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Kardyne, capitale du peuple nain.

Cinquième lune du printemps.


 - Laisse tomber, Layne, on ne trouvera personne pour nous renseigner ici, fit Ries, dépité.

     Ils se tenaient devant l’un des immenses tunnels qui tenaient lieu de boulevard dans la capitale des nains de l’Alliance, Kardine. Bourrus et affairés, les alliés des humains se pressaient d’une manière ordonnée, bien différente de celle qui prévalait dans Cytadine. La lumière blafarde des champignons phosphorescents qui couvraient les murs éclairait cette scène, lumière que la jeune mage trouvait extrêmement déprimante. Ils avaient tenté de voir les responsables de leurs guildes respectives, mais ceux -ci étaient partis pour aider à la reconstruction de la muraille du Col d’Acier. Les Gobs s’agitaient de plus en plus, telle était la seule rumeur qu’ils avaient pu saisir au cours de leurs pérégrinations.

     Ils avaient passé la journée à courir, mais ni la grande bibliothèque naine, ni le plus vieux des érudits n’avaient l’air au courant d’une ancienne alliance entre Nobles et Grands nains. Quant à trouver un moyen de contacter le peuple des Grands Nains... Tout souvenir de contact entre les deux races cousines s’était perdu dans la nuit des temps.

- Allons plutôt nous poser dans une taverne pour y prendre une soupe, Layne. J’en ai marre de manger du lapin à la broche depuis une semaine.

- Alors tu abandonnes, Ries, fit Layne. Les loups ont été catégoriques, enfin ! Nous pourrions passer toute une vie à chercher les souterrains qui mènent à la cité des Grands Nains. Mais il est vrai que tu n’as jamais été chaud pour y aller, de toute façon...

- Je n’abandonne pas, Layne, explosa le jeune mage, frustré et énervé. C’est juste que j’en ai plein les pattes de marcher, et que je ne vois pas ce que nous pourrions faire de plus ici ! Ces nains se souviennent à peine qu’ils ne sont pas les seuls à avoir des barbes d’un mètre de long !

- Du calme, s’il te plaît, murmura Layne.

     Elle aussi avait l’air complètement à plat, et semblait au bord des larmes.

- Pardon, s’excusa Ries. Je suis désolé. Allons nous asseoir un moment, nous aviserons après. Lilian et Pilgrain doivent nous attendre avec impatience, maintenant.

- Tu as raison, je suppose. De toute façon, on a tout essayé...

     Ils trouvèrent bientôt une taverne pimpante, creusée au coeur la montagne, comme toutes les habitations naines. Ries se demandait comment il n’avait pas encore craqué et fait une crise de claustrophobie. Un tavernier à la panse rebondie les accueillit avec un immense sourire, et sa voix résonna dans la salle vide et éclairée d’un bon feu.

- Enfin, mes premiers clients de la journée ! Et ce sont des humains... Bienvenue dans ma taverne, mes jeunes amis.

     Layne et Ries se regardèrent en souriant, déjà rassérénés par cet accueil. Tous les nains ne les avaient pas traités de manière aussi agréable, en fait. Certains attribuaient même en partie la chute de la muraille à l’Empire, qui n’avait pas fait un geste pour les aider, disaient -ils. Les deux mages s’installèrent près du feu avec un soupir de soulagement, et le nain partit chercher de quoi les nourrir. Ries contempla en silence le visage pensif de Layne, éclairé par la douce clarté des flammes, et fut pris d’une soudaine envie de lui caresser la joue. Mais il se reprit, n’ayant pas envie d’essuyer de remarque sarcastique. Profitons tranquillement de l’absence de Lilian, pensa -t -il, et ne rendons pas nos rapports plus tendus qu’ils ne le sont déjà. Leur longue course sur le dos des loups avait été éprouvante. Il n’était pas question de voyager au pas, et les quatre compagnons avaient été obligés de s’agripper de toutes leurs forces à l’épaisse fourrure de leur galopante monture. Le soir venu, les loups partaient chasser le lapin et le Gob, pendant que les bipèdes préparaient un feu pour réchauffer les longues soirées froides des landes. C’était toujours lui et Pilgrain qui s’y collaient, pendant que Layne et Lilian parlaient des découvertes qu’ils avaient faites, essayant de trouver des liens entre les légendes des différentes races. Ries avait bien sympathisé avec le lutin, dont l’humour le tirait de ses réflexions moroses. Ils avaient mis au point des blagues tordantes, le jeune mage retrouvant peu à peu la pleine maîtrise de ses pouvoirs. Mais elles n’avaient fait rire qu’eux deux et les loups, même si le jeune mage avait cru surprendre un sourire sur les lèvres de la jeune femme. Il prenait sans doute ses rêves pour des réalités, songea -t -il.

- Tu crois que les loups ont trouvé des Gobs pendant leur chasse, le questionna Layne d’un ton inquiet, le tirant de ses réflexions. Ils ne nous en ont jamais parlé...

- Je ne pense pas que de simples lapins leur aient donné cette mine satisfaite, à mon avis. Ils ont juste eu la délicatesse de ne pas nous effrayer, c’est tout.

- Heureusement que nous sommes tombés sur eux...

- Ouais, murmura Ries, sinon on serait en train de se gaver de mets délicats chez Lilian. Mais bon, c’est l’aventure...

- Voilà une soupe bien chaude, mes amis, intervint alors le tavernier, revenant avec deux assiettes remplies à ras bord. Vous permettez que je m’assois avec vous ? Le temps est long quand il n’y a personne à qui parler.

