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LES DEMONS : Partie 2/2- Le Phoenix

 

 Le soir tombe. J'espère que tu n'as pas froid là-haut à attendre. Tout seul sur ton toit. Et surtout j’espère de tout cœur que tu sois cet aigle avec de grandes et puissantes ailes. Je t'imagine en train de fixer toute cette ville et te lancer dans ces raisonnements dont tu as le secret pour expliquer le monde. Ton monde. Le mien se vit dans le quotidien parmi nos semblables. Toi, tu n'es qu'un loup solitaire qui souffre en silence. Peut-être te diras-tu que tu m'aimes encore? Peut-être même es-tu, sur ton toit, tout là-haut en train d'imaginer tout ce que, toi, tu me diras pour me convaincre? Tu es très fort à ce jeu-là... Tu ne peux pas savoir comment ça m'agaçait de ne pas être moi aussi capable de te clouer le bec avec tes raisonnements stériles.

La vérité, c'est que je ne t'ai jamais compris, tout comme toi tu n'as jamais été capable de ressentir ce que je ressentais. Comprendre. Ressentir. Toi, tu me comprenais mais c'était là ton malheur car j'aurais eu besoin d'un peu plus de compassion. Moi, je ressentais ta souffrance au plus profond de moi mais j'ignorais d'où elle venait et ce qu'elle te poussait à faire. Oui, toujours ces deux étrangers qui se parlaient une langue étrangère. Deux étrangers qui se sont pourtant aimés. Deux étrangers qui se connaissent pourtant sur le bout des doigts, car, toi, là-haut sur ton toit, tu sais certainement déjà combien j'hésite, combien je doute de toi, combien je n'ai pas envie de revivre le passé. Tout du moins ce passé qui nous a séparés. Tu devines sans doute que derrière toutes ces pensées qui me harcèleront, il y aura cette ultime question qui, pour moi, sera alors ma priorité numéro un, une chose que d’ailleurs, tu n’as jamais vraiment compris et dont tu te moquais : qu’est-ce que je vais pouvoir me mettre pour venir te voir ? Pourtant, comment pouvais-tu avoir l’arrogance de me dire que tu me comprenais mieux que moi et ne pas saisir tous les enjeux qui se cachent pour une femme derrière cette si simple et pourtant si angoissante question ? Vous, les hommes, vous ne voyez que ce qui vous arrange… Une chose superficielle, alors que vous êtes les premiers à ne voir de nous que des images à désirer ? Vous ignorez ce qu’être désirée signifie alors qu’on ne veut être qu’à la hauteur de soi-même. Oui, vous ignorez ce qu’est de se sentir sur soi ce regard qui… Puis, un jour, cette peur en nous de ne plus sentir ce regard… Ne plus être capable de l’obtenir alors qu’on est prête à affronter ce démon en vous…

 Mais je suis sûre qu’il y aurait tant de chose à revivre. De belles choses. Un amour comme le nôtre ne meure jamais vraiment. Tu le sais. Je le sais. Et c'est pourquoi tu comptes bien me tenter. Oui, quelque chose en moi a envie de dire oui. Mais je sais que c'est une erreur. J'ai enfin réussi à revivre loin de toi. A t'oublier dans ma vie et voilà que tu ressurgis aujourd'hui de partout. Dans la musique de ma voiture, dans des souvenirs quasi oubliés. Dans cet appel téléphonique si inattendu et mystérieux. Si solennel qu'il m'a fait peur. Et je n'ai plus envie d'avoir peur. Je crois surtout que tu ne voulais pas te montrer faible à mes yeux, alors tu as pris cette voix pour ne pas avoir l'air de me supplier. Je ne te comprends pas mais ça, je le sais, je le comprends au plus profond de moi sans même comprendre. C'est mon cœur qui me le dit. Et mon cœur comprend tout ce que, toi, tu ne peux comprendre avec tous tes raisonnements. Cette tour dans laquelle tu t'enfermes et qui t'éloigne si loin de moi. Une tour dans laquelle j'ai longtemps voulu entrer mais qui m'a peu à peu détruite. Tout comme toi... 

C'est drôle (même si cela m'effraie aussi) que tu aies choisi cet endroit pour me fixer rendez-vous. Comme si tu n'étais pas depuis toujours là-haut sur ton toit. A toi. Inaccessible. Certains auraient dit hautain, mais je sais qu'ils ont tort, c'est juste que tu vois de là-haut des choses qu'ils ne voient pas. Avec ton regard d'aigle qui me faisait sentir petite souris quand tu le posais sur moi. Il me transperçait comme si tu voyais même au-delà de moi. Des choses que j'ignorais sur moi. Il me fallait alors... j'ignore ce qu'il me fallait. Peut-être est-ce un peu pour ça que je suis partie, parce que je ne voulais plus revoir cet autre regard vide, creux, quand tu t'envolais loin de nous ? Tu n'étais plus cet aigle, mais une ombre ridiculement recroquevillée dans un monde soudain si étroit.  

J'ai fini par détester cet autre que tu devenais quand la drogue te rongeait tes ailes immenses. Tu devenais une sorte de monstre qui partageait ma vie mais que je ne connaissais finalement pas. Un monstre qui régissait toute ma vie par la seule force d'exister et de ne rien faire. Un couple à sauver. Un enfant à protéger. A préserver. Des amis qu'on ne voit plus pour qu'ils ne te voient pas dans cet état. Et me retrouver seule face à ce monstre. Apprendre à vivre avec. Apprendre à te préserver, à te protéger de toi-même. Trouver la force de recommencer encore et encore. Trouver des raisons d'espérer. Découvrir l’étendu du monde de tes mensonges.  Combien de fois ai-je pu te croire ? Combien de fois ai-je voulu continuer de te croire ? Croire que tu… Refuser les évidences que je découvrais partout autour de moi. Et tu me dis que je dois tout oublier pour te retrouver cette nuit sur ton toit? Comment peux-tu même imaginer que je puisse en avoir envie? Car, vois-tu, moi aussi j'ai besoin de me préserver. De me préserver de moi. De me préserver de ce que me dit mon cœur. Vois-tu, j'ai moi aussi appris à me construire une tour et j'aime m'y enfermer. Pas sûr qu'il y ait une place pour toi. Ou pas celle que tu crois ou attends... 

