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Catégorie : 14 péchés des Dieux de l'Olympe (Les)
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Traduit du latin et du grec par Goliath Justoromanesque, docteur ès Langues Anciennes, spécialiste du théâtre et de la boîte à troubadours antique et ancien élève de la Sainte et Très Poussiéreuse Ecole Nationale des Chartes.

  Version annotée – lourdement – par Mayo Pommedeterre, docte en Histoire de l’Art, spécialiste de la néo-archéomythologie post-antiquomoderne, ancienne élève de l’Académie de Platon et du Lycée d’Aristote.

Cette nouvelle théâtrale contée sous forme de récit fut pour la première fois éditée aux éditions « Jupiter de France » en 2003 dans la collection Belles-Lettres P.O.U.F

Elle fut rééditée l’année suivante aux Editions « La Pléiade » dans la collection Parodie de Potache, purement formelle.



 

Ménestrel, plateau noir, un projecteur s’allume et se braque sur le personnage :

C’est moi le ménestrel Tyrelongue !!! Le ménestrel de ces dames et de ces messieurs. Je suis là pour une histoire longue, Et j’en suis bien heureux. Oyez, oyez, gentes demoiselles, L’histoire de ces chers Dieux, Dieux de l’Olympe et pas de Babel, Tout en haut de nos chers cieux.

 

La belle bouche de Calliope, muse de la poésie héroïque et de la grande éloquence :

C’est fini, oui, tout ce remue-ménage ! On essaye de travailler nous ! Même si nous sommes au chômage, nous devons inspirer des gens ! Alors, s’il te plaît, le gros Tyrelongue, tu ne vas pas nous gonfler !!! Sinon, nous allons nous occuper de ton gros cas imposant !

 

Ménestrel, surpris :

Oui, ma chère Muse, je vous prie de m’excuser, je m’étais oublié un peu. Hum, hum, hum… Je disais donc, mes chers lecteurs que j’étais sur le point de vous raconter une longue histoire sur les dieux de l’Olympe. Pour les personnes qui viendraient d’arriver pour la première fois sur mon plateau lectural [1] . Je me présente, je suis le grand et talentueux…

 

Les Muses, en chœur :

Ne fais pas le malin.

 

Ménestrel, très mal à l’aise :

… Ménestrel Tyrelongue. Je suis ici, le personnage clé de cette nouvelle, la personne qui fera des commentaires pendant que l’histoire vous sera contée, la personne qui de temps en temps coupera cette merveilleuse histoire pour vous faire part de ses commentaires, la personne qui… se répète un peu et qui commence à agacer le lecteur… Alors, tout de suite sans plus attendre, que commence la grande saga des dieux de l’Olympe !!!…

*** …

***

 

Ménestrel, énervé :

J’ai dit que commence la grande saga des dieux de l’Olympe !!!

***  

Ah, euh, oui : Sur les hauteurs de l’Olympe :

- Je rêvais d’un autre monde, où la terre serait ronde, où la lune serait blonde, où les dieux olympiens seraient maîtres du monde… chantait le grand et talentueux Zeus, dans sa stupidité profonde.

 

Sonnerie :

- Oh, Zeus, Téléphone, s’écria Héra à l’autre bout du palais Olympien.

- Maîtres du monde…, continua-t-il de chanter le temps d’arriver à son réceptacle téléphonique en airain de dernier cri.

« Les Dieux de l’Olympe, Zeus à l’appareil, bonjour ».

- Allô, c’est Hermès. Ça y est :

« J’ai réussi…

« J’ai réussi !…

« J’ai réussi …à faire déguerpir les Muses et Dionysos. Ce fut assez dur, mais…

« J’ai réussi, brillamment. Le Parnasse est à vous !

- Oui, oui, d’accord, je te félicite. Mais n’oublie pas que tu as le ménage à faire en rentrant, ainsi que le dîner ; mon divin estomac commence à gazouiller, tu sais très bien que la dernière fois où mon ventre s’est plaint de manière brusque, le Vésuve est entré en éruption, alors je n’aimerais pas que cette fois-ci l’Etna fasse une petite crise. Compris ?

- Compris, père.

- Au fait ! J’allais oublier : pas un mot à Héra. Je tiens à lui faire la surprise.

- OK !!!

Zeus raccrocha, il était tellement excité, enfin, il ne verrait plus l’antique bâtisse au toit ouvert [2] , d’autant plus qu’il payait un fort impôt pour habiter cette demeure historique. Il leur avait pourtant bien expliqué au Centre des Impôts des Dieux Déchus, mais ils n’avaient rien voulu entendre : « l’Olympe, c’est l’Olympe, que le toit n’existe plus, aucune importance, vous n’avez qu’à vous acheter un parapluie ! »

Son ventre réclamait hamburger et coca, le nectar et l’ambroisie du XXIe siècle ; l’explosion du Vésuve l’avait réellement traumatisé, les bordels avaient été couverts de cendre, fini les filles de Pompéi… mais quand même, il aimait bien ce petit village, très sexy, pensa-t-il.

L’idée qu’il puisse quitter cette horrible demeure, l’emplit tout d’un coup de joie, il se surprit même à chanter :

- All you need is gods, all you need is gods, all you need is gods, gods, gods of Parnasse, gods of Parnasse…

***

 

Ménestrel, excité :

Comment ! Zeus a décidé de quitter l’Olympe. Oh, mes chers lecteurs, quel suspense !!! Mais que va-t-il arriver à cette magnifique demeure ? Elle qui est tellement riche en histoire, elle qui a inspiré les plus grands poètes. Sûrement qu’elle finira achetée par des Japonais ou bien encore par des Anglais… Ô grand monde, faut-il que nous soyons si fatalistes, et que nous fournissions aux Japonais une liste, pour qu’ils achètent notre ronde ?

 

Thalie, Muse de la comédie et du cinéma :

S’il te plaît, nous t’avons demandé de te taire. Et en plus, ça ne veut rien dire « qu’ils achètent cette ronde », stupide va, arrête de raconter des inepties, avant qu’il ne t’en cuise. Nous pouvons aussi te dire que notre demeure n’est plus le Parnasse, mais Hollywood, il nous arrive aussi d’aller à Cannes, pour le festival. Nous aimons bien nous montrer sous les feux de la rampe.

