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     L’Arme de chair était allongée, pensive. Elle fixait le haut de l’immense lit en baldaquin au matelas moelleux, décoré de gravures d’animaux rugissants. Son petit corps se réchauffait sous une paire de draps jaunes et soyeux, propre pour la première fois depuis bien longtemps.

Toutes les odeurs repoussantes qui l’avaient accompagnée dans ses pérégrinations parmi les ruelles éparses des quartiers pauvres semblaient s’être évanouies. Elle laissa courir ses doigts sur sa peau pâle, qui se révéla lisse, dépourvue de toute transpiration, de toute crasse. Elle soupira et regarda à travers les rideaux fins qui abritaient son lit pour la énième fois.

     La vaste chambre où elle se trouvait respirait le luxe. Chaque mur lambrissé s’ornait d’extraordinaires tapisseries, qui se renvoyaient tels des miroirs des couleurs plus chaudes les unes que les autres – rouge, vert et bleu intenses, accompagnées de touches plus discrètes de jaune ou de doré. Le sol était recouvert d’un parquet verni, et un tapis chamarré déployait langoureusement son envergure jusqu’aux coins de la pièce, où trônaient divers éléments de mobilier – ici un bureau avec un encrier, là un placard contenant du linge, là-bas un gros coffre vide.

     Ce n’est que lorsque son regard s’arrêta sur la porte close qu’elle se souvint qu’elle était enfermée. Il n’y avait pas la moindre fenêtre, et seule la lumière que dispensait un lustre de cristal permettait de repousser les ténèbres et révélait la splendeur de la chambre. L’Arme de chair n’avait plus la moindre arme sur elle. Elle ne s’était que rarement sentie aussi démunie, aussi nue, de toute sa vie, même lorsque la veille, les serviteurs de Jari B’Rauts l’avaient dévêtue pour la laver et l’habiller. A ce moment-là, elle était dans un état second, prête à faire n’importe quoi pour échapper à la Garde sombre. Et elle l’avait fait. Elle ferma les yeux et se remémora la scène.

 

     Elle était arrivée à bout de forces, manquant de trébucher sur chaque énergie qui la portait. La demeure de B’Rauts se dressait un peu à l’écart du reste du quartier riche, à son extrême ouest. Elle avait pu se déplacer assez rapidement pour que les habitants ne la voient que peu ou pas passer, mais elle savait qu’elle ralentissait et qu’elle laissait derrière elle une trace trop évidente. Finalement, elle avait atteint la vaste maison du noble, aux balcons aussi vastes que des terrasses, et avait frénétiquement frappé de toutes ses forces restantes sur le bois de la porte. Un serviteur lui avait ouvert, avait laissé échapper un cri muet lorsqu’elle avait forcé le passage et s’était écroulée sur le tapis de l’entrée, en sang. Le serviteur avait disparu et, quelques secondes après étaient arrivés en courant deux hommes – Jari B’Rauts, reconnaissable à ses cheveux roux et à son regard bleu métallique, et un autre qu’elle ne connaissait pas, et qui se révéla être un nécromancien de seconde zone, un noble inférieur au service de B’Rauts.

     Le premier avait immédiatement hurlé des ordres, et une myriade de serviteurs et de gardes s’étaient empressés d’envelopper l’Arme d’un drap pour absorber le sang et de la porter ainsi jusqu’à un grand salon, pendant que d’autres s’efforçaient de nettoyer le sang sur le perron et d’emporter le tapis pour le dissimuler. Jari s’était alors assis dans un fauteuil confortable, le dos tourné à la porte de la salle, avait chuchoté quelques instructions au nécromancien, puis avait glissé quelques mots à l’Arme de chair, à elle seule – un ordre d’assassinat. Alors, il avait demandé à celle-ci de le poignarder dans le dos.

     Sur le coup, elle ne le comprit pas. Mais elle était réellement épuisée, à tel point qu’elle n’avait déjà pas réagi aux chuchotis précédents, et elle avait obéi. Elle lui avait enfoncé une lame entre les omoplates, provoquant les hurlements du noble, puis elle avait lâché la dague et s’était évanouie dans les bras du nécromancien, pendant que les serviteurs et les gardes s’égayaient.

     Elle ne savait pas combien de temps elle avait dormi mais, à son réveil, elle se trouvait dans une chambre inconnue, superbement décorée, et le nécromancien terminait de soigner sa blessure au flanc. Quand il eut fini, elle n’hésita pas une seule seconde à laisser parler ses vieux instincts : elle lui trancha la gorge avant même que l’esprit du magicien ne l’ait regagné, et elle vit celui-ci s’éloigner peu à peu dans des hurlements aussi horrifiés que silencieux. Puis elle avait attendu, assise au bord du lit, hébétée et abattue, jusqu’à ce que des serviteurs la conduisent dans une salle de bain et la lavent – emportant silencieusement le cadavre du nécromancien – sans qu’elle leur oppose la moindre résistance. Ils l’avaient ensuite ramenée dans la chambre souterraine, où elle s’était endormie, délassée par le bain.