Je connais ce toit. Tu t'y refugiais. Et là tu t'y envolais, avec ta dose d'héroïne dans les veines. Loin. Parfois oisillon. Parfois grand aigle. Et quand tu revenais parmi nous, il y avait ce voile de néant sur tes yeux, comme si plus rien n'existait vraiment. Un monde de néant. Une béance effrayante de plus en plus grande dans laquelle tu ne faisais que tomber. Mais pourquoi a-t-il choisi cet endroit? Il sait très bien qu'il me fait peur. Jamais je n’irai. Alors pourquoi cherches-tu avec quelle jupe irait ton nouveau chemisier ? Un chemisier, tout comme le reste, que tu avais choisi parce que tu continues de te dire qu’il t’aurait aimée dedans ?

 

**

* 

La nuit tombe, j'erre dans les rues et j'ignore encore si je monterai te rejoindre sur ton toit. Je crois que je n'en ai pas envie. Autant tu m'aurais invitée à boire un verre, ou au restaurant, ou même dans notre vieil appart que tu as voulu garder... Bref, partout sauf sur ce fichu toit. Je crois que c'est plus fort que moi. Jamais je ne pourrai reposer un pied sur ce toit. C'est comme si je partais retrouver le monstre. J’ai trop peur de te retrouver inerte par terre comme cette fois où j’ai fini par retrouver où tu partais… Le garrot à peine desserré autour du bras… Et ce teint livide et cette peau comme moite… Et tes yeux grands ouverts qui ne me voyaient pas… Comment peut-on être prête à voir ça dans la vraie vie ? Pas dans celle des voisins, mais dans la sienne. Quasiment dans sa propre chair… En même temps que mille pensées m’assaillaient sur ce que je devais faire, je pensais à David qui ne devait pas voir son papa dans cet état. 

Parfois, je me dis qu’il ne servait à rien de lutter, que j’aurais dû te quitter bien avant. Je l’ai même fait une fois pour de faux, mais je me suis dit que j’avais été lâche et qu’il me fallait apprendre à être plus dure avec toi. Ne plus me faire avoir par mes sentiments. Ne plus me faire piéger quand tu voulais jouer à ton tour avec eux et sur ma naïveté de croire que tu avais encore en toi la force de t’en sortir… Comme s’il suffisait de le vouloir pour que tout change. OU plutôt pour que tout redevienne comme avant. Et je ne demandais pas plus… 

Heureusement que j’ai eu le courage de te quitter… Après avoir appris à construire une vie à trois, il m'a fallu découvrir que nous aurions trois vies différentes. Et j'ai eu beaucoup de mal à accepter que notre fils en ait même trois pour lui seul: une avec son père, une avec sa mère et une pour lui. Et découvrir peu à peu que, quand il était avec moi, j'étais sa maman et le reste du temps sa mère... 

Pour certains, refaire sa vie, quand on l'a choisi, est une formidable renaissance. Bien que je sois partie, ce fut un désastre de se retrouver seule avec mon fils et se rendre compte qu'on ne sait plus vivre sans cet autre qu'on a tant aimé et qu'on aime encore malgré nous, mais qu'il faut apprendre à l'aimer autrement sans plus le détester. 

Partir fut pour moi une vraie défaite. Totale. L'héroïne avait été plus forte que tout l'amour que je lui donnais. Elle t'a dévoré comme elle a dévoré notre amour. Et dire que j'ai refusé de croire Stéphane la première fois qu'il me fit part de ses doutes... Et il était au-dessous de la vérité, peut-être était-ce pour ça que je ne l'ai pas cru. J'imaginais autre chose. Une maladie qu'il me cachait. Des aventures extra-conjugales. Tout ça n'était que des raisons de l'aimer davantage. Puis, il y a eu tes mensonges pour entretenir ce doute en moi. Puis un jour, j'ai découvert cette seringue vide qui n'avait rien à faire dans notre vie. Un coup d'arrêt brutal. Une lame qui tombe sur une existence, séparant net un avant et un après. Puis, l'histoire qu'on réécrit telle qu'elle s'est véritablement passé. Comme cette fois où tu me tenais fort dans tes bras et où j'ai ressenti d'un coup ton étreinte se défaire et partir loin de moi. J'ai cru que tu avais un vertige. Je t'ai aidé à t'assoir sur le canapé et éloigné David pour que tu puisses te reposer. Je suis sortie dans un jardin d'enfants et je m'efforçais de sourire à chaque qu'il voulait que je le regarde, alors que je mourrais d'inquiétude. Je crois que c'est la première fois où tu l'as fait en notre présence. 

Puis quand j'ai compris, j'ai tout essayé: t'aimer davantage, accepter tes défaites et tes mensonges, oublier les jours passés pour ne voir plus que le présent, rien que le présent. Mais le présent dure une éternité quand on ne croit plus en rien… 

Et bien sûr, tu as refusé d'aller voir le médecin. Je finis même par y aller à ta place pour avoir des explications. J'avais essayé d'observer des symptômes de ce que je voyais, mais on m'a fait comprendre qu'il ne pouvait rien faire sans le consulter. Et ce regard du médecin sur moi qui souriait avec compassion et qui voulait dire… Comme si j’avais pu être en partie responsable de ça… Comme s’il aurait pu lui dire des choses qu’il ne m’aurait pas dites à moi qui ne cherchais qu’à le sauver… Et se rendre compte après coup que le médecin avait raison, que j’étais moi aussi un démon d’avoir voulu le changer à ce point pour que nous nous rapprochions davantage l’un de l’autre. Quelques pas pour lui, quelques pas pour moi, pour se rapprocher chacun de notre amour. Sur le papier, c’est si évident, car qui refuserait un si petit effort pour renforcer son couple ? Je sais maintenant que chacun de ces pas que nous avons faits en direction de l’autre a fait naitre un monstre en nous que nous avons fini par détester. Détester l’autre parce que nous détestions ce que nous étions devenus… 

Oui, il y a dans la vie des moments qu’on ne peut oublier. Et puis, il y a tout le reste et, aujourd’hui, j’aimerais tellement redonner un peu vie à ce que j’ai pu oublier. Il y a tellement d’instants qui disparaissent de nos vies et qui contiennent leur parcelle de bonheur. Un bonheur qu’on reconnait comme tel juste parce qu’il s’est un jour évanoui. J’ai vécu de tels moments avec lui, et ils font partie de ceux que je souhaite garder en mémoire, mais il y en a tellement qui ont disparu ou qui ont fait place à ces cauchemars éveillés dont le goût prononcé vous écœure jusqu’au cœur de la nuit. On est comme devant un mur qui nous sépare et il faut imaginer qu’il y a encore quelque chose à espérer tout derrière. Le mur s’érige un peu plus haut chaque jour, un peu plus épais, et on continue à se dire, un peu par habitude, qu’il n’est rien, qu’il n’est qu’un rêve et qu’on se réveillera à ses côtés comme avant, comme s’il ne s’était rien passé, qu’il n’y avait rien à oublier, sauf qu’on n’oublie pas. Quitte à chanter avec Bono : 

You say  

One love 

One life 

When it's one need 

In the night 

One love 

We get to share it 

Leaves you baby if you 

Don't care for it... 

