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Kundïn avait très mal à la tête, et il était maintenant complètement perdu au milieu des bois. Pendant la bataille, un des Skavens qui se trouvait sur un rocher surplombant la route s’était jeté sur le groupe de nains et avait atterri tout droit sur le Tueur, le faisant tomber puis rouler avec lui dans le ravin qui bordait un côté du chemin. Kundïn avait entendu les cris de ses compagnons puis sa tête avait heurté une grosse pierre pendant la chute et il avait perdu connaissance. A son réveil, il s’était retrouvé quelques quarante mètres en contrebas du lieu du combat, en pleine forêt. Un arbre avait dû amortir sa chute et il n’avait que quelques égratignures et une grosse bosse sur l’arrière du crâne. Le Skaven qui l’avait fait tomber avait eu moins de chance et s’était empalé sur les branches pointues d’un vieil arbre mort. Son cadavre empestait et Kundïn s’éloigna aussitôt car il savait que ces rats géants étaient souvent porteurs de toutes sortes de maladies contagieuses.

Combien de temps était-il resté évanoui il n’en savait rien, pas plus qu’il ne savait quelle avait été l’issue de la bataille sur le sentier. D’où il était il ne pouvait pas apercevoir le chemin de montagne caché par les frondaisons, et l’escalade des pentes rocheuses était quasiment impossible. Il se décida à pénétrer dans la forêt à son grand regret et s’enfonça parmi les arbres.

Depuis près de trois heures, Lorindil errait au milieu d’une dense forêt. Il avait faim, il était perdu, et n’avait aucune idée de ce qu’il allait faire maintenant.

Inutile de faire demi-tour, pensa-t-il, il ne savait même pas quel chemin prendre. Tout ce qu’il lui restait à espérer, c’était de tomber sur des elfes sylvains assez compréhensifs pour ne pas le couvrir de flèches avant de l’interroger. Son humeur était plutôt cynique. Du moins autant que les gargouillements inquiétants de son estomac le permettaient.

Soudain, un bruissement provenant d’un proche buisson le surprit. Craignant qu’un Skaven l’ait suivi jusqu’ici, il pensa d’abord à tirer sa longue épée hors de son fourreau.

Et si c’était un elfe sylvain ? L’idée de se retrouver transpercé de flèches ne le séduisait pas du tout.

Le buisson s’agita de nouveau. Un grognement furieux en sortit. Non, pensa-t-il, cela ne pouvait être un elfe. Filant discrètement entre les arbres, il contourna le buisson, se planta derrière le tronc d’arbre le plus proche, dégaina sa longue épée et se rua sur... un Tueur Nain borgne agitant une large hache de guerre.

Alors que les deux lames s’entrechoquaient violemment, les deux adversaires restèrent médusés. Lorindil se trouvait face à face devant Kundïn.

grogna Kundïn énervé en dégageant sa hache et en repoussant de la main l’épée de l’Elfe. << Un peu plus et je vous coupais en deux ! Je vous ai pris pour un de ces Elfes Sylvains - maudits soient-ils d’habiter dans pareil endroit ; cela fait des heures que je tourne en rond ! Comment se fait-il que vous soyez ici ? Et où sont passé les autres, mes hommes, votre escorte, les chevaux et les poneys ?

- Ils sont morts, répondit Lorindil avec une pointe de tristesse dans la voix. Maintenant, il faut absolument que nous restions groupés ; avec moi, vous aurez encore une chance de vous en tirer vivant. Je connais assez bien le milieu forestier pour y avoir traqué les Gobelins en Yvresse et... >>

Lorindil n’eut pas le temps de narrer plus longtemps ses exploits. Dans un bruissement de feuillages, une dizaine d’éclaireurs elfes sylvains jaillirent de leur cachette, prêts à tirer une salve de flèches mortelles de leurs puissants arcs longs.

<< Qui êtes-vous et que venez-vous faire en Athel Loren ? interrogea un imposant elfe brun.