 

     Elle rouvrit les yeux. Jari B’Rauts était un homme abominable, un des pires qu’elle ait connus. Il n’avait pas hésité une seule seconde à sacrifier un de ses subordonnés à un nouveau projet. Jamais le nécromancien n’aurait pu imaginer que, sous ses yeux, B’Rauts avait ordonné à l’assassin de l’abattre après qu’il l’aurait soigné. Le noble n’avait pas non plus hésité une seule seconde à mettre son propre corps en jeu pour mener ses projets à bien et, en cela, elle l’admirait. Rares étaient les employeurs qui participaient eux-mêmes à l’action et qui ne se contentaient pas d’avancer simplement leurs pions. Certes, Jari B’Rauts ne courait pas grand risque : la Garde sombre allait arriver d’une minute à l’autre, et elle n’aurait eu aucun mal à aller chercher un autre nécromancien pour guérir la blessure. Mais l’Arme était épuisée et, dans son état, elle aurait tout aussi bien pu rater son coup et tuer instantanément le noble. B’Rauts jouait à un autre jeu que les autres, dangereux, certes, mais qui pourrait se révéler gagnant.

     Et c’est au service de cet homme impitoyable qu’elle venait de se mettre, plus ou moins contre son gré. Elle n’avait pas eu le choix et, désormais, elle était liée à lui. Elle ne se leurrait pas : s’il ne l’avait pas dissimulée, elle serait morte à l’heure qu’il est.

 

     Elle étira son corps souple, grimaçant lorsque la douleur se réveilla ; mais celle-ci n’avait aucune commune mesure avec la souffrance qui irradiait dans son corps tout entier, une vingtaine d’heures plus tôt. La jeune femme repoussa les draps et les rideaux pour se lever. Elle boita un peu, le temps de compenser la douleur, et se dirigea vers le placard pour se vêtir. En l’ouvrant, elle se trouva submergée sous quantité d’habits de toutes sortes : robes vert émeraude ou bleu saphir ornées de pierres précieuses, pantalons en lin, chemises aux boutons de nacre, gilets de laine et justaucorps, capes et ceinturons, pourpoints et chausses… Un instant, elle fut perdue, et tenta instinctivement de trouver des vêtements noirs et un grand manteau. En vain. La mort dans l’âme, elle se résigna pour un pantalon en coton et une chemise serrée, par-dessus laquelle elle passa un bliaud en laine. Elle enroula également un ceinturon autour de sa taille, et chaussa des bottes en cuir. N’était l’absence d’arme, elle était parée.

     Se retournant, elle avisa un petit miroir posé sur le bureau. Elle se dirigea vers lui, et le saisissant, s’observa. Elle mira une femme d’une trentaine d’années, vêtue pour voyager, dont les yeux bleu pâle observaient avec étonnement la chevelure blonde, d’une longueur inégale, qui venait lui caresser les épaules, et un visage qui n’avait pas été aussi propre depuis une éternité. Si elle n’avait pas pu contempler la cicatrice discrète qui parcourait le bas de son cou, et son nez presqu’imperceptiblement tordu, elle ne se serait pas reconnue.

     Toute absorbée par sa découverte, elle sursauta lorsqu’elle entendit la porte s’ouvrir et, sur la défensive, dégaina une dague imaginaire. Elle étouffa un juron lorsqu’elle se rendit compte de sa bêtise. Mais ni Jari B’Rauts, ni les deux gardes qui l’encadraient, ne se moquèrent d’elle. Le noble parut la jauger un instant ; elle soutint son regard et, satisfait, il renvoya les gardes, qui refermèrent la porte derrière eux. Il la détailla du regard puis, souriant, prit la parole.

« Tu es tout de même plus présentable ainsi, même si le rouge est ma couleur préférée.

     L’Arme de chair ne répondit pas, se contentant de constater que le noble n’était vêtu que de vert. Un fourreau lui battait le flanc gauche.

- Comme tu peux le voir, nous ne sommes que deux. J’ai choisi de te faire confiance.

- Pas difficile, lorsqu’on a une rapière et que l’autre est mains nues.

- J’espère que je ne le regretterai pas.

     Il n’avait même pas pris la peine de relever la raillerie. La jeune femme sentit immédiatement que cet homme n’aimait pas perdre son temps, aussi elle se tut et attendit patiemment qu’il en vienne à l’essentiel.

- La Garde sombre ne fait bien sûr pas confiance à ma version des faits et recherche toujours le corps de celui que tu as assassiné – le nécromancien. Un parasite. Mais je devrais réussir à détourner le regard de N’Mephe sans trop de problèmes.

