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Le défi d’Olgoth

     La scène se déroulait au cœur de la forteresse de Zargal le noir, seigneur et maître du roc du dragon.

     Dans la salle du trône, les orques se bousculaient et formaient un cercle autour de deux peaux vertes à la stature impressionnante.

     De nombreux gobelins voulaient eux aussi jouir du spectacle qui se préparait mais il leur était manifestement impossible de se frayer un chemin dans la masse compacte de corps serrés les uns contre les autres.

     Les grognements des orques retentissaient dans la pièce. La plupart de ces sons gutturaux étaient des encouragements à l’attention du maître des lieux : le terrifiant Zargal !

     La rumeur se répandait rapidement : quelqu’un avait osé défier le maître, le traitant de « phacochère », de « fils de squigg » et de « snotling puant » !

     Les gobelins s’empressaient de faire circuler l’information à qui voulait bien l’entendre.

     Chaque peau verte présente dans la forteresse voulait assister au carnage, car carnage il y aurait forcement ! Zargal n’avait jamais perdu ; raison pour laquelle il demeurait depuis si longtemps le seigneur incontesté céans.

     Quel que fut son adversaire, de l’immense Krakon [1] au vicieux Brolfo [2], ils avaient tous mordu la poussière face à l’indomptable Roi du Roc.

     Pourtant, cette réputation de tueur invincible n’impressionnait nullement le mystérieux challenger : un vieil orque barbu arrivé depuis moins d’une heure à la forteresse en compagnie de quatre trolls et de quelques gobelins.

     Personne n’avait osé tenir tête à Zargal depuis de longues années et l’évènement avait dès lors quelque chose d’on ne peut plus singulier.

     Un orque osait insulter le seigneur des lieux et le défiait ! Selon la coutume, point d’autre alternative qu’un combat rituel entre les deux créatures ; le challenger prenant la place du maître en cas de victoire et perdant la vie en cas de défaite…

« Donne nous ton nom ! Que tout le monde sache qui périra de ma main aujourd’hui ! », hurla Zargal à l’encontre de cet orque téméraire.

« Olgoth ! Les autres s’en souviendront comme celui de leur nouveau maître ! » ; la réponse était cinglante et provocante.

     Les préliminaires avaient déjà été bien assez longs, ces répliques suffisaient à amorcer le combat, la subtilité n’étant pas le point fort de cette race qui sublimait la violence !

     Zargal, avec un rugissement de défi, s’avança vers Olgoth, kikoup’ à la main.

     Le vieil orque déploya alors son arme de prédilection : un long fouet en cuir de troll. Avec une vivacité inattendue pour une peau verte toute ridée, il fit claquer son fouet en direction de Zargal, creusant dans sa chair une plaie sanglante !

     Zargal porta sa main libre à son épaule meurtrie et se retînt de pousser un cri de douleur. Il ne voulait afficher aucune faiblesse.

     Il avança un peu plus en direction d’Olgoth qui ne tarda pas à porter une seconde attaque. Une fois encore le fouet claqua bruyamment et lacéra Zargal. La cuisse du Roi du Roc était entaillée et laissait s’échapper un flot de sang.

     Les blessures étaient certes profondes, mais en comparaison avec un coup de kikoup’, elles n’étaient que des piqûres d’insecte !

     Quelques mètres à peine séparaient les deux adversaires. Zargal fit deux pas de plus vers Olgoth. Ce dernier n’hésita pas une seule seconde à user une nouvelle fois de son fouet. L’arme fila et lacéra l’autre cuisse du Roi du Roc ; un terrible choc qui aurait pu arracher la jambe de n’importe qui. Zargal perdit son équilibre l’espace d’une seconde et posa un genou à terre. Il s’appuya sur sa main libre et se remit debout presque immédiatement tandis qu’Olgoth exploita la faille qu’il attendait ! Le fouet fusa une fois encore vers l’orque noir, et cette fois ci, s’enroula autour de son cou !

     Olgoth maniait décidément son arme avec une dextérité impressionnante. Il tira d’un coup sec, ramenant par là même Zargal à la portée de son kikoup’ qu’il tenait fermement dans l’autre main. Les deux armes de métal s’entrechoquèrent, faisant voler une gerbe d’étincelles !

