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La cloche ne sonne pas parce qu'il n'y a plus de travail. Ou plutôt non : il y a du travail, mais ce n'est pas notre travail habituel. Je n'enclenche plus le mécanisme des visseuses à un quart de seconde près. Il n'y a plus un ouvrier dans l'usine pour accomplir la tâche qui lui a été assignée. L'ordre des choses est perturbé : tous les ouvriers se consacrent à la même tâche qui est de reconstruire l'usine après l'avoir détruite. Tous façonnent des dalles de bétons garnies de barres de fer, tous les transportent dans des wagons le long des rails, tous les empilent les unes sur les autres, tous rétablissent les piliers métalliques en haut de grands échafaudages, et tous posent de larges toitures de tôles. Moi y compris.Ce n'est pas du tout ce pour quoi je suis là : mon travail est d'enclencher la visseuse, je suis un visseur, pas un maçon ! Ou alors je ne suis ni l'un ni l'autre, mais je suis là pour rétablir l'ordre des choses. Oui. Après tout, de même qu'on ne peut visser que s'il y a un trou, on ne rétablit l'ordre des choses que s'il a été déréglé. Si je réfléchis dans un sens, je me dis que la Destruction de la grande cracheuse d'obus a été un événement heureux, qui va me permettre de me hisser à la place qui m'est destinée, celle du matricule 19 qui accomplit de grandes choses. Si je réfléchis dans l'autre sens, pourtant, la situation est très différente : l'usine est détruite, les ouvriers construisent des usines au lieu de construire des obus, le contremaître ne vient plus du tout à l'usine mais passe son temps avec monsieur Andropov ; la cloche ne sonne plus. Je n'arrive plus à me lever le matin, parce que je ne sais pas si c'est le matin. Je sais que c'est le matin parce que le jour est levé, parce que le noir de la nuit est parti, parce que d'autres ouvriers sortent de leur habitation escortés par des soldats, alors je me lève aussi et j'essaye de retrouver les gestes que je faisais quand il y avait la cloche. Aucun d'entre eux ne me reviennent. Alors, les soldats frappent à ma porte. D'abord juste avec leurs poings, puis avec leurs armes. Alors, je dois sortir. Précisément, à l'instant où je sors, les choses ne sont plus dans leur ordre habituel : je ne vais plus à la fabrique pour m'installer à ma visseuse, mais je suis les ordres des soldats qui me commandent de façonner, de transporter, d'empiler, de rétablir et de poser. Ce n'est plus le contremaître qui a un fouet mais les soldats qui ont un fusil. Mais ce qui change, primordialement, et qui provoque tout le reste, c'est que la cloche ne sonne plus, et que les gestes ne me viennent plus. J'ai peur de les désapprendre. J'ai peur de ne plus savoir les acomplir le jour où, par miracle, la cloche sonnera de nouveau. Mais il reste l'autre solution : ce n'est pas l'usine qui change, c'est ma métamorphose qui se produit enfin. Je n'ai qu'à attendre qu'elle s'achève. Le changement n'est pas forcément une mauvaise chose s'il permet d'arriver à un ordre plus solide, qui ne prend plus en compte seulement les gestes de l'usine, mais qui s'agrandit, vers la cité, vers le pays, vers la planète.

Un problème, déjà, est réglé : on n'entend plus 457 et ses discours. Il est devenu invisible aux yeux des soldats, et muet à nos oreilles. Le jour de la Destruction, il a fui. Dans une cachette. Dans le cave du réfectoire. Derrière une trappe qui mène à un vieil égoût. Les ouvriers le savent, et ils en parlent entre eux. Mais les soldats ne le savent pas. Je dois dire que c'est normal s'ils ne le savent pas : ils ne savent pas non plus qu'il existe cette cache des égoûts derrière une trappe dans la cave du réfectoire. Et les ouvriers se sont interdits de le leur dire, comme si cette information ne devait passer que par nous, que par nos bouches et pas par leurs oreilles. Alors pour les soldats, 457 n'existe plus. Moi, cela m'est égal. Il ne parle plus. Il marmonne quand on vient lui apporter à manger. Il tremble au lieu de gesticuler. Si lui ne parle plus, ses idées existent parmi certains ouvriers qui veulent encore se révolter, détruire à nouveau ce qu'on vient de reconstruire, s'attaquer aux soldats, s'attaquer à monsieur Andropov. Ils ne sont pas si nombreux parce qu'ils ont peur des fusils des soldats, et si leurs mots n'en ont pas peur, ce sont leurs jambes qui hésitent chaque fois que passe un fusil.

S'ils se taisent, c'est aussi parce qu'il y a quelqu'un qui parle à la place de 457. C'est 108. Je n'aurais jamais pensé qu'il était capable de parler autant. C'est sûrement le choc des évènements qui lui a rendu la parole ; oui, je pense que c'est certainement cela.

