Chapitre 2 / Partie 2 : Pour quelques peaux de plus.

Pareilles aux herbes de la lisière, face à la frondaison sombre des arbres, deux seulement, et l’un était jeune et plein de rêves, et le second détenait l’âge, et devant eux se dressaient les troncs torturés de la forêt. Des cris au loin, soudain, comme une nuée, des cris lointains étouffés qui reprenaient, toujours plus proches. Le bruissement des feuillages.
« Il faut fuir ! »
« Imbécile ! Reste là ! »
C’étaient les bêtes. Leur hargne transpirait, sur les branches, sur l’écorce, comme de la poix, une rage en échos parmi leurs rugissements. La forêt trépidait, agitée de part en part une folie qui les chargeait, et l’orée était tranquille, et l’orée vacillait à leur approche. Ils faisaient face, deux seulement, sans armes. Le plus âgé se dressait devant, prêt, ou prêt, mais son poing se serra.
« On ne peut pas ! »
« On peut ! »
Il s’en rendait compte trop tard, leur nombre, tous ces échos devenus réels, une forêt entière tremblante devant eux. Les herbes alentours, cet espace découvert, en pleine lumière, faiblissait.
Trop tard.
Trop tard pour reculer.
Il s’en rendait seulement compte.

Ce qu’il avait dit à l’instant.

[Zaleth]    Si jamais on bouge on fera peur aux bêtes !
[  Serf  ]    De quoi ?!
[Zaleth]    Bon elles mettent le temps là, je n’ai pas que ça à faire !

Euh si.

[Zaleth]    Allez, quoi, nous obligez pas à aller vous chercher !
[  Serf  ]    Pitié faites que les pièges fonctionnent faites que les pièges fonctionnent !
[Zaleth]    Attention, attention, et... les pièges n’ont pas fonctionné.
[  Serf  ]    Skruik, sois maudit !
[Zaleth]    Au contraire, ça fait partie du plan !
[  Serf  ]    De se faire encercler par des centaines de bêtes ?
[Zaleth]    Bien sûr ! Si les pièges avaient marché, je n’aurais pas pu me battre !
[  Serf  ]    Alors c’est quand vous voulez.
[Zaleth]    Eh, les bêtes, une dernière volonté avant de mourir ?
[  Bête  ]    Je peux avoir un autographe ?
[  Bat  ]    Ouais mais là j’en ai marre mais qu’est-ce que j’en ai marre !
[ Bêtes ]    C’était quoi ça ?
[Zaleth]    Ma diversion.
[ Bêtes ]    Une diversion de quoi ?

SBAF

[Zaleth]    Et d’une !
[  Serf  ]    Plus que huit cents et quelques...
[Zaleth]    Seulement ? J’aurai jamais mes dix mille peaux !
[  Bête  ]    Fou d’homme ! Meurs !
[Zaleth]    Toi je vais même pas prendre la peine de te sbaffer.
[  Bête  ]    Hein mais non j-
[Zaleth]    Et de deux.
[  Serf  ]    Ils n’auraient qu’à nous attaquer tous en même temps... Pourquoi ces animaux ne le font-ils pas ?
[Zaleth]    Parce que ce sont de vulgaires peluches ?
[  Bat  ]    Bien dit !
[Zaleth]    Au fait Bat, t’en as combien de ton côté ?
[  Bat  ]    Aucun ! Et je m’ennuie ferme !
[  Serf  ]    Zaleth ! Cette bête-là est étrange !
[Zaleth]    C’est un shaman !
[Shaman]    Tu aimes broyer les os avec tes poings, homme. Mais face à la magie, tu ne peux rien.
[  Serf  ]    La magie ? Mais ça n’existe pas !
[Shaman]    Meurs !
[ Bêtes ]    Mais... il ne s’est rien passé !
[Zaleth]    C’est parce que j’ai ce caillou !
[Shaman]    Que dis-tu ?
[Zaleth]    Grâce à ce caillou j’ai pu annuler ton sort, shaman !
[Shaman]    Impossible ! Ce n’est qu’un vulgaire caillou !
[Zaleth]    Quelles sont les chances qu’en me baissant j’aie pu ramasser une amulette de protection ultime sous la forme d’un caillou ?!
[Shaman]    Aucune !
[Zaleth]    Perdu ! Et j’ai la preuve dans mes mains ! Mais à part ça c’est effectivement un vulgaire caillou.
[Shaman]    Mais alors que-
[Zaleth]    Et de trois.
[ Bêtes ]    Lâche !
[Zaleth]    Qu’est-ce que vous avez dit !
[ Bêtes ]    Lâche !
[Zaleth]    Non mais j’avais entendu la première fois, développez.
[ Bêtes ]    Tu te caches derrière ta puissance, tu nous broies sans remords !
[  Serf  ]    On veut surtout pas mourir, c’est tout !
[Zaleth]    N’écoutez pas mon aide de camp, continuez.
[ Bêtes ]    Tu n’es qu’un monstre !
[Zaleth]    Dixit les bêtes sauvages...
[ Bêtes ]    Pourquoi ne peux-tu pas nous prendre en pitié ?
[  Serf  ]    Parce que vous essayez de nous tuer !
[  Bat  ]    Et que vous êtes que des peluches !

