Etoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactives
 
NB : Ce chapitre est en version Deluxe !

Je me retournais pour voir à qui j’avais à faire, Laars sur mes talons. Je me retrouvais face à l’aubergiste abasourdi.

- Vous nous avez fait une belle frayeur ! Voos bagages sont encore ici et votre chambre n’a pas été dérangée. Si je puis me permettre, quelle était la raison de ce départ précipité ?

Il avait certainement un grand nombre de questions à me poser, auxquelles je n’aurais hélas aucune réponse, aussi l’interrompis-je sans ménagement. Car si pour moi, plusieurs points demeuraient un mystère, cet homme détenait certainement des bribes d’informations sur mon passé. A commencer par mon nom. Après avoir digéré la nouvelle, il me regarda d’un air étrange puis, il se ressaisit et reprit la parole :

- Venez messire, allons dans un coin plus coonfortable où nous pourrons bavarder à notre aise, loin des oreilles indiscrètes.

Il indiqua une table au fond de la salle, sur laquelle traînaient deux chopes vides. Dessus était posé un chandelier en cuivre, d’où émanait une lumière apaisante. L’aubergiste jeta un œil inquisiteur en direction de Laars lorsque celui-ci fit mine de nous suivre.

- C’est cet homme qui m’a amené ici et qui mm’a certainement sauvé la vie, il vient avec nous, dis-je sur un ton qui n’admettait aucune contestation.

L’aubergiste haussa les épaules et alla s’installer à la table après avoir passer commande à un de ses serveurs de quoi boire et manger. Le brave homme... Une fois le repas servi, il se mit à parler.

-Tout d’abord, laissez-moi me présenter, je m’appelle William Kerst. Je suppose que j’avais déjà dû vous dire mon nom mais de nouvelles présentations s’imposent. Quant à vous, le nom que vous m’aviez donné est Lothar Dagenson.

Il s’interrompit.

-Vous allez bien ? Me demanda-t-il.

Mon nom ! Je connaissais enfin mon nom ! Un grand sentiment de joie m’envahit soudain ! Je sentais au plus profond de moi que je pouvais reprendre le contrôle de ma vie. J’éprouvai une sensation inexplicable, l’intime conviction que ma quête d’identité allait s’accomplir. Du coin de l’œil, je vis Laars sourire. Avide de savoir ce que pouvait m’apprendre l’aubergiste, je le priai de poursuivre sans perdre de temps.

- Vous appartenez au culte du Loup Blanc carr lors de votre visite, vous portiez une de leurs tenues officielles. Je me rappelle aussi un pendentif que vous portiez autour du cou.

Ainsi, Laars avait vu juste. Toutes ces révélations étaient autant de boulets de canon qui venaient s’écraser sur l’épais rempart qui bloquait ma mémoire. Avec de la chance, j’espérais bien que le mur finirait par céder...

Notre discussion fut interrompue quand le repas arriva. Je n’étais pas mécontent de me mettre quelque chose sous la dent car la faim me tenaillait et je me sentais encore las, mais la perspective d’élucider les énigmes de mon passé m’aidait à rester éveillé. Alors que le serveur allait repartir, l’aubergiste lui glissa un mot pour nous faire préparer deux chambres pour la nuit. Plein d’espoir, j’étais suspendu aux lèvres de Maître Kerst.

Hélas, mes attentes ne furent pas comblées. D’après ses dires, j’avais fait halte à Fiirsburg pour une nuit mais, pour des raisons inconnues, j’avais quitté précipitamment la petite ville, sans explication et en laissant sur place la majorité de mes effets. Au lieu de m’éclairer sur mon passé, le mystère s’épaississait encore ! Amer, je digérai bien mal cette frustration. Mais peut-être que le contenu de mes bagages recèlerait quelques indices ?

Je m’aperçus que Laars me fixait, il devait s’interroger lui-aussi sur les motifs de ce départ. Encore et toujours ces interrogations ! La colère m’enserrait la gorge. Les nerfs durement éprouvés, je sentis le besoin de me retrouver seul.

Une fois le souper terminé, je décidai d’aller me coucher, ce qu’avait déjà fait la plupart des autres clients. Prenant congé de Laars et de Maître Kerst, je fus conduit à ma chambre qui se situait à l’étage, tout au bout d’un couloir aux tapisseries élimées.

Ainsi, j’allais retrouver la chambre que j’avais prise lors de mon précédent séjour à Fiirsburg.