- Et vos serviteurs, et vos gardes sont au courant de ma présence. Comment voulez-vous que cela reste secret ?

- Ils sont tous aussi muets que dévoués à ma personne. Je sais me montrer bon avec ceux qui me servent de façon satisfaisante. Cela vaudra aussi pour toi. Cependant, te voir arriver en sang a douché mes ardeurs. Es-tu réellement aussi douée que la rumeur le dit ?

     Elle ne sut pourquoi, elle se sentit obligée de l’impressionner.

- Qui d’autre aurait pu s’en sortir au milieu de vingt Gardes sombres, en en laissant même un sur le carreau ?

- Quelqu’un d’autre qui manipulerait cette mystérieuse magie argentée, que je n’avais encore jamais vue, sans doute.

     Nous y voilà. Allait-il lui demander d’expliquer ce don qu’elle ne s’expliquait pas elle-même ? Elle n’avait jamais pu déterminer l’origine de cette magie. Elle ne faisait que s’en servir et, après tout, c’était le plus important. Cependant, le noble laissa tomber le sujet.

- Peu importe. J’ai besoin du meilleur assassin qui soit, et j’ai besoin qu’il me soit fidèle. Je veux pouvoir compter sur toi en continu, et être ton employeur exclusif. Et comme il serait vain de te forcer à m’obéir, je te le demande : que voudrais-tu en échange d’un tel contrat ?

- J’ai besoin de réfléchir.

- Alors, fais-vite. Je te laisse une heure. »

     Le noble fit demi-tour et sortit sur-le-champ, laissant l’Arme de chair prise au dépourvu, étonnée par cette demande inhabituelle.

     Elle alla s’étendre de nouveau sur le lit, la tête appuyée sur ses mains. Que lui proposait réellement B’Rauts ? Des contrats réguliers, l’assurance d’être à l’abri des Gardes sombres et de vivre dans un confort qu’elle n’avait jamais connu. D’un autre côté, elle ne pourrait sans doute que peu respirer et elle devrait rester au service d’un seul homme au risque de se lasser, voire de mourir avec lui s’il échouait. Cela valait-il le coup ?

     Après tout, elle n’était plus en sécurité à l’extérieur. Et B’Rauts ne lui proposait ni plus ni moins qu’une certaine régularité dans son métier d’assassin, une certaine fiabilité. Tant qu’elle accomplirait ses missions comme il le demandait, elle vivrait mieux qu’elle ne l’avait jamais fait – et elle conserverait de toute façon sa liberté de mouvement lorsqu’elle sortirait pour aller tuer. Il n’y avait vraiment aucun inconvénient majeur à accepter cette offre.

     Qui plus est, B’Rauts la fascinait. Elle le trouvait bien plus intéressant que tous les autres nobles, impliqués dans des disputes triviales et sans intérêt. Cet homme lui paraissait plus dangereux, plus imprévisible – donc plus excitant. Il ne serait absolument pas ennuyeux de travailler pour lui. A une seule, toute petite condition.

     Lorsqu’il revint pour connaître sa réponse, elle la lui soumit.

« Je veux que vous me détailliez vos projets. Je veux savoir où vous voulez en venir. »

     Il sourit et sortit, laissant derrière lui la porte ouverte. Lorsqu’elle lui emboîta le pas, passant devant les gardes du noble, ceux-ci la saluèrent.

     Désormais, elle était des leurs.

 

* * *

 

     Cytise se réveilla en sursaut, secouée par des bras vigoureux. Sa première réaction fut de lancer un coup de poing, mais son agresseur s’écarta d’un bond en éclatant de rire. Lorsqu’elle reconnut Therk, la jeune femme s’excusa. En se relevant sur ses coudes, elle constata qu’Arandir, Therk et la nouvelle attendaient qu’elle les rejoigne. Cytise évita soigneusement de regarder celle-ci. Elle se leva rapidement, se demandant comme elle avait pu ne pas être réveillée par le soleil, pourtant violent ces temps-ci, puis elle alla s’asseoir avec les autres mercenaires, qui transpiraient déjà à grosses gouttes. Elle saisit un morceau de pain, en mâcha un morceau, avant de finalement lâcher.

« Je suis prête.

     Therk toussa un coup, puis, voyant que personne ne prenait la parole, commença par présenter Sybèle à Cytise, la qualifiant d’‘agent de la Garde sombre’. L’espionne sourit malicieusement à Cytise, qui se contenta de l’ignorer. Puis Therk reprit.

- Fadamar m’a raconté hier soir votre promenade champêtre et ce que vous a dit T’Nataus. Il est ensuite allé narrer ses propos à son Nathan, qui lui a parlé de tout plein de choses qu’il n’a pas comprises. Mais un mot revenait sans cesse : alchimie. Comme c’est toi l’experte, j’aimerais savoir ce que tu en penses. Enfin, nous aimerions le savoir.

