Etoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactives
 

Amgear laissait son esprit dériver, parcourir les chemins tortueux de l’environnement psychique, s’attarder près des corps autour desquels flottait une résonance dans le Warp. Une fois de plus, il venait de délaisser ses soucis avec son enveloppe charnelle. À présent, sa psyché libre volait sans contraires. La seule peur qui tenaillait la conscience de l’eldar était que son corps fut détruit, alors son âme se perdrait dans les limbes du Warp, à la merci des démons. Mais soudainement, il perçut une vibration warpienne plus puissante que les autres. De chaque cadavre, humain, eldar ou ogryn émanait un signal psychique plus ou moins fort, signe que quelques parcelles d’esprit restaient toujours accrochés à leur incarnation physique.

Un point dont débattaient encore quelques obscurs théologiens humains. Une affirmation depuis longtemps prouvée pour les eldars et les nécromants qui se servaient de cette particularité spirituelle, les un pour honorer leurs morts par delà la Moelle spectrale, les autres pour ramener à la vie les défunts.

Mais, lentement, oubliant le monde, ses dangers, ses peurs et ses malheurs, Amgear se laissa guider par l’appel. Telle une feuille emportée par un cours d’eau, il avançait, traversant des corps sans vie mais pensants, flottant entre deux mondes, il suivait son sens psychique. Seule l’idée que les Pierres d’Esprit de Therver et Fiolas restent dans ce vaisseau, entourés par de sombres cauchemars, des abominations psychiques et des rêves de luxure, l’avait empêché de se laisser aspirer par un cocon pour y mourir sans souffrances.

À présent, il cherchait, grâce à leur résonance particulière les Pierres. Du moins les cherchait-il avait de ressentir cet appel puissant et indomptable. Enfin, après avoir traversé la salle, il s’arrêta. L’Appel n’avait jamais été aussi puissant.

Durant sa vie, il avait envoyé, reçu, déchiffré des messages psychiques venus des confins de la galaxie, et, à chaque fois, l’Appel avait été faible, intense ou urgent selon les circonstances. Mais jamais, Ô grand jamais, il n’avait été pareil à celui-ci. Malgré ses dons innés, malgré ses talents développés par des années d’études et d’exercices, malgré son essence psychique, Amgear commençait à souffrir. Il avait besoin de trouver la source de l’Appel, pour pouvoir se libérer, pour que cette impression de déchirement intérieur disparaisse, pour être délivré de ce calvaire mental, cette obsession intérieure qui l’empêchait de se concentrer, de penser. Partout ou se posait son regard, il ne voyait que des morts, des visages figés en une mosaïque de douleurs, de peurs et de stupeurs, des corps distordus par la souffrance et des yeux lançant un dernier appel à l’aide.

Finalement, Amgear leva la tête et vit l‘objet de ses souffrances. À une dizaine de mètres au-dessus de lui, enfermé dans un cocon translucide, était Therver. Le choc qu’il ressenti en voyant ainsi le corps d’un de ses frères figé dans une douleur évidente mais muette le fit chanceler. Son esprit recula, assailli par des images de souffrance, de haine et de mort. Ses pensées étaient dans un état proche de la folie ; rien n’allait, la vie n’était qu’une succession de malheurs qui le minait un peu plus à chaque fois. Amgear n’en pouvait plus toutes ses vies qui reposaient, ou qui avait reposé sur ses épaules ; cette guerre qui lui donnait un effroyable sentiment de culpabilité ; sa propre vie lui pesait. Alors qu’il était seul au milieu d’un vaisseau ennemi ; que la mort approchait, il avait encore et toujours des responsabilités. Chaque seconde qui s’écoulait lui donnait l’impression de perdre son temps. Il devait faire, quelque chose, quelque chose pour Therver, quelque chose pour chacun des corps qu’il voyait. Même dans son irresponsabilité, il devait aider les autres, les sauver ou du moins sauver leurs âmes. Il brûlait d’envie de prendre la souffrance de l’univers sur ses épaules mais le poids de cette responsabilité, il le savait, le tuerai.

Alors qu’il explorait sa personnalité un lointain souvenir lui revint en mémoire. Vestige de ce qu’il avait été il y a des siècles...Lentement, avec douceur, Amgear se laissa glisser dans un courant psychique qui le ramena vers son propre corps. Mais, en allant plus loin, je ne retourne pas juste vers mon physique ; plutôt vers mon passé, vers mes racines que j’ai oubliées. Pensa-t-il avant de plonger dans les recoins poussiéreux de sa mémoire...

 

La souffrance...La douleur...À se demander si ce n’est pas la chose la présente dans les mondes. Elle parcourt mon corps, me fessant grincer des dents à chaque mouvement. Mais j’en ai vus des pires. L’odeur d’antiseptique me pique le nez pendant que j’appelle l’infirmière androïde. Quelques secondes plus tard apparaît une jeune eldar.

-Monsieur ?

-Racontez-moi encore comment suis-je arrivé ici...

-Veuillez patienter un instant. Chargement des données non-médicales. Entrée dans le mode psychologique. Dossier Am.Ly. chargé. Fait une voix qui a perdu toute trace de vie.

