Etoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactives
 

Une fois qu’il eut traîné le corps inconfortable de son ami à l’intérieur, Vlades alla traîner le pas jusqu’à la porte, la referma et revint à tâtons derrière le rideau une bougie à la main, à même la cire qui coulait. Comment Quill avait fait pour s’étendre sur la table lui échappa mais il constata, une grimace absurde sur son visage flasque, le sang qui coulait de la plaie en plein ventre. L’apothicaire étendu chercha à balbutier quelques mots trop faibles qui firent pendre l’oreille du devin au-dessus de sa bouche. Il ne parvint pas à se faire entendre alors, d’un bras branlant, il essaya de lui désigner de petits pots de terre dans un coin. Le devin reposa sa bougie sur une coupe au hasard avant de fouiller au hasard sans savoir ce qu’il cherchait, au plus grand agacement de son ami. Ce n’était pas sa faute pourtant si ces onguents ne lui parlaient pas. Il lui aurait fallu l’aide de Nathan mais, à n’en pas douter, ce dernier ne risquait pas de venir spontanément leur apporter ses services.
- Eh, Quill ? Tu joues à quoi maint’nant, au mort ?
- Je vais te brouiller.
Trouva seulement la force de dire le blessé. Il avait sans doute cherché à dire une autre phrase, un peu plus menaçante, mais la douleur lui avait embrouillé les mots. Cela aurait bien ressemblé à l’apothicaire, d’ailleurs, quand il y pensait. Vlades se rendait bien compte de la détresse de son compagnon sans pouvoir rien laisser paraître des sentiments qui l’animaient tant la distance était grande au travers des drogues. Au lieu de cela il ne parvenait qu’à rester la bouche ouverte, un sourire idiot sur sa face et les yeux pétillants. Il valait mieux, il mâchonnait avec plaisir le bâtonnet plutôt que de repenser à ce qu’il avait fait dans la rue, juste devant cette porte. Son ami savait que derrière l’abrutissement des drogues tous ces sentiments jouaient, trois années d’absence n’avaient pas pu effacer cette confiance.
- Brasse la foule là.
Ici encore le devin ne comprit pas un mot de ce que voulait dire le blessé. Il passait pour sa part les pots en revue, comme ça, à les peser des fois que cela lui dirait à quoi leur contenu pouvait servir. L’une d’elle contenait une pâte assez solide et granuleuse, il se dit que ça pouvait servir. Il revint aux côtés de son compagnon et lui montra le contenu. Ce dernier secoua la tête, sans doute révolté à l’idée qu’on lui répande ça sur sa plaie. La situation était pathétique, ils le sentaient tous les deux, ils partageaient au moins ça.
- Un lila, donne un prix…
Autrefois, cela faisait si longtemps, ils avaient vécu quelque chose de similaire. Était-ce lui, ou Quill, qui avait été blessé gravement ? Il faisait chaud alors, si loin dans les terres désertiques du sud. Les paroles brumeuses se ressemblaient, ce devait être lui le blessé alors, sans quoi ils ne seraient jamais revenus vivants. Était-il déjà drogué à cette époque ? Il chassa cette dernière pensée, il laissa les drogues la dévorer lentement. C’était si agréable. Pour la quatrième fois Vlades présentait un pot, tout ce qui n’était pas de la poudre volatile. Enfin l’apothicaire se décida à hocher de la tête, à bredouiller plus de mots vagues pour confirmer. Alors le drogué se mit en tâche, avec un rire, de vider le pot et d’en répandre tout le contenu sur la plaie. Le sang s’y mélangeait, faisait des bulles, il aurait pu enfoncer les doigts dans le creux profond à l’intérieur des chairs.
- Tu te lances pour moi, un boucher ?!
Quand il eut fini sa tâche, le drogué avait couvert la plaie de tant de baume que la pâte formait un bouchon sur la blessure. Il regarda le pot, le secoua à l’envers puis déçu et content à la fois, du même air détaché qu’accentuait sa peau flasque, il se laissa tomber contre la table pour y laisser rouler sa tête. Pourquoi le dire à Quill ? Leurs deux chemins dans la Perception étaient si fragiles qu’il peinait à les trouver seulement. La plupart s’effilochaient aussitôt trouvés, les autres se perdaient bien vite. Là, plus tôt, il avait dû se battre. Il n’aurait plus jamais dû avoir à se battre depuis son retour du sud. Une fois de plus, mais plus rien ne servait de le cacher à son ami, il tira le Libra de ses haillons. Il déchira la page où s’était répandue la poudre et, dans l’indifférence, jeta l’ouvrage au fond de la pièce, dans l’éboulement.

Connectez-vous pour commenter