     Cytise se sentit alors écrasée sous le poids de trois visages qui l’observaient d’un œil inquisiteur. Les traîtres, ils s’attaquaient à elle dès son réveil. Elle n’en savait rien, elle. Elle pratiquait l’alchimie, certes, mais elle était encore jeune. Elle ne connaissait que le b-a ba, le basique. La théorie, les grands principes.

     Soudain, elle se souvint. La lame bleue qui vibrait, qui paraissait parler à Mederick. Celui-ci qui affirmait entendre la voix de L’Fyls, dans ce que Cytise avait qualifié de folie. La lame qui parle, la matière et l’esprit réunis. La base de l’alchimie. N’Mephe qui avait évoqué la magie à propos de ces lames. Et cette histoire d’Invocation qui était réapparue ces derniers temps. Tout cela collait trop bien. Pourtant, c’était impossible ! L’alchimie ne consistait qu’en une philosophie, elle ne pouvait réellement aboutir à quelque chose de plus spirituel, de plus élevé, que le travail des métaux et des composants. Et si c’était le cas ?

- Cytise ?

     La jeune femme réfléchit encore un moment, puis commença.

- Oui. Oui, je suis désolée. Je viens de penser à quelque chose de complètement absurde. Et pourtant, c’est peut-être vrai, et cela éclaircirait bien des choses, à commencer par la mort de Thorlof – si, je suis sérieuse, Therk. Mais c’est tellement fou…

     Elle se tut, ne revenant pas elle-même des implications de sa théorie. L’enquête pourrait bientôt être conclue ! Regardant son auditoire, elle les sentit plus qu’intrigués. Elle reprit alors d’un ton docte.

- L’alchimie n’est conçue par bien des gens que comme une simple science, la fabrication et le travail de métaux, l’emploi de potions et de plantes, de divers composants, et l’usage d’instruments compliqués dans des lieux fermés. C’en est effectivement une part importante, mais tout ce bric-à-brac n’est en réalité qu’un moyen d’atteindre un but que beaucoup considèrent comme utopique – moi la première, alors que je suis pourtant passionnée par le sujet, et que je m’y connais quand même un minimum. En fait, l’objectif ultime d’un alchimiste convaincu n’est pas de transmuter le plomb en or matériellement, comme les incultes le croient. Mais il s’agit de transmuter le corps de chair en esprit ou, pour certains, en magie. De ce point de vue, l’alchimie se rapproche plus d’une religion que d’une science. En réalité, elle est à mi-chemin entre les deux.

     Cytise s’arrêta pour reprendre son souffle après cette longue tirade. Elle en profita pour boire un peu d’eau, puis, sentant les mercenaires fascinés par son récit, elle poursuivit.

- Je fais partie de ceux qui pensent que la réalité relève de la deuxième hypothèse : la transmutation du corps en magie. Et comme les ignorants parlent de transmutation du plomb en or, il va de soi que la magie en question serait la magie dorée. L’Invocation. Idéalement, cela permettrait à un humain de vivre éternellement, car son corps de chair serait certes transformé en magie, et donc gagnerait le monde de celle-ci, mais dans ce monde-là il acquerrait la même forme solide. Il s’agirait en quelque sorte d’une purification, d’une élimination des scories du corps de chair – parmi lesquelles tous les éléments qui peuvent faire souffrir l’homme. Il ne resterait que son enveloppe, emplie toute entière de magie, et constituée elle-même de magie. Vous me suivez toujours ?

- Ouais. Mais du coup, je ne vois pas le rapport avec les métaux. Ni avec L’Fyls. Cytise sourit.

- J’y viens. Ce dont je viens de parler est, je l’ai dit, l’aboutissement ultime de l’alchimiste. Pour moi, c’est une utopie. Je suis bien plus matérialiste. Justement, je vous ai dit que l’alchimie se trouvait à mi-chemin entre la religion et la science. Pour l’instant, je n’ai parlé que de son côté spirituel. En ce qui concerne le côté scientifique, on peut dire que, d’une certaine façon, les incultes ont raison. L’alchimie consiste effectivement en la transformation d’une substance en une autre, d’un élément – feu, air, terre ou eau – en un autre. Mais cette transmutation ne se comprend que si l’on fait le lien avec le côté spirituel de l’alchimie.

- Je t’avoue que je suis perdu. Je ne vois pas du tout où tu veux en venir.

- Ne t’inquiète pas, tu vas comprendre.

     Promenant son regard sur son auditoire, Cytise constata que Sybèle arborait désormais un air respectueux, bien différent de ses habituels yeux railleurs. Satisfaite, elle poursuivit.

