file Le renard au harnais

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il y a 12 ans 1 mois #18280 par Vuld Edone
Le renard au harnais a été créé par Vuld Edone
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il y a 12 ans 1 mois - il y a 12 ans 1 mois #18281 par Zarathoustra
Réponse de Zarathoustra sur le sujet Re:Le renard au harnais
Assez surprenant, ce texte, qui fait le contraire de ce qu’il dit. Il a d’ailleurs une forme inhabituelle puisqu’il s’agit d’une sorte de mise en abime de l’auteur qu’est Vuld Eldone. Et ça se lit bizarrement tout seul.
Essayons de nous lancer dans des commentaires. Faisons une hypothèse complètement gratuite, le texte a été e=écrit par un renard. Pourquoi ? Parce que c’est rusé, un renard… Et qu’on va essayer de voir dans ce texte s’il n’y a pas de vilaine ruse de renard dedans.

Tout d’abord, le texte est à la première personne. C’était déjà le cas de ton dernier texte. Donc il crée immédiatement une proximité avec l’auteur (et du coup avec le lecteur, et là, c’est très important). Ensuite, il commence à se présenter en victime, il n’arrive pas à écrire son texte. Hors contexte de ce texte, on sait que c’est a priori vrai. Mais il n’empêche, il y a une ruse laà dedans car on a du coup de la sympathie pour ce narrateur, on le plaint d’autant plus que ces lecteurs, eux-mêmes auteur pour la plupart, ont connu ça.

Ensuite, il prononce un mot magique. « Renard ». On sait le lien qui unité ntre auteur à cet animal. Quand je dis qu’on sait, en fait, non, on ne sait pas, mais on sait qu’il est important, que sa présence dans de nombreux récits est un fil rouge. Et c’est vrai qu’un renard est animal avec un fort capital sympathie. Encore plus dans tes textes.
Puis vient le moment où tu présentes le cadre du récit. Il y a cette description de l’image, très simple, concise, mais qui contient tout. On est sur une approche clinique, froide. Pourtant, il y a une touche très personnelle dans l’emploi de « ma bête ». Derrière l’objectivité de cette description, il y a déjà cet appel à la subjectivité. Le point de focal est bien sur le renard et non sur les oies. Donc mise à part cette touche, je dirais que le lecteur n’a aucun affect avec cette description.
Par rapport à cette partie, je dirais qu’elle est fluide, qu’elle se déroule logiquement. Si je devais faire une critique, ce serait dans l’emploi du « je », que je ne trouve encore pas assez personnel. Certes tu mélanges des choses réelles que tu as déjà évoué ici, tu parles de ton clavier, de quelques manies que tu as, mais il n’empêche, tout ceci reste froid. Ce « je » déboule trop vite, on n’a pas le temps de se préparer. Je partirais un peu en amont de ton récit, de ta situation de blocage et donc du texte sur lequel tu bloques. Cela ouvre le texte et cela renforce le lien avec le « je ». Il s’agit d’être plus à intériorisé.

Puis, tu redécris l’image, mais cette fois-ci, je dirais tu fais rentrer l’histoire. L’image devient saisissante dans l’esprit du lecteur. Là, je ne sais pas pourquoi, mais je « vois » immédiatement l’image, comme si moi aussi je l’avais déjà vu un jour. Ce n’est qu’une description, mais d’un coup, on capté parce qu’on visualise avec toi. Puis tu mets en garde contre les préjugés. Et effectivement, le travail de tes textes se heurte souvent à cette dimension, puisque en cherchant des lectures symboliques, tu pars de ton univers, tes projections, et il faut que le lecteur se retrouve dedans pour trouver le sens.
Tu présentes ta démarche en étant rationnel, comme si ce qui allait se dérouler devait être ce qu’il ne peut qu’être. Comme si tu étais dans une sorte de vérité nécessaire. Or fondamentalement, tu fais deux hypothèses fortes :
1- « Mais cela n’aurait pas été fidèle ». A ce moment-là, c’est toi qui le dis, à aucun moment le lecteur le sait. Et au contraire, ce serait certainement son hypothèse que de dire que le renard se joue des oies. En écartant dès le départ de la sorte cette possibilité, tu biaises d’entrée le cheminement.
2- Le renard sera la victime. Là aussi, c’est une hypothèse très forte, car le renard se trouve doté d’un nouveau capital de sympathie. Comment voir dès lors le renard en fauve capable de tuer ces oies ? Alors que tu nous fais adhérer à ta démarche qui se veut rationnelle, on entre en fait dans la subjectivité. Il y a comme une ruse.

Puis il y a ce second temps où tu dresses la symbolique. Et là, plutôt que d’expliquer, tu nous fais voir ce que tu vois. Du coup, notre vision devient contaminé. On est dans ta tête mais en fait, quand tu dis « je », c’est bien de « nous » qu’il s’agit puisqu’on vit ce que tu vit, on voit ce que tu imagines. On est main dans la main.
Et d’un coup ton texte bascule encore plus dans cette direction puisque tu emploies le « on », comme si tu avais conscience que tu nous avais piégés. Que la messe est dite puisqu’on ne plus s’extraire de ce que tu vas dire.
D’ailleurs, quand tu dis, « on est le prédateur », tu dis quelque chose de très fort qui à ce stade est loin d’être acquis. Tu veux transformer le lecteur en prédateur et qu’on prenne encore plus le renard en victime. Et en nous, on ressent une sorte de rejet, car on ne veut pas être prédateur puisque tu as tout fait pour qu’on ait de la sympathie pour l’animal. Mais le plus important, c’est que tu donnes vie à cette menace. C'est quasi hitchcockien, comme quand il nous rend voyeur avec tout ce que ça a de sordide à travers le regard de James Steward présenté en victime, on devrait rejeter ce sentiment, mais en fait non, on est attiré par ce qu'on voit, on veut être voyeur et découvrir ce qui se passe dans l'immeuble en face en rentrant dans l'intimité de ces gens. Donc toi, tu veux nous rendre prédateur, alors qu'on en a a priori pas envie, et petit à petit, tu distilles en nous cette envie, les sensations du prédateurs...