     La seconde suivante, la lame de Zargal s’abattit sur le fouet ; à la surprise générale, le cuir ne céda pas.

     Profitant de l’étonnement de son adversaire, Olgoth tira une fois encore sur son fouet, resserrant un peu plus son emprise autour du cou de l’orque noir et l’obligeant à s’approcher dans un déplacement forcé. Le kikoup’ d’Olgoth s’abattit violemment sur le bras de Zargal, tordant et froissant la plaque de métal qui protégeait celui-ci et le contraignant à lâcher l’arme sous l’effet de la souffrance.

     Même sans kikoup’, Zargal restait un ennemi des plus dangereux ! Se servant de son poing comme d’une massue, il frappa Olgoth sur le dessus du crâne ; un coup qui aurait pu assommer un ogre !

     Zargal profita de cet avantage pour enchaîner un second coup ; son poing s’écrasa sur le visage d’Olgoth qui fut projeté en arrière, lâchant par là même le manche de son fouet.

     Tous les orques autour des deux combattants hurlèrent et grognèrent de concert ! La violence de l’affrontement remplissait ces brutes d’une allégresse à la mesure de leur stupéfaction à voir un orque tenir tête plus de quelques secondes à leur seigneur et maître.

     Zargal consacra les quelques instants suivant à se débarrasser du fouet qui lui enserrait toujours le cou. Une fois libéré de cette étreinte, il porta le regard sur Olgoth qui se relevait péniblement.

     Il ramassa ensuite son kikoup’ et le tînt fermement malgré la douleur rappelant le dernier coup que lui avait porté cet orque qui avait l’outrecuidance de vouloir s’asseoir sur son trône !

     Les deux adversaires, chacun armé de l’arme traditionnel du peuple orque ne laissèrent que peu de temps s’écouler avant d’engager un nouvel assaut.

     Le métal heurta le métal avec force ! Chacune des deux créatures tentait d’exploiter une faille dans la défense de l’autre afin de porter coup décisif.

     En temps normal, jamais Olgoth n’aurait pu résister aux assauts du seigneur du roc du dragon. Toutefois, les blessures portées aux cuisses et au bras de Zargal lui donnaient un avantage qu’il savait parfaitement exploiter.

     Ce fut néanmoins le kikoup’ de Zargal qui trouva le premier son chemin à travers les défenses ennemies ! La lame déchira l’armure de cuir grise du challenger, entaillant ainsi la chair et faisant couler le sang.

     Le coup fut accompagné des hurlements de l’assistance qui encourageait le Roi du Roc.

     Olgoth chancela… Il recula de trois pas et s’écroula à terre. Assis sur la pierre froide, il se tenait les côtes à l’endroit de la blessure. Du sang s’écoulait entre ses gros doigts verdâtres. Il ne cessait de fixer son adversaire.

     Le rire caverneux de Zargal en disait long sur ses certitudes !

     Ainsi blessé, Olgoth n’opposerait que peu de résistance aux prochains assauts… Imminents…

     Tel le bourreau décidé à remplir son office, Zargal s’approcha lentement, savourant chacun de ses pas comme les étapes préliminaires à son inévitable triomphe !

     Olgoth trouva cependant la force de se remettre sur pieds. Il tenait toujours son kikoup’ et était bien décidé à ne pas abandonner !

     A la vue de la blessure d’Olgoth, les yeux de Zargal s’écarquillèrent.

« Par quel maléfice ? » murmura-t’il.

     La plaie s’était refermée ! L’armure de cuir était de nouveau intacte, et seules les traces de sang par terre, sur les doigts d’Olgoth et le long de son abdomen témoignaient encore du coup qui avait été porté.

     Le rire de Zargal s’était arrêté net. Il contemplait, incrédule, son adversaire.

« Zargal, ton règne s’achève ! » ; ce disant, Olgoth attrapa la petite gourde qui pendait à sa ceinture. Il déboucha celle-ci d’un coup de dents et avala d’un trait son contenu, ponctuant son action d’un rot retentissant.