- En fait, l’alchimiste établit un rapport vertical entre la magie et lui. Son objectif est de se transcender pour pouvoir gagner ce monde qui le surplombe. Et, de la même façon, il établit un rapport vertical entre les métaux et lui, en se mettant lui-même à la place de la magie, et en plaçant le métal à la place de l’homme. En quelque sorte, il y a un macrocosme – le rapport magie-homme – et un microcosme – le rapport homme-métaux. Le microcosme doit permettre de comprendre le macrocosme. En quelque sorte, il est une étape vers la transmutation du corps en magie : celui qui le maîtrise, pourra alors maîtriser le macrocosme. Ne vous inquiétez pas, j’arrive à L’Fyls.

     Elle but à nouveau un peu d’eau.

- Il s’agit donc à la base, pour l’alchimiste, d’élever le métal au rang de l’homme. De passer de la matière à l’esprit. De donner, en somme, une âme à un métal par le biais de matériaux que personne ne connaît. Mais ce n’est pas n’importe quelle âme qu’on lui donne, en théorie – si on y parvient. C’est nécessairement une partie de la sienne, puisque l’alchimiste œuvre pour lui-même.

     La jeune femme se tut et profita du silence pour prendre un nouveau morceau de pain, qu’elle fourra dans sa bouche. Petit à petit, l’idée fit son chemin parmi son auditoire. C’est Therk qui l’exprima à voix haute.

- Alors, les lames dont nous ont parlé K’Thraus et N’Mephe, cette lame bleue qui, selon T’Nataus, lui chuchotait des mots à l’oreille avec la voix de Thorlof… Tu veux dire que ce seraient des armes, comment…

- Alchimiques.

- Des armes alchimiques ? Mais personne ne nous a dits que L’Fyls était un alchimiste ! Tu avais raison, c’est dingue, ce que tu nous racontes !

- Et je n’ai pas fini.

     Cytise approuva intérieurement sa théorie. Oui, tout se tenait. Il manquerait peut-être un indice, une preuve, mais, théoriquement, tout se tenait. Elle termina son morceau de pain, avant de reprendre.

- Comme je vous l’ai dit, la maîtrise du microcosme permet d’atteindre ensuite celle du macrocosme. Autrement dit, une fois que l’on est parvenu à comprendre comment interagissaient les métaux entre eux d’une part, et les métaux et l’esprit d’autre part, et ce parfaitement, alors ce devrait être une formalité que de transmuter ensuite son corps de chair en magie, et de gagner le monde supérieur de l’Invocation.

- Alors L’Fyls, notre homme

Serait dans ce royaume ?

- Théoriquement, oui. Cela dit, personnellement, je n’y crois pas. - C’est chouette, mais je ne vois pas toujours pas le rapport avec sa mort. Que je sache, s’il avait atteint ce superbe monde tout rutilant, il ne serait pas resté bêtement dans notre adorable cité, si ?

     Cytise avait prévu cette question, et elle hocha la tête avant de répondre.

- En fait, je suppose qu’un homme ayant réussi à transmuter son corps de chair en magie pourrait tout aussi bien accomplir le phénomène inverse, à savoir transformer la magie en chair. Non, ce n’est pas ça. Plus exactement, je pense qu’il serait possible de dissimuler le fait que son corps n’est que magie, tout comme l’Illusion peut faire paraître les choses autres. Après tout, on dit que l’Invocation est un regroupement de toutes les magies existantes – plus précisément, on dit que celles-ci découlent toutes de l’Invocation, ce qui revient au même. En d’autres termes, je pense qu’il est possible que L’Fyls n’ait fait en réalité que simuler son appartenance à ce monde.

- Rien que ça !

     Malgré sa remarque moqueuse, Therk se pencha un peu plus en avant, et Cytise remarqua que c’était aussi le cas d’Arandir et de Sybèle. Tous buvaient ses paroles. Toute excitée par son raisonnement et l’attention qu’ils lui portaient, Cytise savoura le silence, et asséna sa conclusion.

- Et il n’existait qu’une seule chose qui ne pouvait se laisser abuser par un tel stratagème. La magie elle-même. Pas une des formes dérivées de magie, non, puisque L’Fyls lui-même pratiquait la Fonction. L’Invocation elle-même. C’est l’Invocation qui a banni L’Fyls du monde matériel et l’a accueilli dans le sien.

     Tous demeurèrent bouche bée. Pour Arandir et Therk, Cytise n’avait toujours été qu’une jeune femme d’agréable compagnie et très compétente, mais à la dérive. Pour quelle autre raison les aurait-elle rejoints ? Ils ne la connaissaient que depuis deux ans, certes, mais jamais elle n’avait fait étalage d’une quelconque philosophie. Ils découvraient à présent une alchimiste qui se posait des questions et réfléchissait en fait bien plus loin qu’eux, adhérant véritablement à une théorie – sans toutefois se leurrer quant à sa portée. En d’autres termes, ils étaient impressionnés. D’autant plus que la démonstration leur avait paru implacable.

     C’est finalement Sybèle qui brisa le silence.