Je n’ai pris aucune décision pourtant je suis là, à me demander ce que je fais dans cette rue. Je vois des couples qui se tiennent tendrement par la taille, d’autres qui regardent chacun leur portable sans échanger un seul mot ; et puis il y a toutes ces personnes qui errent toutes seules, comme moi, qui peut-être cherchent encore l’âme sœur ou qui vont la rejoindre ? Alors, réponds ! Toi, que fais-tu ? Tu cherches l’âme sœur ou à te faire dévorer par un démon ? Si seulement tu avais cette force en toi… 

L’heure avance. Je ne veux pas la regarder sur ma montre. Je finis ma deuxième tasse de café alors qu’il y a longtemps que normalement je n’en bois plus. Mon portable a sonné et je ne veux pas regarder si c’est lui. Je ne veux plus rien. Ou alors être ailleurs dans un autre jour. Le portable vibre, c’est sans doute lui. Peut-être annule-t-il ? Mais je m’en moque, il n’avait pas le droit de choisir ce toit pour ce rendez-vous. 

 

**

*

 

J’ai toujours eu un peu peur dans la nuit. Surtout toute seule. En même temps, j’aimerais tellement que la nuit qui m’entoure soit plus épaisse pour me séparer davantage de lui. Mes pas me dirigent tous vers lui et je me dis que je ne suis pas prête. Bientôt j’arriverai devant la porte de l’immeuble en espérant que ma veille clé l’ouvre encore et j’aurai tout cet escalier à gravir parce que je ne veux pas prendre cet ascenseur qui contient tant de souvenirs. Et j’aurais encore besoin de temps pour l’affronter. 

Je n’arrête pas de repenser à sa voix de ce matin au téléphone. Il y avait dedans comme une supplication qui ne voulait avouer son nom. Et je n’arrête pas de penser également aux quelques secondes que j’ai laissé filer parce que j’avais été si déstabilisée que je ne savais quoi répondre. Son appel était comme un appel au secours… Peut-être va-t-il faire une bêtise si je ne viens pas ? Comment peut-il oser me faire vivre encore ça ? Parce que même s’il n’est pas très doué pour sentir ce genre de chose, il sait que je vais y penser… Peut-être même compte-t-il sur ce piège pour m’attirer à lui ? 

Au début du coup de fil, quand il m'a dit qu'il ne vivait plus que pour David, j'ignore si c'était vrai, mais c'était un peu comme s'il me disait qu'il ne vivait que dans l'espoir de me revoir. J'ai vraiment eu ce sentiment. Peut-être à cause de cette solennité dans la voix. Ou ce silence qui a suivi et qui laissait sa phrase en suspension. Comme un non-dit. Comme s'il passait lentement sa main sur mon visage... Ou dans mes cheveux en les étirant du bout des doigts. J’aimais tellement qu’il me fasse ce geste… Sa grande main sur ma petite tête qui montait lentement le long de ma nuque avec les doigts écartés pour se faufiler entre mes cheveux et les étirer lentement jusqu’au bout de leur extrémité, comme une vague qui s’échouait sur mes épaules. Pendant cet instant silencieux au téléphone, je l’imaginais en train de respirer et j'ai ressenti comme une connexion entre nous. Le temps de ce silence.  

Puis il a fait sa demande. Comme si tout ce qui avait précédé n'avait eu de raison que pour lui donner vie. "Tu ne voudrais pas venir me retrouver ce soir?" Une nouvelle fois, un silence. Pas le même. Une tension. J'attends de mon côté qu'il se justifie, alors que lui attendait sans doute une réponse. Pour une fois, c'est moi qui parle avec un silence. Je le laisse durer parce que j'ai peur des mots que je pourrais dire. "Je serai tout en haut de l'immeuble… Tu sais, par cette petite porte dont le verrou ne sert plus à rien. Parce que j'aimerais que tu me vois tel que je suis... Quand la nuit m'entoure et que je me sens si seul..." Une invitation bizarre. J'aurai du dire non. Ou oui. Mais j'ai juste dit "Je ne sais pas. Je réfléchirai". C'est une réponse affreuse, je sais, pour celui qui l'attend sans doute depuis si longtemps avant même d’avoir osé poser la question. Comme s'il y avait besoin de réfléchir au lieu d'écouter son cœur... Mais je n'ai plus envie de l'écouter, il m'a trop joué de tours pendant notre mariage. Puis il a rajouté "Je comprends". Sa voix a comme descendu tous les octaves... Elle me glace le sang. Une réponse vraiment si affreuse que j’en ai déjà des remords. J'ai envie de m'excuser de l'avoir dite mais je me tais. Etrange comme j’ai appris maintenant à me taire pour lui parler. Comme si j’étais devenue un peu comme lui. Comme s’il avait fini par me contaminer. Alors il rajoute, avec une voix plus claire mais froide.  "Alors, réfléchis bien, moi, je serai là et je t'attendrai le temps qu'il faudra. Dis bonjour de ma part à David". Puis il a raccroché. Pendant quelques secondes, j'ai gardé le téléphone à l'oreille et mon cerveau a cherché toutes les phrases que j'aurais pu dire à la place de mes silences. Un moment suspendu. Hors du temps. Hors de ma vie. Une parenthèse ouverte qui ne se referme pas. Puis David est venu vers moi, avec ses yeux qui brillent. Et la vie et le temps ont repris leur cours normal, mais la parenthèse reste toujours ouverte en moi. 

Depuis quelques rues déjà, j’avance droit devant comme aimantée par mon démon qui m’attend. Je sens en moi une bouffée de chaleur qui me dit que tout est possible, le pire comme… Comme quoi ? Comme le rêve ? Est-ce celui de David ou le mien ? Ou le nôtre à tous les trois ? 

Quelque chose en moi me brule le ventre et j’aime cette brulure. Quelque chose en moi me porte et me pousse. J’ai comme l’impression de voler. Oui, j’ai des ailes immenses qui brillent dans ma nuit. J’aime soudain cette nuit autour de moi parce qu’elle n’est plus si noire, comme si elle contenait sa propre lumière, comme ces petite veilleuses pour enfant que David continue de garder allumer pour dormir. Il y a si longtemps que je n’ai pas eu cette impression de planer, de me sentir soudain portée par la vie sans savoir où elle me conduit même si je sais maintenant où je vais.