C’est fini la morale ?

[Zaleth]    Et de sept cent quarante-huit ! Y en avait vraiment peu !

Et il en a profité.

[Zaleth]    Bon, qui reste ?
[  Serf  ]    Cette troupe de loups, là !
[Loups]    Nous ne nous laisserons pas tuer si facilement.
[Zaleth]    Ah ouais ?
[Loups]    Nous allons nous contenter de vous tourner autour, et nous fuirons à chaque fois que vous essaierez d’approcher. Ainsi nous vous aurons à l’usure.
[Zaleth]    Par tous les cieux ce plan est inhumain ! Enfin vous me comprenez.
[  Serf  ]    En clair vous n’osez plus attaquer.
[Loups]    C’est cela.
[  Serf  ]    Et ils parlaient de lâcheté juste avant...
[Zaleth]    Vous ne me laissez pas le choix. Bat !
[  Bat  ]    Ouais ?
[Zaleth]    Le moment est venu pour toi d’intervenir.
[  Bat  ]    Eh bah pas trop tôt !
[Zaleth]    Non mais attends je dois le dire.
[  Bat  ]    D’accord, vas-y, si ça t’amuse.
[Zaleth]    Bat... il est temps de te mettre en rogne !
[  Bat  ]    Et tout le monde se marre, ah ah, ah ah, tiens mange-toi ma hache toi.
[Loups]    Qu’est-ce qu-
[  Serf  ]    Il les a tous tués. D’un seul coup.
[  Bat  ]    En fait je vous ai tués avec mais bon, vous savez, la routine.
[Zaleth]    Ouais ouais ça va, occupe-toi plutôt de les tanner.
[  Bat  ]    Mais c’est déjà fait !
[Zaleth]    Leurs peaux ! Je parle de tanner leurs peaux !
[  Bat  ]    Ah mais c’est lourd le rôle d’intendant ! J’vous jure !
[  Serf  ]    Toutes les bêtes sont mortes ?
[Hyène]    Pas toutes.