Puis on a une nouvelle ruse de renard quand tu dis :
« Le narrateur sera donc le prédateur, j’ai mon narrateur ».
Ce n’est pas le narrateur qui est un prédateur, puisqu’en fait, c’est le lecteur, c’est le « on », qui sera d’ailleurs très vite un « nous ». C’est celui qui est absent du texte. Et quand tu dis « j’ai mon narrateur, d’un coup, tu prends de la distance avec le « je ». « Je est un autre », disait Rimbaud. Le narrateur n’est pas toi, alors que nous acceptons d’être un prédateur parce que tu nous a dit que tu étais avec nous.
Cette proximité avec le lecteur, tu t’en joues encore plus par la suite, puisque tu parles de lui à la 3eme personne pour immédiatement l’englober avec un nous. Et ce, au moment où tu imprimes le plus fortement une hypothèse personnelle : « cela nous est interdit ». Tu interdis que la signification soit liée à une pensée ou un sentiment alors que le lecteur aurait normalement le choix. En l’interdisant de manière si catégorique, tu obliges à suivre ton raisonnement comme s’il était le seul et que tout se découlait allait être logique et nécessaire. Donc tu nous passes à voir un déroulement objectif alors qu’on est dans le subjectif. Décidément, c’est rusé, un renard, très rusé…

Pour revenir maintenant sur le texte avec plus de hauteur, là où il est le plus remarquable, c’est de rendre vivant et précise ta vision du texte. Tu nous fais croire que tu n’écris pas le texte mais tu nous le fais vivre. Et je trouve tes descriptions de la seconde moitié du texte magistral sur ce point. Tout se passe comme si on construisait mentalement ton histoire à ta place avec toute le vision nécessaire pour le comprendre. En quelque sorte, tu rends le lecteur intelligent.
J’aime beaucoup :
« Je ne peux pas le dire au lecteur. »
D’une part, on se met à imaginer comment cela peut être possible. Et surtout, tu fais le contraire, tu nous le dit ! Il y a quelque chose de paradoxale et de presque drôle. Mais au-delà de ça, je trouve également qu’écrire avec de telles hypothèses est une vraie gageure et un challenge excitant. L’écriture gagne un enjeu et une dimension également ludique. Il y a quelque chose de passionnant.
Ton texte, en nous livrant une sorte d’explication de texte, dévoile aussi une partie du mystère de tes autres textes, de ce qu’ils peuvent nous cacher et parfois nous frustrer. J’ai toujours perçu inconsciemment une démarche rigoureuse, on sent que tout est pensé, mais on n’arrive pas percer la carapace.

De plus, tu arrives également et paradoxalement à donner vie à l’émotion en employant pourtant une démarche analytique qui se veut objective et froide. On est avec le renard, on souffre avec lui, on ressent la peur du prédateur. La seule faille que je vois, c’est les oies. On ne ressent rien pour elles. Et elles ont des traits conformes aux préjugés qu’elles sont censées avoir : elles caquettent inutilement, elles sont bêtes. C’est encore plus saisissant que le renard est immédiatement fascinant. Et rien n’affaiblit cette fascination. C’est la star, les oies ne sont que des figurantes. Pourtant, elles ont une dimension tragique : si elles sortent du rôle que tu leur a fixé, elles deviennent des victimes. D’ailleurs, c’est l’une des idées les plus fortes et les plus belles que tu as eu sur ce texte à « écrire ».
Un autre point sur lequel j’ai tiqué. C’est le passage du pont. J’ai du mal à accrocher au symbole et à le voir comme central. Voire comprendre où tu veux en venir. D’ailleurs, pour moi, le symbole ultime que tu n’exploites pas, c’est le fouet.

Globalement, les phrases courtes que tu as isolées avec ta présentation sont souvent des phrases clef. Et bien sûr, il y a cette fin :

« Encore une histoire que je n’écrirai jamais »

La bonne blague ! Encore une ruse de renard ! Parce que quand on termine ce texte, on se dit que pourtant tout est là pour être écrite et que tu en serais capable, voire que le lecteur en serait capable. Et puis, viens le moment où on réalise que, malgré nous, le renard nous a piégés, et qu’en fait, il l’a écrite son histoire. La preuve, on la voit, on la connait dans ses moindres détails ! Elle est même plus vibrante que tout ce que tu as pu écrire. Un vrai tour de force.

Bon, il y aurait encore plein de choses à dire. Donc c’est un début. A toi de me dire si ça colle avec ce que tu attendais de nous.

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il y a 12 ans 1 mois #18283 par Vuld Edone
Réponse de Vuld Edone sur le sujet Re:Le renard au harnais
Je ne devrais pas être surpris de voir un commentaire aussi développé sur les Chroniques, mais je le suis - et agréablement.

Cela faisait des mois que je voulais mettre le lecteur à ma place, lui donner ma plume pour un temps. Qu'il puisse, vraiment, "penser comme moi". Ou au moins s'en donner l'illusion.
Mais vraiment. J'ai même considéré - et essayé - d'enregistrer mon écran pendant que j'écrivais. Je l'envisage toujours. Cette intention date déjà de "Distant", et des autres brouillons que j'ai pu livrer.

On peut donc commencer par là.
Le texte est authentique, du début à la fin, autobiographique. J'avais vraiment l'image sous les yeux, devant mon clavier, et j'ai donné la conception telle qu'elle venait. Le piège est bien sûr qu'avant de me lancer, j'avais "décidé d'exploiter cette image". Je ne l'ai pas caché.
J'avais prévu un plan de huit pages, où l'histoire s'écrirait progressivement, d'abord par petites touches puis de plus en plus jusqu'à effacer la part de réflexion. L'apparition du dialogue est la meilleure preuve de cette intention, le jeu des pronoms également. À partir de la sixième page il ne devrait presque plus y avoir que l'histoire.
Seulement j'ai arrêté à la moitié, tout simplement parce que j'ai buté exactement et toujours au même endroit, au moment où l'illusion prend corps et où l'illusion prend fin. Pourquoi ?

Parce que j'avais constamment Fléau en tête, et j'ai moins décrit une image qu'écrit la fable de Fléau.
Le premier paragraphe ne parle pas d'autre chose. La démarche est exactement la même. Il n'y a pas jusqu'à l'atmosphère que j'installe qui ne soit pas de Fléau, et je sens déjà que cette histoire sera racontée par un personnage de l'histoire. La oies qui ne survivent que par ignorance, c'est la loi de Titly.
L'échec final est l'échec décrit initialement, et ce renard harnassé, c'est moi.