108 ne parle pas des mêmes choses que 457. Il ne parle pas de monstres, de démons et de dieux. Il ne parle pas de vengeance et de libération. Il parle d'accords, de convention, et de comités ouvriers pour devancer la révolution bourgeoise. Il dit que les exactions gratuites ne servent à rien parce qu'elles ne font que justifier l'expédition de la force armée. Il dit qu'il y a des usines où les comités d'ouvriers ont pris une telle importance qu'ils arrivent à négocier de nouvelles conditions de travail avec leur patron. Il dit qu'il faut attendre que l'usine soit reconstruite, que les soldats soient partis, et là le vrai combat social pourra commencer, et il sera long, et il sera dur, et ce ne seront pas nous qui goûterons au jus sucré de ses fruits mais les générations d'ouvriers qui nous succèderont. Il pense sûrement aux fruits du jardin de monsieur Andropov, que je n'ai vu qu'une nuit mais qui doit être très joli. Il dit encore d'autres choses, mais je n'ai pas bien tout compris : nous devons nous joindre au mouvement qui touche tout le pays et nommer des représentants ouvriers pour l'usine, pour le cas où les mouvements aboutiraient à des consultations populaires. C'est lui qui parle à la tribune du réfectoire. C'est lui qui est capable de négocier avec les soldats quand un ouvrier désobéit. Vladislas Sekhouzine. C'est son nom. J'aime bien l'entendre parler parce qu'il sait qu'il y a la cité et le pays. Quand je l'entends, j'ai l'impression que nous ne sommes que trois dans toute l'usine à partager cet étrange secret qu'il y a un monde au-delà des murs de l'usine : moi, Alexandra et 108. Tout au plus ne sait-il peut-être pas qu'il y a l'espace, mais s'il le faut, je lui apprendrais. Du coup, quand j'entends 108, j'entends un peu Alexandra. Alexandra qui ne vient plus, parce que les soldats gardent la grille qui sépare l'usine de la maison des Andropov. Alexandra, mon petit pantin d'ombres, qui ne vient plus me voir.

Il n'y a qu'une seule chose qui me fasse vraiment peur, parce qu'elle me dépasse et que je ne la comprends pas – et pourtant, je comprends tellement de choses depuis que j'ai vu la vérité ! Certaines journées ont de gros nuages au-dessus de leur tête. Certaines journées, je me lève et je ne m'en rends pas compte tout de suite. Mais c'est en suivant les soldats, qui gardent la main serrée sur leur fusil et ne sortent jamais le regard de leur casque, que l'air commence à s'alourdir. Et ce n'est pas l'odeur du béton frais qui tourne dans la bétonneuse ; ce n'est pas la trace de la tôle qui subit le marteau. C'est plus âcre, ça reste dans la bouche, un peu comme si c'était du sang. Lors de ces journées, je me mets à l'affut, parce qu'il faut tendre l'oreille et aiguiser les yeux. Alors les anomalies se révèlent, et je me mets à avoir peur. Il manque des ouvriers. Il y a des ouvriers qui ne sont pas à leur travail. On ne le voit pas tout de suite, évidemment, parce qu'il n'y a plus de visseuses et qu'avant, je n'arrivais à distinguer les ouvriers que lorsqu'ils travaillaient sur leur visseuse. Maintenant que l'ordre des choses s'est bouleversé, un ouvrier qui disparaît ne se remarque pas. Je m'en aperçois parce que l'ouvrier qui est sur l'échafaudage ne mesure plus la même taille. Je cherche celui d'hier. Il ne façonne pas du béton, il ne pose pas la tôle et il ne transporte pas de wagon non plus. Non, il n'est plus à l'usine. Peut-être n'a-t-il jamais existé, me dis-je ? Ou peut-être est-il mort dans la Destruction ? Mais il y a des rumeurs. Des mots qui circulent entre les ouvriers, au dejeuner. Je me souviens de cliquetis dans la nuit, à moins que ce soit dans mon rêve. Non : je ne suis pas le seul à avoir entendu des cliquetis d'armes dans la nuit. J'écoute ce qui se dit. Ils l'ont arrêté ? Ils l'ont arrêté. Qui l'a arrêté ? Les soldats. Mais qui ? L'ordre vient sûrement d'en haut. Sûrement ou vraiment ? Andropov cherche des coupables. Il cherche les responsables de la Destruction. Il cherche Korkhovine (le matricule 457) et il arrête ses partisans pour qu'ils avouent sa cachette. C'est quand on entend des coups à la porte en pleine nuit, et des cliquetis d'armes qui ne peuvent venir que du seuil de l'habitation. Les soldats t'arrêtent et t'amènent devant monsieur Andropov ; le contremaître est à côté de lui, il anime sa vengeance. Le décompte commence et tu es seul face à monsieur Andropov (gros comme une montagne d'acier), face au contremaître (qui agite son fouet jusqu'au-dessous de ton nez), et face aux soldats et à leur fusil. Ils t'observent. Ils attendent. Ils te jugent. Ils te posent des questions. Ils te tuent ? Non, pas tout de suite, pas encore. Pour l'instant, ils se contentent de pointer leurs fusils vers toi, sur un ordre de monsieur Andropov qui s'est levé pour te poser les questions de plus près. C'est Alexandra elle-même qui l'a dit : monsieur Andropov est un être terrible, il glace ton menton au contact froid des baïonnettes. Tu n'as pas répondu à ses questions ? Le décompte s'arrête pour toi. Les soldats n'ont qu'un seul geste à faire.