- Mais bien sur, répondit Ries, heureux de cette diversion.

     Il était encore en train de s’enfoncer.

- Les affaires ne sont pas bonnes ? demanda Layne.

- Les affaires ne sont bonnes que pour les bouges à soldats, malheureusement. Les clients sérieux qui fréquentaient mon restaurant sont partis voir de la famille ailleurs, préférant s’éloigner de tous ces troubles.

- La menace Gob est vraiment sérieuse, alors ?, le coupa la jeune mage.

- Bien plus sérieuse qu’elle ne l’a été depuis des siècles, grommela d’un ton sombre le nain. J’ai entendu des rumeurs prétendant que les races Gobs étaient alliées, ce qui est proprement incroyable, et les plus pessimistes murmurent que des mages de guerre ont renforcé leurs rangs.

- Les Thanatos, tressaillirent en coeur les deux humains. Il en existe vraiment plus d’un, alors, fit Layne.

- Bien sur, lui répondit Ries. C’est ce que racontent vos légendes, non ?

     Le nain les regarda, intrigué.

- Ce ne sont donc pas que des racontars de nains avinés ?

- Oh non, malheureusement pour l’Alliance, conclut le jeune homme.

     Le silence s’installa, et le jeune mage se décida à attaquer sa soupe. Il se brûla la langue avec un soupir d’extase, et Layne l’imita peu après. Le tavernier les laissa finir, avant de reprendre la parole :

- Dites -moi, qu’est ce qui amène un jeune couple de Cytadins dans notre bonne ville de Kardyne ? Ce n’est pas l’endroit rêvé pour une lune de miel, pourtant.

     Layne rougit violemment, baissant le regard, et Ries recracha la dernière cuillerée de sa soupe en toussant.

- Nous sommes juste amis, fit la jeune femme d’une voix énervée.

- On s’est connu il y a moins de deux lunes, dans le cadre de nos études, c’est tout, renchérit Ries, déçu par l’agacement de la jeune femme.

- Vous êtes des mages, non ?, demanda le tavernier avec une lueur malicieuse dans les yeux.

- Des futurs mages, le corrigea Layne, qui avait repris un teint plus naturel.

- Mais cela ne me dit pas ce que vous faites chez nous. Les mages nains ne sont pas les plus réputés de l’Alliance, à vrai dire.

- Nous voyageons, fit Ries. On découvre le vaste monde...

- En fait, tenta Layne, nous voudrions rencontrer des Grands Nains. Mais nous ne savons pas comment nous y prendre, et personne dans votre ville ne semble au courant.

     Le tavernier explosa d’un rire tonitruant.

- Ce n’est pas les rencontrer qui est difficile, mes amis ! C’est de rester en vie après qui l’est plus. Nos lointains cousins ne sont pas réputés pour leur diplomatie.

- Mais comment faire ?, demanda Ries, sentant la solution à leur problème toute proche.

- Et bien, vous êtes des mages, oui ou non ? Mettez -vous au bord du lac d’Emerys, au pied des contreforts de la Froide Jumelle du Nord, et faites donc un beau feu d’artifice. Vous verrez des grands nains rappliquer en moins de deux, sourit le nain.

     Layne et Ries se regardèrent, triomphant. La froide jumelle était l’une des deux hautes montagnes qui surplombaient le plateau censé abriter la cité naine. Ce dernier dominait l’immense lac d’Emerys, limite septentrionale des Terres d’Alliance. Ils se levèrent, le mage blanc disant :

- On va vous laisser, maître tavernier. Il faut que l’on retrouve des amis au plus vite. Combien...

- Laissez tomber, l’interrompit le nain. Votre présence m’a suffisamment diverti. Cela suffira, comme paiement.

     Les deux humains le remercièrent, se dirigeant vers la sortie. Le tavernier les regarda disparaître, et murmura en guise d’adieu :

- Soyez prudent, tout de même. Il ne faut pas rire avec les grands nains.

 

     Ils sortirent dans la froide nuit des piémonts de la Colonne, s’orientant à la lumière des étoiles, comme le leur avaient appris les loups. Les gardes nains qui tenaient les portes de la capitale creusée dans le roc les regardèrent s’enfoncer dans l’obscurité avec effarement.

- Ils sont fous ces humains, souffla l’un d’eux à son compagnon.

     Les deux jeunes mages arrivèrent peu après en vue du campement de fortune de leurs amis, où se détachaient en ombre chinoise les silhouettes des loups en train de se rouler par terre en haletant de rire. Pilgrain était encore en train de raconter une de ses interminables blagues, supposa Ries, un sourire aux lèvres. Les loups étaient de joyeux compagnons, à l’humour parfois un peu sanglant. Le jeune mage se mit à envisager la fin de leur longue course vers le sud avec tristesse. Ils étaient pour l’instant plus en sécurité avec la meute qu’entre les murs de Cytadine.

- Ils vont me manquer, murmura comme en réponse à ses pensées Layne.

- Encore quelques jours de chevauchée avant cela, la réconfort -t -il.

     Ils finirent par s’arrêter à côté du feu, interrompant une longue tirade du lutin, et tous les questionnèrent avec impatience. Ries leva les mains en signe d’apaisement :

- Ce ne sera pas compliqué, d’après les nains. Il suffira de faire beaucoup de bruit en levant les mains bien haut, pour montrer que nous ne sommes pas armés. Et espérer ne pas finir sous les pioches naines avant d’avoir pu nous expliquer...

