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Le récit de Yoss Viliann’ :

     " Une petite brume recouvre le sol de la plaine des âmes criantes en cette matinée. De gros nuages gris au-dessus de nos têtes menacent de lâcher sur nous à tout moment une pluie dont nous nous passerions bien. L’herbe de la plaine est encore verte, mais bientôt il prendra une teinte rougeâtre car nous nous apprêtons à livrer bataille !

     Je me nomme Yoss Viliann’. J’ai prêté serment d’allégeance à la famille Fenris il y a de cela des décennies que je ne compte plus.

     Nous sommes venus en " Terres de Conquêtes " il y a huit années déjà. L’espoir en nous de voir renaître l’empire de la glorieuse Ulthuan est tenace. Mais, bien que nous aspirions à mener cette entreprise dans la paix et la concorde avec les autres peuples du vieux monde, nous sommes une fois de plus la cible des assauts de fous furieux…

     Cette fois encore, je me vois obligé de revêtir ma belle armure, de me saisir de ma lance et de mon bouclier, et de chevaucher mon rapide coursier. Je prends les armes pour défendre ce que nous avons bâti depuis ces huit années de labeur car il est hors de question de laisser cette vermine agressive arpenter les verdoyantes étendues que sont les terres de notre prince.

     Les Semeurs de Mort ; ordre de chevalerie elfique ancestral auquel j’ai le grand honneur d’appartenir, sont disposés sur une ligne. De là où je suis, je vois notre bel étendard représentant un dragon comme le ciel du magnifique royaume de Caledor en accueillait autrefois en masse.

     Sur ma gauche se tient Hilmiaje des Songes, notre courageux capitaine. C’est à ses côtés que nous avons combattu il y a bien longtemps maintenant les druchii en Naggaroth ainsi que les invasions de maléfiques engeances démoniaques en Ulthuan. J’ai eu maintes fois l’occasion de me rendre compte de sa valeur et de sa bravoure dans le feu d’innombrables batailles. Hilmiaje est l’un de ces héros dont on chante les exploits dans le royaume de Caledor et à la cour de la reine éternelle. Sa droiture n’est plus à mettre en doute et lui vaut d’être un des compagnons les plus fidèles de Syrius Fenris, notre prince.

     Plus loin, sur ma gauche, je distingue la bannière des Crinières de Feu ; d’autres de mes frères guerriers venus d’Ulthuan et ayant prêté le même serment d’allégeance que moi. Je devine parmi eux la présence de Yalniss le Sage ; un archimage âgé de plusieurs milliers d’années. Yalniss est le conseiller de notre seigneur. Il est celui qui fut son précepteur en Ulthuan, et qui l’initia à l’art de combattre l’arme au poing. J’éprouve pour ce sorcier un profond respect, d’autant plus que notre prince lui a délégué le commandement de l’ost qui se dresse aujourd’hui face à la waaagh contre laquelle nous nous apprêtons à livrer bataille.

     Autour de nous se dresse fièrement le reste de nos forces. Il y a la baliste déployée sur la colline située beaucoup plus loin sur ma droite. La machine et ses servants sont protégés par deux régiments d’archers. La mission de ces derniers sera d’affaiblir l’ennemi par d’incessants tirs, et de combattre l’épée à la main si des orques parviennent à submerger notre ligne d’attaque et tentent de s’en prendre à notre arrière garde.

     Je connais les orques pour les avoir déjà combattus autrefois, et je ne puis m’empêcher de penser qu’à un contre un, nos archers n’ont que peu de chances de venir à bout de ces sauvages sanguinaires…

     Deux chars sont censés accompagner notre charge initiale, car nous autres Semeurs de Mort sommes le fer de lance de l’attaque.

     La tactique à suivre nous a clairement été exposée par Yalniss le Sage avant la bataille. Tactique qui lui a été dictée par Syrius en personne ; la première charge sera menée conjointement par les auriges et les Semeurs de Mort. Il ne fait aucun doute que rien ne résistera notre assaut initial ; toutefois, je redoute la suite des évènements. Une fois que nous aurons enfoncé la ligne de combat des orques, notre manoeuvrabilité sera remise en question et je crains que nous ne soyons submergés par une force numériquement supérieure…

     Une ombre passant sur la plaine me rappelle la présence parmi nous de Smoon Dway-Inn. Je lève les yeux pour admirer Plume de Dragon, le griffon que chevauche le vétéran de nombreuses batailles qu’est Smoon.

