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Voilà Renart vite rentré ! Le roi ne devait pas avoir d’affaire bien importante. Derrière ses courtines et ses fossés le goupil retrouve sa femme et ses enfants. Il fait poster des gardes avec ordre de tirer des flèches : qu’on ne vienne plus le déranger !

Déjà la nouvelle est parvenue à la cour, comment Renart a humilié Brichemer. La réponse ne se fait pas attendre, un nouveau messager se présente :

« Holà, Renart ! Retenez vos archers ! »

Roënel s’est réfugié derrière son bouclier, il ne s’attendait pas à un tel accueil ! Les pennes ont traversé le bois. Mais quand Renart le reconnaît il comprend que même mille volées ne retiendraient pas ce baron.

« Mon bon seigneur ! » ment Renart, « si je m’attendais ! Comment va votre dent ? »

« Descends voir comment elle va ! Inspecte même la gorge ! Le roi est furieux, il te demande à l’instant ! Viens ou je t’étrangle et je mange les tiens ! »

En voilà un qui ne plaisante pas ! Le baron montre les crocs, il n’a pas oublié Renart. Ça aucune chance !

Tout cela convient à Renart, qui n’est jamais assouvi de traîtrise. Il fait patienter le chien le temps de remplir son sac pour le voyage. Oh, pas grand-chose, ils n’iront pas loin. Puis il se poste au ventail et lui répond :

« Vous me tendez un piège ! Si je m'en remettais à vous, vous auriez tôt fait de me briser l'échine ! »

« Je viens au nom du roi ! »

« N'importe qui peut le prétendre et s'en tirer ! Mais si vous voulez que je vous croie, il vous faudra prêter serment ! »

« Tu n'as pas plus d'estime pour la parole donnée que pour le bien des autres ! »

« Au contraire, je ne chéris rien plus ! Remettez en question mes mérites mais reconnaissez les vôtres, car vous êtes juste et droit ! »

Ce n'est pas un petit défaut que de donner foi à de telles paroles ! Contre le serment, il n'y a rien à reprocher, Roënel est trop heureux de s'innocenter à si bon prix. Il est d'accord et tous deux de s'entendre sur les modalités. Renart rejette tous les lieux sacrés jusqu'à ce que le chien, las de discuter, l'exhorte à choisir.

« Entendu ! Savez-vous, sire, que mes parents sont morts jeunes et dûment enterrés côte-à-côte tout près d'ici ? Prêtez-y serment et je vous croirai ! »

Le baron grommelle mais qu'y faire ? Bon gré mal gré ils vont vers la vigne où sont prétendument les tombes. Ce ne sont que deux tas de terre que les vilains ont piégé. Un lacet attend les visiteurs ! Ils arrivent devant la sépulture improvisée, qui ne paie pas de mine, mais Renart déjà de s'apitoyer :

« Quel triste sort que le leur ! »

Les tombes ne valent pas grand-chose mais Renart se lamente, à l'entendre sa famille fut victime de tous les maux : les voleurs, les menteurs, les traîtres, les meutes, les odieux, la tempête et les cieux, ce sort est si cruel qu'il s'arrache des larmes. Le seigneur à ses côtés ne peut y rester indifférent.

Face à ce théâtre il est persuadé que ce sont bien là les tombes des parents.

« On n'a pas connu sort plus terrible même dans les chansons » achève Renart en train de se pâmer.

« C'est bien ! Assez ! Je vais le donner ce serment, je parlerai comme il convient et je toucherai la terre de ma patte ! Tout pour que tu cesses de geindre ! »

Un rayon de joie illumine le faciès du goupil, de savoir que Roënel aura bientôt un pied dans la tombe. Il accepte bien volontiers, enfin le baron s'avance et se pose près des tas de terre. Le lacet est bien caché et lui trop occupé à son serment ne le remarque pas. Pourtant il est juste à côté !

« Moi, Roënel, qu'on considère vaillant et sage... »

Il pose la patte, touche la terre, et Renart d'être terriblement déçu ! Puisque la patte n'est pas dans le lacet, le voilà obligé d'écouter le serment. Son visage affligé est fixé sur la patte si mal avisée d'avoir fait un écart : que ne donnerait-il pas pour la déplacer d'un pas ! Mais voilà Roënel qui finit son serment.

« Roënel, n'oubliez-vous rien ? »

« Quoi donc encore ?! »

Roënel a fini son serment, il ne cache pas son mécontentement. Que Renart le suive à présent, ou il pourrait bien mordre ! Ce dernier tremble à la blancheur des crocs. Cependant il ruse et parfait son dépit.

« De quelle famille êtes-vous donc pour ignorer les attaches qui nous lient à nos parents ? Car si j’ai eu un père, j’ai eu une mère également ! Montrez que vous ne la dédaignez point, ou c’en est fait de notre amitié ! »

Le goupil a tiré une corde sensible, puisqu’un chien n’a que le souci de ses liens familiaux. Il accepte en grondant de recommencer le serment, cette fois, sur le tas de terre désigné. Trop tard pour s’en rendre compte ! La patte touche à peine le sol qu’un lacet l’enserre et l’emporte.

En un instant de diablerie Roënel se retrouve pendu par la patte, pris dans le piège des vilains ! Impossible de décrire sa rage ! Ses aboiements se répercutent dans toute la vigne et au-delà, il s’agite à s’en arracher le poil.

« Cessez ce vacarme, voyons ! » Le tance Renart. « On piège la tombe de mes parents : je suis encore le plus à plaindre ! Maintenant descendez et finissons ce serment. »

Autant demander au muet de parler ou au fou d'être sage, face à cette colère le baron roux conclut n'avoir plus à suivre le messager.

« Aussi je vous laisse et m'en retourne à Maupertuis ! »

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