- Effectivement, ce raisonnement est presque aussi joli que toi, ma chérie. Reste que ce ne sont que des mots. Sans preuve, c’est du vent.

Cytise fut heureuse que ce soit l’espionne qui ait posé la question. Elle allait pouvoir prendre une minuscule revanche sur celle qui l’avait humiliée la veille.

- Il y aurait un moyen de le prouver. Un seul.

- Lequel ?

- Il faudrait aller déterrer le cadavre de L’Fyls. Arandir et Therk se levèrent immédiatement, enthousiasmés au point de vouloir partir sur-le-champ. Sybèle jaugea quelques secondes l’alchimiste du regard, puis lâcha.

- Je crois que tu as raison. Je vais aller faire mon rapport au capitaine N’Mephe. Inutile de m’attendre.

     Cytise, toute à sa fierté, ajouta.

- Nous ne comptions pas le faire. »

     Puis elle se leva et s’équipa à son tour avant de suivre ses amis hors de la chambre, laissant Sybèle réfléchir aux implications des propos de l’alchimiste. Oui, elle devait aller faire un rapport.

 

     Mais pas à la Garde sombre.

 

* * *

 

     C’est en fin de matinée que Fadamar Lametrouble demanda aux Gardes sombres, au pont-levis du château, la permission d’entrer. Mis au courant de sa venue par Kjeld V’Fohs, ils s’écartèrent, mais l’un d’eux lui emboîta le pas pour le surveiller. Fadamar profita de sa présence pour le questionner au sujet du nécromancien, et l’autre lui proposa de le mener directement à lui. L’assassin accepta. Une trentaine de minutes plus tard, ils parvinrent à une petite chambre fermée, devant laquelle patientaient deux gardes. Le sombre frappa à la porte, puis l’ouvrit à l’intention de Fadamar, avant de la refermer derrière lui.

     Le visage de Kjeld V’Fohs, tendu, à mille lieues de son impassibilité habituelle, s’éclaira lorsque l’assassin entra. Le noble se trouvait avachi dans un fauteuil tourné vers la bibliothèque qui obstruait la fenêtre. Pêle-mêle, dans toute la chambre, se prélassaient des dizaines de lourds volumes aux couvertures de cuir, parfois colorées ou rehaussées de dorures. Il était impossible d’avancer sans en écraser quelques-uns au passage. L’assassin jeta un coup d’œil au chandelier allumé sur le bureau. Sa chute provoquerait irrémédiablement un incendie, qui consumerait en un clin d’œil le nécromancien – un fâcheux accident, à n’en pas douter… Il regretta un instant de n’être pas venu pour tuer.

     Croyant deviner les motifs de l’hésitation de l’assassin, Kjeld lui fit signe d’ignorer les livres et de se rapprocher. Il ne voulait de toute évidence pas parler à voix haute, de crainte que les gardes de l’autre côté de la porte ne l’entendent. Fadamar entendit les pages gémir à chacun de ses pas. Quand il fut à côté du nécromancien, celui-ci murmura.

« Je suis heureux que tu sois venu. Comme tu t’en doutes, je travaillais avec Arwed P’Ytès.

     Fadamar haussa un sourcil.

- Il est mort aujourd’hui. Il s’est attaqué à trop fort pour lui. Connais-tu un devin du nom d’Alrick N’Drof ? L’assassin secoua la tête en signe de dénégation.

- Je m’y attendais. Regarde sur le bureau, il devrait y avoir un de ses portraits.

     Fadamar se détourna et s’approcha du bureau. Tout un fatras de livres et de documents divers l’encombraient. Il fouilla dedans et, finalement, trouva le tableau. Il représentait un homme âgé, aux cheveux et à la barbe gris clair, presque blanc, dont les yeux avaient une incroyable profondeur, et en même temps brillaient de perspicacité. Il reposa le portrait.

- Je dois donc tuer cet homme ? - C’est exactement cela. - Où pourrais-je le trouver, quand voulez-vous qu’il meure, et quelle sera ma récompense ?

- Il se trouve ici même, dans le château, deux étages plus haut. N’importe quel garde saura t’indiquer le chemin. Je veux qu’il meure le plus rapidement possible, de préférence avant qu’il n’ait le temps de parler à quiconque. Cela dit, je le soupçonne d’avoir souffert dans son duel contre Arwed, et il est resté cloué au lit depuis ce matin. Quant à ta récompense… J’ai cru comprendre que tu étais intéressé par l’assassin qui se fait appeler l’Arme de chair, n’est-ce pas ?

     L’assassin hocha la tête.

- Dans ce cas, je te fournirai toutes les informations que j’ai sur elles – que mes collègues et moi avons sur elle, en réalité. Et nous te tiendrons au courant de ce que nous découvrirons. Cela te va-t-il ?