     De magnifiques larges ailes parsemées de plumes colorées portent la massive et néanmoins élégante créature au-dessus du champ de bataille. Smoon ne gâche en rien le tableau ; il est resplendissant de dignité et de fierté. La lame de sa hallebarde scintille sous le soleil et son armure projette des reflets aux couleurs de Plume de Dragon. Comment pourrai-je ne pas être en admiration devant elfe si majestueux ?

     Le devoir de Smoon sera de nous porter assistance lors de l’attaque. Je suis rassuré d’avoir si habile compagnon à nos côtés, et j’imagine non sans une certaine satisfaction la terreur qui sera celle de nos ennemis lorsqu’ils se rendront compte qu’un tel adversaire s’opposera à leur sournoiserie.

     Yalniss nous a signifié que notre tâche sera de nous lancer à l’assaut de la troupe la plus dangereuse des rangs ennemis : les orques noirs !

     J’espère que nous nous montrerons dignes de la confiance que Syrius Fenris a placée en nous…

     Pendant l’attaque, les Crinières de Feu devront se charger de protéger notre flanc gauche de toute tentative de débordement des peaux vertes. Nous ne pourrons compter que sur nous même si notre flanc droit est attaqué…

     A la force de frappe que constituent les Semeurs de Mort et les Crinières de Feu, et à l’averse de flèches censée couvrir notre avancée dans la plaine s’ajoutera la puissance mystique de Yalniss le Sage. Ce dernier est accompagné de Zanias Vent-du-Nord, son apprenti. A eux deux, je pense comme chacun de mes frères qu’ils devraient être capables de dominer les vents de magie et faire taire les chamans peuplant inévitablement les rangs de la waaagh ennemie…

     Nous devrions aussi espérer l’arrivée des Ombres Spectrales venant en renfort du Nord, ce qui les amènerait directement sur l’arrière garde des orques. Ces éclaireurs auront pour tâche de s’occuper des machines de guerre et de leurs servants. J’espère qu’ils ne tarderont pas à venir, car je sais combien nous serons vulnérable face au danger que représente un trait de baliste ou le tir bien ajusté d’une catapulte !

     Je me surprends à éprouver de la peur en cet instant… C’est un sentiment que j’ai déjà expérimenté de nombreuses fois ; surtout en de telles circonstances ; quand l’ennemi prend place en face de nous en grognant, et en scandant un langage incompréhensible qui doit exprimer des insultes et des provocations… Je suppose…

     Les orques brandissent des lames rouillées, et je ne peux m’empêcher de penser qu’ils ont passé la nuit dernière à les aiguiser pour qu’elles traversent plus facilement nos armures et déchirent nos chairs… Cette idée me glace le sang, mais, ma lance et mon armure ont été lustrées ! Ma détermination est grande, et je n’ai pas dans l’idée de me laisser intimider. Tout au plus, cette peur renforce la vigueur de mon bras !

      Je sens que mon fidèle coursier est nerveux, et je le comprends… Etant donné le sens du vent, il doit percevoir l’odeur des peaux-vertes bien mieux que moi !

     Une masse innombrable de gobelins prend position de l’autre côté de la plaine sous les hurlements d’orques et d’orques noirs...

     Je remarque avec appréhension que les peaux-vertes sont accompagnées de trolls. Je connais ces créatures pour en avoir affrontées jadis. J’avais beau les frapper et les frapper encore, rien n’y faisait… Les trolls possèdent une capacité de régénération qui les rend très résistants… Je n’ai survécu à cette rencontre que grâce aux sortilèges d’un vieil ami aujourd’hui disparu…

     Je constate effectivement la présence de nombreux orques noirs ; ces derniers seront donc notre première cible. Il nous faudra nous enfoncer dans cette marée verdâtre à vive allure en pourfendant un maximum d’ennemis… J’ai peine à imaginer comment nous allons faire pour empêcher les peaux-vertes de nous submerger…

     Quel contraste… Tandis que je m’extasiais quelques instants plus-tôt en admirant nos propres forces, je n’éprouve désormais qu’une aversion justifiée. Les elfes ont poussé l’esthétisme à l’extrême, repoussant toujours les limites de la beauté, mêlant l’art à tous les domaines de la vie, y compris la guerre.