La main sur la poignée, j’appréhendais ce moment. La porte close qui se dressait devant moi semblait me narguer, me mettant au défi de l’ouvrir. L’instant de Vérité. Une fois encore... Mais étais-je prêt à y faire face ?

Tiraillé jusqu’au bout entre la crainte de voir mes espoirs à nouveau déçus et la peur de ce que j’allais découvrir, je tournai le bouton de cuivre. Le battant s’ouvrit légèrement, révélant une chambre plutôt spacieuse au milieu de laquelle trônait un lit bordé avec soin. Je pénétrai dans la pièce, le bruit de mes pas étouffé par l’immense tapis moelleux, décoré de fines arabesques, qui recouvrait le sol. Un chandelier, identique à celui que j’avais vu tout à l’heure, éclairait la pièce d’une lumière diffuse.

Ayant pris soin de refermer la porte derrière moi, je m’assis sur le lit, goûtant un confort jusqu’alors oublié. En face de moi, surmontée d’un grand miroir, se tenait une commode appuyée contre un mur. Mes bagages devaient encore s’y trouver d’après l’aubergiste. Pourtant, je demeurai assis, le regard fixé sur ce meuble, incapable d’esquisser le moindre geste. Jusqu’à ce je me décidai enfin.

Je fis pivoter lentement la clé métallique, déverrouillant le loquet qui fermait le tiroir. Des vêtements étaient soigneusement rangés, la plupart anodins, d’autres frappés de la marque du culte du Loup Blanc. En fouillant un peu, je trouvai une cassette remplie de couronnes d’or et plus intéressant, une dague à la poignée incrustée de gemmes et à la lame au fil acéré. L’arme était parfaitement équilibrée et d’une légèreté surprenante : une œuvre de très bonne facture. En l’examinant de plus près, je pus distinguer un poinçon, marque de fabrique de l’artisan. Elle avait été forgée à Middenheim d’après l’écusson et avec un peu de chance, je pourrais peut-être retrouver cette échoppe.

J’avais trouvé là de biens minces indices alors que tout le contenu de la commode était à présent éparpillé sur mon lit. Pourquoi avoir emporté si peu d’affaires ? Un voyage assez court ? Ou bien, avais-je quitté Middenheim en catastrophe, n’emportant avec moi que le strict nécessaire ? Quant au départ précipité de Fiirsburg... J’enrageai. Chaque découverte amenait son lot de nouvelles questions et je désespérais de trouver enfin des réponses. Alors que je m’apprêtais à ranger mes effets personnels, je sursautai devant le miroir et il me fallut quelques secondes pour réaliser que l’inconnu qui se reflétait dans la glace n’était autre que moi. Même mon visage m’était étranger !

- Lothar. Tu t’appelles Lothar Dagenson"

Face à moi-même, je prononçai mon nom, le répétant inlassablement jusqu’à ce que quelque chose se produisit. En vain. Sans doute espérais-je trop... Mais comment continuer à vivre dans cette ignorance ? La panique et la colère menacèrent de s’emparer de moi et je dus faire appel à toutes mes ressources pour conserver mon calme. Je me tournai alors vers l’extérieur.

Dehors, le ciel avait perdu sa parfaite limpidité. Le disque argenté de la lune disparaissait derrière les lourds nuages et, les mains dans le dos, j’observai la tempête qui se préparait. Des gouttelettes tambourinaient sur les carreaux de la fenêtre alors que les éclairs zébraient le ciel, illuminant la forêt qui s’étendait autour de Fiirsburg. Bientôt, le grondement du tonnerre retentit dans le lointain, se répercutant sur les flancs de la montagne. Les éléments étaient déchaînés ce soir, et une pluie torrentielle s’abattit tel un rideau de cordes de fer. L’eau se déversait des gouttières ricanantes en ruisselets bouillonnants qui dévalaient à toute allure les rues pavées. Contemplant ce déluge, je savourai la douce chaleur qui émanait de la cheminée. Le feu crépitait doucement dans l’âtre, faisant écho à la pluie qui martelait sans cesse le toit de tuiles rouges. Enfin apaisé, je repoussai les rideaux, et décidai d’aller me coucher, encore accablé par la fatigue de ces derniers jours.

Le mur au-dessus du lit était orné d’un tableau magnifique qui retint mon attention. Me rapprochant davantage, je pus lire le nom de l’œuvre qui s’intitulait " La Plaine des Âmes Criantes " Une fresque guerrière s’animait sous mes yeux. De fiers cavaliers chevauchaient à travers la plaine verdoyante telle une traînée de vif-argent, leurs nobles coursiers revêtus de caparaçons étincelant de mille feux. Leur faisant face, une horde grouillante de créatures difformes hurlait de rage, les armes dressées et le regard haineux. Toute la scène baignait sous un ciel embrasé par la fureur de la guerre. Par touches subtiles, l’artiste avait su saisir d’une façon remarquable l’instant terrible qui précédait les combats...