Ma vieille clé est rentrée sans difficulté. D’habitude je l’utilise pour déposer David et je prends l’ascenseur. Cette fois, je ne veux pas me sentir prisonnière dans cette cage métallique et me retrouver happer d’un coup dans ce monde que tu as créé pour l’occasion. J’ai besoin de franchir chaque marche pour prendre ma décision définitive. Avec mes talons aiguilles, ma jupe étroite comme tu les aimes parce qu’elle me fait un jolie popotin et mon petit sac à main, je ne suis pas vraiment équipée pour gravir les marches, je me trouve même ridicule et je me dis que j’aurais définitivement dû prendre l’ascenseur. Mais j’ai tellement envie de savourer l’instant parce que je ne peux séparer ces escaliers d’un merveilleux souvenir.

C’était ce fameux jour où nous avons découvert la porte au vieux cadenas qui ne servait à rien. Nous habitions le 2eme étage. Tu y habites d’ailleurs toujours… J’ignore comment l’idée t’est venue, mais tu m’as proposée cette course ridicule jusqu’au dernier étage par les escaliers. Comme il y en avait cinq, que tu as des jambes immenses comparées aux miennes et que tu étais plus sportif, tu m’as laissé une minute d’avance. Alors j’ai gravi comme une folle ces escaliers. J’en riais, comme une enfant. Je crois que tu m’as rejoint à un peu plus haut que le 3eme. Et tu ne t’es même pas arrêté même si j’ai essayé de t’empêcher de me doubler en te bousculant, puis, je n’ai vu que tes grandes jambes dans ton jean gravir les marches deux par deux, voire trois par trois, et je t’entendais rire toi aussi. J’ai fini le dernier étage en marchant tellement j’étais essoufflée. Et toi, tu regardais bizarrement cette porte avec ce panneau « Strictement interdit à toute personne non autorisée ». Tu as fait mine de trifouiller le cadenas (mais comment peut-on avoir même une telle idée, dis-moi ?). Puis, il est tombé tout seul par terre, dans un bruit métallique qui a résonné dans toute la cage d’escalier. Et nous nous sommes regardés. Tu avais les yeux qui brillaient et moi j’avais peur. Ridiculement peur comme si nous allions être électrocutés ou qu’une alarme allait se déclencher ou pire encore. Quand tu as ouvert la porte, il ne s’est rien passé. Nous étions juste sur le toit de l’immeuble. Le sol était encore couvert de flaques mais le ciel était dégagé. La ville s’ouvrait à nous toute entière. Nous nous sommes approchés d’un bord et avons regardé ce spectacle comme si, en sortant de l’immeuble, nous laissions une chrysalide derrière nous, avec ce sentiment d’être à la fois plus vulnérable et plus libre. Puis, j’ai aimé sentir ton corps se caler contre mon dos et tes mains me serrer les miennes contre toi sur ma poitrine comme si tu voulais en faire un châle. A mon tour, j’ai calé ma tête inclinée sur ton torse, tandis que la barbe naissante de ta joue frôlait la mienne en cherchant sa place comme pour ne faire plus qu’un avec moi. 

-        Tu imagines si nous pouvions voler ? Toi, tu irais jusqu’où ? 

-        Jusque sur un arbre. Et toi ? 

-        Moi ? Loin, plus loin que l’horizon… 

J’entendais ton souffle dans le creux de mon oreille si bien que j’ai frissonné. Alors tu m’as serrée encore plus fort comme si tu avais imaginé que j’avais eu froid. Puis tu as posé ces petits baisers dans mon cou qui savent me rendre toute chose et qui voulait dire que tu avais ces idées qui réveilleraient à coup sûr ton corps étrangement contre le bas de mon dos.  

-        Tu es fou ? 

-        Oui, et pour une fois, je te veux folle avec moi. 

Tes mains se sont faufilées tout partout. Puis je me suis retournée et, de tout en haut de ce toit, le monde a basculé dans tes bras. Voilà ces moments dont j’aimerais ne pas oublier.  

J’arrive sur le seuil d’un nouvel étage sauf que je ne sais plus si c’est le 3ème ou le 4ème… Mes pieds commencent à me faire mal et je maudis mes talons. Encore un autre étage, c’était donc bien le troisième. J’ai le souffle un peu court et le muscle des cuisses qui me tire un peu, comme si je n’étais déjà plus cette jeune femme qui avait tant ri en les gravissant. Plus qu’un étage puis encore les 10 dernières ultimes marches qui conduisent à cette porte. Je retire mes escarpins pour continuer mais bizarrement, je les entends encore claquer dans ma tête à chaque pas. 

Qu’importe si un démon m’attend tout là-bas, je ne suis plus pareille pour l’affronter. Après tout, j’ai mes grandes ailes qui peu à peu se déploient derrière moi et s’ouvrent, prêtes à l’envelopper et l’aimer, et je les sens aussi fortes que moi je suis fragile. Je sens aussi en moi cette petite lumière qui tantôt vacille tantôt brille de mille feux. Comme par miracle, je me dis que le monde est sur ce point d’équilibre parfait où tout peut chavirer autour de moi, où tout est possible, à l’exception de ce doute ridicule qui monte en moi, qui grossit et qui ne fera que s’affermir si jamais je cherchais à le chasser de ma tête. Voilà, je n’aurai pas dû choisir mon nouveau chemisier, mais un plus ancien que tu connaissais... Pour te rappeler combien nous… Je me rassure en me disant que mon décolleté aurait été le même sauf que… Mais qu’importe, moi, ce que j’ai à offrir à mon démon se trouve juste dessous qui se gonfle malgré moi et qu’il a tant aimé tenir dans le creux de ses mains. Et j’espère soudain qu’il saura s’y brûler les doigts comme si c’était la première fois.  

Je suis devant la porte avec le cadenas qui ne sert plus à rien et j’attends. J’attends et j’écoute. Maintenant que mes talons ne claquent plus dans l’escalier, je savoure le silence qui crépite autour de moi et qui me parle si bien de toi. J’ai encore mes escarpins à la main et j’hésite toujours, parce que je sais que, si je les renfile, je m’envolerai alors jusque dans tes bras.

 

**

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Portrait de San
San a répondu au sujet : #20584 il y a 7 ans 6 mois
Et bien, c'est une très jolie histoire je trouve.