     Les orques, eux, sont sales et grotesques. La crasse les recouvre de la tête aux pieds. Leur apparence est en complète opposition avec notre élégance. L’odeur qu’ils dégagent est nauséabonde, et même les sons qu’ils émettent ne m’inspirent que dégoût…

     Mais, l’heure n’est plus à la réflexion. Dans quelques instants, l’ordre va nous être donné de charger les orques.

     Je serre plus vigoureusement ma lance. La tension est palpable. Je me risque à un coup d’oeil sur ma gauche ; Hilmiaje des Songes est impassible. Son visage est ferme et son regard est fixé sur les orques noirs. Visiblement, lui non plus n’a pas l’intention de se laisser dominer par sa peur… Je me demande même si tel héros peut encore être effrayé par quoi que ce soit !?

     Soudain, un son de cor retentit ! C’est le signal ! Le moment est venu de nous élancer dans la plaine. Le coeur battant, nous nous dirigeons vers ce qui sera inévitablement un bain de sang !

     Les premières flèches fusent vers l’ennemi. Les mortels projectiles sont dirigés vers les orques noirs, et je suis heureux de les voir trouver le coeur des créatures… J’en vois un grand nombre succomber !

     Tandis que nous galopons, le chaos de la bataille commence à se faire ressentir. La waaagh s’élance vers nous avec la même vigueur. Un immense trait de baliste passe à quelques mètres au-dessus de nos têtes, un rocher de catapulte vient s’écraser sur notre droite. Ces peaux vertes sont de lamentables tireurs !

     Les sorciers ont déjà entamé leurs invocations. Je vois une colline ensevelir des gobelins, telle puissance mystique ne peut être le fait que de Yalniss le Sage. Mais, je ne puis me concentrer sur autre chose que ce que je m’apprête à accomplir, car le moment est arrivé !

     Le choc de départ est terrible ! Un bruit d’os qui éclate... Il faut s’accrocher pour ne pas tomber de sa monture car une telle chute serait synonyme de mort ! J’ai déjà de nombreuses fois chargé des fantassins, et j’en ai vu périr un grand nombre au bout de ma lance ! Aujourd’hui encore, notre ordre chevaleresque mérite son nom de Semeurs de Mort !

     Conjointement à notre assaut, un char fauche inexorablement d’autres orques noirs.

     Je n’ai qu’une vague idée de ce qui se passe autour de moi tant ma concentration est grande. Il suffirait que je ne prenne pas garde un court instant pour être désarçonné, jeté à terre et démembré !

     J’empale une autre de ces monstruosités vertes tandis que les sabots de ma monture s’écrasent sur des crânes de même couleur !

     Le carnage est absolu, et en quelques instants, mon armure et le caparaçon de mon coursier sont maculés de sang orque !

     Je me permets un court moment de porter le regard plus loin sur l’arrière garde des peaux-vertes ; c’est alors que j’y aperçois celui qui est certainement le chef de cette horde terrifiante. L’orque noir le plus gigantesque qu’il m’ait été donné de voir de toute ma vie d’elfe ! Ce dernier chevauche un sanglier de combat non moins immense. Il rugit ses ordres à ses troupes, puis s’arrête un instant pour regarder dans ma direction !

     Est ce moi qu’il contemple ainsi ? Son regard semble captivé par quelque chose... se situant apparemment juste au-dessus de ma tête.

     Soudainement, je perçois un puissant coup de vent, et une ombre gigantesque passe au-dessus de moi ; Plume de Dragon et Smoon Dawy-Inn !