SBAF

[Hyène]    Eh !
[Zaleth]    Oh pardon, je croyais que vous étiez la dernière.
[Hyène]    Je suis Char, la représentante-
[Zaleth]    Non non non, pas un autre combat de champions !
[Hyène]    Vous me laissez finir ?
[Zaleth]    À quoi bon, on va se fritter, je vais vous sbaffer, en plus votre peau est poisseuse de sang... attendez quand j’y pense... Bat, t’as pris soin de pas abîmer les peaux en les tuant ?
[  Bat  ]    Je devais ?
[Zaleth]    Et galère !
[  Serf  ]    On a massacré une forêt entière pour rien !
[Hyène]    Vous allez me laisser finir, oui...
[Zaleth]    Finir quoi ?!
[Hyène]    Mon incantation.
[  Serf  ]    Im- im- impossible !
[  Bat  ]    Quoi impossible ? Elle a juste relevé les morts, c’est tout.
[  Serf  ]    C’est une nécromancienne !
[  Bat  ]    Mais non, de nos jours tout le monde a accès à ce genre de parchemin !
[Hyène]    Vous avez tué les miens, et vous savez quoi, je m’en fiche. Vous voulez les tuer encore ? Je m’en fiche encore plus. Encore plus, et encore plus.
[  Serf  ]    Les bêtes mortes ! Elles attaquent !
[Zaleth]    Je comprends tout à présent ! Tu veux me faire perdre mon temps !
[Hyène]    On t’a dit que t’as l’art de casser l’ambiance, humain ?
[Zaleth]    Bat.
[  Bat  ]    Voilà c’est fait. Et vous êtes re-mort tout ça, la routine quoi.
[  Serf  ]    Les morts se relèvent !
[Zaleth]    Encore ?!

Bien sûr, encore, suivez un peu quoi...

[Hyène]    Vous allez tuer les miens. Vous les tuerez, et vous les tuerez, et vous les tuerez, jusqu’à ce que le sang vous dégoûte.
[  Bat  ]    Alors j’explique, c’est Skruik qui me fiche cette réputation, moi en fait-
[Zaleth]    Tu raconteras ça plus tard, balaie-moi ces pantins !
[  Bat  ]    Mais ça sert à rien !
[Zaleth]    Et alors on fait quoi, on s’affole comme des petites filles et on se recroqueville sur nous-mêmes ?
[  Bat  ]    C’est Serf qui t’a donné l’exemple ?
[  Serf  ]    Je veux pas mourir... je veux pas mourir...
[Zaleth]    Avec un tel aide de camp je ne peux pas perdre !

Stop. Direction les chevaliers.

[Arges]    Avec un tel suzerain nous ne pouvons pas perdre !
[Chevalier]    Les montures sont épuisées, les hommes sont fourbus, on peut arrêter ?
[Arges]    Jamais ! Jamais la chevalerie ne cèdera face à un vulgaire rocher !
[Écuyer]    C’est sûr que dans les chansons de geste, ça le ferait pas super. Et puis il y a des antécédents.
[Chevalier]    Ah ne l’encourage pas, toi !
[Arges]    Reformez les lances ! Sus à la montagne !
[Soldat]    Seigneur ! Seigneur !
[Arges]    Qu’y a-t-il ?
[Soldat]    Un message du suzerain le comte de Goten !
[Arges]    Voyons cela. Par la barbe ! Il est en prise avec les bêtes des bois !
[Chevalier]    Seigneur, il faut aller le secourir. Et je ne dis pas ça pour arrêter de charger une montagne.
[Arges]    Non, chevalier. Je partage ton désir de venir en aide à notre seigneur, et en tant que vassal je ne souhaite rien de mieux. Mais ce serait douter de lui. Il s’en sortira ! Et nous ne lui feront pas le double outrage de l’assister en vain, et de désobéir à ses ordres.
[Chevalier]    J’aurai essayé.
[Écuyer]    Tant que j’y pense, on a toujours les catapultes, on pourrait les utiliser ?
[Arges]    Un chevalier ne s’abaisse pas à cela !
[Chevalier]    Ah mais si mais si !

Bref.

[Zaleth]    Bon et qu’est-ce qu’elle fiche, ma cavalerie ?! Toute ma stratégie repose sur eux !
[Hyène]    Te voilà bien seul à présent.
[  Bat  ]    Eh.
[Hyène]    Alors, humain, que vas-tu faire ?
[Zaleth]    Partir en quête. Accomplir un défi impossible. Ah mais non, je suis bête, je peux pas... y a une hyène sur mon passage ! À ton avis, je vais faire quoi, hein ?!
[Hyène]    Je sais pas, justement, je demande.