Le matin, je n'entends plus la cloche, mais j'entends l'écho de milliers de balles qui se perdent sur le métal des échafaudages du chantier. Je sais très bien que ce sont les traces laissées par mon rêve dans mes tympans. Mais tout de même... On doit pouvoir mourir sans s'en rendre compte. On croit que ces impacts de balles et cet odeur de poudre sont dans notre rêve, mais c'est tout l'inverse qui se produit : le rêve, c'est de se réveiller dans son lit avec notre mort comme un souvenir alors que c'est elle qui est la réalité.

Heureusement que je ne dois pas mourir avant d'avoir accompli de grandes choses. Sinon, je craindrais que les soldats ne viennent frapper à la porte de mon habitation le soir pour m'amener devant monsieur Andropov. Peut-être lui répondrais-je ça : je suis le matricule 19, laissez-moi d'abord accomplir de grandes choses. Après, vous verrez pour ma mort. Peut-être faudra-t-il que je lui cache que je tiens cette connaissance de sa fille.

Alexandra ne vient plus, mais il me reste le jeu de construction. J'y joue tous les soirs, maintenant, et les connaissances de maçonnerie que j'apprend dans la journée me servent à mieux assembler mes propres constructions. Ce n'est pas que j'assemble mieux, c'est que je sais pourquoi j'assemble. Par exemple, je sais qu'un bâtiment de grande superficie, très haut et sans poutres apparentes à l'intérieur pourra servir de hangar. En enclenchant la planche C dans la planche H, je suis capable d'élaborer une superstructure suffisamment solide pour que le hangar ne s'écroule pas, comme la ville est la superstructure qui permet à l'usine de ne pas s'écrouler. Parce que dans la ville se trouvent les responsables du bon fonctionnement de l'usine, et même le gouvernement. Ce n'est pas Alexandra qui m'a parlé du gouvernement. Elle ne me parle pas de ces choses, mais plutôt de la lumière électrique qui éclaire les rues de la ville ou des immeubles en verre qui reflètent les nuages le jour, et les étoiles la nuit. C'est 108 qui parle du gouvernement, quand il nous dit que c'est l'objectif que nous devons atteindre pour pouvoir contrôler l'usine et sa production. La superstructure permet le maintien de la structure. Et qu'est-ce qui permet le maintien de la superstructure ? Il me manque des planches pour construire une supersuperstructure. Je peux bien en fabriquer moi-même. Alexandra m'a parlé un jour des étoiles qui brûlent leur propre énergie pour briller. Je peux utiliser les planches de mon habitation pour construire une supersuperstructure autour de la superstructure du hangar. Je prends un petit morceau du plancher et je l'appelle planche AA (parce qu'il n'y a pas d'autres lettres après Z). En enclenchant la planche AA, à l'aide de la cheville AB, dans la planche AC, j'ai déjà une partie de la supersuperstructure. Je continue avec les planches AD, AE, AG, AH et la cheville AF et ma supersuperstructure est presque terminée ! Alexandra serait fière de moi : il faudra que je lui fasse la démonstration la prochaine fois qu'elle viendra me rendre visite.

Regardez, Alexandra : je suis capable d'aller au-delà de la superstructure pour construire une supersuperstructure, de dépasser l'usine qui est détruite pour la protéger depuis un autre niveau. N'est-ce pas la preuve de ce que vous m'expliquiez, à coups de chiffres bizarres. 19. L'accomplissement. L'accomplissement de grandes choses. Il me vient à l'idée que ma place n'est plus à l'usine. Mais où ? Et pourquoi ? N'est-ce pas dangereux de vouloir partir ? Peut-être que si je vais vous voir dans la nuit, Alexandra, et que je pars avec vous pour la grande ville... N'est-ce pas dangereux de vouloir partir ? Depuis la grande ville, je pourrais aider 108 dans l'usine. Mais n'est-ce pas dangereux de vouloir partir ?

On frappe à la porte de mon habitation. Le soir.

Est-ce que j'ouvre ?

J'ouvre.

Le contremaître est à la porte de mon habitation. Il n'a pas de soldats mais avec lui il a son fouet. Mentalement, je reconstitue un nouveau scénario. Ce ne sont pas les soldats qui vont chercher les ouvriers mais le contremaître en personne. Sûrement parce qu'il nous inspire bien plus de peur que des soldats que nous ne connaissons pas et qui pourraient aussi bien être des ouvriers déguisés. Alors que le contremaître, on le reconnaît. Personne d'autre que lui ne peut venir nous conduire jusqu'à monsieur Andropov.