     Voilà ce que l’orque noir regardait avec insistance. Tirant sur les rennes de son sanglier, il opère une rapide retraite, évitant l’assaut de justesse. Conscient de ses faibles chances de survivre face à l’attaque de Smoon, l’orque noir a préféré reculer ! Sa lâcheté est à la mesure de sa folie !

     L’herbe jusqu’alors vierge de toute violence est désormais uniformément rouge tout autour de moi. Notre assaut a été dévastateur et les quelques survivants s’enfuient lamentablement, espérant sans doute rallonger leurs misérables existences de quelques secondes... Hilmiaje nous ordonne alors de ne pas les poursuivre tandis que le char s’acquitte de cette tâche... Tous les orques noirs ne sont rapidement plus qu’un mauvais souvenir !

     Nous sommes alors les témoins d’une fuite généralisée. Suite à l’anéantissement des orques noirs, et à la couardise du seigneur de la waaagh, les orques, les gobelins, et même les trolls tournent les talons ! Je suis stupéfait de constater avec quelle facilité nous avons mis en fuite tant de nos ennemis !

     Le tout est désormais de maintenir cette pression afin de ne pas leur laisser le temps de se réorganiser ! Mais, qu’attend donc Hilmiaje pour nous donner l’ordre de charger à nouveau ? Nous restons en ordre presque au centre de la plaine, attendant une décision de notre capitaine, face à cette marée grouillante de poltrons verdâtres… Le visage toujours impassible d’Hilmiaje me redonne confiance. Il sait certainement ce qu’il fait !

     Le son d’un cor me parvient depuis notre arrière garde. Mon regard se porte sur une autre débâcle : celle de nos archers et des servants de la baliste. Ces derniers fuient devant l’avancée d’une bande d’arbalétriers orques apparus de derrière un talus.

     Mais encore, sur la gauche, non loin des Crinières de Feu qui progressent au pas de course, une troupe d’orques montés sur des sangliers menés au combat par un chaman semble s’apprêter à les charger… Ces orques là sont couverts de tatouages et de peaux de bêtes ; mon œil perçoit même à cette distance la bave qui pend du trou béant hérrissé d’énormes dents qui leur fait office de bouche !

     Si par malheur, les Crinières de Feu venaient à succomber à tel assaut, grande serait notre peine de voir tant de braves rendre l’âme face à de si vils ennemis, mais encore, il nous serait bien difficile de manoeuvrer pour faire face à ce nouveau danger rapidement…

     Malgré notre charge initiale dévastatrice, la bataille semble encore loin d’être gagnée. Cette pensée est accentuée par un autre trait de baliste qui vient se planter à quelques mètres devant nous… Puis par un son de métal tordu, fracassé, écrasé ; il s’agit de l’un de mes compagnons d’armes sur lequel vient de s’échouer un des projectiles de la catapulte orque ! Sur le coup, mon coursier a un sursaut de frayeur, et je lui accorde une caresse afin de tenter de le calmer. Ma docile monture se reprend instantanément alors que je m’autorise à questionner Hilmiaje.

" Capitaine, nous ne pouvons rester ici ! Nous sommes une cible trop tentante pour les machines de guerre ennemies !!! Donnons la charge aux gobelins ! " : tels sont mes mots, et je crains en cet instant d’avoir laissé transparaître de la peur dans le ton de ma voix !

     Hilmiage tourne vers moi son regard glacé, il fronce les sourcils et m’accorde une réponse.

" Yoss, place ta confiance en moi ! Nous devons encore attendre " .

     Résigné, calme et posé ; telle est la description que je puis faire du ton d’Hilmiaje en cet instant.

     Lui faire confiance… Et attendre… ?

     Je hoche la tête en guise d’approbation…

     Au coeur de la panique adverse, j’entends l’orque noir commandant la horde hurler à ses troupes de rester dans le rang. Mon regard est captivé par cet impressionnant seigneur de guerre. J’ose espérer que nous n’aurons pas à croiser le fer avec lui, car je suppose que personne parmi nous n’est de taille à, ne serait ce que, le blesser !!!