     Les loups se tordirent à nouveau de rire, leurs longues dents dénudées et leur langue rouge courbée par l’hilarité. Même Lilian eu un sourire amusé.

- Si on avait su, on aurait pu éviter de perdre une journée, fit-il. On repart demain ? demanda -t -il alors, regardant ses quatre amis d’un air interrogatif.

- Affirmatif, répondit Ries, et Layne hocha la tête pour acquiescer. Au pieu, alors, conclut-il en bâillant. Vous vous êtes sans doute bien amusés, mais la journée a été longue pour nous.

     Tous s’installèrent pour passer la nuit en se saluant, et Ries posa la tête sur son bras en regardant les étoiles. Layne, quand vais -je trouver le courage de te dire ce que je ressens pour toi, songea -t -il en soupirant. C’était pourtant l’occasion rêvée, aujourd’hui. Quand vais -je cesser d’avoir peur que tu ne me repousses...

     L’elfe, couché non loin de lui, secoua la tête en captant ces pensées.

 

     Ils s’arrêtèrent au bord de l’immense lac d’Emerys, alors que le soleil disparaissait derrière la froide jumelle qui les dominait.

- Joli synchronisme, fit Ries à sa monture, regardant la ligne d’ombre de la montagne courir vers l’Est.

     Le loup grogna en signe d’assentiment. Tous posèrent le pied à terre, étirant leurs muscles tétanisés par l’effort. Il leur fallait se tenir de façon constante à la large encolure des animaux, et après une lune et demie de ce traitement, Ries sentait hurler des muscles dont il ignorait la présence.

     Ils formèrent un cercle, les quatre amis tristes de voir se profiler le départ de leurs compagnons de route.

- Et bien, bonne chance, fit la louve. Si vous tenez vraiment à voir des grands nains, il ne faut pas que nous restions dans les parages. Je ne suis pas sûre qu’ils apprécient notre présence.

     Le grand loup, chef de la meute prit alors la parole :

- Vous ne voulez pas rester avec nous ? Votre compagnie a été ma foi bien agréable, et vous êtes les meilleurs appâts à Gob que j’ai jamais rencontré...

     Mais le ton du grand noir n’était pas vraiment humoristique, et fit trembler les amis.

- Non, fit doucement Lilian. Nos routes se séparent aujourd’hui, et je ne pense pas que nous nous revoyons avant bien longtemps. Notre route vers les Nobles continuera de l’autre côté de ce lac. Nous regretterons votre présence et la sécurité qu’elle nous apportait, mes amis.

- Quoi qu’il en soit, vous serez toujours les bienvenus dans le peuple des loups, lui répondit la louve. Notre odeur vous a profondément marqués, et tous les loups viendront à votre secours comme si vous étiez de la meute, maintenant.

- C’est un précieux cadeau, intervint Layne, émue. Mais filez vite, je ne supporte pas les adieux.

- Les au revoirs, fit le grand loup en s’éloignant, suivit de sa troupe. Tant qu’il y aura des Gobs dans les Terres d’Alliance, vous ne serez pas loin, finit le loup dans un grand éclat de rire sauvage.

- Même cet humour noir finira par me manquer, murmura -t -elle, et Lilian lui entoura les épaules du bras pour la consoler.

     Ries se tourna vers les froides jumelles et le haut plateau qu’elles entouraient. Une haute falaise de granit en tombait à pic, et le lac couleur bleu sombre clapotait doucement à ses pieds.

- J’espère que nous trouverons les nains, fit le jeune mage à Pilgrain. Sinon, le tour de ce lac nous prendra des lunes.

- Je ne sais pas ce que je préfère, Ries, fut la seule réponse du lutin.

     La nuit tomba peu à peu, et le jeune homme prépara ses Influences. Tant qu’à faire du bruit et de la lumière, se disait le jeune mage, autant bien faire les choses. Et puis, quoi de plus romantique qu’un feu d’artifice ? L’elfe lui en serait reconnaissant, songea -t -il, beau joueur.

     L’obscurité était totale, la lune étant encore cachée derrière la Colonne, quand Ries laissa son pouvoir s’exprimer. Dans le ciel piqueté d’étoile, des jets de lumière rouge, blanche, émeraude, s’élevèrent, avant d’exploser dans un bruit de tonnerre en fleurs multicolores et scintillantes.

- Oh ! Ah ! s’exclamèrent ses compagnons, et des éclats de rire montèrent quand Ries fit s’inscrire dans le ciel un lumineux “Bonjour” doré.

     Le mage se prit au jeu, et arracha des cris d’extase à son public assis au bord du lac. Il joua avec les reflets presque parfaits qui se formaient sur l’eau, traçant dans le ciel d’éphémères tableaux. Mais la fatigue se fit rapidement sentir, et il finit son spectacle sur l’image de deux rideaux en train de se fermer, tout en se laissant tomber par terre.

- Et bien, soupira -t -il. C’est épuisant.

     Un sourire naquit sur son visage quand ses trois amis se mirent à applaudir, encore sous le charme.

- Si les nains ne viennent pas après ça, fit le lutin, c’est qu’ils sont aveugles et sourds.

- Et infifférents à la beauté, rajouta Layne, ses yeux brillant du reflet des étoiles dans l’obscurité.

- Je ne suis pas certain que les nains soient sensibles à la poésie, fit Lilian, sceptique.

- Et pourquoi pas, fit alors une voix grave et rauque.