Et c'est certainement là qu'il m'est le plus difficile de commenter ton propre jet, parce que nos intentions ne sont pas les mêmes. Tout cela tu le prends comme une farce alors que pour moi, c'est absolument tout ce à quoi je fais face quand je m'apprête à écrire.
Alors forcément, quand j'apprends qu'on peut tout effacer d'un claquement de fouet...

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il y a 12 ans 1 mois - il y a 12 ans 1 mois #18284 par Zarathoustra
Réponse de Zarathoustra sur le sujet Re:Le renard au harnais
Tout d'abord, je ne prends pas ton texte pour une farce. On sent qu'on est tout près du coeur de l'auteur, qu'il se met à nu. Et c'est émouvant. Tu es à cet instant précis le lapin de Kafka dans sa nouvelle Le Terrier (extrait de La Colonie Pénitentière).
Et on partage cette émotion. Ce n'est pas drôle. Ce qui est drôle pour moi, c'est de découvrir que tu m'as piégé malgré toi. Je veux dire, que tu nous donne à lire l'histoire que tu avais en tête sans l'écrire, gràce à ton procédé. C'est qu'il s'opère une alchimie dans la tête de celui qui lit.

Mon texte n'a rien à voir avec le tien, et je l'ai bien dit. Par contre, il te doit tout car, en expliquant comment tu as procédé, tu m'as livré sur un plateau une méthode. Et vois mon texte comme un hommage sincère.
D'ailleurs, j'ai retouché encore mon texte ce matin pour que tu ne sentes aucune moquerie à ton égard et pour que les enjeux du mien soit plus nets. Que tu ne veuilles pas le commenter est dommage, car je pense que tu es l'un des seuls à pouvoir percer tout son sens. Quoique mes dernières modifications rendent plus explicites son sens caché, celui de l'histoire qu'on ne raconte pas.
Tu verras que j'ai essayé d'utiliser certains de tes procédés, tu verras aussi que j'ai essayé de recréer un jeu de miroir sans fin. Tout ça pour te dire que j'essaye d'être l'élève qui se frotte au maître. Et que le maître ne veuille pas y mettre son grain de sel serait dommage, surtout que nous sommes malheureusement très seuls sur ce site. Donc mon texte est une farce qui n'en est pas une. Encore une fois pour compendre le texte, il faut aller au bout de l'humour que j'ai pu y mettre et qui est en fait un humour d'une ironie beaucoup plus noir qu'on ne peut sans doute comprendre qu'en prenant de la hauteur. Et c'est un humour que je serais malheureusement peut-être le seul à comprendre. J'en suis au même point que toi quand tu te poses la question de rendre plus explicite ou pas le sens. Mais sauf que je ne peux pas sinon tout s'écroule.

En fait, je t'avouerai que suite à ton commentaire, au lieu de modifier mon texte, j'ai hésité à en faire un chapitre 3. J'aurais pu. Cela aurait été encore un départ sur une image fictive mais également un séquelle de ton texte et du mien. En afit, ce que j'aime dans ton texte, c'est cette idée de faire le commentaire d'une image qui n'existe pas. L'idéal étant que chacun de nous se mette à se livrer son texte à partir du tien et qu'il raconte son histoire en l'expliquant.

Et si je t'ai fait un commentaire si long, c'est que ton texte est très stimulant, car même si, modestement, tu qualifies ton texte de "inspiration imagée", c'est bien d'un vrai texte qu'il s'agit, d'une oeuvre, et non d'un commentaire. Et c'est ça que je trouve magistrale de ta part. c'est qu'on part sur un commentaire, et on aboutit sur quelque chose de tout autre et de passionnant.

Donc pour ta part, si on devait poursuivre la discussion sur ton texte, de quoi voudrais-tu qu'on parle? Et peut-être de manière encore plus éclairante, de quoi veux qu'on ne parle pas?
Car, dans nos deux textes, je crois que nous ne parlons défnitivement pas du même renard... ;)

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il y a 12 ans 1 mois #18285 par Vuld Edone
Réponse de Vuld Edone sur le sujet Re:Le renard au harnais
Le piège était volontaire. Souviens-toi de ce que je disais dans le dernier brouillon de Fléau, mon problème est le narrateur. Faire du lecteur une bête traquée.

La technique employée est classique.
J'introduis une première histoire, comme on en trouve légion dans les fanfictions, d'un auteur à qui on donne une image, comme d'un collectionneur à qui on donne une statuette ou un aventurier une carte.
J'introduis ensuite une seconde histoire, celle de l'image, et j'utilise la première histoire comme un filtre, mon but étant de mélanger peu à peu les deux.
L'histoire commence vraiment à "j'ai soudain décidé d'exploiter cette image." Ce qui précède est aimable mais anecdotique, le "soudain" enclenche véritablement les événements. Je pourrais montrer ensuite comment la première histoire est toujours narrée, par exemple :
"Une fois encore, j'ai regardé le coin gauche de l'image, si sombre, et j'ai repensé à..."
C'est la théorie littéraire, sympathie et identité, que le lecteur par contrat va s'identifier au personnage. Même si le lecteur n'avait pas eu l'expérience d'un chroniqueur, parce que le schéma était très classique il pouvait s'y retrouver. On est là dans une nouvelle fantastique.
Mais ce qu'il faut surtout voir, c'est que la seconde histoire est elle aussi, toujours, narrée. Tu as toi-même souligné une logique, une nécessité, mais observe la presque absence de raisonnement :
"Une société commençait à naître, inévitable, et le retournement s'était effectué."
Et regarde comment j'ai introduit le prédateur. Je nous place - on est - en pleine seconde histoire, je lance le mot et je passe un paragraphe à le décrire, avant de ressortir pour la première histoire et dire "j'ai mon narrateur". Aucune logique, cela a été imposé par la narration, mais cela a paru nécessaire.

C'est cela qui manque le plus à ton chapitre.