     Il semble hurler particulièrement fort sur un frêle gobelin fuyant sur un petit loup bien chétif ! Cependant, les menaces de son maître paraissent moins l’inquiéter que le puissant monstre qui est venu des cieux comme l’annonciateur de sa mort prochaine.

     Mais, si ce misérable lâche fuit aussi vite que le lui permettent les pattes de son chien-loup, le reste de la horde reprend courage.

     Gobelins et trolls écoutent les ordres de leur maître et cessent leur fuite éperdue. Je ne puis m’empêcher de penser que ce fut une erreur de ne pas leur donner la chasse lorsqu’ils fuyaient.

      Le char est le premier à pâtir des assauts des trolls ! Ces créatures n’éprouvent aucune pitié à tuer nos compagnons auriges… La même absence de pitié dont nous fîmes preuve lorsque nous exterminâmes les orques noirs.

     Subitement, je comprends la raison pour laquelle Hilmiaje nous interdisait de poursuivre les gobelins. De leurs rangs jaillit un énorme boulet hérissé de pointes à l’extrémité duquel un petit gobelin s’évertue à donner un sens à sa course ! Ce nouveau maléfice est un " fanatique ". C’est ainsi que nous nommons ces gobelins rendus fous par la prise de drogues à base de champignons vénéneux… Ces mixtures leur donnent la volonté et la force nécessaire pour porter jusqu’à épuisement un boulet plus lourd qu’eux en le faisant tourner dans un tourbillon, présage de mort. Cette combinaison est réputée être extrêmement dangereuse. Le fanatique semble se diriger dans notre direction, aussi Hilmiaje nous commande une réorganisation… Nous manoeuvrons alors nos coursiers et nous ôtons de la trajectoire du gobelin tout juste conscient des évènements se déroulant céans.

     A peine échappons nous à un danger qu’un autre nous menace aussitôt. Mes yeux se portent sur notre droite ; ce sont d’autres orques recouverts de peaux de bêtes et de tatouages tribaux, portant de grotesques armes à deux mains qui, sortis de nulle part, s’approchent de nous. La situation devient critique : des orques sur notre droite, un nombre indéfinissable de gobelins en face de nous, des trolls, des machines de guerre qui n’ont de cesse de nous prendre pour cible, un gobelin fanatique à quelques mètres susceptible à tout instant de fondre dans notre direction, et plus terrible que tout le reste : le seigneur de guerre de la waaagh qui porte sur notre unité un sinistre regard de mépris !

     Hilmiaje toutefois reste impassible… Je crois comprendre qu’il a une idée précise de la tactique à suivre. Il est vrai que mener une nouvelle charge vers l’une des unités ennemies nous exposerait à la hargne de toutes les autres sans que nous ne puissions réagir… Nous serions trop rapidement submergés. Une autre alternative serait la retraite ; mais, ce faisant nous laisserions d’autres de nos camarades à la merci des peaux vertes. Il va nous falloir tenir cette position, même si résister à tous ces adversaires me parait impensable… Nous n’avons d’autre choix… La course de nos ennemis dans notre direction ponctue mes pensées…

     Mais, l’espoir est tenace et grande est la bravoure des elfes ! Et ce dévouement qui anime les Semeurs de Mort est partagé par nos autres compagnons d’armes !

     Nos archers se rallient, regagnent une position de tir, et nous apportent un soutien apprécié. Autre manifestation salvatrice : c’est Smoon Dawy-Inn, chevauchant toujours le majestueux Plume de Dragon qui fond sur les orques qui menacent notre flanc droit ! Face à une dizaine d’ennemis frénétiques, il se défend comme un diable !

     Enfin, les Ombres Spectrales font leur apparition sur l’arrière garde des peaux-vertes depuis le bois aux hiboux qui délimite la plaine au Nord. Ces éclaireurs que nous attendions tant nous mettent à l’abri du danger que représentaient les tireurs adverses…

     La situation désespérée qui était la nôtre, tant la supériorité numérique adverse nous promettait un prompt trépas, laisse place à la renaissance de l’espoir.