     Olgoth empoigna son kikoup’ à deux mains, il commença à grogner et s’adressa une fois encore à Zargal !

« Allez, finissons-en ! »

     Le ton était déterminé. Zargal avait parfaitement entendu et soupçonnait bien évidemment Olgoth d’avoir consommé quelque potion chamanique susceptible de décupler les forces.

     Qu’à cela ne tienne, Zargal n’allait pas abandonner ainsi son trône et son empire à cet orque présomptueux.

     Un filet de bave aux lèvres, le roi du roc répondit à Olgoth.

« Tu ne sais pas à quoi tu t’exposes, misérable ! ». Cette fois-ci, le ton était plus posé et lancinant même si la voix, elle, restait la même !

     Zargal ôta en quelques secondes les plaques d’armure qui recouvraient son corps aux muscles saillants.

     La transformation débuta alors sous les regards médusés d’Olgoth et des autres orques présents dans l’immense salle.

     Les yeux de Zargal s’illuminèrent d’un mauve aux reflets changeants. Olgoth était fasciné et horrifié à la fois par le spectacle qu’il contemplait. Les yeux de son adversaire le fixaient, il était littéralement hypnotisé par leur lueur violette et ne s’autorisa qu’un pas en arrière.

     La gueule de Zargal laissa s’échapper un nouveau grognement, différent cette fois-ci de tous ceux qu’il avait pu produire jusqu’alors ! Le son se modula, tirant dans des sonorités aiguës, distordues, totalement inconcevables en provenance d’un orque.

     Des bosses firent leur apparition dans le dos de Zargal au niveau des omoplates. Elles se déplacèrent sous sa peau jusqu’au niveau de la onzième ou de la douzième côte. Puis deux appendices monstrueux terminés par des pinces acérées déchirèrent l’épiderme du Roi du Roc et émergèrent de son corps.

     Toute l’assemblée était complètement désemparée devant l’inconcevable transformation ! La réaction était unanime : une stupéfaction et une paralysie totales !

     Les pinces n’avaient visiblement pas terminé leur croissance, car elles grossissaient encore !

     Deux cornes vinrent alors parachever l’immonde mutation. Poussant à même le crâne de Zargal, déchirant sa peau au fur et à mesure que leur base s’élargissait, et faisant couler des filets de sang sur le visage du Roi du Roc dont les traits étaient déformés par la souffrance.

     Zargal, ou plutôt, ce qu’il était advenu de Zargal, prit la parole : « Montre-moi maintenant comment tu comptes en finir, Olgoth ! », il semblait qu’à la voix de l’orque noir se superposait une autre voix plus terrifiante encore !

     Olgoth tenta de se frayer un chemin à travers les orques qui formaient toujours un cercle autour des deux combattants, le plus loin possible de Zargal ! Il fut repoussé par les peaux vertes en direction de leur maître. Ne pouvant espérer prendre la fuite, il tenta de faire face à l’immonde créature qu’était devenu son adversaire !

     Il porta un vigoureux coup à la force de ses deux bras ! La course du kikoup’ fut toutefois stoppée net par l’une des grosses pinces qui se referma, brisant en deux la lame pourtant solide.

     L’autre pince, vive comme l’éclair, se saisit de la jambe droite d’Olgoth et se referma alors avec la même force qui avait brisé la lame du kikoup’.

     Le sang jaillit abondamment sur le sol en pierre.

     Olgoth s’effondra dans un hurlement de douleur au beau milieu de son propre sang. Il tenta frénétiquement de ramper hors d’atteinte de son bourreau mais fut bien vite rattrapé.

     Zargal le souleva à bout de bras et le jeta contre une colonne avec une force démesurée.

     Le corps d’Olgoth se fracassa contre le roc taillé et retomba lourdement sur le sol… Rien n’avait préparé le vieil orque à tel affrontement.

     Tous les fidèles guerriers de Zargal hurlèrent et grognèrent ensemble leur fierté de servir si puissant seigneur. Levant pinces et bras dans une posture victorieuse, le Roi du Roc savourait son triomphe. Son hurlement rejoignit celui des autres peaux vertes.