Tu commences ton texte par un "on", au lieu de forcer ton narrateur et de le poser dès le départ. Ce que tu introduis est un texte philosophique mais pas fantastique :
"C’est d’ailleurs souvent le cas. On lit une à une les pages, on est piqué par leur contenu et, lorsque le point final arrive, on se dit qu’on est passé à côté de l’essentiel, que tout ce qui avait attiré notre attention n’était que de la poudre aux yeux. Et il nous faut d’un coup tout reconsidérer ce qu’on avait initialement bâti dans sa tête pour que les mots retrouvent un sens, ou que le sens qu’on y avait mis s’accorde en totalité avec l’histoire."
Réécrivons-le à la première personne :
"C'était d'ailleurs souvent le cas. Je prenais plaisir à lire le soir une à une les pages, piqué par leur contenu et, lorsque le point final arrive, en fermant les yeux je me dis que l'essentiel manquait, ou plutôt que j'étais passé à côté. Cela m'arrivait souvent, de me dire que cet qui avait attiré mon attention n'était que de la poudre aux yeux..."
Je ne sais pas si tu lis le soir, ni si tu fermes les yeux après la lecture mais ces détails font du "je" un personnage, et l'identité ne reposera plus sur ce que le lecteur a la même expérience que toi, mais simplement sur le contrat de lecture qui veut qu'on s'identifie au personnage - et si rien ne l'empêche, on s'identifiera.
Le passage sur les brouillons est encore assez fidèle, au sens où tu mets en scène la personne prenant le clavier, puis travaillant en brouillon. Mais très vite tu abandonnes complètement cette dimension pour t'adresser au lecteur - et tout ton jeu consiste au dialogue avec le lecteur - alors que jamais il ne faut le faire exister, sans quoi son rôle de lecteur est d'être le lecteur.
Un exemple :
"A la lecture de ceci, je vois cette image, mais elle n’est plus une image..."
Le "je vois cette image" est conforme au premier cadre, à l'histoire du narrateur personnage, mais la suite, "elle n'est plus qu'une image" est déjà une prise de distance impersonnelle. Ce n'est pas non plus la narration du second cadre, ce n'est pas une description. Pour suivre ma technique, il aurait fallu quelque chose comme "mais je ne voyais plus une image, je vois un récit, un..."

Comme je l'ai dit, mon but est que le lecteur prenne la plume. Tandis que si tu dialogues avec lui, il est forcé à sa place et ne pourra jamais te remplacer. Certains détails m'avaient frappé :
"Si j’en parle ici avec recul, c’est que j’ai bien sûr écrit la suite avant même tout ce que vous avez lu, je l’ai fait sur une autre feuille blanche sur lequel j’ai mis le numéro « zéro » parce qu’elle devait être avant toutes les autres. C’était un préambule nécessaire pour situer mon travail."
Ce recul brise l'immersion. À l'instant où nous pourrions rentrer dans ta démarche, tu coupes court et ajoutes quelque chose qu'on ne savait pas.
Dans le même paragraphe :
"... le fil pourtant tendu entre ce qui doit être et ce qui est. Donc tout ce travail s’est fait dans un élan spontané et étrangement fluide..."
Ce "donc" produit également une distance. C'est la différence entre "donc ce sera un choix" et "ce sera donc un choix", la portée de l'articulation. Le problème est que, comme tu places ton "donc", l'élan n'est ni spontané ni fluide. Il y a véritablement rupture, le même recul montré précédemment.
On peut d'ailleurs le comparer avec ceci :
"Oui, c’est dans tout ce qu’il a bâti à partir de cette description que j’ai trouvé ma matière. Ainsi, lorsque je lisais ses mots, il m’arrivait de penser « non ! je ne suis pas d’accord ! Il y autre chose à voir ! »"
Le "ainsi" est également en tête et c'est à nouveau la voix directe du narrateur, au lieu d'un "lorsque je lisais ses mots il m'arrivait ainsi de penser..." et on peut se demander quel effet est produit.
Contrairement au "donc", ici le "ainsi" en tête va aider à l'immersion. Il est aussi un peu déroutant puisque tu commences par dire que tu as bâti ton histoire sur le récit d'un autre, avant d'expliquer que tu l'as bâti sur un désaccord. Ce serait donc plutôt un "aussi" ou un "plutôt", voire, il faudrait abandonner cette articulation.
Mais en la conservant, en oubliant le contenu des phrases, tu confirmes ici le lecteur dans le raisonnement précédent, tu le confortes et tu le pousses un peu plus dans ce cheminement. À cet instant tu ne lui expliques plus comment tu penses, tu le fais doucement glisser dans ce "je lisais ses mots".
Encore un exemple, ici :
"Donc la question est : qu’est-ce qui a changé entre le moment où ils se sont arrêtés et lorsqu’ils sont repartis ? Dès lors, le lecteur ne voit plus cette scène mais une autre scène, comme si soudain faisait irruption une autre réalité."
Le premier donc est normal, en début de paragraphe, il peut s'agir de la conclusion du paragraphe précédent et même si le raisonnement ne tient pas, on peut l'accepter. La rupture vient au "dès lors" qui enchaîne sur une question. Ici, tu essaies de précipiter beaucoup trop de choses, tu essaies de forcer que le monde a changé.
Mais tout ce que tu as fait, c'est le dire une fois, et tu n'as jamais impliqué le lecteur dans ce changement.
Les deux articulations marquent cette précipitation, quand bien même on accepte de se la poser, non, il n'y a pas ce changement de regard.

J'ai dit que dans mon texte, l'histoire commençait vraiment à "j'ai soudain décidé d'exploiter cette image." En lisant ton chapitre, pour moi, l'histoire a commencé à :
"Que peut-il se passer au moment précis où le fouet va se rétracter douloureusement et produire son bruit caractéristique et si significatif dans notre inconscient?"
Pourquoi ? Parce que c'est le moment où, enfin, tu commences à introduire le second cadre, où tu commences à narrer la seconde histoire. Jusqu'alors, comme dit, ton texte tient surtout de la discussion philosophique, à distance, et la première description du claquement de fouet semble artificielle. Ici, tu introduis enfin une tension, une "image", et au-delà du dialogue tu vas te mettre à faire exister la scène.
À ce stade, tu peux vérifier, ton narrateur est quasiment inexistant. Vérifie chez moi, il parle encore.
J'ai également décroché à peine plus loin, avec "Ainsi, il retrouvera l’essence même de ce qui est. Et plus important, il va donner naissance à une autre réalité. Une réalité qui embrasse l’univers." Tu es beaucoup trop vague, et tu as essayé d'arriver à ce résultat beaucoup trop vite. Je te rapporte à la manière dont j'introduis le prédateur. Sur un détail de forme, je ne comprends pas pourquoi tu utilises le "il". Une fois encore nos intentions semblent diverger puisqu'il n'y a pas meilleur moyen pour tenir un lecteur à distance.