     De toutes ces menaces qui pesaient sur nous ne subsistent que les gobelins et le seigneur orque noir, les trolls se jetant sur Smoon Dway-Inn et Plume de Dragon. Animé d’un inexpugnable désir de me montrer digne de tous ces héros qui donnent un nouveau souffle à l’espérance, j’attends l’assaut ennemi !

     Bien plus loin sur notre gauche se joue un autre acte de cette folie guerrière. Les chevaucheurs de sangliers orques chargent les Crinières de Feu. Cette attaque est soudaine et terrible, mais, galvanisés par la présence de Yalniss à leurs côtés et malgré leurs pertes, ils tiennent bon, répliquant à l’assaut avec leurs lourdes haches à deux mains, animés qu’ils sont par l’ardent besoin de venger ceux qui ont déjà donné leur vie pour repousser la waaagh ! Leurs coups sont précis et puissants. Plusieurs orques sont mis à terre ou décapités à même leur monture. Yalniss fait danser sa lame d’une façon que je ne soupçonnais pas possible pour un praticien des arts mystiques… Au terme de la mêlée, les orques battent en retraite sous les cris de victoire des Crinières de Feu !

     Tel prodige m’insuffle encore un peu plus de courage !

      Les gobelins s’approchent toujours un peu plus de nous. Bientôt devra s’engager le corps à corps. Cependant, avant que n’arrive ce moment décisif, la mort incarnée s’élance vers nous !

     Le seigneur de guerre orque noir, le général ennemi, le combattant le plus féroce de l’armée qui nous fait face nous charge en hurlant son cri de guerre le plus terrifiant.

     Je perçois alors les paroles d’Hilmiaje et celles-ci résonnent dans ma tête… Ai je bien entendu : " Laissez le moi ! " juste avant que notre capitaine lance son coursier à la rencontre de cette hideuse créature ?!

     Plongés dans un combat singulier où nul n’est autorisé à intervenir, les deux combattants s’échangent des bottes mortelles ! Je constate avec appréhension que malgré le fait qu’il esquive les dangereuses attaques de l’orque et de son puissant sanglier de combat, Hilmiaje ne parvient pas à trouver la faille dans la garde de son ennemi.

     Comment ne pas être pantois d’admiration devant un tel courage, un tel dévouement ? Se peut-il qu’il existe quelque part en ce monde plus bel exemple de bravoure ?

     Je ne puis intervenir et j’enrage à cette idée, mais Hilmiaje nous transmet à tous sa grandeur d’âme !

     Sur la droite, Smoon est toujours aux prises avec les orques et le dernier troll encore vivant. Plusieurs cadavres d’orques gisent non loin, mais, le guerrier et sa monture souffrent de plusieurs blessures… Et je doute de l’issue de cet affrontement !

     C’est Zanias Vent-du-Nord qui lui porte secours. Brandissant son épée ensorcelée, il pourfend l’une des peaux-vertes avant de contrer une riposte d’un habile mouvement de sa lame !

     L’arme rouillée d’un orque se plante alors dans le cou de Plume de Dragon. Il en jaillit une marre de sang qui inonde l’assaillant. Le griffon s’affaisse, entraînant dans sa chute son cavalier ! Smoon parvient toutefois à ne pas se faire écraser par la masse de sa monture et ne manque pas de trancher une tête d’orque d’un revers de sa hallebarde avant de toucher le sol.

     Je ne puis me résoudre à retranscrire dans le détail la suite de cet épique combat tant mon coeur saigne à cette idée… Car, face aux sournoises attaques des orques et du troll et malgré la vigueur de leurs bras, Zanias et Smoon sont tués par leurs adversaires… Leurs têtes séparées de leurs corps respectifs et les grognements de victoire des orques me donneront des cauchemars jusqu’à la fin de ma vie… peut-être très proche…

     Ces héros seront pleurés et glorifiés par tous les elfes car ils étaient de vrais héros.

     Alors que se jouait ce drame, Hilmiaje continuait d’affronter le général ennemi en combat singulier, aucun des deux duellistes ne prenant l’ascendant sur l’autre, l’habileté et la rapidité d’Hilmiaje s’opposant à la puissance brute de l’orque noir.

