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Nathaniel, Mac Manus et Gidéon arrivèrent enfin devant le repaire. Durant tout le trajet du retour, personne n’avait prononcé le moindre mot, chacun était perdu dans ses propres pensées. Quand Henri Drake leur ouvrit la porte, il s’exclama :

- Eh ben, vous en faîtes une tête ! C’est si grave que ça ?

- Tu crois pas si bien dire, répondit Nathaniel, lugubre.

Une fois descendus aux sous-sols, ils informèrent Fenster et Théoren de la nouvelle. Le halfling fut tellement surpris qu’il en laissa tomber sa fourchette dans l’assiette remplie de victuailles posée devant lui. Décidément, les choses avaient l’art de se compliquer toutes seules. Pourtant, ils devaient se décider sur ce qu’ils allaient faire. Gidéon annonça d’emblée qu’il ne voulait pas être mêlé à ça mais Nathaniel lui fit justement remarquer qu’il n’avait pas le choix. D’ailleurs, aucun d’entre eux ne l’avait.

 


 

- C’est incroyable ! Je connais Marienburg comme ma poche et pourtant je suis sûr de n’avoir jamais vu cette demeure auparavant, murmura Nathaniel.

Devant le petit groupe se dressait une bâtisse en pierre qui semblait tout droit sortie d’un autre âge. Le lierre avait progressivement envahi toute la façade telle la mousse sur un rocher. Pourtant ce lieu n’était pas abandonné, comme en témoignait l’éclat d’une lampe à une fenêtre du deuxième étage. Après que Gidéon ait procédé à une inspection magique du bâtiment qui n’avait rien signalé d’anormal, Fenster avança prudemment vers la porte, McManus sur ses talons, prêt à agir en cas de coup fourré. Personne ne voulait prendre de risque. Il avait déjà été assez difficile de parvenir jusqu’au lieu de rendez-vous sans se faire repérer par le guet. Le Tiléen porta la main à la poignée en retenant son souffle. Aucun des voleurs ne respirait librement, la poitrine enserrée par l’appréhension. A son grand étonnement, la poignée pivota, entrebâillant la porte de quelques pouces. Fenster jeta un regard interrogateur à ses compagnons. Il se décida finalement à pousser un peu plus la porte. Toujours aucun signe de vie. Il pénétra alors dans la maison en faisant signe aux autres de le suivre. Les six entrèrent en prenant bien garde de ne pas faire le moindre bruit, comme s’ils venaient de violer quelque sanctuaire sacré. La porte claqua d’un coup sec et tous sursautèrent.

- Vous êtes très ponctuels, messieurs, et c’est une qualité que mon Maître apprécie particulièrement, fit une voix qui venait du haut des escaliers.

Un léger accent donnait à cette voix des intonations nasillardes.

- Mais je vous en prie, entrez donc.

- T’es qui toi ? vociféra Mac Manus.

- Je suis celui que vous cherchiez.

- Darkholme ? hasarda Henri.

L’homme hocha la tête. Il en fallut pas plus à Mac Manus pour dégainer son arme et pointer le canon sur l’ombre qui se tenait en haut des escaliers.

- Donne-moi une bonne raison de ne pas te faire sauter le caisson tout de suite !

- Je comprends votre colère, Monsieur Mac Manus, mais le petit test de la taverne était nécessaire pour mon employeur...

- Vous parlez du Tribun, n’est-ce pas ? intervint Nathaniel.

- C’est exact. Je crois qu’il est inutile que je vous en fasse la présentation.

- C’est qu’il nous menace cette enflure !

- Du calme Mac ! tempéra Fenster. Le tuer nous apportera rien si ce n’est des ennuis supplémentaires.

- Vous devriez écouter votre ami, Monsieur Mac Manus. Ecoutez plutôt ce que j’ai à vous dire...

Pendant une seconde, Nathaniel crut que Mac Manus allait vraiment tirer. Pourtant, ce dernier désarma le chien de son pistolet et le rangea dans son manteau. Mais si un regard pouvait tuer, Darkholme serait déjà six pieds sous terre. Le petit groupe suivit leur hôte qui les guida jusqu’au salon. Les murs étaient recouverts d’une fine étoffe rouge qui mettait en valeur les nombreux tableaux accrochés ici et là. Un mobilier de facture elfique décorait la pièce de façon exquise. La décoration dans son ensemble devait coûter une petite fortune en couronnes sonnantes et trébuchantes. Théoren, qui suivait jusqu’à présent sans un bruit, tentait de refreiner sa furieuse envie de faire main basse sur quelques objets d’arts de valeur. Une fois tous installés, Darkholme prit la parole :

- Si vous êtes ici tous les six, c’est parce que mon Maître a un "travail" à vous confier. Un défi à la hauteur de vos compétences. Votre réputation dans vos domaines respectifs vous ont tout naturellement désignés pour mener à bien cette mission.