Mon écriture suit une série de contraintes - comme un harnais - dont l'une est d'être le plus objectif possible. D'où des textes "froids", calculés. Ici je n'hésite pas à piétiner cette contrainte et court-circuiter le lecteur pour le forcer à s'impliquer.
De ton côté, comme dit, tu discutes longuement sur de nombreux aspects mais cette distance empêche ta conclusion, que ce soit le lecteur qui ai fait. Chez toi le lecteur demeure passif, pour la majorité du texte.
J'ai l'impression que ce qui manque à ton chapitre est le cadrage. Pas seulement de donner au narrateur sa propre histoire mais aussi et surtout dans l'enchaînement des événements, dans les étapes. Beaucoup plus de "je" et beaucoup moins de "il", infiniment plus de narration pour infiniment moins d'articulateurs. C'est l'image qui doit imposer sa logique, non pas une logique imposée à l'image.
Sans cela, ton jeu s'effondre.


Quant au jeu de miroirs, je n'arrive pas même dans ton texte à trouver l'ironie. Le seul moment où tu mets en scène une farce, c'est dans le journal renversé. Le texte n'arrive pas à former un chiasme - bouclant ainsi début et fin - et il est impossible de remonter du personnage au narrateur, et du narrateur au lecteur. Il y a bien une discussion sur le mensonge, l'idée de piège et tu as suivi de très près ton programme avec l'avertissement. Mais on ne finit pas avec l'impression d'avoir été piégé et le programme n'est pas rempli.

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il y a 12 ans 1 mois - il y a 12 ans 1 mois #18286 par Zarathoustra
Réponse de Zarathoustra sur le sujet Re:Le renard au harnais
Je crois qu’il faut bien comprendre que le but du narrateur n’est pas qu’on écrive la scène dont il parle. CA, cela fait partie du mensonge (même si je dois t'avouer que c'est ce qui m'a donné envie d'écrire mon texte). Donc nos textes sont bien différents sur ce point. De même, nos renards. Le mien est une bête sauvage qui est prêt à tout pour mordre le cou des oies. C’est son seul but.
Tu as tout à fait perçu les choses, notamment sur tout mon début explicatif. Mais malheureusement, cela fait partie du mensonge également. Lorsque je dis que je mens, le paradoxe, c’est qu’en le disant je dis la vérité. Je crois que tes démons jouaient à ça. Or Celui qui dit la vérité ne peut pas dire qu’il ment. Et une fois qu’on a dit qu’on ment, on peut tout dire, y compris la vérité.
Et mise à part au début, je mens très peu. Je ne mens pas sur tout le premier paragraphe, mais je mens quand je dis que le texte n’a pas été retouché (et je l’avais mis sur la feuille parce que je savais que je ne pourrais m’empêcher de le modifier). Et je mens également lorsque je cite ton texte. Je l’ai modifié. Je n’ai pas repris l’expression « ma bête », mais j’ai mis « le fauve ». Et j’ai inséré la séquence du fouet dans le déroulement de la scène, chose que bizarrement tu n’avais pas mentionné.
Par la suite, si je mens, c’est plus par omission, car je dis précisément tout ce qu’il faut dire. Tout est d’ailleurs dans le premier paragraphe. Donc quand tu dis que le narrateur qui parle des conditions et de son projet d’écriture n’associe pas assez le lecteur, c’est parce que c’est de la poudre aux yeux qui a pour but de le distraire sur ce qui va se passer.

Dans ce texte, il faut prendre fréquemment les choses littéralement. Le but du narrateur n’est pas faire vivre la scène du carrosse, mais que le lecteur ait de plus en plus en tête l’image nue, ressente la peur, qu’il se sente personnellement impliquer dans l’issu de l’histoire sur qui vaincra entre le renard et l'oie. Il y a une clé qui est très importante et qui dit presque tout, c’est quand je parle du mot « terrible ». Et j’explique à deux reprises ce qui se passerait si je l’écrivais. Ce sont des avertissements et quand je l’écris à la toute fin, soit c'est moi qui rit, soit c'est le lecteur parce qu'il a soudain compris.
Et s'il y a une phrase que je n’aurais certainement jamais écrite si je ne t’avais pas lu et qui est également lourde de sens, c’est bien celle où j’emploie pour la première fois le mot « terrible ».

Tu dis que mon texte n’est pas fantastique. Tu as raison, il est au contraire très réaliste puisque je détruis tout élément fantastique, que je réclame qu’on ne voit que la réalité. Quand je parle du fouet, quand je parle de cendrillon, ce sont des éléments fantastique mais ils ont vocatin àle détruire. Sauf qu’à la toutr fin, si on comprend, il est si réaliste qu’il devient fantastique. Enfin, je me comprends… :P Fantastique, en tant que genre littéraire. :lol:
Donc au départ, je ne m’adresse pas à moi-même mais uniquement au lecteur et je veux qu’il n’y ait aucune ambiguïté parce que j’explique ce qui va se passer ici. Et je dis la vérité. Donc j’emploie le « on ».
Par la suite, plus je donne de détails sur mon procédé d’écriture, plus je mens. Je n’ai jamais ici numéroté mes pages (même s’il cela m’est arrivé de le faire par le passé et de mettre un zéro). C’est effectivement gratuit et moi seul le sait, mais ce qui importe, c’est que le lecteur soit distrait par ce que je dis et qu’il oublie le premier paragraphe sur les histoires de renard. C'est déjà le piège qui se met en place.

Par contre, tes remarques sont incroyablement justes pour ce qui concerne l’immersion. Je n’aurais jamais pensé à ce type de détails et à leur importance. Mais en l’occurrence, ici, même si au départ, je voulais l’immerger, l’évolution de mon texte a fait que je ne veux ici que le « balader » en quelque sorte. Je veux surtout qu'il prenne conscience du narrateur en tant que personnage mais pas en tant que double de lui-même. Et je ne veux surtout pas qu'il puisse l'imaginer, en permanence je veux qu'il y aitune distance de sécurité entre le narrateur et le lecteur. Le lecteur et le narrateur sont très différents. Et tout les oppose en quelque sorte parce qu'ils ne cherchent pas la même chose.