J’attends patiemment que la machine ai fini d’effectuer les préliminaires. Quelques secondes plus tard une voix féminine résonne de nouveau dans la pièce blanche. Tout en écoutant une histoire que j’ai entendu une bonne dizaine de fois je laisse glisser mon regard jusqu’au hublot. Par delà l’épaisse couche de psycho plastique scintillent les étoiles. Et, tout en bas, à des milliers de kilomètres, tourne Vasur, mon monde natal.

-...Vasur est votre monde d’origine. Monde découvert suite à la Chute par un vaisseau d’encensement en provenance d’Iyanden. Le Vaisseau Monde abritait alors le triple de sa population actuelle. Mais plusieurs eldars ne s’accoutumant pas à une vie dans l’espace ; même sous gravité AC [1] ; décidèrent de partir.

Faits connus, faits appris depuis l’enfance. Je somnole en écoutant cette voix monocorde qui ramène encore une fois à mon esprit des souvenirs profondément enfouis. Souvenirs d’un ciel d’azur et d’une mer bleue glacée. Mémoires d’une forêt d’arbres verts et non gris argenté. D’une montagne de terre et non de verre. Rappels d’un air aux senteurs humides et sauvages. Pas stériles et recyclées.

-...sous la menace constante des tribus nomades orkoïdes vivant dans les planètes du système alentour. Bien qu’ignorant tout des méthodes de voyages interstapiaux par l’intermédiaire du warp, les orks attaquèrent maintes fois Vasur et beaucoup de colons tombèrent en défendant leurs terres.

Souvenirs des traînées vertes et bleues des combats spatiaux. Des tirs assourdissants des énormes batteries aériennes. Des faisceaux élégants des armes des Chevaliers. Des armes primitives des envahisseurs. De l’horreur des combats barbaresques. De la mort. De la douleur. Du mal.

-...C’est lors d’une incursion massive des orks que votre génitrice a été tuée. Les navettes d’atmosphère se sont posées à proximité d’Atlan. Les ont combats ont fait rage pendant plusieurs jours vasuriens pour que soit finalement repoussés les envahisseurs. Beaucoup, un fois de plus, sont tombés. Explosions qui déchirent le ciel et éventrent la terre. Folie et haine des êtres intelligents. Cris et tirs qui résonnent dans les rues à ciel ouvert.

-...mère était parmi eux.

Visages torturés qui hantent mes rêves. Combats qui décident du destin. Cris qui marquent la fin d’une ère. Émotions qui implosent. Rêves détruits. Mort. -...Les sauveteurs vous ont retrouvé pleurant sur le cadavre de votre génitrice.

Heures de tristesse et de chagrin. Douleur intérieure qui ne peut être exprimée. Impression d’irresponsabilité ; ou de ne pas avoir été là.

-...après plusieurs semaines de soins intensifs on a pu vous placer en psychologie et à présente, vu que nous arrivons en vue d’Iyanden ; vous allez pouvoir faire ce que bon vous semble.

Rien, le néant. L’obscurité d’une cuve nutritive. L’oubli grâce aux tortures psychologiques. Et la rencontre avec l’androïde. Des heures passées à tout réapprendre ; à se souvenir de sa vie ; à se rappeler des instants de pur bonheur tout comme ceux de ténèbres absolues.

Au-dehors le vide intersidéral a laissé place à la cale d’Iyanden. Une légère secousse fait tanguer le Vaisseau-hôpital tandis qu’il traverse le champ de force qui sépare Iyanden de l’espace. Enfin l’appareil s’immobilise et en même temps, je ferme les yeux...

 

Des centaines d’étoiles filantes parcourent les couloirs translucides tandis qu’au dehors scintille la nébuleuse de Krimm. La lumière bleutée pénètre à flot dans ma chambre de convalescence. Tandis que le son régulier de la cuve qui témoigne de mon état de guérison parvient à mes oreilles, déformé par le liquide qui m’entoure, j’entends ma mère. Je l’entends pleurer, rire et chanter. Parler, bavarder et dialoguer. Je l’entends vivre. Puis je l’entends mourir. Crier, souffrir et agoniser... Tous ces souvenirs qui me reviennent encore une fois en tête. Quelle ironie ! Vivre l’agonie d’un autre alors que l’on est soit même aux limites de la mort. La multitude de bruits qui provient d’Iyanden me tire subitement de cette rêverie cauchemardesque. Ainsi, assis nu dans un bac ovale, tel un enfant replié dans le ventre de sa mère, je prends ma décision. Je lutterai. Combattrai le Mal, protègerai mes idéaux et sauverai les innocents. Je serai Gardien... Gardien...

 

"Je serai Gardien"...Ces mots résonnaient encore à l’esprit d’Amgear lorsqu’il s’éveilla. Ses yeux s’ouvrirent tout comme son esprit, et, il eut enfin le sentiment d’être libre. Libéré des contraintes, des devoirs, des ordres, des croyances, des idéaux et des principes.

 

Libre

 

Libre comme l’air.

 

Amgear se leva et inspira profondément. Face à lui se trouvait un cocon vide. Le premier qu’il voyait. Le seul qu’il verrait. Amgear se laissa glisser dans l’amas de fils qui l’absorba docilement. À son tour, il se mit à agoniser, un sourire aux lèvres...

 

Fin

"Liberté, j’écris ton nom"


[1] Avant la Chute. Gravité générale des mondes eldars avant l’apparition de Slaanesh et la destruction de ces mondes. Équivalence Impériale : 0.7 Grv. Soit une peu moins de forte que Terra (1 Grv).

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