     Le combat était terminé…

Un émissaire inattendu

     A Daroir-Fenris, comme chaque jour, les elfes excavaient les fondements de la cité. A l’endroit même où se situe la fière ville fortifiée, se trouvait jadis la forteresse d’Urithair-Fenris, bâtie par Fiann’ Fenris, ancêtre de Syrius.

     Syrius avait décidé d’implanter cette nouvelle colonie « pour tâcher de contribuer à rendre au peuple elfique sa gloire d’antan », c’était en tout cas la raison officielle qu’il avait mentionnée. Un projet qui lui avait au moins valu l’aval de la reine éternelle et le soutien de nombreux nobles dans son archipel natal.

     Comment aurait il pu avouer à quiconque ses véritables raisons… ?

     Les sous sols de Daroir-Fenris étaient ainsi chaque jour creusés, explorés, et chaque semaine l’on découvrait une nouvelle chambre, un couloir, une cuisine…

     Trois fois par mois, le maître d’œuvre était tenu d’informer Syrius des progrès réalisés. Une réunion était donc organisée dans la grande salle du palais au cours de laquelle, le responsable des travaux d’excavation déployait des plans et tenait de longs discours parfois très techniques.

     Aujourd’hui plus que de coutume, la réunion s’était prolongée suite à des découvertes récentes.

     Syrius était extrêmement attentif à chaque nouvelle concernant ces excavations. Yalniss le Sage, conseiller et ami de Syrius, avait toujours trouvé étrange que le prince s’intéresse tant à ces travaux. Non pas qu’il s’étonnait de l’intérêt qu’il pouvait porter à une discipline comme l’archéologie, mais son désir de mener ces excavations à terme tenait parfois de l’obsession.

     Le maître d’oeuvre s’évertuait à faire un bilan précis de l’avancée des travaux.

« Bref, si nos calculs sont exacts, nous devrions parvenir à découvrir l’antique salle d’armes de votre trisaïeul d’ici trois semaines… Il est vrai que les travaux avancent vite, toutefois, nous devrions être plus vigilants la prochaine fois que nous achèterons des outils à des gens de Tilée, car voyez vous, noble prince, ceux en provenance de Luccini ont des défauts de fabrication qui nous font prendre quand même un peu de retard… », le débit était rapide et constant. Le ton était courtois, peut être un peu trop mielleux.

     Syrius approuva : « Désormais, nous tâcherons d’éviter de commercer avec les marchands de Luccini ! Nous privilégierons les gens de Remas ».

     A peine Syrius avait il terminé qu’Iscana, un jeune elfe au service de la famille Fenris, pénétra dans la grande salle.

« Seigneur, je vous prie de m’excuser de vous déranger en pleine réunion, mais, il est une situation qui requiert votre attention ! », le ton n’était pas alarmant et rien n’indiquait que la situation avait quoi que ce soit de singulier, si ce n’était l’embarras évident de l’intervenant.

     Syrius, interloqué, se risqua à interroger Iscana : « Que se passe t’il donc qui nécessite mon conseil ? »

     L’elfe hésita un court instant. Il pesa chacun de ses mots et finit par répondre : « Un émissaire demande audience, mon prince… Mais, nous ne lui avons pas encore donné l’autorisation de pénétrer en nos murs… Il s’agit d’un… Nain… ».

     A la mention de la race de l’émissaire, un vent de stupeur traversa la grande salle. Un nain demandait à rencontrer le seigneur de Daroir-Fenris !?

     De longues secondes s’écoulèrent avant que Syrius ne prenne une décision. Bien sur, accepter qu’un nain pénètre dans la cité pouvait blesser la susceptibilité de certains… Celle de Syrius entre autre…

     L’histoire avait retenu qu’Urithair-Fenris était tombée face aux nains durant la terrible guerre de la barbe à laquelle avaient participés Fiann’ et Astaz Fenris, respectivement trisaïeul et bisaïeul de Syrius. De plus, l’aversion qu’éprouvaient les nains pour les elfes n’était un mystère pour personne.