 

Ménestrel, faisant le malin :

Pouah ! Qu’elles sont chaudes ces Muses, décidément ! En effet, elles ont tout à fait raison : Hermès, grand délinquant connu des forces de police, est un vrai menteur. Le Parnasse, nous le savons tous, est un endroit abandonné depuis belle lurette, ses deux sommets, habités respectueusement par les Muses et Dionysos, ont été désertés pour des endroits plus chauds, Hollywood ou Cannes, mais aussi le Bordelais ou le Bourguignon pour notre cher Dionysos, accompagné par Comus et Momus ses joyeux drilles, ivrognes tous trois et bien connus des bals-montés. Mais dans quel état se trouve le Parnasse ? Jadis, cette belle demeure réunissait les deux monts. Est-il encore alimenté en eau courante par cette célèbre source, la Castalie ? Y a-t-il encore le transport routier, assuré par Pégase ? Que de suspense et de questions, mes chers lecteurs ! Saurons-nous un jour la vérité ?

 

Harpocrate, impatient de connaître la suite, Dieu du Silence :

Et si tu te taisais un peu, on pourrait connaître la suite, non ?

*** Zeus se mit alors à chercher son antique épouse, qu’il avait épousé pour le meilleur et pour le pire (surtout pour elle). Il la trouva dans le patio interne, à l’extérieur du Palais – encore une architecture à la noix, pensa Zeus. Pourquoi ces idiots de Grecs les avaient-ils fait habiter ici ? Encore un mystère bien mystérieux. Mais, dans quelques semaines, ils ne seraient plus sur l’Olympe mais sur le Parnasse…

Héra, que les années avaient superbement épargnée, après qu’elle ne les eut pas ratées, était restée jeune et fraîche. Elle prenait le soleil avec parcimonie, n’oubliant aucune parcelle de sa chair à offrir à son ami Hélios, le dieu-soleil. Elle était occupée à faire ses divins mots-croisés, tenant dans sa main divine un crayon à papier divin.

S’approchant délicatement, habitude connue de chacun, Zeus se mit à crier en voyant sa femme :

- Héra, tu es là ?

- Non, je suis à l’autre bout du Palais, chéri.

- Ah, bon. J’arrive…

Il partit dans la direction indiquée par sa femme, se retourna brusquement, la regarda bien dans les yeux et lui déclara de sa voix grave et tonitruante de Dieu Suprême :

- Tu te moquais de moi, non ?

- Non, pas du tout, mon chéri, je n’oserais en aucun cas me moquer d’une personne plus éblouissante dans sa connerie que le soleil dans ses rayons de lumière.

- Ah, tu me rassures, j’ai bien cru que tu te moquais de moi, mais que veux-tu, tu m’es supérieure.

- Personne n’en doute.

- Chérie, j’ai quelque chose d’important à te dire.

- Vas-y, je t’écoute.

- Alors, tu sais que nous habitons depuis longtemps, ce magnifique…

- Attends, « Dieu Suprême germano-scandinave, surnom de Thor », en cinq lettres…

- Donar. Tu comprends cette maison est devenue extrêmement chère à payer, notre pension des « Dieux Déchus et Devenus « Anonymes » », ne nous permet pas de mener la grande vie…

- « Déesse latine de la volupté et de la mort », en huit lettres…

- Libitina. Alors, j’ai décidé que l’on déménagerait pour aller sur le Parnasse…

- « Dieu Solaire Celtique », en trois lettres…

- Lug. Les impôts sont moins chers, et puis cela se situe au centre du monde…

- Oh ! De toute façon, ces dieux celtiques et germano-scandinaves ne m’ont jamais été sympathiques, ils sont froids et inconnus du grand public, il est très difficile de trouver des informations sur eux, mêmes mes espions n’ont jamais rien trouvé d’intéressant.

- Héradounette, tu m’écoutes ?

- Jupiter, tu me tires sur mes nerfs, et ils vont bientôt casser, alors à force de taper sur la corde…

- Ne m’appelle pas Jupiter, ils étaient fous ces Romains, et ils le sont encore. Ah, comme Obélix et Astérix me manquent, tu penses qu’ils ont réussi à garder leur village intact ?

- Zeus, espèce de petit imbécile qui n’a rien compris à la vie, ces personnages sont des héros de bandes-dessinées, comme Lucky Luke…

- Quoi, il n’a jamais existé lui non plus ? Oh, la, la… On croit savoir des choses, et puis à la fin on sait que l’on sait rien du tout.

- Dis-moi sincèrement, comment as-tu fait pour devenir un dieu suprême, le « Dieu des dieux » !

- Mais tu sais très bien, Héradounette, je te l’ai déjà raconté, au moins mille fois, si ce n’est plus. Le poste était vacant ; personne ne le voulait car cela demandait trop de travail ; je passais par-là ; et on me l’a attribué, tout simplement.

- Bon, bon, ce n’est pas grave, on ne va pas s’énerver… Que voulais-tu me dire ?

- Je sais que c’est très dur, mais il faut que tu sois forte : nous allons habiter au Parnasse.

- Oh mon Dieu mon Père, je savais bien que cela arriverait un jour, je m’étais même faite à cette idée, mais que tu me le dises, oh, cela me déchire le cœur… Oh, à moi ! je me sens défaillir, je m’écroule, ah, je meurs, je suis morte, on m’enterre, ah Hadès me voilà, je suis morte et prête à rentrer dans ton royaume. Ô maudit Zeus, pourquoi me faire cela à moi, reine des Dieux, épouse fidèle jusqu’au bout de mes seins au fond des yeux ? ô maudit infidèle, me quitter pour cette… cette Parnasse, va, va, mais ne te retourne pas… Parnasse, cette Pétasse [3] , comment oses-tu ? Parnasse ! Parnasse ?… Ah, le Mont Parnasse, habiter au Mont Parnasse, non pas question ! Pluton mourir.

