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Catégorie : One Shots
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Un dîner, c’est fort peu de choses... Un petit essai en quelques lignes, pour bien déguster. Attention, il se peut que vous restiez sur votre faim...

Préambule :

     On pousse, toujours un peu plus, on se prépare autant que possible et soudain le bouchon s’envole et le liquide peut s’écouler dans les verres prévus à cet effet. Un immense cri accueille le début des festivités et tous ensemble nous nous préparons à entamer le dîner.

     Je dépose la bouteille de champagne, non sans avoir servi tout un chacun, et m’assieds, suivi en cela de mes compagnons. Il y a là quatre personnes : Jacques, un peu endormi aujourd’hui, Lisa, très belle dans sa longue robe et qui sourit à tout va, Frederick, l’esprit éveillé et que je soupçonne d’être par trop poète et enfin Steve, le sourire au coin de la bouche, réservé et un peu trop hautain à mon goût. Quant à moi, j’ai faim, j’ai soif et je meurs d’envie de découvrir le repas. Nous avons tous devant nous un verre de lait que je vide prestement, sans trop réfléchir, imité en cela par les autres.

En-cas :

     On nous apporte tout d’abord un en-cas. Je choisis une fine mise-en-bouche, deux canapés et vide mon verre de champagne jusqu’à sa moitié. Jacques me suit dans mon choix, Lisa attrape un peu de tout ce qui lui est présenté, Frederick oublie de manger, peut-être n’a-t-il pas remarqué que nous avons commencé et Steve, d’un air suspicieux, attaque une petite mise-en-bouche.

Entrée :

     Les choses sérieuses commencent. Mon choix se porte sur une salade mixe et refuse le second service. Jacques mange une salade d’orties qu’il arrose d’une lourde sauce, Lisa dédaigne la verdure et se jette sur le caviar dont elle fait craquer chaque grain avec satisfaction. Steve l’y suit et s’en trouve bientôt satisfait, tandis que sa compagne a dédaigné le plat pour aller se servir deux asperges à la sauce aigre-douce du chef et un rien de magret de canard qu’elle ne finit pas. Frederick n’a rien mangé...

Mise-en-bouche :

     Les festivités continuent et, l’estomac rôdé, nous envisageons la suite avec une certaine sérénité. Je décide de m’essayer à une petite soupe de riz créole, peu appétissante par l’aspect mais qui recèle de grandes qualités cachées... Voilà Jacques qui attaque un bouillon de poule surchauffé dans lequel il trempe des morceaux de gros pains. Lisa goutte son suprême à la cannelle et reporte bien vite son attention, après avoir fait la moue sur cette dernière, envers un petit potage aux lardons qu’elle délaisse pour entamer un mélange aux herbes orientales. Frederick, que la chaleur a ramené à nous, veut attaquer à son tour son assiette, mais se brûle et retourne rêver. Steve achève dédaigneusement son bouillon « désiré ».

Plat principal :

     Il est temps d’entreprendre le plus gros, et voici qu’on nous propose un vaste assortiment de choix. « Des lasagnes » dis-je, et ce faisant je me coule entre deux couches aussi discrètement que possible. Lisa se fait servir un poulet entier qu’elle lâche bien vite pour un pigeon, aussitôt abandonné pour un merlan. Elle avale une arête, se la plante dans l’œsophage, suffoque un moment puis meurt. Le morceau était trop gros pour elle. Jacques a pris une assiette de spaghettis et les mange en les suçant d’un bout à l’autre. Il s’arrête parfois pour reprendre de la sauce, il en met partout sur ses vêtements et n’y prête pas attention. Frederick voudrait manger une pomme de terre seule, mais en l’épluchant il se coupe et quitte la table, sans regret, nous laissant à trois pour finir le dîner. Steve a jeté son soufflé avec mépris.

Suite :

     Vient le second service. Déjà je me sens plus faible, mais continue tout de même. Cela me semble dater d’une éternité, le temps où nous sablions le champagne. Jacques a pris une livre de pain qu’il croque à pleine dent sans même parvenir à l’entamer. Il s’effondre sur la table, épuisé, et les serveurs ont la gentillesse de nous en débarrasser. Steve déguste un flan supérieur à la germanaise, et je m’attache à profiter d’un assortiment de fromages.

1er dessert :

     Repus, mais non contentés, nous entamons le dessert. Est-ce la nuit qui tombe ou mes membres ? Je me sens faible, j’ai presque peur de ne pouvoir finir le repas. Je soulève le regard jusqu’à mon comparse et le voit en encore plus mauvais état que moi. On lui sert une pièce-montée qu’il se contente de fixer en bavant, et je goûte avec délice à un abricot fraîchement cueilli.

2ème dessert :

     Les souvenirs me reviennent. Est-ce déjà la fin ? Nous en sommes au second dessert, il est bientôt temps d’en finir. Je me rappelle avec nostalgie d’une bouteille de champagne, de caviar, d’une certaine lisa, ravissante en son temps, d’un Frederick amusant par son absence, d’une soupe ma foi excellente et de lasagne qui m’ont longtemps occupé. Dans mon estomac, j’ai encore les restant de la soupe créole, qui m’accompagne pour mon plus grand plaisir et me réchauffe de l’intérieur. Quitte à terminer, je porte toute mon attention sur un morceau de nuage qui me file entre les doigts à chaque fois que je cherche à l’attraper. Pour l’accompagner, je dévore tour à tour plusieurs livres forts appréciables et qui s’avèrent d’excellents digestifs. Steve a obtenu deux piqures de « Séradon » et ils lui ont fait ingérer trois « Dopalmines ». Finalement, ils ont, d’un commun accord, accepté de couper sa mâchoire mécanique et son corps abandonne par là-même ses derniers mouvements. On vient le chercher avec faste et on l’enterre sous la table avant de l’y abandonner.

L’addition :

     Tiens, c’est mon tour ? Mon dieu que le temps passe vite. Je n’ai pas vraiment envie de bouger, mais je suis heureux d’en avoir fini, ce repas commençait à trop durer. Le maître d’hôtel s’approche de moi et m’embrasse sur la joue, après quoi nous discutons encore un petit moment, avant que je ne m’en aille :

- Le dîner vous a-t-il plu ?

- Oh oui, lui réponds-je, ce fut excellent, réellement.

- J’en suis fort heureux. Quel dommage que vous partiez dès maintenant.

- Tout le monde part.

- Vous savez, nous autre, du service, on ne s’y fait jamais. Mais je suppose que vous avez raison... Dites-moi tout de même...

     Et le voilà qui prend un ton plus confidentiel :

- Dites- moi donc, mon ami, me dit-il, une chose : n’avez-vous réellement aucun regret ?

- Aucun, répliqué-je en riant, ou tout au moins un seul. Je soupire avant de reprendre :

- Je regrette qu’il n’y ait rien d’autre à faire dans ce restaurant que manger...

 

Et là dessus mes yeux se ferment et je m’endors du juste repos des êtres contentés.


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