J'ai également décroché à peine plus loin, avec "Ainsi, il retrouvera l’essence même de ce qui est. Et plus important, il va donner naissance à une autre réalité. Une réalité qui embrasse l’univers." Tu es beaucoup trop vague, et tu as essayé d'arriver à ce résultat beaucoup trop vite.

Tu as raison. Même si ici, je me joue du lecteur. Je lui en mets plein la vue, mais en fait, ici, il ne peut pas comprendre ce que je veux dire. C'est gratuit. Une fois que tu auras compris, peut-être que cette phrase trouvera un autre écho. Mais je me moque clairement de lui.

Le texte n'arrive pas à former un chiasme - bouclant ainsi début et fin - et il est impossible de remonter du personnage au narrateur, et du narrateur au lecteur. Il y a bien une discussion sur le mensonge, l'idée de piège et tu as suivi de très près ton programme avec l'avertissement. Mais on ne finit pas avec l'impression d'avoir été piégé et le programme n'est pas rempli.

Tu ne le vois pas parce que ton renard n'est aussi féroce que le mien. Le mien est une saleté sans nom.

En fait, j'aurais du faire deux chapitres. Un chapitre tel que je l'avais initialement imaginé où effectivement j'aurais recherché à immerger le lecteur dans le narrateur pour qu'il ait envie d'écrire lui aussi. C'était en gros ce que j'avais mis hier soir.
Et j'aurais dû faire un chapitre 3 avec mes nouvelles intentions. Mais voilà, j'ai abandonné en cours de route les feuilles de papier et l'ordinatuer a aspiré à jamais ce qui avait été écrit. :oops:

Mais ce n'est pas la place pour parler de mon texte.... C'est du tien qu'on parlait.

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il y a 12 ans 1 mois #18287 par Vuld Edone
Réponse de Vuld Edone sur le sujet Re:Le renard au harnais
Nos renards sont les mêmes. Tu peux le vérifier à un simple détail : "on le hait, ce renard, à raison on le hait", à raison. Un autre passage pour s'en convaincre : "cette fissure dans les fondations de l'image par où prendre la gorge."
Non, je ne crois pas que nos renards soient différents. L'un est juste plus vicieux que l'autre, ou harnaché.

Si tu veux que le lecteur ait peur, tu peux choisir la route de la facilité et causer la peur au travers de la narration. Ou alors tu peux créer le vide, et cela serait plus cohérent avec ton plan de mentir, tu peux partir d'une réalité construite et rassurante et la déconstruire jusqu'à ne presque rien laisser. C'est encore très classique, un peu comme le "monde qui s'efface", et c'est efficace.
Quant au mensonge, tu ne mens pas si tu ne fais que mentir. Tu connais le paradoxe du menteur, "je mens donc je dis la vérité donc j'ai menti donc je disais la vérité donc..." qui est en fait une simple erreur de dominance, ce sur quoi porte le mensonge. La résolution est triviale, et logique.
Cela signifie, en termes d'écriture, que tu dois donner des repères au lecteur pour juger de si tu mens ou non. Par défaut tu dis la vérité, et même si tu mens, pour le lecteur ce sera la vérité : c'est le contrat de lecture. La fiction est un mensonge en soi - mes démons le répètent assez - donc si tu essaies de mentir dans une fiction, tu n'as rien fait. Paradoxalement il te faut mettre en scène le mensonge.

C'est pour cela qu'au départ j'hésitais vraiment à commenter ton texte, tant le projet était différent et si ce n'est qu'un mensonge, alors c'est très vite réglé, il suffit de tout nier en bloc. Mais le texte n'a alors plus la moindre pertinence. Tout le travail de découpage, de décomposition, à mes yeux, manque. Tout supprimer, ne laisser que du vague... autant ne rien écrire.
En fait, quand nous avons commencé cette discussion, j'ai repensé au colloque - idée pour la suggestion de textes, si ça n'a pas déjà été fait, tous ceux qui parlent des Chroniques ou de l'écriture - et son questionnement sur la magie du réel. Et au final j'ai pu réduire mes textes à une simple anecdote, à la sortie d'un film, la fascination que j'avais trouvé dans la poignée de portière - le film était mauvais.
Ton texte donne une toute autre réponse, en supprimant tout ce qui est fantastique, mais là où ton projet échoue c'est qu'il n'offre rien à la place, pas même de la peur. Il reste la "réalité", mais cette réalité indéfinie n'est pas même l'image, pas même la réalité. En somme, il ne reste rien.
Mentir au lecteur a pour moi une fonction. Il ne s'agit pas de jouer, il s'agit de le pousser à penser autrement. Un démon ne peut pas mentir, le mensonge vient du non-dit, de ce qu'ajoute le lecteur.

Aussi, et je ne le cache pas, j'aurais apprécié que ton chapitre ait parlé de la manière dont tu écrivais, notamment pour le Rêve d'Ether. Alors certes, l'image pourra difficilement représenter ton récit, mais si l'exercice t'intéresse, essayer de narrer comment tu narres une histoire - et notamment pour ce problème d'en dire "trop". Et je reconnais que le chapitre 11 fait peur, mais nous verrons bien.
Quant à l'idée d'une histoire qu'on ne raconte pas, c'est amusant, mais quelque part c'est l'histoire des Chroniques.

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il y a 12 ans 1 mois - il y a 12 ans 1 mois #18288 par Zarathoustra
Réponse de Zarathoustra sur le sujet Re:Le renard au harnais

Cela signifie, en termes d'écriture, que tu dois donner des repères au lecteur pour juger de si tu mens ou non. Par défaut tu dis la vérité, et même si tu mens, pour le lecteur ce sera la vérité : c'est le contrat de lecture. La fiction est un mensonge en soi - mes démons le répètent assez - donc si tu essaies de mentir dans une fiction, tu n'as rien fait. Paradoxalement il te faut mettre en scène le mensonge.