- Mais chérie, regarde voyons, il n’y a même plus de toit…

- Cela est tout à fait normal dans un patio !

- Mais dans la maison, il n’y a plus de toit !!!

- C’est de ta faute, on n’enlève pas le toit d’une maison, si on ne sait pas le remettre.

***

 

Ménestrel : Paf, elle avait donc tranché, Zeus ne savait donc pas refaire un toit. Quelle attaque perfide, méprisable, vile et ignominieuse ! L’Olympe ne s’en remettrait pas. Mes chers lecteurs, Zeus survivra-t-il ? Pourra-t-il « dévisager le monde avec effronterie, à son regard pareil à celui d’Amphitrite » ?

 

Carmenta, Déesse Prophétique, n’arrivant pas en déterminer la fin :

Mais qu’il est lourd ! Tu vas te la fermer, une bonne fois pour toutes, oui !

***

Après maints et maints arguments, qui auraient fait pâlir le grand orateur Cicéron, Héra fut vaincue. Aussi sûrement qu’Aphrodite est encore vierge. Mais que voulez-vous ? Être en couple implique forcément des concessions, surtout avec un mari con non loin de la sécession. Elle se résolut dans un élan de misère à quitter cette demeure si attachante, mais comme disait Zeus, « il faut couper les liens ». Comme à chaque décision, on convoqua la grande famille. « Cette idée était géniale » selon Aphrodite la délurée, toujours désireuse de se faire de nouveaux voisins. La personne la plus surprise fut sûrement Hermès, l’homme de ménage, qui n’imaginait pas « oh mon Dieu mon grand-père, que l’on puisse quitter cette superbe demeure, remplie de toiles d’araignées ».

On décida, donc, de commencer à faire les cartons, on appela l’entreprise « Ondémanagetoutmêmlagrandmèr » pour que cela soit fait dans la plus grande efficacité. On retrouva une multitude de choses égarées que l’on croyait avoir perdues depuis des siècles. Apollon retrouva même dans le grenier Tante Hestia qui, contrairement à sa sœur, avait subi le ravage des années. Cela prouva bien que si une seule loi existait, c’était bien celle du plus fort. On dut lui faire comprendre que l’on déménageait, la personne qui le lui expliqua – en l’occurrence Arès – fut d’une grande patience. En effet, la vieille, aigrie et sourde, ne comprit rien ou fit semblant de ne rien comprendre. Mais quand Zeus, à la patience légendaire, se mit en colère, elle déclara :

- Oh, finalement, les araignées doivent être sympathiques là-bas aussi.

*** Les déménagements, cela coûte toujours très cher ; en tout cas pour les dieux qui ont des tonnes et des tonnes d’offrandes entassées dans nombre de pièces.

Alors, Héra, fine gestionnaire, mit en place différents plans d’actions pour trouver l’argent, là où il se trouvait. Elle décida donc de vendre tout d’abord des T-shirts « Ad vitam aeternam » – marque déposée – qui remportèrent un franc-succès aux portes des maisons des dieux égyptiens, celtiques, incas et mayas car cette marque représentait l’espoir qu’un jour, ce Dieu, usurpateur de pouvoir, connu sous plusieurs noms, serait renversé et qu’enfin les anciennes religions reviendraient en puissance. Puis, elle fit, elle et les enfants de son époux, les papiers cadeaux dans le grand magasin « Avec Carrefour, je divinise ». Enfin, elle vendit des calendriers pour l’association « Hospice des Vieux Dieux Non-Vénérés Rabougris » qui rapporta plus d’argent que prévu.

Ces méthodes, elle les avait déjà mises en place lorsqu’il avait fallu qu’ils finançassent leur voyage en Italie. Car, les voyages, mêmes pour les Dieux, n’étaient pas gratuits : eh oui, finie l’époque glorieuse où tout leur était accordé. Ils maudissaient ce jour où, dans une étable, un enfant était né, entouré de sa mère, de son « père », d’un âne et d’un bœuf, et qui dans sa misérable vie avait été l’apôtre, le messager d’un dieu, du Dieu, son père. Eh oui, ce Dieu, si puissant, avait détrôné, en moins de deux cents ans, ce minable de Zeus, qui incapable de voir venir la chose, avait continué de batifoler avec de jeunes bergères. Et donc sans s’en rendre compte, ils s’étaient retrouvés à la porte d’un monde qui leur était dédié.

Mais Héra mit de côté sa rancœur, et se concentra sur ce déménagement.

*** Semaine après semaine, l’emballage avança « festina lente », en dépit des efforts des déménageurs. Ils n’avaient même pas le temps de prendre un objet en main, qu’un Dieu s’écriait : « Oh mon moi-même ! C’est l’objet que j’ai perdu quand je me lavais les dents le samedi 25 septembre de l’an 555 av. l’avènement de notre misère [4] , c’est magnifique, passez-moi ça, je vais vite le ranger dans ma chambre ».

Vous comprenez que dans ce cas-là, l’entreprise ne pouvait rien faire d’efficace. Voyant cela, Zeus les vira sans préavis, il économisa ainsi de l’argent.

Alors, à partir de ce moment-là, tout le monde dut mettre la main à la pâte à carton… Déméter, notre grande déesse de la nature, toujours attristée par le départ de sa fille Perséphone avec le motard Hadès, ne participa pas à la préparation du déménagement et personne ne lui en voulut, sauf peut-être Zeus qui n’arrivait pas à comprendre sa soeur.

***

 

Ménestrel, désireux de se faire historien en mythologie réelle :

Une petite parenthèse. Je pense que pour vous il est tout à fait utile de connaître l’enlèvement de Perséphone, surnommée Goret, euh pardon, Korê. Perséphone était, d’après sa mère, une enfant modèle et bien élevée. Cependant, la réalité était bien tout autre ; ayant enquêté pendant des années, je suis bien le seul au monde à vous raconter cette histoire véridique. Ce que vous allez entendre n’est certainement pas beau à voir, alors je vous supplie de bien faire attention en lisant les mots ci-dessous.