« Mademoiselle Sacha Andropov m'a demandé de vous conduire jusqu'à elle.

Je ne connais pas de Sacha Andropov.

« Alexandra Andropov. Elle vous attend dans sa chambre, matricule 19. Nous allons profiter d'une absence momentanée des soldats. Suivez-moi sans faire de bruits et vous ne risquerez rien.

Alexandra ? Je le suis comme il se faufile dans la nuit et je me dis que, décidément, j'aime ce silence qui ne signifie qu'une seule chose : Alexandra. Le contremaître court devant moi avec sa démarche de fou dans la neige. Il essaye de masquer ses pas, mais je les entends, et je les connais. Il se retourne.

« Suivez-moi entre ces deux habitations. »

Je le suis entre deux habitations.

« Passez-bien sous le porche pour que les soldats ne vous voient pas. »

Je passe sous le porche et les soldats ne me voient pas.

« Grimpez la grille, vite. »

Je me dépêche de grimper la grille qui arrête l'horizon et indique que l'usine est terminée.

De l'autre côté, il n'y a plus que le silence de la nuit dans la neige. Puis le contremaître me mime une série de gestes et quelques pas qui vont avec. Je ne comprends toujours pas les gestes du contremaître, qui sont comme un autre langage en dehors de ma hiérarchie, moi qui ne possède pas d'autre geste que celui de la visseuse. Il y a bien les gestes des nouveaux travaux du chantier, mais je ne reconnais aucun de ceux-là dans ceux du contremaître. Je finis par comprendre à tâtons que je dois continuer à le suivre, je crois que c'est cela qu'il veut me dire. Nous sommes muets quand nous traversons la petite allée à travers la cour, le petit chemin de dalles de pierres qui n'ont pas de neige sur leur rebord. La grande habitation de monsieur Andropov est censée être devant mes yeux, mais elle est comme masquée par un gigantesque rideau de nuit. Le contremaître frappe trois coups à un carreau. Une lumière s'allume. Le contremaître fait un geste ample et lent qui dit de haut en bas que je dois attendre. Le contremaître entre dans la lumière et il est avec Alexandra. Alexandra. Je vois leurs deux silhouettes qui sont noires dans le blanc de la lumière et qui bougent sans parler. Enfin... Je sais qu'ils parlent dans la coulisse, mais je ne peux pas les entendre, parce qu'il n'y a que le silence autour de moi. L'encadrement de la fenêtre de la chambre est coloré, mais comme il fait nuit, je ne sais pas quellr couleur. Parfois, Alexandra passe derrière un rideau et je ne vois plus sa silhouette. Elle saurait sûrement déchiffrer les gestes que je vois, mais j'en suis bien incapable. Le mur de la maison de monsieur Andropov est parfaitement blanc, sans une seule salissure. Je suis très impressionné. Et les arbres sont seulement à quelques mètres de moi, du coup, je peux voir qu'en fait, ils n'ont pas de feuilles comme les arbres de la campagne des parents. Le réseau de branches sépare les étoiles du ciel dans des espaces différents. Ça ressemble à une carte. Dans la chambre Alexandra est assise et le contremaître est debout.

Ce geste du contremaître veut dire que je peux entrer. J'entre. Il sort. Alexandra.

« Je suis si heureuse de vous revoir ! Je croyais bien que cela n'arriverait plus jamais !

Ah ?

« Oui, avec l'arrivée de l'armée... J'ai eu peur pour vous, mon ami... J'ai cru que vous aviez été tué dans l'incendie, ou par les balles des soldats !

Comme sa coiffure est compliquée ! Plus compliquée que mon jeu de construction, comme si les poutres étaient molles. Quand elle me parle, elle passe toujours sa main dans ses cheveux, sous son chignon, sous ses oreilles, sous sa frange. Je lui dis que non, que j'ai réussi à m'enfuir par le réfectoire pendant que les soldats tuaient d'autres ouvriers, et après, 108, déguisé en soldat, m'a aidé à regagner mon habitation.

« Je suis heureuse, si heureuse !

Alexandra me prend les mains et les siennes sont très très douces. Vraiment très douces. Plus douces que le métal de ma visseuse qui est pourtant très doux et qui picote un peu sous les doigts. Les mains d'Alexandra ne picotent pas sous les doigts. Les mains d'Alexandra picotent ailleurs, quelque part dans ma poitrine. Et dans le cou.

« Souriez-moi un peu, mon ami ! N'êtes-vous pas content de me voir ?

Je lui souris.

« Je préfère ça...

Elle se lève et flotte au-dessus du sol jusqu'à la porte. Elle l'entrouvre ; regarde à l'extérieur ; referme la porte.

« Nous devons faire attention et parler à voix basse, pour que mon père ne nous entende pas. S'il vous trouve ici, je n'ose imaginer dans quel état il se mettrait ! Il considère que c'est la guerre entre les ouvriers et lui. Je ne veux pas que la guerre nous sépare, mon ami...