     Les quatre se levèrent, fouillant l’obscurité du regard. Ils distinguèrent bientôt les silhouettes de formes impressionnantes de puissance. Les grands nains étaient tels que Ries les avaient vus dans sa vision, larges et massifs. Ils furent bientôt encerclés par les nains, qui gardaient l’arme à la main. Celle de Ries se mit soudain à chanter mort et vengeance, et il se félicita d’avoir glissé la rapière sous sa robe de mage, se doutant bien qu’un tel souvenir des Nobles ne serait pas apprécié.

- Nous ne sommes pas armés, fit le lutin levant bien haut ses mains. Ses deux tridents étaient eux aussi soigneusement camouflés.

- Nous sommes juste des étudiants en voyage, renchérit Lilian.

- Un elfe, un lutin et deux humains, cracha l’un des nains. Ne faisons pas perdre de temps aux sages, Kirl, laissons le lac noyer leur souvenir.

- Tais -toi, Kargin. Les sages nous ont ordonné leur capture, pas leur mort. Ils seront les seuls à juger de leur sort. Vous quatre, veuillez nous suivre sans opposition, s’il vous plaît. Ne nous donnez pas l’occasion de gagner du temps.

     Les quatre amis se retrouvèrent entourés et poussés vers la montagne qui se dressait devant eux, sinistre.

- Ne tente pas de sort, mage, fit l’un des nains à voix basse, où le lutin se trouvera raccourci d’une tête avant ton deuxième mot.

     Ries déglutit avec difficulté, se demandant dans quel pétrin ils s’étaient fourrés. Si leurs sages étaient un tant soit peu bornés ou xénophobes, ils ne passeraient pas la nuit.

 

     Après plusieurs heures d’une marche éreintante dans des souterrains en montée, et d’une hauteur bien insuffisante pour l’humain et l’elfe, ils finirent par arriver à l’air libre. Ils étaient sur le plateau des jumelles, dominant le lac, tâche sombre dans le moutonnement argenté des landes.

- C’est beau, murmura Layne, et Ries décida que des têtes naines tomberaient de nouveau sous la lame de sa rapière s’ils ne touchaient ne serait ce qu’à l’un de ses cheveux.

     Les prisonniers furent conduits devant une immense porte creusée dans la roche, et ils pénétrèrent dans une ville souterraine semblable dans sa conception à celle des nains de l’Alliance. Mais les parois étaient décorées de bas reliefs magnifiques, d’incrustations d’or et d’argent. Des tapisseries se tendaient parfois contre les murs, représentant des scènes de bataille. Lilian était comme fou, essayant de regarder partout à la fois.

- Tout ça date de plusieurs siècles, fit -il à voix basse, excité. Ils ont dû garder de même tous leurs écrits. Il y a des réponses ici, je le sens !

- Tais -toi, fit Ries en notant les regards suspicieux des nains, ou la seule réponse que tu trouveras sera une lame dans le cœur.

     Layne se forçait à se détendre et à regarder autour d’elle, malgré la peur qui lui rongeait le ventre. Les tunnels étaient bien vides, trouva -t -elle, se souvenant de l’agitation et du monde chez leurs lointains cousins. Leur race était vieille et sur le déclin, même si les murs étaient couverts d’oeuvres d’art. Ce n’était que le pâle reflet de leur gloire passée, telle qu’elle était contée dans les récits qu’ils avaient découverts.

     Après quelques détours, ils furent emmenés dans une grande salle, ceinte de tentures pourpres. Sur une estrade en pierre, trônaient au bout de la pièce une dizaine de nains aux cheveux et à la longue barbe blanche. Seul l’un d’entre eux semblait plus jeune, sa barbe noire tranchant avec celle de ses voisins. Debout, à coté d’eux, se tenait un être d’une race que n’avait jamais rencontrée aucun des compagnons. C’était un humanoïde encore plus grand que Ries, à la peau blanche comme de la craie, sans aucune pilosité. Son front était bombé au -dessus de ses yeux, dans lesquelles brillaient une profonde intelligence et une grande bonté.

     Layne tressaillit violemment en saisissant la main du mage blanc, terrifiée.

- Un Thanatos, Ries, souffla -t -elle.

- Tu dois te tromper, murmura -t -il en réponse, sans détourner son regard des sages. Cet être ne peut être mauvais.

- Mais je sais... La vision d’un glaive à large lame devant son ventre la fit se taire.

- Silence, humaine, fit l’un de leurs gardes. Avancez jusqu’au tapis, les sages vont décider de votre sort.

     Ils marchèrent jusqu’à un épaisse natte vermeille, à quelques mètres de l’estrade. Ils étaient tous terrifiés, et seul Pilgrain osait encore regarder autour de lui, curieux.

- Ils bloquent mes Influences, gronda Ries, consterné. Je ne peux rien faire.

- La magie ne peut s’exprimer entre ces murs, jeune mage, tonna soudain la voix de l’un des sages, les faisant violemment sursauter.

- Nos règles sont strictes, étrangers, continua un autre, sur le même ton. Tout être vivant ayant vu notre cité doit mourir, et cela ne souffre d’aucune exception.

- Mais nous ne sommes que des étudiants en histoire ancienne, intervint Lilian, d’une voix ferme.

     Ries ne put s’empêcher d’admirer son courage.

- Cela ne change rien aux règles, Elfe, reprit le sage. Elles sont gravées dans la pierre depuis des dizaines de siècles.

- La lettre dit plus précisément “doit y mourir”, Sage, fit alors le plus jeune des nains, diplomate. Ce ne sont que des enfants, sans aucune intention malsaine. Il serait généreux de ne les considérer que comme, disons, des hôtes, à vie.