Mais le narrateur ne ment pas dès le moment où il dit qu'il le fait. Et c'est pourquoi mon renard est féroce. Plus il dit la vérité et plus il sait qu'elle échappe au lecteur. Quand le texte est terminé, il sait qu'il a gagné... A moins que le lecteur fuit et retourne au début du texte en ayant compris/
L'humour noire, c'est précisément de tout le temps prévenir lelecteur, de lui dire précisément tout ce qui va se passer, de lui dire qu'on se moque de lui et de lui expliquer comment. L'humour noire, c'est bien sûr de parler de mort. Mais ce n'est pas gratuit, parce que le narrateur ne sait pas qui finalement mourra, c'est uniquement le lecteur qui le saura à condition qu'il ait compris et auquel cas, le texte se retourne. C'est le lecteur qui peut rire avec moi. Et ce rire, ce sera ma défaite. Ainsi si j'ai piégé le lectuer, gagner, c'est pour moi perdre parce qu'il n'aura pas compris, mais il aura son châtiment. Perdre, c'est également perdre parce que c'est mon rire qui se figera. Quoiqu'il arrive, j'aurais perdu.

Le mensonge est mis en scène même si j'ignorais ce besoin. Je mens sur des broutilles et parce que c'est de moi que je moque 'je ne peux m'empécher de me relire et de toujuors changé les choses, d'en rajouter, comme cette intervention que je ne cesse d'éditer). Le plus gros mensonge qui est fondateur et qui est le seul qui compte vraiment, c'est de reprendre ton texte en le détournant, mais le lectuer est libre de le vérifier. Ton texte est toujours là. Il peut s'y réferer. Mais ce mensonge repose sur le même mensonge que l'image. On présente une verité, mais elle n'existe pas. Le but est de rejeter ce qui est écrit, ce qu'on nous impose comme étant une vérité à savoir l'image. Remettre en cause les fondations en quelque sorte. Qu'il ne reste que la chair et l'os.
Le lecteur a besoin de solide. Donc il aura des régles. Et ces régles sont scrupuleusement respectés. S'il y a mensonge, c'est bien sûr de dire que je ne vais pas les respecter, parce que ça fait partie de la moquerie du renard. Et ces régles sont là uniquement pour rassurer, pour donner l'aparence de la rigueur, parce que ce n'est pas l'important. L'important, c'est l'autre image. Celle où il n'y a plus rien qu'un renard et des oies. Et si le lecteur s'est projeté dans cette image, s'il est avec moi dans cette image, alors j'aurais perdu. Et le paradoxe est là, que c'est que je veux perdre, je ne veux pas rire du lecteur, je veux rire de moi. J'ai dit que c'était une farce, mais je ne pouvais dire que c'est un drame. Mon drame. Pas celui du lecteur.

De part et d’autre du pont, la victime est la même, seul le bourreau change. C’est un monde absurde mais quoi qu’il se passe, quoi qu’il fasse, le renard est piégé même s’il avait l’illusion de le dominer. Le drame du renard est là, il cogite, agit pour mordre le cou de ces oies et cela ne sert à rien. Pourtant, si, cela sert, mais je ne peux pas le dire, parce que ce n’est pas mon rôle de le dire.

Donc ce n'est pas gratuit. Pour vivre, ce drame, il me fallait bien en rire un peu... Commences-tu à percevoir l'humour noir du texte?

Mentir au lecteur a pour moi une fonction. Il ne s'agit pas de jouer, il s'agit de le pousser à penser autrement. Un démon ne peut pas mentir, le mensonge vient du non-dit, de ce qu'ajoute le lecteur.

J'allais te dire que je n'étais pas d'accord, mais en fait si. Oui, le mensonge est dans le non-dit. Ta démarche est plus rigoureuse que la mienne, tu as un recul sur le sujet que je n'ai pas et puis ce texte s'est construit par empilement, intuitivement, donc un expert comme toi trouveras certainement un manque de rigueur (et le principal est que tout n'est peut-être pas véritablement nécessaire. Si je devais réecrire le texte en sachant pertinament où j'arrive, alors il aurait été différent, forcément, mais j'aime le produit de l'accidentel quitte à tout bouleverser ce que je voulais faire et c'est là où on diffère certainement profondément, j'écris pour favoriser l'accidentel. Surtout que si j'avais tout planifier, alors je n'aurais pas été aussi loin. Ma réflexion se creuse au fur et à mesure que je réecris). Mais mon narrateur n'est pas un démon. Il sauve sa peau, donc tous les moyens sont bons... :laugh:

Tu as évoqué le Chap 11, mais il faudrait parler du chapitre 10. Et bien il s'est passé pour moi la même chose que pour le coup de fouet. C'est la scène du Chapeau. Une réalité est apparue et m'a saisi à la gorge. Et j'ai écrit la scène du fouet dans le même esprit déliberément. Un accident saisit au vol et un monde s'ouvre et je m'y engouffre en m'y précipitant. Et l'accident devient plus important que tout le reste. J'ai eu les mêmes sensations dans les deux cas. Et si tu dois commenter un chapitre, c'est pas le 11, c'est le 10. Le 11 n'est pas pour toi mais pour les autres. ;)

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il y a 12 ans 1 mois #18289 par Vuld Edone
Réponse de Vuld Edone sur le sujet Re:Le renard au harnais
Le mensonge n'est pas mis en scène à cause du contrat de lecture.
Cela me fait penser à plusieurs textes et films où, durant la presque totalité de l'histoire, le ton est fantastique, et soudain tout à la fin tout est brutalement et platement expliqué. On rit alors du lecteur qui s'est laissé embobiner, sans songer une seconde qu'il a accepté volontairement de se laisser tromper.

Le contrat de lecture signifie que par défaut tu dis la vérité. Les seuls moyens pour que tu mentes sont l'invraisemblance ou l'incohérence, soit que ce que tu dis s'écarte trop du bon sens, soit que tu te contredises dans ton texte.
Le contrat est le suivant :
"On lit une à une les pages, on est piqué par leur contenu et, lorsque le point final arrive, on se dit qu’on est passé à côté de l’essentiel, que tout ce qui avait attiré notre attention n’était que de la poudre aux yeux."
En échange d'un contenu piquant, tu nous promets de la poudre aux yeux qui nous divertira de l'essentiel. Cela signifie trois choses.
La première est que le contenu soit effectivement piquant, et pour cela il doit faire peur ou il doit faire rire, c'est la mise en scène de la peur ou de la farce. La seconde est que cette mise en scène doit nous divertir jusqu'à la fin, c'est-à-dire ne jamais suggérer, ou très mal, qu'il y a autre chose. La troisième, est qu'à la toute fin l'essentiel nous soit donné, la clef pour relire ton texte et y découvrir le véritable contenu.