Je lui dis que je suis content de la voir moi aussi, parce que c'est vrai que quand je la vois, je découvre des sensations que je ne connais pas. Les picotements de poinçons dans le cou. Et dans la poitrine.

« N'avons-nous pas passé des moments délicieux, tous les deux, dans votre habitation ?

Elle est debout. C'est juste à ce moment-là que je me rends compte du costume qu'elle porte. Elle porte une grande robe jaune qui lui fait comme des tas de plis, et encore d'autres plis autour de la taille et des jambes. Je n'ai jamais rien vu d'aussi rond, à part le ballon qui me servait à jouer avec mon frère, quand mon frère était à la maison des parents et que j'y étais aussi.

« J'aime tellement quand vous me parlez de vos parents, de votre enfance à la campagne.

La robe aussi est douce : plus douce encore que les mains. Elle accélère les picotements de mon cou.

« Ça me change tellement de mon enfance à moi, dans cette maison lugubre, dans cette usine lugubre. A la cité, il y a d'autres choses à faire, mais je ne les trouve guère plus excitantes. Mon père me retient dans cette usine presque... cloîtrée.

Et si ses mains sont si douces, c'est qu'il y a un tissu qui les protège et les rend plus blanches encore que la neige, plus blanches encore que l'enduit de la maison de monsieur Andropov. Pendant qu'elle parle, elle ne me regarde pas, et j'en profite. Ce n'est pas très honnête, mais j'en profite. J'en profite pour passer ma main le long de sa main, et de son bras, et de sa robe, parce que la douceur m'intrigue beaucoup, et leur blancheur aussi, m'intrigue beaucoup. Si la neige n'était pas si mordante et granuleuse, Alexandra serait comme la neige : elle brillerait la nuit.

« Alors quand je vous écoute, je suis transportée dans un autre univers, bien plus simple, bien plus paisible que le mien qui est tellement compliqué. Et vous ? Vous aimez quand je vous raconte ma vie ?

Je lui réponds que, même si je ne comprends pas tout le temps ce qu'elle dit, j'aime bien qu'elle le dise. C'est un peu vrai, mais c'est aussi un peu une excuse pour continuer à lui tâter la douceur.

« Je prends cela pour un compliment ! De toutes façons, vous seriez incapable d'être méchant, j'en suis persuadée. D'ailleurs, quand j'ai appris ce qui s'était passé à la fabrique, j'ai tout de suite compris que vous n'y étiez pour rien. Et puis moi je suis certaine que tout cela faux, que ce n'est qu'une invention de mon ignoble père pour imposer l'armée aux ouvriers. Pourquoi ce ne serait pas lui qui aurait organisé l'incendie de sa fabrique ? Qu'est-ce que vous dites de ça ? Il croit que je ne réfléchis pas, que je suis une gourde, mais il se trompe !

Je mets du temps à lui répondre parce qu'il me faut démêler tout ce qu'elle vient de dire. Elle parle de gourde, d'armée, d'invention, de fabrique et de faux. Ce ne sont pas des mots vraiment très clairs. Il faut que je réponde quelque chose, parce que, si j'aime bien le silence de la nuit, je n'aime pas le silence entre Alexandra et moi. C'est comme s'il manquait des paroles avant les miennes. Je pourrais lui raconter le jour de la Destruction, par exemple. Le discours de 457, la perspective faussée dans la fabrique, la mise à mort de la grande cracheuse d'obus, les ouvriers qui tombent et qui sont morts en passant la porte.

« Mais c'est absolument horrible ce que vous me racontez-là ! Comment peut-il se passer des évènements aussi atroces à quelques dizaines de mètres de là où je dors ? Pauvres gens... J'ignorais... je... Vous aviez sûrement des amis parmi tous ces ouvriers ?

Non. A part 108. Mais je ne le connaissais pas avant. Et il n'est pas mort.

« D'accord. Alors ça va, c'est moins grave. Ce qui est grave, c'est qu'avec tous ces soldats, je ne peux plus venir vous voir.

Là, précisément, je lui dis que j'ai nettement amélioré mon jeu de construction.

« J'en suis heureuse pour vous, mon ami... Mais n'est-ce pas difficile de ne plus me voir ?

Je la vois souvent, dans ma tête. Mais elle n'est jamais douce et ne brille pas autant. Et plus je réfléchis, plus je me dis que ce n'est pas la même chose de l'avoir dans ma tête et de l'avoir à côté de moi. Dans ma tête, elle me dit toujours les mêmes choses, alors que dès que je la vois, j'apprends des choses nouvelles. Ce qui manque, c'est la nouveauté des sensations. Les picotements du cou et de la poitrine.

« Vous êtes timide, mon ami. Vous n'osez pas avouer vos sentiments à mon égard... Cela me change fort des huiles que me présente mon père, imbus d'eux-mêmes et faisant leurs paons en croyant m'impressionner !

Leurs pans ?