     Le grand humanoïde se pencha alors vers le sage situé à côté de lui, et murmura quelques mots à son oreille.

- Tu es trop bon, Gaïen, fit alors le sage en se levant. Ma décision est prise. Vous serez nos prisonniers, et vous serez sous la protection du Conseil jusqu’à ce que la mort vous libère. De plus, ajouta -t -il dans un sourire, vous aurez accès à notre bibliothèque. Vous pourrez y passer le temps qui vous reste à vivre à explorer notre histoire, étudiants.

     Le cœur de Ries s’arrêta de battre. Prisonnier à vie. Les autres sages se levèrent, marquant leur accord avec cette décision. Seul le plus jeune resta assis, en secouant la tête d’un air sombre. Les gardes entourèrent alors le groupe d’amis, et les poussèrent vers la porte de la salle. Ils se regardèrent, consternés, et le jeune homme remarqua des larmes dans les yeux de Layne. Lui même avait du mal à ne pas sombrer dans le désespoir. Seul le lutin semblait garder espoir, une vague lueur dans le regard.

 

     Ils étaient assis sur le dur sol en pierre, dans une grande cellule aux murs austères. Le lutin tâtait pensivement ses armes à travers le tissu qui les recouvrait, et le mage blanc se leva soudain pour faire les cents pas.

- Fiente de titan, rien à faire ! La magie est complètement neutralisée, ici. Il me faudrait bien plus de pouvoir pour passer outre.

- On sait, Ries, intervint Lilian pour le calmer. Il n’y a rien que nous puissions faire pour le moment, alors ne nous énervons pas inutilement.

     La jeune femme se tenait pensive, assise contre le mur. Pilgrain lui demanda alors :

- Layne, que voulais tu dire, au sujet de ce Gaïen ? Quel rapport avec les Thanatos ?

- Quand j’ai stoppé la vague de destruction, au pied des remparts de Cytadine, répondit -elle, et quand j’y ai répliqué, j’ai senti la, comment expliquer ça, la structure de mon adversaire. Ces Thanatos sont pétris de magie, tout comme ton pantin était pétri de magie, Ries.

     Il la regarda, intrigué.

- Et quand nous sommes rentrés dans cette salle, tout à l’heure, continua -t -elle, j’ai à nouveau senti cette structure magique dans le corps de ce Gaïen. Je ne comprends rien, fit -elle en secouant ses longues boucles blondes.

- Peut -être que pour tout mal existe un bien, Layne. Gaïen semble nous avoir sauvé la vie, et il ne peut nous vouloir du mal. Il oeuvre peut -être pour la paix ?

     La voix rauque de l’un de leur garde les tira soudain de leur rêverie.

- La bibliothèque vous est ouverte, si vous le souhaitez, fit -il, goguenard.

     Lilian se redressa, et la main de la jeune mage se tendit pour qu’il l’aide à se relever. Il la souleva, et ils se dirigèrent vers la porte de leur geôle. Layne jeta un regard à Ries et à Pilgrain, qui ne bougeaient pas.

- Vous ne venez pas ?

- Les bouquins en vieux nain, non merci, grogna Ries.

- Je vais lui tenir compagnie, continua le lutin en haussant les épaules. Y aurait -il un jeu de carte par ici ? demanda -t -il alors au nain.

 

- Dix -zéro, ricana le lutin en posant sa dernière carte. Encore une partie ?

- Attends que je retrouve l’usage de mes pouvoirs, grommela Ries, et tu verras si je ne triche pas aussi bien que toi. Allez, donne encore une fois, que j’essaie de comprendre l’arnaque.

     Pilgrain explosa de rire, recommençant à distribuer. Le bruit d’une clé dans la serrure de leur porte leur fit lever la tête. L’elfe et l’humaine rentrèrent dans la cellule, les yeux rouges et les traits tirés par la fatigue. La porte se referma derrière eux avec un claquement sourd.

- Alors, quoi de neuf ? demanda le lutin en continuant à distribuer les cartes à toute vitesse.

- Incompréhensible, fit l’elfe en se laissant tomber par terre.

- Quoi, tu ne comprends rien au vieux nain ? ricana Ries en essayant de suivre des yeux les mains de Pilgrain.

- Si, enfin, suffisamment pour suivre en gros la trame du texte, lui répondit l’elfe, les mains posées sur ses tempes douloureuses. Ce qui est incompréhensible, c’est cette violente discorde qui a éclaté entre les deux alliés. Ils auraient dû repousser la menace Gob d’un claquement de doigts, et cette guerre a été un véritable génocide pour les deux races. Jamais des Gobs n’auraient dû pouvoir pénétrer jusqu’ici.

- Y a -t -il trace de mages Gobs dans ces écrits ?

- Ils en parlent, sans plus détailler. Les Nobles étaient de puissants mages, selon les récits. Mais les grands nains neutralisent les Influences par leur seule présence, semble -t -il. Il faut faire preuve d’un extraordinaire pouvoir pour passer outre, et c’est pourquoi les grands nains ont accusé leurs alliés. C’est cette guerre fratricide qui a fait chuter leur civilisation, à mon avis. Les Gobs en ont profité pour s’abattre sur les survivants, c’est tout. Je crois que je vais essayer de dormir, conclut l’elfe en se laissant glisser. La traduction de ces runes doit être aussi épuisante que l’incantation de l’un de vos sorts.

- Une partie de carte, demanda alors joyeusement le lutin à Layne, pendant que Ries découvrait son jeu en grognant.

- Fiente, Pilgrain, tu ne m’as même pas laissé de têtes, cette fois ! Fais au moins semblant !