_ Je suis Lorindil, Maître mage de la Bibliothèque de Tor Yvresse, Ambassadeur du Très Haut Roi Phénix, pour vous servir... >>

L’elfe jeta un regard glacial sur Lorindil. Puis il fixa intensément Kundïn.

Prévenant, Lorindil écrasa les orteils nus du Tueur qui s’apprêtait à répondre.

Kundïn étouffa une plainte rageuse et lança un regard noir à son compagnon.

L’elfe les regarda, hésita un moment, s’adressa à une ravissante elfe blonde vêtue d’une robe couleur jade qui lui répondit d’un air approbateur.

<< Luthien dit que vous êtes bien un Haut Mage. C’est bon. Vous m’accompagnez tous les deux. Mais le nabot sera ligoté pour plus de sécurité.

- Ne protestez pas ! souffla Lorindil au Tueur. Mieux vaut être en vie que mort.

- Vous en avez de bonnes, vous ! >> répondit Kundïn à haute voix, tandis qu’un Elfe Sylvain s’avançait pour lui lier les poignets avec une cordelette. Le Nain, considérant qu’il serait transformé en pelote d’épingles avant d’avoir pu envoyer son poing dans la figure de celui qui s’approchait se ravisa et marmonna dans sa barbe qu’il vengerait un jour cette humiliation. Le chef Elfe dût l’entendre car il le toisa d’un regard sévère que Kundïn soutint avec effronterie.

Le petit groupe se mit en marche au pas rapide des habitants de la forêt qui connaissaient leur domaine jusqu’à la moindre parcelle, et de nombreuses fois Lorindil et Kundïn se heurtèrent à des branches qui encombraient le sentier invisible que semblaient suivre les Elfes. Les arbres, comme s’ils étaient dotés de vie, paraissaient prendre un malin plaisir à tendre leurs racines ou leurs rameaux en travers de la route des deux intrus et semblaient s’acharner particulièrement sur le Nain, le faisant trébucher à plusieurs reprises alors que le passage se dégageait pour les Elfes Sylvains. Au bout d’une longue course à travers bois ponctuée de jurons en Khazalid, les Elfes s’arrêtèrent au milieu d’une vaste clairière au centre de laquelle était dressé un chêne immense dont la cime dépassait de loin celle de tous les autres arbres et se perdait dans les nuages. Sa circonférence était telle que le regard ne pouvait embrasser les deux extrémités du tronc et que ceux qui arrivaient au pied de l’arbre semblaient s’arrêter devant un gigantesque mur de bois. Même Kundïn fut impressionné par sa majesté et ne put s’empêcher de demander d’une voix faible à Lorindil :

<< Est-ce là le fameux Chêne des Ages ? Je n’ai jamais vu d’arbre aussi grand de ma vie...

Avant que Lorindil n’ait pu répondre, une voix douce s’éleva derrière eux :

Kundïn détacha son regard du chêne et se retourna. Celle qui lui avait répondu n’était autre que la belle Luthien ; contrairement à ses compagnons elle ne paraissait pas ressentir de haine envers les deux intrus et un sourire amical éclairait son visage.

<< Le chêne de Quendorr est l’un des plus puissants arbres de la Colline des Pins, autant pour la source magique qui s’en dégage que pour les dryades qui l’habitent, expliqua Lorindil, toujours prêt à épater ses collègues mages, surtout s’ils sont de magnifiques représentants du sexe féminin.

- Vous connaissez notre clan ? demanda la sorcière, intriguée.

- Je suis venu en Athel Loren il y a des années de cela, répondit Lorindil d’un air nostalgique.

- Vraiment ? >> Luthien semblait émerveillée qu’un Haut Elfe prête tant d’attention à sa forêt. Elle avait rarement eu l’occasion d’en rencontrer, et les autres races bénéfiques ne voyaient en sa forêt qu’une immense réserve potentielle de bois et de gibier.