- C’est parfait. » Sur ces mots, Fadamar jeta un dernier coup d’œil sur le portrait de l’homme qu’il devait abattre, puis sortit et annonça au Garde sombre que V’Fohs voulait lui parler. Lorsque celui-ci eut disparu dans la pièce, l’assassin demanda à un des gardes qui veillaient devant la porte de lui indiquer l’emplacement de la chambre de N’Drof, puis se dirigea vers sa proie.

 

* * *

 

     Le soir tombait lorsque Jari B’Rauts, de retour au château, alla demander une audience au roi, qui siégeait dans la salle du trône au milieu de sa cour. Lorsque le roi l’accepta, la porte à double battant s’ouvrit et dévoila les splendeurs de la pièce.

     Jari avança sur le long tapis de velours rouge qui traversait toute la salle. De part et d’autre pullulaient les nobles de rang inférieur, véritables chiens cherchant à s’attirer les faveurs de Todrick K’Rhasco, et que Jari méprisait. Ils représentaient tous ceux qui avaient été trop faibles, trop mous ou trop couards pour faire l’effort de se hisser dans la hiérarchie, ceux qui n’avaient pas voulu se salir les mains en déclarant des guerres, ou qui avaient voulu éviter les remords d’avoir recruté un assassin pour éliminer les opposants. Jamais ces nobles-là ne représenteraient le moindre danger pour les puissants tels que lui. Il estimait bien plus les pensées tortueuses d’un T’Nataus ou l’arrogance justifiée d’un K’Rhasco, même si, de toute façon, tous allaient finir par s’incliner devant lui.

     Il observa attentivement tous ceux qui se moquaient de sa démarche, afin de leur faire payer leurs railleries une fois qu’il serait au pouvoir. Depuis le coup de poignard que lui avait infligé l’Arme de chair, il ne pouvait se tenir tout à fait droit, et marchait légèrement courbé. Selon le nécromancien, cela ne durerait pas, heureusement.

     Bientôt, Jari eut avalé les quelques mètres de tapis et, entre deux sculptures, s’inclina devant le roi, auprès duquel se tenait l’ancien capitaine de la Garde sombre. Il savait que K’Rhasco apprécierait cette marque de soumission, et c’était bien peu de choses compte tenu de ce qu’il allait en tirer. Il attendit que le roi parle pour relever la tête.

« Eh bien, Jari, il est rare que tu viennes officiellement me rendre visite. Quel bon vent amène ta vieille carcasse ?

     Il ne releva pas l’insulte. A la place, il planta ses yeux métalliques dans ceux de K’Rhasco, qui soutint son regard sans ciller, avant de répondre.

- Je viens vous prévenir, votre majesté, du danger qui vous menace. Et vous révéler comment l’éradiquer.

     Le roi éclata de rire, et sa cour avec lui. Jari laissa les huées glisser sur lui. Finalement, Todrick reprit.

- Oh, mais je la connais, la façon d’éliminer le danger. Il me suffirait d’ordonner ton exécution, et je pourrais mourir de vieillesse sur ce trône !

- Je parle de la secte, votre majesté. Je sais où elle se terre.

     Todrick redevint plus sérieux et fixa le noble, intrigué. Jari n’avait pas coutume de faire preuve de générosité ou de solidarité, mais il ne mentait jamais. S’il affirmait savoir quelque chose, alors il le savait.

- Je t’écoute.

- Le siège de la secte se trouve dans le quartier ouest de la ville, dans un bâtiment immense – le plus gros de la zone. Vos gardes n’auront aucun mal à le repérer.

- Comment sais-tu cela ? - J’ai mes sources, votre majesté.

     Le roi l’observa pensivement, comme s’il cherchait à déterminer si Jari disait la vérité. Celui-ci réprima à grand-peine un sourire ironique : tout allait se jouer sur la réputation de franchise qu’il s’était bâtie jusque là. La réaction du roi était prévisible.

- Je te crois, du moins dans une certaine mesure. Je vais envoyer quelques espions ce soir, histoire de vérifier la véracité de ton récit. Si tu dis vrai, eh bien, cette secte disparaîtra rapidement. J’organiserai un banquet privé pour fêter cela. Je réunirai mes vieux compagnons, dont toi, Jari, bien évidemment.

- Vous me faites trop d’honneur, votre majesté. Si j’osais… - Tu m’as bien servi, va. Je t’écoute. Jari prit bien soin de laisser planer le silence, comme s’il hésitait à soumettre sa requête. Lorsqu’il estima qu’assez de temps avait passé, il reprit.

- Une de mes cousines sera de passage dans la capitale, demain. Je ne l’ai pas vue depuis une éternité, et elle rêverait de dîner en compagnie du roi.

     Todrick le sonda un instant.

- Une cousine, dis-tu ? Comment s’appelle-t-elle ? Jari répondit sans marquer l’ombre d’une hésitation.

