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Nathan reconnut le livre sans titre détenu par le devin. Il hocha la tête, un juron entre les lèvres. Peu connaissaient cette histoire, celle du livre retrouvé dans le Palace des Pauvres, voilà longtemps, et où des magiciens auraient écrit la magie. Aucune autre expression n'existait pour l'expliquer, sinon que la magie y avait été mise par écrit, sur des pages vides. L'herboriste ne doutait pas que c'était ce livre car aucune magie ne s'y attachait jamais, malgré les filaments blanchâtres qui s'attachaient minuscules aux vêtements de son porteur. Il le devina aussi au regard que lui jeta ce dernier.
- Laisse-moi deviner : il n'est pas à vendre.
Il vit le devin ramener l'ouvrage sous des habits en loques. Ce geste ne le surprit pas. De tels objets possédaient leurs propriétaires jusqu'à l'obsession. Il avait connu ça, en son temps. Devant lui Vlades dodelinait de la tête, à la recherche de son doigt. Il haussa les épaules et se remit en quête de ses drogues. L'herboriste prenait toujours quelques minutes le long de ses étagères, à passer en revue des herbes mystérieuses, étouffantes, mais en vérité il savait parfaitement quoi proposer. Ses habitués le savaient, pas le devin qui, lui, regardait bêtement dans le vide avec un grand sourire édenté. Enfin :
- J'ai une racine de Hadan, si tu as les moyens. Sinon, de la Bedeline, du crin noir et des racines pilées de Moredouce.
- Ah ? Moredouce, ma belle, de belles nuits ensemble ! Oh oui de belles nuits ! Je prends tout !
S'exclama-t-il en crachant du même coup le bâtonnet noir qu'il avait mis dans sa bouche, et que jusqu'alors il mâchonnait. La Moredouce avait la réputation de ronger le corps et de faire saigner, ce qui ne l'empêchait pas d'être appréciée des pauvres comme des riches. Il fallait la mélanger à d'autres plants et piler consciencieusement. Les drogués aimaient la préparer eux-mêmes et le devin ne dérogeait pas à la règle. Il y ajoutait son ingrédient secret et alors cette drogue atteignait presque les effets divins du Hadan. Rien que d'y penser, il salivait d'impatience devant le vieux marchand pressé de se débarrasser de lui. L'argent changea de mains, plus d'argent qu'il n'était bon d'en avoir dans le quartier sud, un bon prix pour cette racine de luxe. Quand il l'eut, avec le reste, le devin sourit encore et refusa de bouger.
- Qu'y a-t-il ?
- Tu ne sais pas ? La cité, ça fait longtemps, j'y suis plus revenu depuis longtemps dans la cité. C'est comment, y s'passe quoi ?
Le vieil herboriste eut un rictus moqueur.
- Consulte ton art, tu le sauras mieux que moi. Chacun son métier, non ?
- Mais toi tu soignes, Nathan ! Toi tu soignes.
Il fut frappé de stupeur. Il ne s'était pas attendu à un sous-entendu, pas de la part d'un hère abruti, quand bien même cet abruti était devin. Cet homme pouvait être un espion, un espion de Todrick K’Rahsco sans doute, qui espérait soutirer des informations en payant cher. Il lui fut hostile aussitôt, comme tous ceux qui s'intéressaient aux nobles et qui se laissaient prendre dans les toiles de leurs intérêts. Oui, ces derniers jours il avait soigné Thorlof L’Fyls, le noble soupçonné d'avoir assassiné le roi, de l'avis même de Ghendes Jan, le frère, justement, de ce devin.
- Ça fait longtemps, en effet. J'ai laissé ça aux apothicaires. Va les voir si ça t'intéresse tant. Tu devineras où les trouver, j'en suis sûr.
Vlades se mit à rire, puis à rire vraiment jusqu'à se tenir la tête tellement ça lui semblait drôle. Il n'y avait pas vraiment de raison à cela, il n'y avait jamais vraiment de raison à ses gestes, mais il avait trouvé le dernier sarcasme de l'herboriste plus amusant que bien des blagues, et il en riait. Il en riait encore en sortant de l'échoppe, ses nouvelles drogues sur lui et allégé d'autant d'argent. Il ne se calma qu'une fois sur la Voie magique. Pas question d'aller jusqu'au Dard, trop loin, mais justement, Vlades Jan savait à présent où il devait aller les chercher. Il savait où trouver un apothicaire au moins, une de ses connaissances.

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