Perséphone, en pleine adolescence, était un peu ce que l’on pourrait appeler une adolescente rebelle. En effet, elle était habillée de noir, ses cheveux teints en rouge donnaient l’impression d’avoir affaire à une furie, le corps troué par des milliers de piercings aurait pu être comparé à du gruyère, ses poumons accros à la cigarette au chanvre n’eussent rien eu à envier à ceux d’un octogénaire ayant fumé du goudron toute sa vie. Perséphone était réellement un modèle dans sa conduite : elle piétinait ses fleurs préférées, les narcisses, elle mettait le feu à de grands champs créant ainsi des famines abominables, elle créa les phytophages les plus virulents connus à nos jours, la rumeur dit que c’est elle qui a inventé le gel.

Un jour, alors qu’elle s’adonnait à son activité préférée, le piétinement de narcisses, un jeune homme, en tout point son égal masculin, apparut au guidon d’une superbe moto ou d’un quad, suivant les différentes sources. Son nom était Hadès l’Empaleur, Dieu des Enfers et maître incontesté de Cerbère, le caniche à trois têtes. Voyant cette ravissante jeune et fraîche fille, il lui dit : « Et touai, tu n’voudrais pouais monter sur mon b’lide ? ». Elle se retourna et d’un regard enflammé, que l’on ne trouve que dans les romans à l’eau de rose au mercure, déclara : « Pluton qu’oui ! Je kif trop ton b’lide ! J’veux qu’tu m’embarques dans ton r’yaume. J’serai ta meuf ! »

Aussi vite dit, aussi vite fait, elle monta, il accéléra vers le monde des Enfers, et elle poussa des cris de bonheur et de joie intenses. Sa mère la rechercha pendant neuf jours et neuf nuits montre en main, avant d’affamer la terre. Ne recevant plus de nourriture de la part des humains, Zeus s’inquiéta et envoya son fidèle homme de ménage aux Enfers afin qu’il ramène cette jeune fille ingénue. Mais un problème se posa alors, Perséphone avait consommé de la fleur de chanvre indien planté dans les allées des Champs-Élysées, pas très loin de l’Arc de Triomphe et de la Tour Eiffel. Alors, il fut décidé que Perséphone devait revenir sur terre, chaque année, le jour de son anniversaire. Sa mère put la voir un jour par an, et lui fit en plus des cadeaux somptueux mais sa fille ne lui en fut jamais reconnaissante. L’agriculture reprit, Zeus mangea à sa faim, Déméter voyait sa fille une fois par an, tout le monde fut content.

Perséphone et Hadès se révélèrent durs et intransigeants dans leur royaume, c’est à partir de ce moment que les enfers prirent la définition qu’on leur connaît aujourd’hui.

Vous voyez bien mes chers lecteurs, qu’entre les légendes véridiques et les légendes améliorées par les peuples, il y a un monde, des enfers… Je suis trop marrant, ah, ah, ah…

*** Ce qu’il faut savoir, c’est qu’il n’existe aucun règlement sur la régulation de l’émigration divine. Les Dieux Non-Vénérés peuvent déménager et aller là où ça leur chante. Le Parnasse, non classé monument historique par l’O.D.C (« Organisation des Dieux du Chaos »), peut être aménagé par n’importe quel Dieu sans qu’il n’en fasse la demande.

Ainsi, Zeus fit-il des économies. Il ne dut pas passer devant un notaire qui lui aurait extorqué des millions et des millions.

Zeus avant d’être Dieu suprême et Dieu du ciel, est avant tout Avare. Il n’a pas de chance le pauvre, les comptes numérotés qu’il possède en Suisse, au Liechtenstein, à Monaco, dans les îles du Pacifique, dans les pays de l’Amérique Centrale, ne peuvent pas fermer tellement ils sont pleins. Mais il ne faut pas perdre de vue que Zeus possède des actions dans toutes les bourses du monde, surtout dans celle de Paris. Mais il n’a pas eu de chance, depuis qu’il a misé en bourse, ses actions ne font que monter. Le pauvre, il en est réduit à faire la quête devant le magasin « Avec Carrefour, je divinise ». Vous n’imaginez pas à quel point cela est dégradant quand vous êtes habillé en costard-cravate.

Héra, elle, passe des journées à se prélasser au Soleil en faisant des mots croisés. Comme quoi le statut des femmes a beaucoup changé depuis des siècles. Alors qu’elle soit au Parnasse ou au mont Olympe, tant qu’il y a du soleil tout lui va. Elle est de ces personnes pour qui la vie est un long fleuve tranquillement optimiste. Il vaut mieux pour elle, car après toutes les infidélités de son mari, il y a de quoi devenir chèvre Amalthée… Elle est devenue au fil des siècles la déesse du mariage et par analogie, celle du divorce. Ne dit-elle pas toujours que « la première cause de divorce est le mariage » ?

***

Ils allèrent un beau dimanche, alors qu’il pleuvait, visiter leur nouvelle maison. Tout le monde fut de sortie, on soutint même la vieille Hestia qui pesait maintenant trois cents kilos car sa pauvre canne était un peu essoufflée. On visita l’immense demeure au marbre froid, chacun aurait sa chambre, cela plut aux enfants et surtout à Zeus, resté grand enfant dans l’âme. Il commençait sérieusement à étouffer avec sa femme qui l’espionnait tout le temps.

Même Hestia fut heureuse de cette maison, elle rencontra Arachné, son ancienne amie araignée qu’elle avait perdue de vue depuis bientôt mille ans et vingt-trois secondes, elle avait même cru, à un certain moment, qu’elle l’avait écrasée. Les retrouvailles furent heureuses, malheureusement, Arachné mourut étouffée entre deux bourrelets de la grosse Hestia…

Tout le monde se réjouit de cette maison.

On partit.

Ils oublièrent Hestia dans la cave, elle avait voulu les rejoindre mais elle trébucha et s’écrasa comme une pomme de terre bouillie. Cette idée la fit saliver de plus belle et elle faillit mourir étouffée par cette inondation. Mais la nature si généreuse, l’avait équipée de bouées tout à fait naturelles.