Que ce soit en faisant du narrateur un personnage risible, sans sa manière d'agir ou de penser, ou que ce soit en décrivant la scène de manière la plus dérisoire ou comique possible, le plus probable serait de dès le départ instaurer cette atmosphère de farce, voire moqueuse et distante. Puis, progressivement, à mesure que tu t'installes et que tu en arrives au fouet, tarir cet humour sans le remplacer, vider de plus en plus le texte pour former ce côté terrible et apeurant.
Tu arrives alors à une difficulté, voire à un paradoxe, qui est que ton texte tient tout entier autour du coup de fouet, mais que le moment où tu l'introduis est le moment où le passage de la farce à la peur doit s'être effectué. Tu ne peux donc pas l'introduire trop tard, sous peine que ton texte ne commence jamais, et tu ne peux pas l'introduire trop tôt, sous peine d'étouffer tout humour.
Et surtout il te faut mettre l'essentiel, et c'est là que se joue le dire "trop". C'est le moment où tu dois véritablement poser la question, dépouillée, de qui mourra, et ton texte devient une enquête minutieuse, à travers toutes ces farces, pour déduire qui va y passer. Chez moi cette question n'existe pas - renard victime - mais chez toi la question peut devenir oppressante.

Ce que tu ne peux pas faire, c'est dire que tu ne diras rien, et espérer que le lecteur le comprenne. Il ne peut pas comprendre parce que par contrat tu dois dire quelque chose et il est obligé de te croire.
La mise en scène du mensonge est donc plus complexe. Elle implique de se contredire, elle implique de donner des premiers repères pour ensuite les ébranler et les faire tomber. Tu dis que ton mensonge est de transformer mon texte mais c'est exactement ce qu'on attend de toi, et parce que tu mets en scène un désaccord, c'est ce que tu promets de faire.
Je pense que tout ton texte devrait viser à donner un second sens à "mais de qui se moque-t-on" au sens de "mais qui va mourir", et là effectivement le texte deviendrait vulpien, seulement il faut qu'à ce stade la question se pose vraiment. À ce stade le divertissement doit tomber et, comme promis par le contrat de lecture, l'essentiel doit apparaître qui forcera le lecteur à recommencer la lecture, averti cette fois - comme promis.
Ton jeu est donc, je pense, beaucoup plus complexe que tu ne l'envisageais. Tu n'as qu'esquissé un mouvement de piège et surtout, tu ne sembles pas avoir conscience que ton lecteur est déjà piégé par défaut.

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il y a 12 ans 1 mois - il y a 12 ans 1 mois #18290 par Zarathoustra
Réponse de Zarathoustra sur le sujet Re:Le renard au harnais

Le mensonge n'est pas mis en scène à cause du contrat de lecture.

En fait plus je me relis, et plus je pense qu'on fait fausse route de parler de mesnonge. Il n'y aucun mensonge que le lecteur ne puisse vérifier. Les textes que je cite sont vérifiables, le fait que je dis ne pas avoir modifier le jet de départ est contredit dans le texte quand je dis que j'ai modifié le sens du texte dans un second temps.
S'il y a mensonge, c'est de parler de l'image du carrosse et d'attirer l'attention sur elle, mais si je le fais, c'est pour expliquer ce que je fais dans le texte, donc je donne à voir ce que je ne peux pas dire.
Donc je ne sais pas si c'est une bonne idée de focaliser sur le mensonge. Je ne sais pas, peut-être faudrait que je change le terme.

La première est que le contenu soit effectivement piquant, et pour cela il doit faire peur ou il doit faire rire, c'est la mise en scène de la peur ou de la farce.

Non, piquant, ça veut dire qu'on est envie de lire le texte jsuqu'à la fin pour savoir où il va aller ou ici où je veux en venir.
Tu parles du contrat de lecture mais ce texte n'est quasiment qu'un pacte de lecture qui explique comment lire le texte pour le comprendre.
Quand je dis:

Mais il ne faut pas oublier la règle : je ne dois pas le dire au lecteur. Donc comment leur donner cette présence sans le dire littéralement au lecteur ? Il faudra donc lui mentir dès le départ, insister en premier lieu sur ce décor avec précision mais l’interpeler sur le fait que ce n’est pas important, que l’important, c’est le carrosse et les animaux, que pour comprendre l’enjeu, il devra comprendre qui ils sont vraiment.

Je me trompe peut-être, mais le pacte est respecté. Je parle de carrosse, d'oie qui lit le journal beaucoup plus que de ce que sont les oies et le renard. Et avant, j'ai bien expliqué ce que j'allais faire, mais c'est vrai que je n'ai pas dit que ce n'était pas important.
Mais bon, je veux bien croire que tout ne soit pas cohérent, car il n'état pas planifié que j'écrirais ce que j'ai écris ni ce que j'allais dire au final. Tu trouveras certainement de quoi justifier que ce n'est pas nickel.
Pour moi, pour que le pacte soit réussi, c'est qu'au point final, on se dise que quelque chose nous a échappé et qu'on relise tout et qu'on comprenne le sens caché. Il est fort probable que le texte nécessite une 3eme lecture pour en cerner l'ironie. Que le narrateur est un renard qui veut mordre son oie et que l'oie en question est le lecteur. La terreur n'est pas transcrite dans le texte parce qu'il faut se l'imaginer, se projeter dans le sens profond du texte. Si elle était dans le texte, alors on aurait pas besoin de la chercher dans le sens ni de l'imaginer, ni de se projeter. C'est, je l'ai dit, une question de vie ou de mort. Le texte va plus loin, il réclame qu'on se projette dans sa propre vie ou de sa propre mort et qu'on choisisse entre les deux, sachant que ça implique soit la vie soit la mort de l'autre.
C'est ça l'autre texte, c'est l'histoire qu'on ne raconte pas. Et je ne peux pas le dire car c'est seulement le lecteur qui peut le dire. Maintenant pourra-t-il l'écrire? Je l'ignore. C'est là où ton texte est plus fort. Mais ce n'est plus le but du mien.

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