« Oui, leurs paons. Ce sont des oiseaux qui arborent les plus belles couleurs sur leur queue pour séduire les femelles, mais qui ne savent guère faire autre chose que cela.

Je savais bien qu'avec la vraie Alexandra, j'apprendrai de nouvelles choses. Je me demande quel goût a le pan.

« Depuis que je ne peux plus vous voir, j'ai réfléchi à un moyen qui nous permettrait d'être toujours ensemble.

Toujours ensemble ? J'imagine tout ce que je pourrais savoir sur la cité, le pays, la planète et surtout l'espace, si je restais avec Alexandra toujours. Les picotements reprennent de plus belle, comme s'il y avait un mécanisme qui les enclenchait derrière mon cou, qui leur disait de picoter, alors ils picotent, et moi j'attends.

« J'aimerais tant me marier avec vous ! Les soldats ne pourraient plus nous séparer. Je sais que c'est une décision un peu précipitée, mais... Le temps presse, vous ne croyez pas ? Si les évènements s'aggravent à l'usine, nous ne nous verrons plus jamais !

Les pièces de mon destin se mettent en place les unes avec les autres dans mon esprit. La planche « rencontrer Alexandra » s'enclenche avec la planche « accomplir de grandes choses », grâce à la cheville « me marier avec elle » (en fait, la cheville était une partie de la planche, mais je ne l'avais pas vue). Picote, picote, picote.

« Seulement, il y a un problème... Vos parents n'ont pas suffisamment d'argent pour que mon père consente à se lier à votre famille... Et même si c'était le cas, je doute qu'il accepte de me confier à un simple ouvrier...

Ce n'est pas juste, je lui dis.

« Ce n'est pas juste, vous avez tout à fait raison... Une jeune fille devrait pouvoir épouser l'homme qu'elle a choisi d'aimer...

Il y a encore un silence. Mais comme elle n'a pas posé de questions, je ne sais pas à quoi je dois répondre. Le silence dure. Le silence. Il dure.

« Allons, mon ami ! Cessons de nous en faire, ce problème se réglera sans doute de lui-même... Nous sommes ensemble ce soir, et c'est cela qui compte !

Je la remercie parce qu'elle a parlé.

« Je sais exactement ce que j'ai envie de vous montrer. Vous n'allez pas être déçu de votre venue !

Elle se met encore à léviter au-dessus du sol de la chambre. Puis je suis étonné parce que quand elle revient à côté de moi, elle tient dans ses mains le règlement de l'usine.

« Ce n'est pas le règlement de l'usine, mon ami ! C'est un autre livre. Il y a d'autres livres que le règlement de l'usine ! Croyez-vous que j'aurais fait relier aussi richement un simple document administratif ?

Comme elle rit, je comprends que ce n'est pas grave. Le livre qui n'est pas le règlement de l'usine est enfermé dans une gangue rouge qui est lisse et froide comme du métal quand on essaye de la toucher. Je n'ose pas le prendre dans mes mains avant de savoir ce que c'est, s'il s'agit d'un règlement secret, par exemple. Je ne sais pas si j'ai le droit, parce que normalement les ouvriers ne sont pas autorisés à toucher eux-mêmes au règlement de l'usine.

« Ce sont les livres que mon oncle Ivanov écrit. Vous savez, Ivanov le cosmonaute. Je ne le vois presque jamais, parce que père ne l'aime pas beaucoup, mais je lis ses livres pour me sentir auprès de lui. Je ne l'ai vu que quand j'étais une petite fille, mais c'est un homme extraordinaire. Je l'adore ! La presse officielle en parle dès qu'il est question de recherche scientifique.

Ivanov. Le cosmonaute. L'espace.

« Il écrit des livres sur l'espace et fait croire aux autorités que ce sont des romans, que tout est inventé. Parce qu'il n'est pas autorisé à divulguer ce qu'il voit vraiment dans l'espace, vous comprenez. Parce qu'il va dans l'espace ! Mais aucun membre du gouvernement n'est jamais allé dans l'espace, alors ils ne peuvent pas savoir si ce sont des romans ou des vérités !

Alexandra me pose le livre dans les mains. La reliure est très très froide, mais elle est aussi, elle aussi, très douce.

« Pourtant, moi je sais que ce qu'il écrit est vrai...

J'ouvre le livre. A la place des lignes d'articles du règlement, il y a des lignes de mots. Il y en a trop, alors je ne sais pas les choisir (mais quelques uns, je les comprends quand même : planète, espace, étoiles, lune, obus...).

« Regardez...

La page qu'Alexandra me montre est envahie par des formes qui ne sont pas des lettres, et des couleurs qui ne sont pas des mots. Il y a du rouge, du vert, du bleu, du jaune ; il y a des ronds, des carrés, des tuyauteries étranges. Tout est disposé en désordre sur la page, sans la moindre perspective, comme une architecture qui n'aurait pas besoin de chevilles et de poutres de métal. Ni de ciment. Ni de toiture en tôle. Pourtant, tout tient parfaitement en place, comme si l'ordre n'était pas une chose nécessaire.