     Mais, les gobelins sont désormais presque sur nous. Je vois briller leurs petits yeux malicieux, et je distingue les effluves qui s’échappent de leurs bouches que j’imagine nauséabondes. Je saisis alors fermement la garde de mon épée et combat avec mes frères de race pour nos vies et pour la gloire d’Ulthuan.

     Tandis que fait rage ce combat qui nous oppose à ces petites mais nombreuses créatures, les chevaucheurs de sangliers font de nouveau face aux Crinières de Feu… Désireux de prendre leur revanche. Mais, avant qu’ils ne chargent une nouvelle fois, Yalniss rassemble les vents magiques et invoque l’un de ses sorts les plus puissants. Les flammes ardentes ont rapidement raison de tous les orques de la troupe excepté du chaman qui s’enfuit, terrorisé par la puissance d’un sortilège aussi dévastateur… Dans sa fuite, les flammes commencent à le consumer, ne laissant de lui quelques secondes plus tard qu’une traînée de cendres…

     Il nous faut donc tenir car désormais, plus rien n’empêche les Crinières de Feu de venir en renfort, nous assister dans le combat terrible qui nous oppose à la marée de gobelins.

     Hilmiaje, lui, tient bon ; il résiste à un ennemi qui dispose d’une supériorité que nous savions tous être incontestable. Plusieurs fois, j’ai cru que mon capitaine et ami était perdu, mais, chaque fois un habile mouvement lui sauvait la vie !

     Jamais je n’ai vu un elfe faire preuve d’un tel courage, ô combien jamais je n’aurai cru que l’un de nous aurait pu résister à une force pareille ; pourtant, Hilmiaje concrétise à lui seul le fait que cela est possible !

     Son courage nous invite à en faire autant, sa ténacité nous insuffle le pouvoir de vaincre nos ennemis. Mon épée me semble plus légère, mes ennemis me semblent plus lents, rien ne peut plus désormais stopper mon désir de me montrer digne du héros qui est mon capitaine.

     Notre assaut est incroyablement dévastateur, les gobelins voient la mort dans nos regards, et nos épées leur apportent ce que nos yeux leur promettent.

     Les lames de nos épées jusqu’alors immaculées sont recouvertes de leur sang !

     Face à notre acharnement, et fidèles à leur réputation de couards de la pire espèce, les gobelins tournent les talons et s’enfuient.

     Constatant la fuite de ses guerriers, très certainement apeuré par nos prouesses, l’orque noir rompt le combat qui l’opposait à Hilmaje et suit leur dégradant exemple ! Victoire !

     Hilmiaje se tourne alors vers nous.

" Tous avec moi, exterminons cette vermine ! "

     L’ordre est donné. Nos rapides coursiers nous permettent de rattraper bien vite les gobelins. La plupart d’entre eux succombent à nos attaques tandis que les quelques survivants s’enfuient vers le Nord… Mais, le sanglier de l’orque noir, étonnamment plus rapide que nos coursiers, parvient à porter son maître hors d’atteinte ! Ce dernier se retourne un instant dans sa fuite alors que nous le poursuivons en vain… Il s’agit là de la dernière erreur de sa vie misérable, car un valeureux revient à la vie par la grâce de la puissante magie qui est l’apanage de Yalniss. Une ombre fantomatique se matérialise sur la route du lâche seigneur de guerre, et ce dernier trop préoccupé à évaluer la distance qui le sépare de ses poursuivants ne voit pas la mort le faucher inexorablement ! Smoon, brave parmi les braves est revenu à la vie pour une ultime mission vengeresse, sa hallebarde sectionnant l’orque noir par la taille… Nous piétinons la moitié supérieure du corps alors que le sanglier emporte loin les jambes de son défunt maître…

     La mort de leur général sonne le glas de ce qui reste de la waaagh. Les Ombres Spectrales sont parvenues à vaincre l’arrière garde des orques. Yalniss, toujours à la tête des Crinières de Feu venge la mort de son disciple Zanias en exterminant les quelques orques restant. Le dernier troll, quant à lui, prend définitivement la fuite vers les monts du parjure à l’Est…

     Très rapidement, les derniers vestiges de la horde qui nous faisait face sont balayés.