 

     Le temps s’écoulait lentement, rythmé par les visites à la bibliothèque, par les parties de jeux de toutes sortes qui occupaient Ries et le lutin. L’humain envisageait avec difficulté de passer toute sa vie entre ces murs, et faisait avec Pilgrain d’invraisemblables plans d’évasion. Mais les conclusions étaient toujours les mêmes. Pas de magie possible, et les nains étaient d’extraordinaires combattants. La porte de leur cellule était d’un bois dur et épais comme un bras d’homme -roc, il n’y avait pas de fenêtres, et la serrure devait être enchantée de manière quelconque, car toute la dextérité du lutin ne pouvait rien pour la débloquer. Les gardes avaient finis par arrêter de surveiller constamment leurs faits et gestes, les trouvant de plus en plus inoffensifs.

     Lilian et Layne continuaient à parcourir de vieux parchemins, et Lilian leur avait raconté comment, après la destruction de leur royaume, les grands nains survivants s’étaient retirés. Ils s’étaient contentés de survivre en pleurant le passé, observant le destin du monde du haut de leur citadelle. Leurs récits les plus récents contaient la lente évolution des humains survivants, l’émergence de nouvelles races d’hommes, la socialisation des elfes qui vivaient jusque là perdus dans leurs forêts. Un empire était peu à peu sortit des cendres de la vieille coalition, prenant de l’influence dans les actuelles Terres d’Alliance. La guerre avait alors de nouveau éclaté, mais le jeune dauphin avait pris le pouvoir, faisant tomber du trône son beau -père, vieil homme décadent qui le tenait d’une main de fer. Il avait limité les dégâts, mais le développement des Cytadins avait subit un sérieux coup d’arrêt. Aujourd’hui, de nouvelles et sérieuses menaces semblaient peser encore sur la civilisation des alliés. Lilian continuait ses recherches, pour trouver d’autres preuves appuyant sa théorie d’une répétition incroyable de l’histoire.

     Ries sortait de temps en temps sa rapière à la lumière des lampes à huile qui les éclairaient, et Pilgrain lui apprenait à la manier de manière un peu moins maladroite, à esquiver les coups au lieu de simplement les parer. Le jeune mage découvrit que le combat était tout un art, en feinte et en finesse, alors qu’il croyait que ce n’était qu’un concours de bûcherons. Pilgrain était un adversaire insaisissable, et ses deux tridents finissaient immanquablement à quelques centimètres de son ventre. Il repartait alors à l’assaut, infatigable, et heureux de s’occuper.

      Suite à une longue et épuisante séance d’entraînement, Ries demanda au lutin :

- Tu n’étais vraiment qu’un éclaireur, Pilgrain ? Je te vois encore en train de tenir en échec trois orques, dans la lande. Tu m’avais laissé bouche bée.

- Lael et moi étions en fait les jokers de Kryn, le commandant de la muraille. Il nous confiait les missions d’observations délicates, les opérations de frappe nocturne. Nous finissions de désorganiser les rares troupes Gobs qui s’approchaient de la muraille, nous partions aider les mineurs nains en difficulté... On formait une sacrée équipe, tous les deux.

- Il doit te manquer...

- Une partie de moi est morte dans les landes, Ries. Mais une autre est en train de renaître en votre compagnie, mes amis. Quand tout ça sera fini, je vous emmènerai dans la tour qui abrite mon peuple... Vous allez finir avec un torticolis, tellement elle est haute !

     Le jeune homme fut ému par le témoignage d’amitié du lutin.

- Si on s’en sort un jour, Pilgrain. Si on s’en sort, murmura Ries.

- Oh, l’encouragea le lutin. Ils vont finir par nous sous -estimer, et on pourra essayer de s’enfuir. De toute façon, je n’ai jamais compté mourir de vieillesse, finit -il dans un rire.

     Ries contempla sa rapière avec un soupir.

- Cela ne me gène pas de mourir en essayant, mais l’éventualité de la mort de Layne me glace, Pilgrain.

- L’aimes -tu ? demanda doucement le lutin.

- Je le crains. Mais Lilian tient une place trop importante dans son coeur, pour l’instant. Il me faudra être patient.

- Tiens, quand on parle du loup, fit le lutin en se relevant. Voilà nos explorateurs du passé.

     La porte s’ouvrit sur l’elfe et l’humaine. Lilian avait le regard brillant. Ries posa la question désormais rituelle :

- Alors, quoi de neuf ?

- Deux bonnes nouvelles, mes amis ! D’abord, j’ai retrouvé d’anciens récits de bataille décrivants la disparition systématique des plus grands héros ! L’empereur Nathaniel est une exception à cette étonnante règle. Ensuite, je suis tombé sur les traces de l’existence d’une race identique à celle de Gaïen. C’était dans un vieux compte rendu de conseil, datant d’avant les guerres qui ont détruits les grands nains. Il décrit un nouveau conseiller de même apparence que ce Gaïen. Les corrélations sont bien trop importantes ! Il nous faut à tout prix prévenir l’Empereur et ses troupes, une guerre meurtrière se prépare.

- Bien sur, grommela Ries. Il suffit de se transformer en fumée, et on pourra voler jusqu’à Cytadine.

- C’est l’autre bonne nouvelle, fit alors Layne, un éclatant sourire aux lèvres. Gaïen est venu nous trouver dans la bibliothèque, et nous a dit qu’il allait nous aider à nous enfuir. Il a rajouté qu’il fallait éviter cette guerre destructrice qui se préparait, et que nous pourrions prévenir l’Empire. Pilgrain, Ries, on va sortir d’ici !