« L'oncle Ivanov n'est pas l'auteur des illustrations. Il y a des spécialistes du dessin dans son laboratoire, mais comme il est le seul à être déjà allé dans l'espace, c'est comme si les dessins naissaient de ses propres yeux. La grande cascade à droite, c'est la fontaine aux aurores qui alimente les habitants des étoiles d'un nectar toujours sucré. A gauche, c'est un des grands arcs-en-ciels de toutes les couleurs qui apparaissent une fois par an dans la galaxie d'Orion, et qui annoncent le grand printemps pour toutes les planètes qui y gravitent : la saison douce. Juste au centre, c'est la grande étoile caspienne : elle est mille fois plus grande que le soleil, et elle projette sa chaleur dans la moitié de l'univers. Elle est si bleu dans son coeur, et si rouge dans ses extrêmités. Et regardez, tout en bas, c'est la transhumance des vers astraux. Ils vont habiter là où les courants de brume sont moins secs, parce qu'ils aiment l'humidité et la fraîcheur.

Ce sont mes yeux qui se nourrissent des images du livre quand Alexandra les déchiffre. Je ne sais pas si c'est la voix d'Alexandra ou celle des images que j'aime le plus. Je ne sais pas si les picotements s'accélèrent pour le temps que je passe avec elle (juste là, juste en ce moment, dans la chambre de l'habitation de monsieur Andropov) ou pour le temps que je vais passer dans l'espace. Oui, parce que j'en suis sûr. Les pièces du grand jeu de construction de mon destin s'emboîtent si bien les unes dans les autres. Cela n'aurait pas de sens que je voie les images de l'espace si c'est pour ne pas pouvoir y aller après. Le changement. Accomplir de grandes choses. Le mariage avec Alexandra. L'oncle Ivanov. L'espace (l'espace !). Je comprends pourquoi les discours de 457 ne me rendent pas fou. Je comprends pourquoi le contremaître est gentil avec moi. Je comprends pourquoi 108 m'a sauvé la vie lors de la Destruction. Je monte les marches qui me sortiront de l'usine, puis de la cité, puis de la planète, pour aller jusqu'à l'espace.

Et sur le chemin de l'espace, il y a d'abord Alexandra. C'est elle qui me montre les images. Ça ne peut pas être mauvais, non ?



J'ai encore des tas de formes de toutes les couleurs dans la tête quand la porte de la chambre d'Alexandra s'ouvre. Ça fait beaucoup de bruit, pas à cause de la porte cassée, mais à cause du cri que pousse monsieur Andropov, derrière la porte (ou plutôt derrière l'absence de porte). Ce qui est étrange, c'est que l'un des deux hommes avec lui (il y a deux hommes avec lui) est le même que celui qui lui ouvre la portière lors du jour du patron. Il aurait pu lui ouvrir cette porte, au lieu de le laisser la casser, puisque c'est son travail.

Monsieur Andropov est rouge comme un clou jeté sur le feu.

« Alexandra Katia Andropov, vous avez interdiction formelle de sortir de votre chambre jusqu'à ce qu'il me vienne d'en décider autrement. Gregor veillera à ce que cet obligation soit respectée.

L'homme qui ouvre la portière lors du jour du patron s'appelle Gregor. L'autre homme – celui qui n'a pas de nom – me prend par le col et me traîne par terre.

« Nous allons nous occuper du cas de ce monsieur avant de décider du vôtre, mademoiselle.

Le couloir dans lequel l'homme qui n'est pas Gregor mais qui lui ressemble me traîne est un grand couloir avec beaucoup de portes, et il y a même une perspective. Les portes sont placées à égale distance les unes des autres et elles s'avancent vers moi à un rythme toujours identique ; elles grandissent, grandissent, jusqu'à ce que je vois la poignée, puis les gonds, puis elles disparaissent pour laisser la place à une autre porte, la poignée, les gonds. Trois fois, quatre fois, cinq fois, six fois de suite les portes m'encerclent les unes après les autres. Puis, il y en a une qui s'ouvre. C'est une grande pièce vide, comme la fabrique après la Destruction. Non, pas comme la fabrique après la Destruction : il n'y a pas de flammes, il n'y a pas de morts sur le sol. Il n'y a que trois personnes. Monsieur Andropov. Le contremaître. Celui qui ne s'appelle pas Gregor. Quatre personnes, si je compte comme une personne.