Je n'étais pas vraiment convaincue dans la première partie, plus décousue, au rythme haché. Egalement des paroles de chanson en anglais, dans un texte en français ça a toujours du mal à passer chez moi.

Je trouve cette seconde partie mieux écrite, bien dosée, ou peut-être qu'elle me correspond mieux. Il y a de bonnes idées, comme ce passage que je trouve très justement formulé :
"et qu'on aime encore malgré nous, mais qu'il faut apprendre à l'aimer autrement sans plus le détester. "
Celui ci aussi : "Un bonheur qu’on reconnait comme tel juste parce qu’il s’est un jour évanoui. "
Et tout ce qui parle de communication par le silence.

Ca aussi me parle particulièrement et intimement :
"Quelque chose en moi me brule le ventre et j’aime cette brulure. Quelque chose en moi me porte et me pousse. J’ai comme l’impression de voler. Oui, j’ai des ailes immenses qui brillent dans ma nuit. J’aime soudain cette nuit autour de moi parce qu’elle n’est plus si noire, comme si elle contenait sa propre lumière, comme ces petite veilleuses pour enfant que David continue de garder allumer pour dormir. Il y a si longtemps que je n’ai pas eu cette impression de planer, de me sentir soudain portée par la vie sans savoir où elle me conduit même si je sais maintenant où je vais."
Joliment dit.

Je me pose une question ici : "L'héroïne avait été plus forte que tout l'amour que je lui donnais. Elle t'a dévoré comme elle a dévoré notre amour."
Qu'est-ce que "lui" quand tu dis "je lui donnais"? Ca ne devrait pas être "que je te donnais" plutôt?

Il y a autre chose que je n'ai pas bien compris, quand elle parle d'un démon à elle, c'est quoi, son démon à elle?

En résumé, ce texte aborde des thématiques qui me plaisent, et avec légèreté je trouve. Peut-être trop de légèreté, mais peu importe, je ne suis pas là pour lire un traité de psycho. La fin est assez convenue par contre, j'attendais autre chose. Une réponse peut-être, pas à ses questions à elle, juste savoir si elle était arrivée trop tard et qu'il s'était suicidé ou non.

Merci Zara pour la lecture.
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #20585 il y a 7 ans 6 mois
Je suis content que tu aies lu ce texte parce que j'ai écrit plusieurs textes avec un point de vue féminin et je me suis toujours demandé comment tu les aurais perçus sans jamais tomber dans une période où tu étais présente (ce n'est pas du tout un reproche, bien entendu).

Bon, au départ, il s’agissait d’écrire le pendant caché de La Sentinelle (c'est à dire la version de l'épouse) et le texte aurait dû s’appeler le Phoenix et ne traiter que cette dimension. Mais il est devenu assez vite plutôt long et j’ai voulu le couper en deux.
C’est là que j’ai trouvé l’idée de Démons pour sa première partie. Je trouvais d’ailleurs que ça collait bien avec ce que j’avais en tête et finalement je me suis dit qu’il y avait même matière à faire deux textes distincts car chacun avait sa propre logique. Puis, j’ai laissé de côté le texte pour me lancer dans le Magicien puis la fin du Chant des Pierres (que je n’ai toujours pas terminé), si bien que j’ai un peu oublié mes idées en route.

Donc le texte forme une sorte de diptyque avec celui de la Sentinelle. Donc ces deux textes des Démons et de La Sentinelle racontent un peu la même histoire avec un peu les mêmes personnages. Cependant, ce n’est pas véritablement les mêmes personnages. Le mari n’est pas exactement celui de la Sentinelle et l’épouse non plus. Ils se ressemblent mais l’histoire qu’ils racontent ne s’emboite qu’imparfaitement. La Sentinelle est bien entendu aussi plus métaphoriquement ouverte et Les Démons seraient plus une explicitation de l’une de ses options possibles. Mais si l’on met côte à côte les deux textes, ils doivent se répondre l’un à l’autre et aider à établir une vérité plus objective.
Par contre, quand j’ai finalement repris le texte, je ne me sentais plus aussi inspiré pour faire deux textes distincts. Et puis, ma trame imbriquait trop les deux. Donc je n’ai pas retouché ce que j’avais écrit, j’ai juste essayer de finir ce que j’avais commencé avec l’idée de faire juste un texte en deux parties, mais comme l’idée des démons a pris le dessus, j’ai changé le titre.

Je n'étais pas vraiment convaincue dans la première partie, plus décousue, au rythme haché. Egalement des paroles de chanson en anglais, dans un texte en français ça a toujours du mal à passer chez moi.

L’autre point qui m’a intéressé était de raconter à travers le fil un peu anarchique des pensées une vraie histoire sans que le lecteur ne s’en rende vraiment compte, qu’il se laisse bercer par ce flot de pensées, de sensations, jusqu’à ce qu’il ait l’impression de ne pas être dans un vrai récit mais dans une sorte de témoignage intime, d’être et de vivre dans la tête du personnage, sauf que, bien entendu, c’est à lui de faire le travail pour savoir ce qu’il se passe et de quoi il s’agit parce qu’il sera face à quelqu’un qui sait de quoi elle parle alors que lui ne le sait pas. A lui de se bâtir peu à peu son tableau au fil des informations qu’il collecte. J’aimerai que cela l’aide à s’imprégner davantage que s’il s’agissait d’un vrai récit linéaire à la 3eme personne et qu’il ait l’impression dans le même temps de percer l’intimité de cet être.
En fait, j'aurai aimé savoir si tu avais deviné dès la première partie ce qu'il s'agissait quand je dis "qu'il part". Si tu ne l'as pas trouvé, à la limite je préférerais :lol: Comme le texte de La Sentinelle était très ouvert, je n'avais pas envie trop tôt de réduire sa portée et profiter de l'a priori qu'avait le lecteur qui l'aurait lu avant. Je ne veux pas forcément que ce soit obscur mais juste que ce ne soit pas trop évident non plus.

Quand j'ai réorganisé ce que j'avais écrit (parce que j'ai écrit des séquences en fonction de mon inspiration qui ne suivait pas forcément la trame narrative et encore moins mon choix final) pour essayer de créer des tensions et de manière à respecter un peu de mystère dans le fait que , quand on se parle à soi-même, on n'est pas forcément obligé de tout expliqué ce qu'on sait. Donc j'ai essayé de tout expliqué mais sans raconter l'histoire en soi. Ma priorité était que ce soit crédible par rapport au cheminement d'une pensée qui va et vient au gré d'association d'idées plutôt que du respect d'une vraie trame narrative.
En ce sens, la seconde partie est plus "directe" parce que le mystère est levé mais aussi parce que le lecteur dispose déjà de beaucoup d'informations pour se forger le tableau dans sa globalité.