     La rancœur accumulée par les représentants des deux races était légendaire et avait traversé les âges et les générations…

     Daroir-Fenris n’avait entretenu aucune relation avec les nains, qu’ils fussent de la forteresse portuaire de Barak-Varr siégeant non loin à l’Est ou de quelque autre fief de ce peuple considéré par les elfes comme bourru et peu fréquentable. Optant pour l’indifférence depuis l’implantation de la colonie elfique dans les principautés frontalières, Syrius s’était au moins assuré d’éviter les conflits.

     Peut être l’arrivée de ce messager à Daroir-Fenris serait-il le début d’une entente cordiale entre les gens de la cité elfe et une partie du peuple nain ?! Au moins, Syrius entretenait cet espoir.

« Que l’on invite le nain à venir jusqu’ici ! », la réponse de Syrius était sans ambiguïté.

     Iscana s’inclina brièvement avant de s’exécuter. A peine fit il un pas que Syrius se ravisa.

« Iscana, attend… Je viens avec toi… ».

L’embarras de Raknut

     Zargal siégeait de nouveau sur son trône de pierre. Toutes les traces de son incroyable mutation avaient disparues, et ses blessures étaient toutes cicatrisées.

     Le Roi du Roc n’aimait pas faire usage de ces pouvoirs étranges dont il ignorait l’origine. Toutefois, la tournure qu’avait pris le combat contre Olgoth avait décidé Zargal à employer ces ressources jusqu’alors cachées aux yeux de ses guerriers. Au moins, désormais, ils savaient tous à quoi s’en tenir !

     Argox, un orque noir presque aussi gros que Zargal se présenta devant son maître accompagné d’un chétif gobelin.

« Maître, ce gob insiste pour causer avec toi ! Il dit qu’il a des nouvelles de Rohrk ! »

     Depuis son trône, le Roi du Roc dévisagea la frêle créature puis s’adressa à Argox.

« Le vieil orque vivra t’il ? »

« Oui maître. On l’a enchaîné au fond d’un cachot. Les trolls et les gobelins qui étaient avec lui ont tous rejoint la waaagh, de gré ou de force ! » ; la réponse satisfaisait pleinement Zargal.

Argox ajouta : « ce gob en faisait partie ! »

« Bien ! Laisse nous ! »

     L’ordre ne fut évidemment pas discuté et Argox s’exécuta immédiatement.

     Raknut était très impressionné ! Il s’interrogea subitement sur les raisons de sa présence.

« Alors, parle ! » ; Zargal s’impatientait !

     Raknut eut un petit sursaut, et tout lui revint en même temps !

« Grand seigneur du Roc du Dragon, invincible Zargal, je me nomme Raknut ! Raknut le brave ! J’étais le second de Rohrk ! Je reviens des principautés frontalières où toute la waaagh a été… massacrée… par les longzoreils… » ; Raknut commençait à réaliser l’inconfort de sa position.

     Il fantasmait depuis la mort de Rohrk sur son retour à la forteresse du Roc pour se voir promu au rang de seigneur de guerre par Zargal… En réalité, il était rentré accompagné d’un fou qui avait osé défier et blesser le maître, et maintenant, il lui apprenait la destruction pure et simple de la waaagh à laquelle il avait appartenue… Bien entendu, la mission qui avait été confiée à Rohrk [3] avait été un fiasco total !

     Raknut avait attendu ce moment depuis des mois et maintenant qu’il était confronté à la réalité de la situation, il aurait donné n’importe quoi pour se trouver ailleurs.

     Contexte désespérant pour le pauvre Raknut qui ne trouva dès lors pas vraiment nécessaire de demander à Zargal de légitimer son nouveau statut auprès des autres peaux vertes…

« Tu as donc une idée des forces des elfes ! Tu vas m’expliquer tout ça en détail ! Ensuite, je déciderai si on te bouffe ou pas ! »

Les revendications du clan Karn

     Syrius n’en revenait toujours pas !

     C’était la première fois de sa vie d’elfe qu’il voyait un nain. Même s’il ne s’attendait pas à ce que ce premier contact se fasse dans une bonne humeur débordante, au moins avait il espéré une courtoisie réciproque.