- Demain, rajouta l’elfe, tous à la bibliothèque. C’est la dernière nuit que nous passons entre ces murs, mes amis.

     Le sommeil fut long à venir cette nuit là. Ries n’oserait croire au fol espoir que cet étrange Gaïen avait éveillé en eux. Pour tout mal il y a un bien, songeait -il en s’endormant. Une petite voix se fit alors entendre dans sa tête, mais il ronflait déjà.

 

     Ils étaient tous quatre dans la bibliothèque, penchés autour d’une vieille carte naine, attendant en faisant semblant de s’occuper l’arrivée du conseiller des nains. Celui -ci apparut bientôt, son pâle visage exprimant une incommensurable bonté. Il se mit à parler, mais ce fut plus un chant qui sorti de ses lèvres.

- Derrière cette tenture se trouve un antique passage secret, oublié de tous, mes enfants. Il vous conduira vers une sortie au nord du lac, et vous pourrez partir prévenir Nathaniel du danger qui menace la civilisation humaine. Attendez quelques instants, je vais occuper les gardes. Ensuite, faites vite, murmura -t -il en guise d’adieu.

     Ries souffla un oui triomphant. Pilgrain lui serra le bras, le regard brillant. Lilian était en train de rassembler les écrits qu’il avait déniché, les fourrant avec soin dans un sac en jute. La voix des gardes se leva alors, et Layne les regarda.

- Allons -y !

     Un pan de bibliothèque glissa soudain sur le côté, et le plus jeune des sages nains fit son apparition sous le regard médusé des quatre amis.

- Vite, venez avec moi, murmura -t -il. Gaïen ne vous a pas prévenu de mon aide ?, les interrogea -t -il alors, notant le regard méfiant des fuyards. Le passage derrière moi vous conduira à l’air libre, mais il faut faire vite !

     Le nain se trouvait à deux pas d’eux, les priant du regard de se dépêcher. Ries sentit alors le passage d’une Influence terrifiante, à quelques centimètres de son corps. Elle frappa la gorge du nain, lui tranchant la carotide aussi sûrement que l’aurait fait une lame. Il s’écroula dans un gargouillis d’incompréhension, son cou laissant échapper un flot de sang. L’attache qui tenait la rapière de Ries lâcha soudain, et elle tomba avec un tintement dans le sang du nain. Ries regarda Pilgrain, comprenant brusquement la terrible machination du conseiller -mage.

     La voix de celui -ci s’éleva alors derrière eux.

- Ils sont là, meurtriers !

     Le lutin prit la tête des opérations, faisant bouger ses compagnons paralysés par la vue du sang.

- Foutez le camp par le chemin du nain, vite ! Sangdieux, mais bougez -vous !

     Ries se pencha pour ramasser son arme, rendue poisseuse par le sang du nain. Layne et Lilian se pressait déjà vers le passage secret, et le jeune mage se tourna vers le lutin.

- Viens, il n’y a pas de temps à perdre !

     Le lutin se contenta de sortir ses deux armes, le regardant avec un triste sourire.

- Cours, Ami. Cours vite.

- Pilgrain, murmura Ries. Ne nous laisse pas, s’il te plaît.

- Souviens toi de ce que tu m’as dit dans la lande. Pas de sacrifice inutile, mon ami, finit -il en poussant le jeune mage dans le sombre tunnel. Adieu.

     Il referma sur Ries le pan de bibliothèque, tout en se retournant vers les nains qui arrivaient en courant.

- Pilgrain, non ! sanglota -t -il, terrassé par la douleur.

     Layne lui saisit alors le bras, le tirant en arrière.

- Fuyons. Pendant qu’il en est encore tant.

     Ries se retourna vers la jeune femme, un rictus de rage aux lèvres. Mais le visage en larme de Layne brillait dans la pénombre, et les phrases blessantes qu’il s’apprêtait à prononcer moururent sur ses lèvres.

- Vite, les pressa Lilian, la voix troublée par la peine. Pas de sacrifice inutile.

 

- Nous sommes vraiment perdus, cette fois, non ? La voix de l’elfe résonna dans le long couloir sombre.

- Complètement, soupira Layne.

- Fiente, jura Ries. Tout ça pour crever de faim dans des souterrains nains.

     Ils avaient cru qu’il suffirait de suivre la pente pour arriver à l’air libre. Mais quelques embranchements plus tard, l’obscurité aidant, ils avaient perdu tout sens de l’orientation. Une lueur apparut soudain au loin, et des bruits de pas se firent entendre. Ries se plaqua contre une paroi, sortant sa lame. Layne et Lilian se cachèrent derrière lui.

- Nous y voilà, gronda le jeune mage.

     La massive silhouette d’un nain fit son apparition. Il levait les bras bien haut, et seule une lanterne pendait de sa main.

- Je viens en paix, étrangers, fit -il. Je suis là pour vous aider. Si j’avais voulu vous tuer, la garde serait déjà là, ajouta -t -il avec un sourire, en s’approchant.

     Ries restait méfiant, mais dû admettre le bien -fondé de cette remarque.

- Pourquoi nous aides -tu ? demanda Lilian. Nous devons être recherché pour le meurtre d’un sage, en ce moment.

- Mon père n’est pas mort de votre main, j’en suis sur, murmura le nain en s’arrêtant devant eux. Vous n’aviez aucun intérêt à le tuer, contrairement au conseiller, qui désormais entrer au Conseil. Tous ne croient pas la mine enfarinée de Gaïen, au sein de notre peuple, et vous n’avez fait que me prouver sa duplicité. Mais il a fallu que mon père meure pour cela, malheureusement, finit -il dans un souffle.