Le voyage continua durant toute la journée ; Lorindil et Luthien devenaient inséparables. Tandis que l’un lui expliquait les bases de la Haute magie, l’autre lui montrait comment profiter au mieux des vents de magie sylvestre pour lancer des sorts ambre ou jade. Kundïn s’était rapidement désintéressé de la conversation, estimant comme tous ses compatriotes que la magie était quelque chose d’assez obscur et dangereux et que quelques bonnes runes judicieusement choisies valaient mieux que tous les sortilèges de la terre, fussent-ils lancés par de belles sorcières aux cheveux blonds. Il continuait son chemin derrière les deux Elfes, grommelant et jurant à voix basse, car sa mission prenait du retard dans cette forêt et il ne savait toujours pas où les Elfes les conduisaient. Pour couronner le tout des Dryades l’avaient repéré et s’amusaient à ses dépends : sous leur forme de jeunes filles à la peau verte et aux cheveux de feuilles elles s’approchaient de lui en silence dissimulées dans les taillis et lui faisaient des croche-pieds, dénouaient ses lacets, faisaient un nœud à sa barbe ou lui lançaient du haut des arbres des glands et des brindilles sur la tête. Au bout d’un moment, le tueur fut à bout de nerf et après une énième chute au milieu des feuilles il se mit à hurler :

<< J’EN AI MARRE ! ! Par Grungni où nous emmenez-vous, à la fin ? fit-il en s’adressant à Luthien.

- Devant le roi et la reine de la forêt, qui statueront sur votre sort, répondit l’Elfe calmement. Mais ils se trouvent bien loin d’ici, au Chêne des Ages justement, et nous cherchions un moyen de transport plus rapide pour vous y amener. Et nous venons de le trouver, continua-t-elle en s’arrêtant devant un orme gigantesque.

- Où ça ? De quoi parlez-vous, nous sommes en pleine forêt !

- Eh bien je parle de lui. Je vous présente Thricromnur ! >> fit-elle en touchant du doigt le tronc de l’orme tout en murmurant quelques paroles à voix basse dans sa langue natale.

Lentement, devant les deux compagnons médusés, le tronc de l’arbre se mit à vibrer et ses branches se redressèrent. Un sourd grondement se fit entendre, l’écorce craqua et peu à peu les racines s’arrachèrent au sol. Bientôt un visage de bois se forma au sommet du tronc tandis que de gigantesques branches se regroupaient pour ne former plus que deux bras noueux et immenses. Devant eux se trouvait un Homme-Arbre, une des créatures les plus étranges et les plus puissantes du monde ancien.

La gigantesque créature se pencha vers le petit groupe et sembla froncer les sourcils en apercevant le Nain.

Puis se tournant vers Lorindil, elle demanda tout en rougissant :

Le voyage se déroula beaucoup plus vite que prévu. Quatre personnes se tenaient sur les épaules de la créature. Les autres Elfes Sylvains chevauchaient de magnifiques faucons de guerre, escortant gracieusement le petit groupe perché sur cette curieuse monture. L’Homme Arbre prenait soin d’écarter devant lui les feuillages, ainsi Kundïn ne fut plus incommodé par les branchages.

Au bout de quelques heures, la forêt avait visiblement changé. Les sous-bois de sapins et les profonds ravins furent progressivement remplacés par des bosquets d’ifs, de peupliers et de chênes. Peu à peu, les feuillus avaient pris la place des conifères.

Soudain, au détour d’une muraille de bosquets, l’Homme Arbre pénétra dans une imposante clairière. De nombreux Elfes s’y trouvaient, discutaient, plaisantaient, jouaient de la harpe ou du tambour pour accompagner les gracieux Danseurs de Guerre. Au milieu de cette clairière se tenait un immense chêne d’une circonférence dépassant toute imagination.

Les elfes stoppèrent leurs activités en voyant des étrangers pénétrer dans leur sanctuaire. Tous les regards se tournèrent vers les nouveaux arrivants. Soudain, deux elfes particulièrement gracieux semblèrent sortir du grand chêne. Malgré la distance, Lorindil reconnut le Roi et la Reine de la forêt, dans leur forme elfique.

, salua le puissant Roi Orion.

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