- Pourquoi devrait-on effectuer ce contrat pour ton patron ? dit Fenster. "Je lui dois rien moi."

- Mon Maître est prêt à vous verser une somme considérable en guise de rétribution si vous accomplissez votre tâche.

- Et si on est pas intéressé ? lança Mac Manus.

- Les conséquences pourraient être... fâcheuses. Mon Maître ne tolère pas les refus.

- C’est pour toi qu’elles vont être fâcheuses si tu continues !

- Une bâtisse dans le quartier des Ombres de la cité de Nuln.

- Qu’est-ce que t’as dit là ?

- Vous m’avez parfaitement entendu, Monsieur Mac Manus. Un terrible accident pourrait ravager l’orphelinat. Tant de vies innocentes qui partent en fumée. Ce serait du gâchis, non ?

Nathaniel comme ses compagnons ignorait de quoi parlait Darkholme mais Mac Manus, lui, semblait bouleversé.

- Et vous Monsieur Théoren, votre si paisible village du Comté de Fleury pourrait subir également le même sort.

- Pour Monsieur Fenster, ce sera sa famille qui est toujours en Tilée. Votre vieille mère, vos deux frères et leurs enfants, ils seront tous tués.

- Votre fils occupe vos pensées en ce moment, n’est ce pas, Monsieur Drake ?

- Ordure ! Touchez-le et... " Mais Henri ne termina pas sa phrase.

- Monsieur Gidéon semble lui aussi préoccupé par le sort de sa sœur, on dirait.

Le sorcier ne broncha pas, le regard hébété.

- Je crois qu’on a tous compris le message, Darkholme." le coupa Nathaniel. Qu’est-ce que vous attendez de nous ?

- Que vous vous rendiez tous les six sur Sartosa près des côtes tiléennes. Sur cette île, vous devrez récupérer un objet bien particulier : l’œil de jade. Nous savons de source sûre qu’il se trouve dans les coffres personnels du gouverneur Despera. Vous n’avez pas besoin d’en savoir d’avantage pour le moment. Sur place, un de nos agents vous donnera toutes les précisions nécessaires. Je ne vous cache pas que cette mission est extrêmement dangereuse et que vous n’en ressortirez certainement pas tous vivants...

-Sartosa ! C’est pas vraiment la porte à côté, fit remarquer Gidéon.

- Vous embarquerez dans deux jours sur le "Briseur d’écumes". Je vous garantis que vous ne verrez pas le temps passer. Oh, j’oubliais, la Guilde des voleurs à laquelle vous appartenez Monsieur Nathaniel, ne doit en aucun cas être informée de cet entretien.

- Au fait, Monsieur Mac Manus. Pour que les choses soient tout à fait claires...

Darkholme se posta devant Mac Manus, les bras en croix.

- Allez-y, tirez !

- Faut pas me le dire deux fois !

La détonation retentit mais le projectile n’atteignit jamais sa cible. Un mur d’énergie bleu crépita, stoppant la balle à quelques centimètres de la tête de Darkholme. Mac Manus se retourna en direction de Gidéon d’un air interloqué. Le magicien semblait tout aussi surpris, il n’avait absolument rien détecté d’anormal chez Darkholme !

- Je crois vous avoir tout dit et je ne vous retiendrai pas plus longtemps. Bonne chance Messieurs et adieu.

- Au revoir me semble plus approprié fit Nathaniel en tournant les talons.

 


 

- La guilde des voleurs ne peut vraiment pas intervenir ? demanda Henri, encore occupé à dresser la liste de son équipement.

- Tu as entendu Darkholme, je ne peux prendre ce risque. Du moins, pour l’instant.

- Sartosa n’est pas vraiment un lieu de vacances. Il va falloir qu’on reste sur nos gardes et que l’on veille les uns sur les autres." ajouta l’artificier en rangeant une arquebuse dans son étui de cuir.