- Nous sommes désolés, le consola Layne. L’un de nos amis est mort aussi par la faute de ce monstre.

- Vous m’enterrez un peu trop vite, je trouve, fit la voix familière du lutin derrière eux.

     Tous fouillèrent l’obscurité des yeux, ne pouvant en croire leurs oreilles. Pilgrain sortit bientôt de la nuit, boitant bas.

- Ces nains ne se douteront jamais à quel point il est dur de tuer un lutin, fit -il en s’écroulant dans les bras de la jeune mage.

     Du sang coulait de nombreuses plaies, et son cuir chevelu était fendu sur toute la longueur.

- Il faut vite sortir d’ici, murmura Layne en le soutenant. Il faut que je retrouve l’usage de ma magie, sinon il succombera de ses blessures.

- Vision céleste, gloussa le lutin en s’évanouissant, le visage collé contre la poitrine de la jeune femme.

     La lumière de la lanterne était suffisante pour tous puissent voir le visage de Layne virer au pourpre.

- Petit crétin, fit -elle, attendrie, en soulevant le lutin comme s’il ne pesait pas plus qu’un enfant. Sortons vite d’ici.

     Ries sentait toutes ses forces lui revenir, en même temps que l’espoir. Pilgrain était vivant, Sangdieux !

- Et bien, ne perdons pas de temps, fit le nain d’un ton résigné, en leur faisant signe de les suivre. La route est longue jusqu’à la porte de sortie, et votre ami a dû laisser une longue trace sanglante.

- Quel est ton nom, sauveur ? demanda Lilian.

- Grolin, fit -il sans se retourner. Que savez vous de Gaïen, alors ?

- C’est une créature magique, tout comme les Thanatos, résuma l’elfe. Ces créatures semblent apparaître, elles ou d’autres de leurs races, quand la civilisation en place est sous la menace d’un conflit, et semblent être à l’origine de certains troubles qui accentuent les conséquences de la guerre. C’est tout ce que nous savons.

- Certains troubles, grommela le nain, les guidant dans des tunnels descendant de plus en plus rapidement. Il est en train de prêcher la nécessité de la guerre contre vos semblables, en ce moment.

- Quoi ! s’exclama Ries. Mais pourquoi les grands nains sortiraient de leur prudente neutralité, Grolin ?

- Pour le meurtre de l’un de leur sage le plus aimé, tout simplement, fit le nain en s’arrêtant à une intersection. A droite, le sud. A gauche, le nord. Où va -t -on ?

     Lilian et Ries se regardèrent, hésitants. Layne se contentait de bercer le lutin, du sang souillant sa robe dorée.

- Il faudrait prévenir l’Alliance, fit l’elfe.

- Pour leur dire quoi ? s’interrogea Ries. Qu’une terrible menace pèse sur l’alliance ? Ils sont sûrement déjà au courant, continua -t -il avec un sourire amer. De plus, vont -ils croire une bande de gamins qui ont épluché des légendes ? Non, il faut trouver qui sont réellement ces Thanatos, et ce ou ces Gaïens, et un moyen de les détruire, c’est tout. Et espérer que les grands nains répugneront à prendre les armes encore une fois.

- Alors il faut aller trouver les Nobles hommes, en conclut Lilian. Ton peuple t’accueillera sans doute mieux que les nains, et ce sont les plus grands mages ayant vécu sur cette terre. Nous y trouveront peut -être de l’aide et des renseignements.

- Direction Sud, alors, fit Grolin en s’engageant dans le tunnel de droite.

     Ries l’arrêta d’une main sur l’épaule.

- Tu n’es pas obligé de nous accompagner, tu sais. Nous pourrons trouver la sortie tout seul, maintenant, et une plus longue absence pourrait sembler suspecte aux yeux de ton peuple.

- Je n’ai plus de peuple, soupira Grolin. Je suis devenu un paria depuis que je vous ai aidés, et Gaïen doit être en train de répandre la nouvelle de ma trahison pour faire monter la pression. Je n’étais pas en très bons termes avec mon père, et le conseiller va monter ça en épingle pour en tirer une jolie petite histoire de machination. Non, il faut que je trouve un moyen de venger sa mémoire, et pour cela, il semble que je doive vous suivre. Mais allons -y sans plus de discussion, car le lutin perd bien trop de sang.

 

     Ils sortirent enfin des souterrains, les yeux clignants et douloureux.

- Le soleil, enfin, s’exclama Ries. Plus d’une lune que nous ne l’avons pas vu, celui -là !

     Le printemps était bien avancé dans les plaines herbeuses qui s’étendaient en contrebas, au sud du lac d’Emerys, et les graminées d’un vert tendre tendaient leurs longues tiges vers le soleil éclatant. Des petits rongeurs s’enfuirent à l’exclamation de l’humain, et d’immenses oiseaux planaient au -dessus d’eux, observants ces curieux bipèdes.

- Il faut nous arrêter, Grolin. Pilgrain doit être soigné d’urgence, sinon il risque de mourir, fit Layne, inquiète pour la santé de son ami.

     Le nain secoua la tête, désolé.

- Il nous faut d’abord nous éloigner de la montagne, Layne. Tu ne pourras le soigner quand nous serons en sécurité dans les grandes plaines. Enfin, en sécurité par rapport aux miens, finit -il dans un soupir.

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