Ca aussi me parle particulièrement et intimement :

Au fait, est-ce que tu trouves le narrateur crédible en tant que femme? :oops: Je veux dire: as-tu l'impression qu'il y avait une sensibilité féminine qui te parlait plus spécifiquement?
En premier lieu, j’ai vraiment cherché à ce que le narrateur n’ait pas la même voix que celle du Professeur ou de la Sentinelle, une voix que j’imagine pour ma part plus hésitante mais aussi plus meurtrie. Au-delà de la voix, je voulais aussi que l’on sente que le personnage ne fonctionne pas comme les deux autres. Certes, il s’agit d’une femme, donc j’ai aussi cherché à ce qu’il y ait quelque chose de plus spécifiquement féminin, mais aussi à ce que son moteur ne soit pas celui de la réflexion mais celui du ressenti. Du moins, c’est une dimension que j’ai essayé d’atteindre du mieux que je pouvais.

Qu'est-ce que "lui" quand tu dis "je lui donnais"? Ca ne devrait pas être "que je te donnais" plutôt?

Tu as raison. En fait, j'avais écrit au départ pas mal de phrase en désignant le mari par "il" ou "lui". Puis parfois j'avais écrit en écrivant directement à la seconde personne. J'ai longtemps hésité à tout mettre à la seconde personne, mais il y a des passages où j'ai maintenu la 3eme, parce qu'elle est plus dans la narration que dans le dialogue intérieur. Cette phrase effectivement est un résidu de mes hésitations... :P

Peut-être trop de légèreté, mais peu importe, je ne suis pas là pour lire un traité de psycho.

Tu parles de ce que dit le texte au sujet de la drogue? Ce versant concernerait plus un monologue intérieure du mari, je pense. Et, toujours si c'est ton propos, je pense qu'on est dans le registre de l'intime, donc je ne pense pas qu'il y ait de la place pour de telles analyses. Et ce personnage, comme je l'ai dit, n'est pas pour moi trop versé dans la psychologie et l'analyse mais dans le ressenti et les sentiments. Sans que ce soit dévalorisant à son égard, il me parait logique qu'elle reste un peu superficielle sur les choses, car ce n'est pas son domaine de prédilection. Pour une fois que j'ai un personnage pas trop analytique! :laugh: Tu noteras à quel point j'ai fait de gros efforts pour entrer dans la peau d'un tel personnage (en plus d'être une femme!)! ;)

La fin est assez convenue par contre, j'attendais autre chose. Une réponse peut-être, pas à ses questions à elle, juste savoir si elle était arrivée trop tard et qu'il s'était suicidé ou non.

Intéressant. A quelles questions à elle penses-tu? Pour ce qui est de la fin, j'ai hésité à aller plus loin. Mais le texte de La Sentinelle apporte déjà la réponse (même si elle conserve une autre ambiguïté aussi).

Il y a autre chose que je n'ai pas bien compris, quand elle parle d'un démon à elle, c'est quoi, son démon à elle?

Là, c'est un peu tout l'enjeu du titre... En fait, elle en a plein dans le texte... Mais tu as peut-être raison. Ce n'est sans doute pas assez explicité. Cela fait partie des choses que j'ai oubliées quand j'ai abandonné de faire deux textes distincts. Par exemple, je voulais montrer l'influence souterraine (et démoniaque :lol: ) des parents... J'ai juste mentionné rapidement le père, mais la mère aurait dû avoir sa place en toute logique.
Pourtant, si j’ai un regret, c’est sur la dimension fantastique que j’ai donné au texte. J’aurais voulu réussir à la construire de manière moins explicite, disons que ce soit plus « flottant ». Certains démons du texte sont présentés comme tels (le fils, l'ex). Et le phœnix initialement n’aurait pas dû être la narratrice mais bien entendu uniquement son amour (même si bien entendu, que les deux se confondent n’est pas en soi illogique, mais j’y voyais quelque chose de plus subtile et intéressant à essayer d’atteindre)… J'ai abandonné car ce la risquait de faire un texte uniquement pour ceux qui auraient percé le mystère. Et le texte aurait certainement été bâtard avec ma trame narrative à la première personne (en plus de respecter le fil des pensées).
Et même en étant aussi explicite, je ne suis pas sûr que tout le monde fasse la démarche de s’interroger sur ces démons… Et cela me va du moment que l’histoire ait pu les toucher pour ce qu’elle raconte.

Bon, et pis au milieu de tout ça, il y a Stéphane. J'aimerais bien que vous me donniez votre sentiment sur lui... C'est un personnage secondaire, sans doute un peu cliché, mais pour moi, c'est un peu le point d’ancrage entre Les Démons et la Sentinelle.
En l’état actuel, son rôle est un peu ambigu (même si je sens que le renard va le trouver insignifiant :P ).. Au départ, je le voyais vraiment comme un ange. Au final, il a aussi son côté "démon"…
Mais je n’arrive pas à complètement trancher dans ma tête… Après tout, il est r surtout sous l’influence du démon qu’est la narratrice, et donc une victime. A vous de me dire comment vous le percevez… Quelque part, j’aime bien ce personnage et je me dis que je pourrai écrire un triptyque avec son portrait à lui. En l’état, j’aime bien la dimension hors-champ qui existe actuellement autour de lui. Elle est un espace libre qui me laisse rêver sur ce que pourrait être son portrait… D’ailleurs peut-être est-ce mieux ainsi ?

Enfin, pour tout vous dire, je pense qu’il y a certainement une dimension psychanalytique dans ce texte avec ces escaliers, ces portes avec des verrous qui ne ferment pas, qui donne accès à cet espace abstrait que forme ce toit… Je l’ai assez vite accepté sans me poser trop de question, ni à savoir ce qu'il en retournait. J’espère qu’elle rajoute une dimension universelle (et j’espère qu’elle ne relève pas un secret trop personnel pour qui le percerait :blink: ).
En fait je pense que tout le monde peut y trouver sa propre symbolique sans chercher trop loin. Disons que pour moi leur symbolique (telle que je la perçois intuitivement) va dans le bon sens du texte et qu’elle apporte un petit plus si on veut réfléchir sur la dimension intime du texte. En fait, je l’ai laissée et même encouragée en me disant que cela pouvait contribuer à faire aussi converger le texte vers l’intimité du lecteur et l’aider à s’interroger sur lui-même, ou tout du oins à créer en lui une sorte de résonance.