« Tu as désobéi par trois fois au règlement qui régit mon usine. Tu as quitté ton habitation la nuit. Tu t'es introduit dans la propriété de ton patron sans son autorisation expresse. Tu as approché ma fille unique, ma petite Sacha. Le dernier point que j'ai évoqué ne figure nullement dans le règlement, mais je ne l'y ai pas inscrit pour la simple raison que je n'avais jamais imaginé qu'un ouvrier pousserait jusqu'à ce point son audace indécente de minable tire-laine. Ton ignorance est-elle tellement démesurée que tu ignores que nous sommes en guerre depuis que toi et tes ingrats camarades avez démoli l'usine dans laquelle j'ai investi une si grande partie de mon argent et bien plus encore de mes efforts et de mon temps ? Jamais je ne comprendrais pourquoi vous ne cessez de mordre la main qui vous nourrit et vous donne du travail. L'ingratitude est une plaie qui touche d'abord ceux qui n'ont rien.

Monsieur Andropov est assis. Il ne bouge pas. Il ne bouge pas du tout. Même pas les yeux. Comment est-ce qu'il parle ? La bouche, il bouge la bouche. Le contremaître bouge pour lui, tapote du pied, cligne des yeux, gratte sa main. Monsieur Andropov est un homme qui ne bouge pas, et qui a raison.

« Ce que tu viens, toi, d'accomplir est bien plus grave encore que toutes les usines détruites. Ton crime n'est pas seulement un crime contre l'autorité et l'ordre, c'est un crime contre la morale. Un méfait de cette nature ne devrait pas être jugé au moyen de mon autorité, celle d'un employeur sur ses ouvriers, et en temps normal, je remettrai ton sort entre les mains de la justice de notre pays dont les décisions quotidiennes prouvent qu'une morale existe encore dans ce pays décadent où un prétendu progrès s'impose déjà comme le triomphe de l'indécence et du renversement des valeurs.

Monsieur Andropov n'a pas posé de questions, alors je ne réponds pas. Monsieur Andropov n'a pas souri. Il n'a pas sa canne. Il n'a pas son chapeau. Il n'a pas sa fourrure. Il n'est pas le monsieur Andropov du jour du patron. Gregor ne lui ouvre pas la porte, il l'arrache lui-même. Il ne vient pas tous nous féliciter, il m'a amené moi pour me sermonner. Il a de grosses mains, et une grosse voix.

« Mais nous sommes en guerre.

Exactement à cet instant, je me demande comment je vais mourir. Il y a plusieurs rumeurs différentes, dans le camp. Il y a celle qui dit qu'ils t'attachent à un poteau, qu'ils te mettent un bandeau autour des yeux, qu'ils disent « Feu » et que tu meurs. Celle-ci je ne l'aime pas bien parce que je ne comprends pas comment on meurt. Il y en a une autre que j'aime un peu mieux : c'est qu'ils te laissent pendre à un poteau (encore un poteau), par le cou, jusqu'à ce que tu meurs. Je l'aime bien parce qu'au moins, en haut du poteau, on peut encore penser à des choses. Et maintenant que j'ai en tête la douceur d'Alexandra et les couleurs de l'espace, j'ai beaucoup de choses à penser avant de mourir.

« Ilya m'a révélé, bien que la raison m'en échappe totalement, que ma petite Sacha a l'idée saugrenue de t'apprécier. Est-ce vrai ?

Oui, ça doit être vrai si le contremaître le dit.

« Ta mort (car tel est le châtiment qui permettrait de purifier ta désobéissance à tant de sains règlements) ne ferait que l'éloigner encore plus de moi. Là n'est pas mon souhait, et je dois ajouter également qu'il y aurait par trop d'imprudence de ma part à m'aliéner ma seule héritière. Elle a déjà tenté de fuguer et ne manque jamais de m'éructer au visage des reproches plus ou moins sentimentaux. Tu serais un reproche de plus dans sa bouche, et un que je ne tolérerai d'autant moins qu'il est question de justice et d'ordre, dans l'affaire qui nous oppose. Je te laisse donc une chance de t'en sortir, sur une suggestion d'Ilya dont les conseils sont décidément de plus en plus heureux en ces temps si troublés. Je te laisse la vie sauve à la condition que tu me livres une information que je n'ai su obtenir d'aucun de tes congénères. Une sorte de petit arrangement, en quelque sorte. En aucun cas il ne s'agit de justice, et je saisirais la moindre occasion qui se présente à moi pour remettre en accusation tes nombreux méfaits. Il me faut te dire que le compromis n'est pas dans mes habitudes, mais les temps changent trop vite et je dois reconnaître que l'idée d'Ilya est très habile, et nous arrange tous les deux.

C'est vrai que le contremaître est toujours de bon conseil : c'est lui qui m'a permis de voir Alexandra cette nuit, et de partir avec tant de pensées.

« Dis-moi où se cache le matricule 457, aussi connu sous le nom de Vladimir Korkhovine, meneur des désordres terroristes qui se propagent dans mon usine.

Je suis content parce que je sais répondre à cette question. Je pensais que la question de monsieur Andropov allait être beaucoup plus difficile. Alors je lui dis pour la cachette. Pour le vieil égoût. Pour la trappe dans la cave du réfectoire.

« Je n'ai qu'une parole, ouvrier. Je te libère. En revanche, je ne veux plus jamais entendre parler de toi, matricule 19. »

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