Fenster, qui connaissait le mieux cet endroit, l’avait dépeint comme un repaire de parias et de marginaux. Des criminels en cavale venaient des quatre coins du globe s’y réfugier. Aucun représentant de l’autorité n’était assez insensé pour se rendre là-bas. Surtout depuis que l’île était sous la coupe du "Gouverneur" Despera. "Mais si on connaît les règles élémentaires, on peut survivre quelques jours", ajouta Fenster. "Et quelles sont ces règles ?" demanda Gidéon. "Etre toujours sur ses gardes. Ne se fier à personne. Et ne pas avoir une sale gueule comme la tienne !"

 


 

Aucun des voleurs ne quitta le repaire des abattoirs jusqu’au jour du départ. Les préparatifs de cette grande expédition furent minutieux. Si la mission devait s’avérer périlleuse, ils n’auraient pas le droit à l’erreur et une bonne préparation était indispensable. Après une interminable attente passée à jouer à cartes ou à entretenir ses armes, ce fut le jour du départ. Le navire les attendait à la tombée de la nuit.

- Bon, c’est l’heure..." annonça Nathaniel.

Les six hors la loi sortirent de la bâtisse, le cœur un peu serré par l’appréhension. Alors qu’ils étaient devant la porte, Gidéon décréta avoir oublié quelque chose à l’intérieur. "Un truc vraiment important" selon lui, "Je reviens de suite". Et il retourna dans le bâtiment. "Pff, s’ils croient que je vais aller dans ce coin pourri, ils se fourrent le doigt dans l’œil. Se faire tuer pour une babiole, très peu pour moi !". Ce ne fut qu’au moment où il enjambait le rebord de la fenêtre qui donnait dans l’arrière cour qu’il se retrouva nez à nez avec un Mac Manus tout sourire.

- Tu te trompes de chemin, je crois. Les autres nous attendent de l’autre côté de la rue...

- Oups, je suis si distrait parfois.

- C’est pour ça que je veille sur toi. Ca sert à ça les amis, non ?

Le magicien fit demi-tour en maugréant.

Ils arrivèrent sur les quais en pleine effervescence. Malgré l’heure tardive, les marins s’affairaient encore sur le pont à transporter du matériel et autres vivres à bord de leurs navires tandis que des passagers en quête d’une auberge où passer la nuit arpentaient le ponton.

- Le "Briseur d’écumes". On dirait que nous voilà arrivés.

Nathaniel s’engagea sur la passerelle qui menait à bord, bientôt suivi par ses compagnons.

- Halte-là ! Où est-ce que vous croyez aller comme ça ?

Un nain se dressait devant le petit groupe, agitant un crochet menaçant et les fusillant de son œil unique. Nathaniel s’apprêtait à se présenter quand quelque chose détourna l’attention du nain.

- Crevures d’orques ! Un jeteur de sort sur mon navire !" Vociféra-t-il en crachant aux pieds du magicien.

Gidéon déglutit péniblement, surtout que le crochet de métal s’était sensiblement rapproché de son visage. Tout ce remue-ménage avait fini par ameuter le reste de l’équipage qui s’avéra, à la grande surprise des voleurs, constitué essentiellement de nains.

- Je crois qu’il y a un malentendu..." bredouilla Gidéon.

- Un certain Darkholme nous envoie, ajouta Henri.

- J’connais aucun Darkholme ! Fichez-moi le camp avant que j’demande à mes gars de vous trouer la peau !

Fenster porta lentement la main sur la garde de sa rapière alors que Mac Manus recula de deux pas, prêt à faire parler la poudre.

- Ca va Gorak, arrêtes ton cirque.

C’était Nathaniel qui venait de s’avancer au devant du nain, en affichant un grand sourire.

- Pas moyen de se marrer avec toi, Nathan..." Et le vieux nain éclata de rire, accompagné de ses matelots.

- Tu connais ce type ? demanda Théoren.

- On a travaillé ensemble une ou deux fois. Pas vrai Gorak ? Mais à l’époque, tu n’avais pas encore ce rafiot.

- Ce "rafiot" comme tu dis, est un bijou de mécanique naine. Il n’a pas son équivalent sur les eaux, de la Mer des Griffes jusqu’au Grand Océan Occidental. Et il va vous conduire tous les six en Tilée en moins de temps qu’il en faut pour le dire....

Le nain jovial fit signe aux voleurs de le suivre à bord au grand soulagement de Gidéon qui recommençait à peine à respirer librement, mais ses jambes étaient encore flageolantes. Les autres voleurs s’en voulaient de s’être fait avoir de la sorte et goûtaient peu à l’humour de ces nains, mais la perspective d’avoir éviter l’affrontement leur redonna un semblant de bonne humeur. Même si maintenant, leur périple commençait à peine....

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