Voilà, moi, ce que j’avais à dire sur mon texte. En tout cas merci de ce retour.

PS: Pour ce qui est du texte où j'entends des voix dans ma tête, c'était celui du Magicien. ;)
Portrait de San
San a répondu au sujet : #20601 il y a 7 ans 6 mois
Non, je n'avais pas deviné de quoi il s'agissait quand tu disais "il part" au début. Mais j'ai pas vraiment apprécié le rythme haché des phrases, alors je suis sûrement passée vite sur tous ces passages là.

A propos de la vision féminine : j'estime que je ne suis pas un très bon exemple. Je suis trop "universelle" pour avoir une vision très "féminine" des choses la plupart du temps. Disons que ton texte ne m'a pas choqué, mais je savais que c'est toi qui l'avais écrit, et je n'ai jamais imaginé que c'était vraiment une femme qui parlait. C'est toi qui faisais parler une femme, pour moi. Il y a quand même une chose que je vais noter : ses préoccupations incessantes au sujet de sa tenue. Ca, ça m'a fait un peu hurler intérieurement, j'avoue ^^ Bon déjà, jamais je me pointerais à un rdv aussi stressant dans des escarpins aussi hauts, mais ça c'est peut-être moi et peu importe. Mais le fait que tu reviennes à plusieurs reprises sur ce sujet, ça m'a déplu. Ca avait l'air parachuté au milieu du texte.
... Et puis si j'ai une telle recherche à propos de ma tenue, je me demanderais au moins une fois comment lui va être habillé, et si ma tenue sera plus ou moins en phase avec l'environnement dans lequel je me rends, quoi.
Bref. Mais le reste s'est plutôt bien passé pour moi.

Ses questions à elle : ben celles qu'elle n'arrête pas de répéter bien sûr ;) j'y vais? J'y vais pas?

Du coup je ne vois absolument aucune dimension fantastique à ton texte ici pour ma part. Ange et démon n'étant que des métaphores dans ce contexte pour moi. Et pour ce qui est de son ou ses démons à elle, vraiment, oui, ça mériterait d'en parler un peu plus dans ce cas.

Stéphane, je le vois comme un proche des protagonistes, et je l'ai oublié aussi vite qu'il avait été évoqué. Il manque un peu de substance je trouve, du moins par rapport aux deux protagonistes dont on suit les pensées.
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #20605 il y a 7 ans 6 mois

Il y a quand même une chose que je vais noter : ses préoccupations incessantes au sujet de sa tenue. Ca, ça m'a fait un peu hurler intérieurement, j'avoue

N'y vois pas un relent machisme de ma part. C'est au contraire une dimension que je comprend tout à fait dans la mesure où une femme est régulièrement placé pour affronter le regard des autres. Et pas que ceux des hommes, ceux des femmes aussi. Avoue que même dans une soirée copine, surtout si certaines ont particulièrement bon goût, tu fais toi aussi davantage attention.

Si j'ai insisté (bon un poil trop sans doute), c'est parce que ce sont des choses constatées. Tiens, une anecdote. Je connais une femme qui devait faire une intervention à l'assemblée nationale. Sa seule préoccupation n'était pas de savoir ce qu'elle allait y dire mais ce qu’elle allait y porter. Et as-tu déjà entendu des remarques sur un sénateur qui aurait eu une cravate mal assortie dans les médias? Non. Par contre, qu'une jupe, une robe ou je ne sais quoi qui n’était pas au goût des sénateurs, si, plein de fois. Bref, c'est navrant.
Et en même temps, je vous envie. Je trouve la garde des hommes affreusement pauvre. Dans une boutique pour homme, je m'emmerde, dans une boutique pour femme, non. Maintenant, j'y passerai pas ma vie, mais vous avez vraiment une grande liberté pour vous façonner une image. Les hommes, eux, pour la plupart, c'est même pas qu'ils aient mauvais goût, mais qu'ils font plutôt preuve d'une absence de goût. Il minimise la prise de risque.

Tiens une autre anecdote si la différence de regard que peut porter un homme et une femme. Une fois j'ai accompagné un collaboratrice (qui devait avoir dans les 28 ans et je devais en avoir à peine 40) dans un entretien. Il y avait en face deux jeunes hommes entre 28 et 32 ans, plutôt mignons tous les deux comme on dit. Deux frères. Il y en avait un blanc, avec une chemisette marron, le teint mate. L'autre était plus petit, tr-s brun, la peau plus claire et portait un t-shirt blanc et un jean. Une fois l'entretien passé, on se met à en reparler et d'évoquer nos impressions. J'ai très mauvaises mémoire des prénoms. Donc à un moment, je lui demande duquel des deux elle me parle. Elle répond: celui qui avait les yeux bleus... :blink: Je n'en avais pour ma part aucune idée.... :laugh: C'est là que je me suis dit qu'on regardait vraiment pas les hommes de la même manière...
Tiens, à propos de regard. Dans l'ensemble, on sent au cinéma qu'il s'agit pour la plupart de cinéastes hétéro. Notamment dans le désir qui transparaît sur les actrices. Et les hommes ne sont certainement pas filmé comme une femme les filmerait. Si tu veux voir des films où on sent le désir sur le corps des hommes, jette un œil sur les films de Pasolini (tiens, notamment deux films à sketch un peu libertins, le Décameron et les Contes de Canterbury).Bon, il était gay, mais il n'empêche, il n'est pas normale que le cinéma soit à ce point sexué autour des standards masculins... En tant qu'homme, cela m'a un peu dérangé de sentir ce désir sur ses acteurs . Or une femme n'a tellement pas le choix de voir le corps féminin désiré y compris au cinéma qu'elle ne se rend pas compte. D'ailleurs, on n'a pas le choix ni l'homme ni la femme...
Bref, tout ça pour dire que cette obsession, je la vois partout!. Et même entre femme, vous vous posez la question. "Toi, tu vas te mettre quoi?". Jamais un homme ne demandera à un autre homme une telle chose. Et s'il se pose la question il va raisonner en minimisant le risque dans la plupart des cas. En ne montrant aucun vrai goût, ni bon, ni mauvais. Bien entendu, il y a des exceptions, mais ce n'est pas ce qui nous intéresse. Je parle d'un comportement un peu universellement reproduit dans un monde occidental.