*** Et la migration fut enfin prête, chaque Dieu fit ses adieux à l’Olympe. De chaudes larmes coulèrent sur leurs joues divines. Athéna fut la déesse la plus secouée, elle qui était pourtant très sage, refusa de partir. Zeus se mit en colère, il ne voulait pas que cette petite garce qui, déjà petite lui cassait la tête, empêche ce déménagement. Il lui dit sur un ton, rien de plus mielleux :

- Bon, petite garce, tu ne vas pas nous les casser longtemps comme cela. Tu viens avec moi et tu te la fermes.

Athéna, la petite guerrière, lança sa lance sur le pied de son père paternel. Car, en effet, sa mère se trouvait dans le ventre de son père. Enfin, plus maintenant, elle avait été digérée depuis bien longtemps. Oh, bien sûr, il n’avait pas fait exprès de l’avaler, étant enceinte, elle lui avait piqué un morceau de viande dans son assiette. Dans son élan pour l’en empêcher, il avait attrapé le morceau avec ses dents en grognant. Métis, toujours prudente, n’avait néanmoins pas lâché le morceau. Il avait dû l’avaler pour avoir ce morceau de viande.

- Je ne partirai pas.

- Oh que si, tu partiras, foi de Zeus, Dieu Suprême.

- Non, je ne partirai pas, foi d’Athéna, Déesse d’Athènes, de la Guerre et de la Sagesse.

- Je te dis que tu partiras. Ordre de ton paternel tout puissant.

- Je ne partirai point, c’est décidé, je reste ici. Ordre de moi-même toute puissante sur ma personne.

- Zeus, ô mon époux, laisse ta fille tranquille, cela se passe souvent dans les familles recomposées. Laissons-là ici, elle nous rejoindra plus tard.

- D’accord, mais je te préviens, tu n’as pas intérêt de nous appeler sur notre téléphone portable dernier cri, en disant, « Papa, tu peux venir me chercher et m’offrir l’hospitalité, s’il te plaît, j’ai vraiment peur sur l’Olympe, toute seule, dans le noir. » Oui, j’ai fait coupé l’électricité.

- Pluton mourir.

- Tu lui diras bonjour.

Et ils partirent vers une nouvelle maison, vers une nouvelle destinée, vers un nouveau règne…

- Je te le dis Héra, cette maison annonce notre grandeur retrouvée…

- Parle toujours, tu m’intéresses.

- Nous retrouverons notre grandeur, nous serons grands, grands…

- Il fait quel temps là-haut, sur ta tête ?

- Nous serons les Dieux du Parnasse.

- Et bien, si j’avais su, je ne l’aurais pas épousé, un fou doublé d’un radin et d’un mégalomane. Ô pauvre moi-même, je me plains dans ma folie amoureuse cocufiée.

***

 

Ménestrel :

Les mariages sont souvent ratés, en voilà un exemple parmi tant d’autres, moi-même, j’avoue que mon mariage bat de l’aile, je n’aurais peut-être pas dû me marier avec ma femme, Hirondelle Chantdoiseau. C’est vrai que lorsque l’on y réfléchit, si je n’avais pas épousé ma femme, je ne serais pas marié, et à moi la belle vie.

Alors vraiment, ce que c’est de faire de la philosophie. Je vous l’avais dit que j’étais agrégé en Theo-morderno-classico-connologie ? Parce que vous comprenez, je m’intéresse à beaucoup de choses, j’écris aussi parfois et…

 

Janus, Dieu au double visage :

Tu vas bientôt te taire, on aimerait bien savoir la fin de cette histoire, avec toi on ne sait pas où donner de la tête.

***

Que Zeus était tranquille dans sa nouvelle et belle maison…

Cependant, il fallait qu’il invite tous leurs amis, c’était la coutume. Il avait décidé, en commun accord avec Héra, de n’inviter que leurs amis gréco-latins, ce qui représentait en tout, en comptant les Dieux, les Demi-Dieux et les Héros, environ dix mille personnes. Heureusement, qu’il n’avait pas invité les Egyptiens, les Mayas, les Celtiques… Il n’y avait pas de petites économies. Maintenant qu’il paierait moins d’impôts, il ne fallait pas qu’il gaspille tout son argent… Il avait décidé que pour la réception, tout le monde serait debout, déjà cela coûterait moins, on n’aurait pas à acheter des chaises.

Ensuite, il avait établi une liste, comble de son ingéniosité, elle était partagée – non pas son ingéniosité mais sa liste – en trois parties : d’une part, la première partie correspondait à ses amis intimes, d’autre part, la seconde correspondait à des amis qu’il voyait rarement et dont il se fichait pas mal, et enfin la troisième correspondait a la descendance de ses amis intimes et de ses amis moins intimes (dixit Pline le jeune, Lettres, II, 6). Pour chaque partie, du vin et de la nourriture étaient prévus, partant d’une bonne qualité (pas trop quand même, cela coûte cher) à une qualité médiocre (et encore, il les avait eus au rabais).

Dionysos et ses amis avaient été mis dans la troisième partie, non pas qu’ils ne soient pas appréciés mais plutôt parce qu’ils consommaient bien trop. Héra s’occupa de la décoration, mais dut se résoudre à utiliser du papier de récupération le moins cher, à force de menaces de la part de Zeus.

Aphrodite était très contente du voisinage : des bergers célibataires. Si elle oubliait sa terrible allergie au foin, tout allait bien.

Hermès trouvait que cette réception était du travail en plus. Surtout quand il sut qu’il ne serait pas payé en heures supplémentaires.

- Pourquoi les syndicats divins n’existent-ils pas ? demanda-t-il d’un ton fataliste.

- Cela coûte trop cher, mon fils, répondit le porte-monnaie ambulant, toujours vide à l’entendre.

Hestia se remit petit à petit de cette chute dans la cave et se lia d’amitié avec les champignons qui s’y trouvaient.