     Mais, le nain avait craché par terre tandis que l’elfe lui avait tendu la main !

     Sur le coup, totalement désappointé, Syrius avait quand même recherché une explication dans le comportement de son interlocuteur : « Est-ce donc ainsi que l’on salue son hôte chez les nains ? », avait il demandé, non sans ironie, usant du langage occidental.

« C’est comme ça qu’on salue un elfe ! » ; le nain avait répondu dans la même langue.

     Dès lors, Syrius avait compris qu’un dialogue constructif était impossible. Il avait bien sur eu vent de la rancune des nains à l’égard de son peuple mais ne s’attendait toutefois pas à un tel comportement, une telle hostilité…

     L’interaction avait ensuite été très brève. Le nain tendit juste une missive au prince elfe et s’en alla sans même entrer dans la cité.

     Syrius ne fit aucune tentative pour le retenir et laissa partir cet outrageux personnage aux manières complètement décalées par rapport à sa propre culture. L’idée d’ordonner la capture de l’impudent lui passa par la tête, tout comme celle de mettre le feu à sa barbe, très brièvement cependant car la haute estime qu’il avait de lui-même lui interdisait de se rabaisser à user de violence, ce qui aurait, à ses yeux, signifié se mettre au niveau du nain.

     A présent, Syrius avait regagné le palais de Daroir-Fenris et lisait la lettre remise par l’impétueux messager. Celle-ci était signée du sceau d’Hilgor Fâcheux-de-Karn, Seigneur du clan Karn et roi de Karak Karn.

     Rédigée dans la langue occidentale, on pouvait y lire :

« A l’attention du gouverneur de Daroir-Fenris,

Cette présente lettre tient lieu de notice informative.

Quatre mois, jour pour jour après réception de ce message, dans la matinée, une délégation naine viendra revendiquer l’appartenance des territoires du littoral des principautés frontalières (et notamment la cité de Daroir-Fenris) au clan Karn.

Parce qu’elles ont été conquises de haute lutte lors de la guerre de la vengeance par Algadarik de Karn, ces terres reviennent légitimement au clan Karn qui se réserve dès lors le droit de les occuper de façon plus ou moins définitive.

Les elfes sont donc invités à préparer leur départ et à regagner leur île.

La délégation naine aura pour mission d’exposer directement nos exigences au gouverneur de Daroir-Fenris. Faites en sorte que la dite délégation soit reçue avec tous les égards qu’elle mérite.  »

L’absence de formule de politesse ne surprenait pas Syrius…


[1] Krakon était le chef des « griffes noires », une vaste tribu de peaux vertes qui fut assujettie aux forces de Zargal lorsque ce dernier brisa Krakon en deux au cours d’un bref duel. Krakon avait pourtant jusqu’alors la réputation d’un tueur imbattable non seulement au sein de son clan mais bien au-delà ! La victoire de Zargal sur Krakon fut l’une des plus retentissantes de l’orque noir car elle le mit à la tête de la waaagh de sa victime, une des plus imposantes du roc du dragon.

[2] Brolfo était un orque particulièrement futé ! Il était parvenu au sommet de la hiérarchie de son clan en massacrant tous les autres prétendants. Non pas que Brolfo était plus fort et plus massif que les autres mais il s’employait avant chaque combat à mettre toutes les chances de son côté, faisant preuve d’une subtilité peu coutumière des orques. C’est ainsi qu’il fit en sorte d’empoisonner Zargal avant leur duel… Le poison qui devait affaiblir Zargal n’eut pourtant pas le moindre effet sur ce dernier et Brolfo l’apprit à ses dépens quelques secondes après le début du combat…

[3] Petite note à l’attention de celles et ceux qui auraient perdu le fil… Zargal avait ordonné à Rohrk de se rendre dans le territoire des elfes pour y piller le tombeau de Fiann’ Fenris… Les forces elfiques dirigées par Yalniss le Sage avaient repoussé la waaagh dans la plaine des âmes criantes et bien entendu, le tombeau de Fiann’ Fenris n’avait pas été profané.

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