Et ce sont bien toutes ces différences qui me passionnent pour ma part quand j'essaie d'écrire avec un regard moins masculin. Comment puis-je moi aussi retenir d'un homme en trait physique déterminant la seule couleur des yeux? Pour revenir sur le texte, je t'avoue que j'ai hésité à placer cette obsession et à insisté dessus à deux reprises. C'est une discussion entre collègue féminins (qui discutaient entre elles) qui m'y a décidé. m&ais je suis d'accord que le résultat n'est pas pleinement satisfaisant, soit par les phrases, soit par les moments choisis...
Portrait de San
San a répondu au sujet : #20607 il y a 7 ans 6 mois
Ahaaa, tu as donc plus de 40 piges.. On va finir par tout savoir les uns des autres par petites touches comme ça ^^ (bon ok, ça ne veut pas dire grand chose, mais quand même ^^)

Hé oui, les hommes sont limités en choix de garde-robe. Crois bien que je le regrette autant que toi. J'ai dit sur l'autre texte que je connais des hommes qui ont un intérêt pour les fringues, je devrais préciser qu'ils en savent plus que moi sur les fringues, masculines comme féminines (masculines parce qu'ils sont masculins, et féminines parce qu'ils s'intéressent au visuel féminin), et portent sur le sujet un intérêt plus précis et profond que moi. Ils regrettent également le manque de choix. Mais c'est vrai que les trucs que tu cites sont bien vus. Oui les filles vont parler entre elles de leurs tenues, avant une occasion, essayer de s'assortir ou de se démarquer, de se rassurer entre elles également en se disant que "cette robe c'est un peu osé mais si je suis pas la seule ça passe bien" ce genre de choses. Quand on a une démarche sur son apparence, et qu'on est un être profondément social, ce genre de questionnement semble tout à fait logique. Mais c'est vrai que je n'ai jamais entendu parler d'un mec qui ferait ça. Se conseiller entre eux de manière générique en matière d'habillement, oui, mais voir ce que les autres vont porter pour situer sa propre tenue par rapport et essayer de se conformer, se démarquer ou se rassurer, non. Je me demande si c'est déjà arrivé ^^ Je vais faire une petite enquête dans mon cercle d'amis :)

Mon époux souffre des mêmes symptômes que toi au sujet de la couleur des yeux. Je ne sais pas à quoi c'est dû, jamais compris. On fait attention aux détails, mais pas les mêmes, quoi. Pour moi les yeux sont essentiels, en tant que reflet de l'âme tout ça. Je ne peux pas connaitre quelqu'un sans savoir de quelle couleur sont ses yeux, mais ça va plus loin que ça, c'est surtout son regard que je retiendrai.

Et sinon, j'ai personnellement un point de vue très orienté sexe sur un peu tout le monde que je croise. Quand je rencontre quelqu'un, je me pose la question immédiatement et un peu tout le temps : est-ce qu'il ou elle me plait et sur quels critères? Et quand je dis plaire, je pense au sexe. Wala :D Peut-être comme un homme, peut-être juste un peu plus assumé ou mis en valeur que la plupart des femmes. Il faut dire que j'ai un peu trop de testostérone pour une femme, apparemment. Bref, ce n'est pas un regard masculin pour moi (c'est un regard hormonal, à la rigueur), et je ne souffre pas de le sentir sur moi non plus. C'est juste une part de tous les liens sociaux, à mon sens. Du coup l'orientation sexe au cinéma, ben oui, effectivement, et ça ne me choque pas. Son absence serait beaucoup plus problématique pour moi. Je serais perdue dans un film où on a amputé une partie du lien social sous un prétexte moral. Mais les dimensions morales ça m'a jamais trop parlé de toute manière.

Et tous ces aspects sont intéressants, mais pour en revenir à ton texte, j'ai trouvé l'insistance sur les fringues vraiment too much. Une question à ce sujet, c'était intéressant pour moi. Tu pourrais même faire un paragraphe entier à ce sujet. Mais le voir disséminé un peu partout, c'est ça qui m'a gênée. Je pense que ça a perturbé ma lecture et mon ressenti. Trop de trucs superficiels à des moments où j'étais dans un état d'esprit plus profond, ce que ce texte mérite aussi. Voilà, je dirais.
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #20861 il y a 7 ans 3 mois

Et tous ces aspects sont intéressants, mais pour en revenir à ton texte, j'ai trouvé l'insistance sur les fringues vraiment too much. Une question à ce sujet, c'était intéressant pour moi. Tu pourrais même faire un paragraphe entier à ce sujet. Mais le voir disséminé un peu partout, c'est ça qui m'a gênée. Je pense que ça a perturbé ma lecture et mon ressenti. Trop de trucs superficiels à des moments où j'étais dans un état d'esprit plus profond, ce que ce texte mérite aussi. Voilà, je dirais.

Tiens, je pensais justement à mon texte et à cette question. Même si tu as raison sur le fond, il est vrai aussi qu'il y a une dimension que j'ai escamoté dans mon texte pour pouvoir remplir la MAj. Le texte s'appelle les Démons et c'est effectivement sous-abordé. L'idée de ces pensées autour des fringues, à l'origine, devait montré l'appel du du Démon. Et la scène finale n'a pas la portée qu'elle aurait dû avoir aussi pour ça.
L'idée, c'était de montrer comment autour de soi des démons nous empêche d'être nous-mêmes en nous attirant à eux. Et l'idée de la scène finale était de montrer une sorte de monter des marches vers un Autel de Sacrifice pour le Démon Majeur. Et en même temps, de montrer que la narratrice est elle-même un démon majeur de taille à lutter et que la scène que nous ne voyons pas sur le haut de l'immeuble aurait été le duel de deux démons majeurs qui s’entre-dévorent dans l'étreinte amoureuse (comme métaphore de la passion). J'ai oublié ça en cours de route quand je m'y étais replongé pour le finir. Ce que signifie que l'un et l'autre sont en fait irrésistiblement attirés par chacun et prêts à devenir ce que l'autre attend de lui ce qui permettrait au couple de devenir une véritable 3eme personne. Mais comment le suggérer sans le montrer?, Peut-être en allant un tout petit plus loin puisque tu avais été frustrée par la fin?
Bref, ça m'est revenu sur mon long trajet de voiture pour fêter noël et le texte serait à reprendre en ce sens. Et les pensées autour des vêtements seraient du coup à mieux relier à ces idées. Je ne sais pas si ça te parlerait davantage ainsi...
Portrait de San
San a répondu au sujet : #20862 il y a 7 ans 3 mois
Ca serait intéressant oui :)