Athéna ne donna aucune nouvelle, elle restait à l’Olympe à s’empiffrer de gâteaux et glaces au chocolat – d’autant plus que sans électricité les glaces allaient fondre.

Apollon restait enfermé dans sa chambre, puni car il s’était mis à chanter divinement faux. Il boudait tout seul sur son lit.

Artémis passait ses journées à manifester pour le compte de Greenpeace, elle avait même fondé la « fondation contre la chasse ». La source de Castalie était l’endroit où elle passait son temps libre à s’occuper de Pégase, le légendaire cheval ailé, qui s’était blessé lors d’une course. Il s’était pris le mur car il ne s’était pas aperçu qu’il avait des ailes. Elle ne le soignait qu’avec de l’eau car Zeus était aussi passé par là…

Déméter était tout excitée car elle allait revoir sa fille qui était invitée à la « Garden Inside Party ».

Tout le monde était heureux dans le meilleur des Palais.

***

 

Ménestrel, enjoué :

J’adore ces fêtes-là, quand tout le monde est invité et que l’on fait la fête. Ouh, j’en frémis d’avance !!!…

 

Melpomène, la Muse :

Ne t’inquiète pas, tu n’es pas invité.

 

Ménestrel :

***

Les invités arrivaient petit à petit, lentement, le jardin converti en parking (faute d’argent disponible, s’il est besoin de la préciser…) commençait à se remplir.

Poséidon arriva le premier avec sa marmaille, Hermès faillit faire une crise de nerfs et hurla :

- Les paillassons, ce n’est pas fait pour les poulpes, vermines, vous me salissez tout et en plus l’eau salée – mon moi-même, l’eau salée ! – ça abîme les carrelages !!! Ce n’est pas vrai, et qui c’est qui nettoie ? c’est Hermèsbibi ! Ensuite ce fut au tour de Perséphone et de son époux Hadès. Déméter, voyant sa fille, se jeta sur elle, pleine de joie.

- Lâche-moi un peu, mémé, tu m’fatigues déjà.

Elle ne la lâcha pas pour autant.

Puis des personnes moins connues arrivèrent et quasiment tout le monde fut là.

Hermès n’en pouvait plus, il devait assurer le service en respectant la liste établie par Zeus, enlever les manteaux des invités, surveiller les petits de Poséidon qui dégoulinaient d’un liquide suspect, etc.

Il ne survivrait pas à cette soirée, il en était persuadé.

Les derniers invités qui arrivèrent furent ceux que l’on surnommait les « vieux ». En arrivant tout essoufflés, ils déclarèrent de leur voix courte, sifflante et en essayant de ne pas perdre le dentier et la face par la même occasion :

- Nous sommes désolés, mais nous sommes partis lorsque nous avons appris que Zeus comptait venir ici, nous avons fait le plus vite possible, mais Erèbe avait perdu sa fausse jambe, sa perruque et son œil de verre…

On les parqua dans un coin où ils ne bougèrent plus de toute la soirée. Zeus alla faire des compliments à certains de ses amis et de sa famille :

- Oh mais dites donc, vous ne vous êtes pas empâtés depuis la dernière fois, vous deux ? Et toi Fortune, tu as perdu le sourire ? Tu ne me souris plus ces temps-ci ! Tiens Invidia, toujours aussi moche ! Pour la déesse de l’envie, tu me dégoûtes, regarde-moi, je suis beau, grand, pauvre mais je ne suis pas le seul, dans ses temps de baisse du pouvoir l’achat…

Pendant que Zeus complimentait éternellement ses hôtes, Héra alla parler avec quelques Déesses qui entouraient un petit objet :

- Alors, mes chères, que faites-vous ?

- Nous examinons un objet qui attire toute notre attention ! s’écria Bellone.

- Ah, bon, mais pourquoi le regardez-vous, ainsi ?

- Figure-toi ma belle, que l’objet que nous avons là est extrêmement spécial ! Nous n’arrivons pas à en déterminer le nom, et nous ne savons à quoi cela peut servir. Peut-être pourras-tu nous éclairer sur cet objet singulier ?

- Si vous poussiez vos masses pondérales et mammouthales, je pourrais peut-être voir cet objet si passionnant… Allez, allez, comme je dis souvent « boules qui roulent n’amassent pas mousse », allez, allez, on se pousse, mesdames… On fait travailler la cellulite, allez, mesdames, on pousse son gros cul, allez, allez, mesdames, on se pousse, on se pousse…

- Je pense que c’est un objet électrique, sinon ce fil ne servirait à rien.

- Exactement. Mes chères, vous avez affaire à un objet le plus singulier et le plus complexe que l’humanité ait créé. Cela s’appelle un robot ménager.

- Un robot ménager ? Quel drôle de nom ? A quoi sert-il, à ménager un robot ?

Une série de rires perçants et aigus fusèrent.

- Non, mes chères dindonneaux, ça sert à vous aider à faire la cuisine. Voici en plus notre dernier modèle le « Zeus 3000 ». Le « Zeus 3000 » est le nouveau né de la famille « Zeus ». Il remplace le « Zeus 2000 » et intègre, bien sûr, de nouvelles fonctions, comme l’épilation automatique, le grattoir automatique pour le dos, l’ébouillanteur de tomates farcies, le cure-nez intégré qui est très pratique lorsque vos deux mains sont prises.

- Oh nos nous-mêmes, s’écrièrent les trois Parques, cet objet nous semble bien pratique, quand nous nous occupons des humains, nous n’avons pas le temps forcément de passer des heures entières à cuisiner. Ce magnifique objet peut-il faire le repas automatiquement ?

- Bien sûr que oui, et vous verrez qu’après l’avoir acheté, votre teint sera déjà plus joli. Car Mesdames et demoiselles, rien que pour vous, ce soir, et c’est exceptionnel, nous vous offrons en plus, moyennant 300 dollars payés trois fois sans frais, la fonction ravalement de façades, euh, la fonction maquillage du visage, et vous en avez bien besoin. Venez, nous allons dans la cuisine pour faire quelques essais. Hermès, viens avec nous, nous allons avoir besoin de tes services.

