'accrochaient à ses pas avec l'acharnement de l'âge, avec toute la force de la culpabilité. Comme sous le banc le gravier. Devant lui le lac. Il laissait tourner son esprit à vide, le sentait concasser toute la masse de cette folie humaine trop familière, rugueuse et sourde dans la tête, dans le crâne comme dans une presse, jusqu'au bout de ses doigts pour lesquels de telles idées n'existaient pas, et n'existait que la brise du soir, la fraîcheur du lac, le toucher du vieux fer ou de la braise effacée.

Tes phrases -- et ton style -- sont très différentes des miennes. La comparaison trouve très vite ses limites et la taille du paragraphe parle en soi.
Mais il faudra que je m'en suffise.

Je n'arrive pas à écrire un paragraphe à l'image d'une goutte d'eau sur un lac. La structure la plus évidente serait "A B A BB A BBB A BBBB" où l'élément "A" serait la goutte et "B" serait le lac. Mais je n'ai pas pu tester et donc je n'ai aucune idée du résultat. J'ai du mal aussi à utiliser ta narration très posée et descriptive. J'ai besoin d'être... à fleur de peau.
J'ai donc choisi d'écrire un personnage contemplant le lac, et j'y applique -- par réflexe -- l'effacement de ce qui m'importe le moins, c'est-à-dire le personnage arrivant au parc, bouffant sa fumée de cigarette puis gagnant le banc pour s'y asseoir, et la description du lieu. Tout cela est vraiment passé au tamis, il n'en reste presque rien. La forme correspond à peu près au fond, la narration travaille vraiment comme un "craquement long et lent", avec la fragmentation de phrases qui semblent vouloir durer.
Mon problème est qu'ici je fais "avancer" les choses. Je donne tout de suite une accroche, "remords", qui résume par avance tout ce que ce personnage inconnu peut penser. Ensuite l'idée s'égrène, puis part puis, surprise, ne part pas ; puis tourne à vide, puis à plein ("toute la masse"), puis n'existent pas. On ne cesse de changer, de progresser, on renouvelle. Enfin, je file un peu ma métaphore. Elle est assez explicite, avec la "meule", le moulin, mais il n'y a presque pas de "comme / tel / pareillement à", tout est déjà intégré, fusionné.

Ton style diffère largement. Ton paragraphe a une structure... en quatre phrases... qui ne reprend pas vraiment d'image. L'articulation vers la fin, en "encore... sauf que... malgré tout..." est particulièrement étrange. La première chose à faire serait vraiment de retravailler le paragraphe pour lui donner la forme... d'une goutte d'eau frappant le lac.
Ensuite, il n'est peut-être pas pertinent, dans ton cas, de faire "avancer" les choses. Le plus logique serait de placer l'ouverture des yeux dès le départ, pour s'en débarrasser, mais on peut aussi en faire la goutte au centre des cercles. En somme, pas vraiment d'accroche, mais la répétition d'une même idée au fil d'un long développement. Ce qui appellerait un leitmotiv, ou au moins une structure récurrente -- et clairement mise en scène comme telle. Tu peux te permettre de faire stagner si cette stagnation elle-même est pertinente...

Je pense que la première chose à faire serait vraiment de réécrire ce paragraphe en cherchant à lui donner l'apparence de la goutte d'eau.

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il y a 6 ans 11 mois - il y a 6 ans 11 mois #21214 par Zarathoustra
Réponse de Zarathoustra sur le sujet Le Prisonnier (1/2)
En fait, pour que ce paragraphe soit cohérent avec ce que j'ai dans la tête, il faudrait qu'il y ait une ou deux phrases avant qui parle du vide. Un grand écran noir lumineux. De ce grand écran noir il y aurait des signes qui apparaîtraient. Puis il y aurait des signes qui troubleraient cette surface et on verrait cette image de la goutte d'eau qui la troubler. Pour tout te dire, il faut que ce soit et cela reste un espace mental.

Ton paragraphe est littérairement meilleur. Mais, j'ai envie qu'il se passe une sorte de basculement qui implique en même temps de perdre le lecteur. A dire vrai, je ne sais pas si c'est intelligent de ma part de le vouloir, surtout sur un début de texte, mais je vois ce texte comme ça. Le lecteur rentre dans le texte, et à peine commence-t-il il se sent sous la ligne de flottaison et perdu. Et quand il reprend contact, il est passé à un autre état de conscience parce que la phrase longue l'a obligé à un niveau de concentration plus fort. Le risque bien sûr est qu'il zappe. Mais je me dis que sur un début de texte, le lecteur n'est pas encore émoussé et à son potentiel d'attention à peu près intact. Le risque est plus qu'il n'aille pas plus loin. Mais je me dis aussi que tout ça reste un peu mystérieux et qu'on peut avoir envie de savoir où je voulais en venir.

PS 1: c'est marrant comme on est différent toi et moi. Moi j'ai besoin d'avoir une vue d'ensemble avant de venir sur les détails, parce que je me dis toujours que je peux fort bien louper le coche si je ne l'ai pas. Toi, tu fonctionnes vraiment à l'opposé. Tu avances étape par étape et tu peux bloquer sur l'une d'elles parce qu'elle peut briser l'édifice en train de se construire. Moi pas. Au pire je la mets de côté pour y revenir après. Et du coup, j'apprends à travers toi à mieux comprendre un fonctionnement qui n'est pas le mien.

PS 2: Par contre, dès que tu en auras fini avec la première phrase, lis plutôt le texte de la bibliothèque. Celui-là était un premier jet avec pas mal d'approximations (donc si tu t'arrêtes déjà là, dis-toi qu'il y e aura plein :laugh: ). Le seul intérêt qu'il y aurait, ce serait que vous regardiez l'évolution entre les deux textes ou éventuellement comment je travaille dans la matière, si vraiment ça vous intéresse. D'ailleurs, je peux également donner mon plan de départ et comment je l'ai modifié (mais pas tant que ça) parce que, pour une fois, je l'avais tapé et je l'ai gardé car j'ai tendance à travailler mes plans sur papier et, quand je le tape, je l'efface au fur à mesure que je le traite.

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