- Elle répond au doux prénom d’Alwyne, votre majesté. Alwyne B’Rauts. - Un bien joli prénom, en effet. Je t’accorde cette faveur. - Je ne saurais vous remercier assez, votre majesté. - Tu peux te retirer. »

     Jari fit une nouvelle révérence, puis se détourna et retraversa la salle. Pendant toute sa marche, il sentit le regard de K’Rhasco peser lourdement sur son dos. Sans s’en rendre compte, il se courba un petit peu plus encore.

 

     Il ne remarqua pas le roi se pencher vers Markvart K’Thraus et lui chuchoter quelques mots à l’oreille, ni le noble qui sortit nonchalamment à sa suite.

 

* * *

 

     A plusieurs kilomètres de la cité des Seigneurs, l’Arme de chair sirotait une tisane dans la chambre de l’auberge, tout en parcourant la liste des noms qu’elle devait avoir appris pour le lendemain. Elle comprenait une bonne partie de la famille de B’Rauts – autant dire qu’elle était immensément longue. Et non seulement elle devait connaître ces noms, mais elle devait également savoir quels liens de parenté les unissaient. Elle aurait mille fois préféré affronter trois Gardes sombres en même temps que d’être astreinte à une telle corvée.

     Mais elle avait reconnu une demi-journée plus tôt que le plan de B’Rauts était parfait, à un point tel que c’en était diabolique. Il avait tout de suite su tirer parti du fait que l’Arme de chair ne pouvait tout simplement pas être reconnue par ceux qui ne l’avaient connue qu’en tant qu’assassin drapée dans son manteau noir – autrement dit, tous les habitants de la Cité des Seigneurs. Il avait immédiatement cherché une cousine qui lui ressemblait physiquement et qui, de préférence, habitait loin de la cité, et l’avait trouvée sans peine. Une certaine Alwyne, vivant à la limite des royaumes du nord. Même si ce nom ne lui allait pas.

     Sous cette identité, il lui serait enfantin de rentrer au château, et si par hasard Jari parvenait à la faire inviter au banquet que le roi ne manquerait pas de donner le lendemain, suite aux renseignements véridiques que lui avait fournis B’Rauts – qui lui-même les tenait de l’Arme de chair –, la tâche serait à la portée d’un assassin débutant.

     Du moins, elle l’aurait été si le roi ne s’était pas entouré d’un exceptionnel garde du corps, Markvart K’Thraus. Malgré son don, l’Arme aurait du mal à le battre en combat singulier. Ce n’est d’ailleurs pas ce que lui avait demandé B’Rauts – et elle lui en était gré. Son seul rôle était d’assassiner le roi. Cela fait, Markvart n’aurait plus personne à protéger, et il n’était pas du genre à sacrifier sa vie pour rien, d’autant plus qu’il était notoire qu’il ne portait pas le roi dans son cœur. En l’absence des Gardes sombres, qui auraient normalement été envoyés au lieu indiqué par Jari, dans le quartier ouest, les gardes personnels de B’Rauts suffiraient à dissuader les gardes de la Lumière de cendres d’intervenir une fois le roi mort. La seule inconnue résidait dans l’attitude des nobles présents, surtout si parmi eux se trouvaient des magiciens. Le plan, bien que parfait, restait donc dangereux.

     Elle n’en attendait pas moins de B’Rauts.

 

     Elle posa en soupirant la liste de noms. Il y en avait vraiment trop. Elle se regarda à nouveau dans le miroir ovale qui trônait dans sa chambre. Décidément, elle ne parvenait pas à s’habituer à son visage. Elle le reposa, puis demanda à un serviteur de l’auberge de quoi prendre un bain – un baquet et de l’eau chaude. Il était essentiel qu’Alwyne soit parfaitement propre et parfumée. Et puis, elle avait pris goût aux bains, elle aimait se prélasser et sentir le savon glisser sur sa peau.

     Une bonne vingtaine de minutes plus tard, elle émergea de l’eau désormais tiède et se sécha. Pour le parfum, elle devrait attendre l’arrivée des dames de compagnie qu’avait envoyées chercher Jari par messager d’une ville proche de la capitale. Elle alla chercher de quoi s’habiller chaudement mais, alors qu’elle fouillait dans ses affaires, elle y trouva la robe bleu saphir qu’elle avait remarquée chez B’Rauts. Intriguée par sa présence – elle était sûre de l’avoir laissé là-bas, qu’aurait-elle fait avec une robe ? –, elle la plaqua contre elle et se regarda une nouvelle fois dans le miroir. L’Arme de chair avait beau ne pas être particulièrement belle, la robe lui allait si magnifiquement bien et répondait si parfaitement au bleu de ses propres yeux qu’elle en eut le souffle coupé.

 

     Elle ne put s’empêcher de se demander malgré elle ce qu’en aurait pensé Fadamar.

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