- Eh, bien sûr ! Hermèsbibi est de nouveau demandé, je vais péter les plombs ! Eh toi là-bas, l’ptit morveux, oui toi, tu vas lâcher cette assiette calmement, et retourner vers tes parents sans mouvement brusque, sinon je te fais péter la cervelle !!!

Dans un petit coin de l’immense salle, les vieux, ou bien ceux que l’on appelait les « Dieux des Origines », discutaillaient sur ces nouvelles générations de Dieux tous plus incapables les uns que les autres.

- Regarde-moi ce couple, s’écria la Nuit, je ne veux pas être médisante, mais quand même, lorsque vous les regardez, ils donnent l’impression d’être des personnes complètement dégénérées et dénuées de sens, on diraient des humains !

- Oh, c’est bien vrai, bafouilla papy le Destin, à notre époque, tout était en règle, on ne couchait pas avec n’importe qui, on avait un rôle. Mais cette nouvelle génération se complait dans une parfaite flemmardise digne de leur cerveau ramolli. Nous avons fait la splendeur de ce monde et eux, ils l’ont laissée s’échapper. Ah je vous le dis, je vais créer un nouveau parti politique : « Le Front révolutionnaire pour le rétablissement de la splendeur passée par les Anciens Dieux ».

Tout le monde discuta de ce parti qu’ils allaient créer. Le ton de la discussion monta un peu plus fort que d’habitude, c’était révolutionnaire, si bien que l’oiseau qui se trouvait à la fenêtre s’apercevant de cette agitation s’envola et alla prévenir ses amis qu’une guerre allait bientôt éclater. Les autres Dieux, pris dans leur discussion, ne remarquèrent rien.

***

 

Ménestrel :

Ah ! Tout le monde est occupé, je vais enfin pouvoir parler, librement. Vous avez vu mes chers lecteurs que les personnes âgées sont vraiment dangereuses, je me demande bien ce qu’elles ont derrière l’oreille, enfin façon de parler, car elles n’en ont plus. Mes chers lecteurs, quel suspense ! Je peux vous dire d’ores et déjà qu’il va y avoir du sport, qu’il va y avoir, qu’il va y avoir du sport, la, la, la, la…

 

Le célèbre oiseau espion :

Cuicui, cui, cuicuicui, cuicui, cuii, cui !!!

 

Ménestrel :

Comme si un oiseau allait me faire taire, ah, ah !!! Aïe, aïe, arrête, pas mes beaux cheveux, non pas mes habits, ah, arrête, j’arrête…

***

- Vous voyez cette montre, expliqua Zeus, et bien, elle est tout à fait rare, c’est notre dernière petite nouvelle, la « Héra 6000 ». La « Héra 6000 » pour vous messieurs, cela représente un avantage fiscal de 6.3%, ce n’est pas cher ! Alors, cette montre si spéciale vous donne, absolument toutes les heures, tous les fuseaux horaires, tous les parallèles, mais bien sûr, la date d’anniversaire de votre femme. Vous savez, tout comme moi, que lorsque vous oubliez l’anniversaire de votre épouse, une course poursuite s’engage dans la maisonnée. C’est un peu dommage, car vous perdez énormément d’argent. En effet, j’ai calculé qu’entre les bris de vaisselle, le vase de la belle-mère, les frais de chirurgien après qu’elle vous a attrapé, la reconstruction de la maison – et ce lorsqu’elle est relativement de bonne humeur – cela s’élève à un montant de 5 000 000 000 de dollars, une somme énorme, alors pour la modique somme de 500 000 dollars payée six fois sans frais, vous réalisez des économies énormes, mais en plus avec ces économies, vous pouvez lui offrir un somptueux cadeau. Le petit plus de cette montre est qu’elle fait l’inventaire de toutes les excuses possibles que vous pourrez lui refiler lorsque vous serez avec votre ou vos maîtresses. Et avec cela, aucune erreur possible de redire une même excuse. Alors vous voyez bien que pour vous, avec cette montre vous partirez la tête tranquille… Allez ! Soyons fous ce soir ! Je vous fais un petit cadeau, je vous la mets à 5 000 000 de dollars payés sept fois sans frais. Vous n’imaginez pas ce que votre concessionnaire de montre peut faire pour vous ! Allez, amenez l’argent, et repartez tout de suite avec votre montre « Héra 6000 ». Une affaire que je vous dis.

- Et Zeus, tu ne veux pas m’acheter un petit pin’s à 1 dollar ?

- Non, mais ça va pas, mais tu as vu l’arnaque, tu n’as pas honte de me proposer cela ? En plus, je n’ai pas d’argent.

- Mais c’est pour la bonne cause, c’est pour les chérubins orphelins…

- Raison de plus, tu vas voir, je vais leur couper les ailes à ces fichus chérubins…

***

Les vieux se rapprochaient inexorablement de leur but : le buffet au centre de la pièce, contrôlés par une envie de pouvoir telle qu’ils marchaient presque vite.

Papy Destin était toujours armé, il possédait même quelques bombes bien artisanales dans sa couche-culotte, il avait pris cette décision depuis quelques temps, car l’ambiance mondiale ne présageait rien de bon. Il pouvait s’il le voulait faire exploser ces bombes, qu’il avait préalablement placées sur les corps de ses amis. Cela ne leur ferait rien, ils étaient immortels, mais quand même cela ferait un choc dans l’opinion divine. Ces bombes étaient, en fait, des fusées de feu d’artifice. En plus de leur décision terroriste, ils feraient le bonheur de tous les petits grecs de la région. Chose, en général, anormale pour un attentat.

Le moment était grave, des perles de sueur coulaient sur leur peau extrêmement ridée ; de temps en temps, un Dieu trébuchait mais il était vite rattrapé par les autres. Les chaussons sur le carrelage, ça glisse un peu. Ils montèrent lentement à l’aide des chaises sur la grande table.

Enfin, tout le monde les regarda, l’inquiétude put se lire sur leurs visages.

Le temps changea de rythme.