Après avoir jeté un dernier coup d’œil à la toile, je m’allongeai sur mon lit et sitôt fait, je m’endormis. Mais bientôt, je fus assailli par des cauchemars. Une cacophonie de hurlements envahit ma tête, des visions m’apparurent : une forêt sombre et impénétrable aux arbres torturées laissait échappait de ses entrailles un grognement caverneux qui fit naître en moi une sourde terreur. Une lune ensanglantée brillait dans un ciel d’encre où se dessinaient des milliers d’yeux acérés et scrutateurs, et derrière se profilait l’imposante silhouette d’une fière cité dressée sur les flancs escarpés d’une montagne. Tout disparut en un instant et l’image d’une bête au pelage de cendre se forma dans mon esprit, me fixant de ses yeux mordorés. Je voulus hurler sans y parvenir. La créature tourna vers moi sa gueule béante.

"Lothar !"

Je me redressai d’un bond, le corps tremblant et la respiration saccadée. Une douleur lancinante vrillait sous mon crâne alors que la voix de la bête résonnait encore dans mon esprit tel un mantra aliénant. Mon agitation durant mon sommeil avait été telle que les draps de mon lit étaient tous défaits, et même déchirés !

Que m’arrivait-il ? Je me levai péniblement, les muscles de mes bras et de mes jambes étaient comme tétanisés. Une fois debout, je parvins à marcher quelques pas avant d’éprouver une vive sensation de chaleur à mon épaule. Mon tatouage ! Me rapprochant du miroir, je vis les griffes du Loup étinceler sur ma peau. Le souffle court, j’effleurai du bout des doigts la marque dont le scintillement déclinait déjà.

Ces cauchemars... Comme ceux que j’avais fait lors de la nuit passée dans la grotte ! Quel traumatisme avais-je subi pour être dans pareil état ? Cette voix avait fait naître en moi une impression étrange. Aussi fou que cela puisse paraître, j’étais sûr que cette créature essayait de me dire quelque chose !

Mais déjà, les premières lueurs de l’aube traversaient les minces rideaux, faisant régner une semi-pénombre dans la chambre. Encore immobile sur mon lit, je laissais libre cours à mes pensées, tandis que j’entretenais l’espoir que la vérité allait enfin m’être révélée. Quelques minutes passèrent ainsi, alors que je percevais les premiers signes d’activité du personnel de l’auberge. Me relevant lentement, comme mu par une volonté extérieure, je me dirigeai vers la cheminée qui fumait encore. Je posais mes mains sur le linteau et je sentis la brique bouger. Agrippant la pierre, je tirais brutalement révélant à ma grande surprise une cache dans le mur !

Je tendis une main tremblante dans l’ouverture obscure, tâtonnant le long de la paroi couverte de poussière. Le bras enfoncé jusqu’au coude, mes doigts rencontrèrent alors le contact rugueux du couvercle de ce qui semblait être un coffret. Je l’agrippai avec fébrilité comme s’il s’agissait d’une question de vie ou de mort et, avec douceur, je fis remonter ma prise, extirpant de sa cachette une boîte en bois, épaisse d’une bonne dizaine de pouces. Son poids me surprit tandis que je la posai sur le manteau de la cheminée. Si le bois était abîmé, aucune marque n’était gravée dessus ; seul un fermoir en argent scellait le coffret que je m’empressai de forcer à l’aide de la dague.

A ma grande surprise, je trouvai trois livres à l’aspect craquelé, entassés les uns sur les autres, et qui dégageaient une odeur de vieux cuir. Délicatement, je me saisis de l’un des ouvrages, tout en essayant de décrypter les symboles qui illustraient sa couverture. Les signes paraissaient familiers, sans que je parvinsse néanmoins à en déchiffrer le sens. En feuilletant chacun des livres, je découvris une écriture très fine, faite de runes qui semblaient se mouvoir sur le papier jauni comme des poissons sous la surface d’un lac. Qui avait bien pu les écrire ? D’après le grain des feuilles, ces trois volumes devaient être très anciens. Mais pourquoi étaient-ils dissimulés dans ces murs ? Et surtout, qui avait pu les cacher ainsi ? Pourtant, je ne doutais pas de leur importance.