     Nous avons vaincu nos ennemis, mais le prix de cette victoire est élevé. Des braves sont tombés en ce jour et j’ai grand mal à me réjouir de l’issu de la bataille.

     La plaine est désormais lavée de toute présence orque, mais il subsiste des traces de leur passage. Descendu de ma monture que je caresse doucement, j’ai les pieds dans une énorme mare de sang. Mon regard se porte tout autour, et ce que je contemple ne m’enchante guère. Des cadavres éparpillés… Des gobelins pour la plupart, un grand nombre d’orques noirs aussi… Par là, la carcasse de ce qui fut moins d’une heure avant un majestueux griffon… Ici un rocher sous lequel je devine le corps écrasé de l’un de mes frères d’armes… Là bas, d’autres guerriers elfes tombés courageusement face à la charge des chevaucheurs de sangliers dont il ne reste plus que des petits tas de cendres encore fumants… Je n’ose porter le regard sur les corps de Smoon Dway-Inn et Zanias Vent-du-Nord, mais le souvenir de leur sacrifice ne m’échappera jamais… "

 

Le puissant Raknut

 

     La bataille s’était achevée depuis quelques heures…

     Presque tous les fiers guerriers elfes avaient quitté la plaine des âmes criantes, seuls restaient quelques archers chargés de donner l’alerte au cas où d’autres orques viendraient… Ces besogneux n’étaient autres que ceux qui avaient fui durant la bataille… Ils avaient monté deux tentes et nourrissaient un feu de camp. Quatre d’entre eux montaient constamment la garde… Ils faisaient pénitence pour leur manque de bravoure.

     Plus silencieux qu’un félin et plus rampant qu’un serpent, Raknut était revenu sur le champ de bataille pour constater la mort de Rohrk… Rohrk, le puissant Rohrk était tombé… Il était mort, il avait succombé, et avec lui tous les autres… Cela signifiait, entre autre, que Raknut était le nouveau général ! Quelle joie fut la sienne ! Il s’enfonça dans le bois aux hiboux et laissa exploser son bonheur !

" Je suis le nouveau général ! ! ! C’est moi le boss’ de la horde ! ! ! Je suis un seigneur de guerre ! ! ! Je suis le puissant Raknut ! ! ! "

     Raknut était devenu en effet selon les traditions orques le nouveau général de l’armée… Mais, au bout d’un moment passé à clamer aux arbres et aux animaux du bois son nouveau statut, Raknut eut un éclair de génie : il comprit que le fait qu’il n’y avait plus d’armée faisait de lui le général d’une waaagh sans troupes, le chef de personne d’autre que lui-même !

     Dans ce cas, les choses devenaient contrariantes… Et puis, comment allait-il faire pour regagner le Roc du Dragon ; sa patrie… ? Raknut cessa de sautiller dans tous les sens. Il se résigna et prit une direction au hasard… La chance voulut qu’il aille vers le Nord…

     Au bout de plusieurs heures passées à errer dans l’inquiétant bois à dos de loup (enfin… de chien), la lune éclairait la cîme des arbres, et le visage de Raknut était las, maintenant, Raknut était très triste, il en venait même à regretter la mort de Rohrk.

     Soudain, sa monture renifla une piste familière… Raknut prit la direction de l’odeur qui alertait son animal…

     Un long moment plus tard il finit par retrouver les restes de la troupe de gobelins qui s’était enfuie dans le bois aux hiboux durant la bataille… Il y avait là pas moins d’une vingtaine de ses frères gobelins… Raknut était fou de joie ! Il pouvait faire valoir le pouvoir qui était désormais le sien !

     Il s’approcha des gobelins complètement intrigués de se trouver face à face avec leur nouveau chef légitime. Raknut prit un ton grave et hurla : " Alors, bande de crottes de troll ! Z’avez flippé pendant la bataille, z’êtes enfuis comme des trouillards ! Z’allez en chier ! Parole de Raknut le brave ! Z’avez pigé ? ! ? ! "

     En cœur, tous les gobelins crièrent la seule réponse possible : " Oui boss’ ! ".

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