Les Déesses sortirent de la cuisine avec chacune un robot ménager dans les bras. Les Dieux se retournèrent, tous avec une montre à leur poignet. Les enfants s’arrêtèrent de jouer, Hermès les surveillant de loin. Le Destin déclara d’une voix qu’il essaya de faire forte :

- Nous avons décidé de reprendre le pouvoir, redonnez-nous le pouvoir, ou on fait tout sauter avec les bombes que l’on a sur le corps.

Tous les Dieux se mirent à rire. Toutefois, ayant vu que les vieux étaient déterminés, ils se regardèrent tous d’un œil inquiet.

- Allez papy, on t’aime bien, alors pose-moi ce détonateur.

- Non, vous refusez, alors préparez-vous au spectacle. Le temps se figea, on vit Zeus s’élancer et sauter pour prendre en main ce fichu détonateur. Le pouce jauni par le temps de Papy, amorça sa lente descente et …

- Noooooooooooooooooooooooooooooooooooon, cria Zeus à mesure qu’il descendait et allait s’écraser contre le sol.

Au moment où Zeus s’écrasa sur la table comme un œuf tombé du réfrigérateur, le pouce du Destin leur joua un mauvais tour et appuya fatalement sur le bouton du détonateur.

A ce moment là, la maison fut détruite, les Vieux s’étaient envolés dans le ciel, tous les autres Dieux les regardèrent exploser en s’écriant :

- Oh, oh, la belle bleue, oh la belle jaune, oh la belle rouge !!! Les enfants pleurèrent de joie, Zeus pleura tout court.

Petit à petit, les invités s’en allèrent par la porte d’entrée inexistante, ravis du spectacle et de leurs achats, promettant de revenir l’année suivante.

*** Sur les hauteurs de l’Olympe, juste devant la porte d’entrée :

- Allez Athéna Nike, tu as gagné, tu es la Déesse de la Victoire, mais s’il te plaît, laisse-nous rentrer.

- Non, pas question, cela te coûtera cher pour rentrer.

- Ah, non, hors de question ! Je suis ruiné, il ne me reste plus rien, mes habits sont dans un état lamentable. Laisse-nous rentrer, nous sommes tous là et nous t’aimons tous.

- Nan.

***

Sur les hauteurs du Parnasse, dans la cave :

- Il y a quelqu’un ? demanda la grosse Hestia. Ouh, ouh, la fête est finie ? Mais répondez-moi s’il vous plaît.

Elle put entendre les gouttes d’eau qui s’échappaient d’un vieux tuyau et le silence de la nuit éternelle qui habitait cette cave humide.

- Je crois que la fête n’est pas finie, qu’en penses-tu Georges ? demanda-t-elle à son champignon favori. Oh, sûrement rien, tu as raison, tu n’es qu’un champignon.

***

 

Ménestrel :

Eh, voilà, notre conte philosophique est terminé. La morale de notre histoire peut se résumer en quelques mots : l’avarice est un vilain défaut. C’est en voulant économiser de l’argent, que l’on en perd. Je terminerai, avant de vous dire à demain pour une nouvelle saga des Dieux de l’Olympe, par des vers de mon maître La Fontaine qui commenta ce conte en disant simplement :

« Jadis l’Olympe et le Parnasse Etaient frères et bons amis. » [5]

Août-Septembre 2002


[1] Barbarisme de l’animateur. La faute est assez étrange, comme toutes les fautes d’ailleurs. Celle-ci nous permet d’approfondir notre compréhension du personnage qu’est le Ménestrel Tyrelongue, figure emblématique de la littérature classique. Nous avons qualifié cette infraction linguistique de barbarisme bien que cela puisse être considéré de nos jours comme un néologisme. En effet, on trouve maintenant cette expression (« plateau lectural ») dans le très célèbre et non moins important dictionnaire de l’Académie Française : le Petit Rabelais illustré ou comment parler cette chose qu’est la langue française ©

[2] Epithète homérique. Nous voyons que l’auteur de ce conte philosophique, par l’emploi d’épithètes homériques, s’est inspiré du célèbre écrivain latin de sit-coms Virgile. Cela nous permet d’émettre l’hypothèse hypothètiquement logique que l’auteur a vécu (et écrit le présent récit par la même occasion) bien avant Homère, le célèbre auteur de roman à l’eau de rose béni d’Aphrodite. Cela paraît logique au premier abord mais est, en réalité, plus compliqué qu’on ne voudrait le croire. Pour plus d’informations, se reporter à mon célèbre livre Homère plagiat de Virgile plagiat de Victor Hugo ou, De l’histoire du cinéma romantique antique.

[3] Notez la finesse divine du parlé de la déesse Héra. S’inscrivant dans la lignée des poètes masculins latins, comme Sapho, l’auteur nous livre l’une des rimes les plus belles de la littérature antique. La suite du poème prosidal est un quiproquo, hérité de la tradition carnavalesque de chez Racine. Pour plus d’informations, se reporter à mon très beau livre illustré La représentation scènique carnavalesque à la Racine dans les peintures du surréaliste Jérome Bosh.

[4] Notez la précision historique que nous livre l’auteur. Celui-ci s’inscrit dans la lignée des dramaturges grecs, comme Sénèque et Epicure, qui créèrent, ce qu’on appellera plus tard, l’histoire littéraire de l’odontologie. Pour encore plus d’informations se reporter à mon dernier livre Moi et les petits chameaux ou De l’importance des classiques d’après Umberto Eco, chirurgien en histoire de l’art.

[5] Certainement un auteur dont les écrits ne nous sont pas parvenus. Il faut croire, d’après le peu de sources que nous avons, que ce La Fontaine est un poète de l’époque baroque républicaine latine. Pour toujours plus d’informations sur ce sujet, se reporter à ma célèbre œuvre en six volumes Biographies des auteurs disparus et oubliés, de Laclos à Ronsard, en passant par Boileau et Voltaire. Pour approfondir sur le sujet de la transmission des manuscrits antiques, le lecteur trouvera tout ce qu’il désire dans mon livre Le Baroque, le thé et la mouche, ou De l’art de rien dire pour tout dire.

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