On frappa à ma porte et Laars s’annonça. Je glissai ma trouvaille dans une de mes malles, encore indécis quant à la conduite à adopter. Le mercenaire voulait me prévenir qu’il descendait à la grande salle. Je bégayai quelques mots, l’informant que je n’allais pas tarder à le rejoindre. Les pas de Laars résonnèrent dans le couloir et j’entendis bientôt le craquement singulier de l’escalier qui menait en bas. Je ne pouvais pas rester cloîtrer ici éternellement. J’entrepris alors de me préparer, piochant parmi mes bagages une tenue confortable, tout en prenant bien soin de dissimuler la dague dans un repli de ma veste.

Une fois dans le hall, et après avoir salué quelques personnes, je m’installai à la table de Laars qui m’attendait pour déjeuner.

-Vous semblez davantage en forme qu’hier à cce qu’on dirait !

-Oui, cette nuit m’a été profitable. Rien dee tel qu’un bon lit pour vous remettre d’aplomb !

Je fis de mon mieux pour masquer mon trouble, rangeant dans un coin de mon esprit les évènements de la nuit dernière. Préférant éviter de parler de moi, je lançai la discussion sur un sujet différent.

-Quels sont vos projets, Laars ?

- Je dois me rendre chez Maître Russ, le bouurgmestre de Fiirsburg. Il doit s’impatienter de connaître le compte rendu de ma mission sur l’activité des loups dans les alentours.

- Voulez-vous que je vous accompagne ? Je suuppose que j’ai dû vous empêcher de mener à bien votre mission. Ainsi, je pourrais témoigner de vos dires, c’est vraiment la moindre des choses que je puisse faire pour vous.

Il sembla surpris par ma proposition mais accepta avec grâce. Ayant décidés de la suite des évènements, nous pûmes déjeuner tranquillement.

 


 

L’homme qui se tenait face à moi était mince et malgré ses cheveux blancs, il paraissait plein d’énergie. Il nous accueillit dans son office et aborda sans ambages le vif du sujet, ignorant totalement ma présence.

- Alors, messire Gertzrovic , quelles sont lles nouvelles ? Bonnes, je l’espère.

Laars semblait habitué aux manières directes de son employeur et il lui présenta brièvement les faits. Une fois que le mercenaire eut achevé son exposé, le visage du Bourgmestre s’était assombri, ses épais sourcils grisonnants froncés en une expression contrite. Et ce fut d’une voix lasse qu’il reprit la parole :

- Je vois. Vous savez, nous tolérons le loupps. Au même titre que l’homme, il fait partie de la nature. Mais, au grand jamais, nous n’avions été confrontés à une telle situation... Les victimes se multiplient et depuis le début du mois, vingt disparitions ont été signalées ! Ces temps-ci, mes miliciens ne font que trop souvent de macabres découvertes : des corps en lambeaux, horriblement déchiquetés, retrouvés au détour d’un bois.

Ses traits s’animèrent alors que ses propos se faisaient plus véhéments :

- Je ne peux tolérer qu’une telle menace pèsse sur notre bonne ville de Fiirsburg ! Nos guetteurs veillent nuit et jour sur notre sécurité, en vain ! Les battues que nous avons organisées se sont toutes soldées par des échecs... Les gens ont peur, de sombres récits se racontent au coin du feu : des créatures monstrueuses qui se repaissent de chair humaine. Bientôt, Fiirsburg va se vider de ses habitants et je serais le bourgmestre d’une cité fantôme !

Hors de lui, Maître Russ ponctua sa dernière phrase d’un coup de poing rageur sur son bureau, renversant un encrier qui déversa son contenu sur un feuillet jauni. Laars attendit un instant que le Bourgmestre ait retrouvé son calme. Et sans se départir de son aplomb coutumier, il prononça ces mots :

- Je vous certifie Maître Russ, que je n’ai pas pour habitude de ne pas remplir mes contrats. Et si créature monstrueuse il y a, j’agirai en conséquences.

- Bien, je n’en attendais pas moins de vous.. Cette mission ne doit souffrir d’aucun retard. Aussi, vous demanderai-je de partir sans délai.

-Aussi tôt que faire se peut, Messire.

Une fois l’entretien terminé, le Bourgmestre nous raccompagna vers la sortie. A présent, Laars et moi étions seuls au milieu de la rue tandis que les maigres rayons de soleil commençaient à poindre, dardant au-dessus des nuages.

- Vous n’avez rien contre une ballade en forêt, Lothar ?

Connectez-vous pour commenter