file Retour Arrière: Couronne d'Ecailles

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il y a 17 ans 1 mois #12418 par gilfuin
Retour Arrière: Couronne d'Ecailles a été créé par gilfuin
L'idée était allé trop vite dans ma tete et je me retrouve déjà devant des obstacles que mon perfectionnisme allié à mes imperfections rendent impossible à franchir.

Des personnages pratiquement pas décris, une histoire racontée par la négation et non par l'affirmation (disons qu'une alchimie des deux auraient été préférable), des transitions inexistantes, et surtout...un prologue qui en dit trop à mon sens et ne permet pas d'entrer dans l'histoire.

Meme si certains ont apprécié ce prologue, il fallait que je le change pour toutes les raisons que vous avez déjà donné et d'autres encore plus graves que j'ai pu constaté en attaquant les chapitres suivants.

La découpe du texte devenait impossible. Il fallait donc reprendre à la racine.



Mon choix:
Mon texte était divisée en 1 prologue + 1 chapitre en 3 parties distinctes.

Le prologue doit à mon sens servir à rentrer dans l'univers, et le 1er chapitre à rentrer dans l'histoire. En un sens, la première version y réussit sur certains points, mais y échoue sur bcp trop d'autres.

J'ai donc décidé de supprimer intégralement mon prologue d'origine et de le remplacer par la dernière partie du chapitre 1. Evidemment cette fois, j'y ai intégré des éléments de transition meme si le prologue reste assez détaché par rapport à la suite.
L'avantage étant que je ne m'éparpillerai pas à plusieurs endroit à la fois.

Le prologue fait venir le lecteur dans l'univers.
Le chapitre 1 ne servira donc uniquement qu'à faire venir le lecteur à l'histoire. Je vais rajouter tout ce qui manquait à mes yeux pour rendre les personnages plus réels. Le travail ne sera pas énorme, car c'est une chose que j'ai effectué lorsque j'écrivais les chapitres 2 et 3...et c'était justement des obstacles au rythme de l'histoire.
Alors que si je replace tous ces éléments descriptifs dans le Chapitre 1 -qui est justement là pour ca-, déjà je n'ai plus de souci de transition, ensuite la progression du texte sera plus évidente et pour le lecteur et pour moi.


Fiou...voilà le prologue, déjà:
J'ai mis en couleur les principaux changements.

[size=200:3fuepsbg]PROLOGUE[/size]


De la destruction naît toujours la vie.

« Mais de quelle force découle alors le pouvoir ?
Voilà une question que tout être conscient se pose un jour. De toute évidence, il s’agit d’une lutte éternelle qui pousse les individus à évoluer sans cesse. Certains en jouissent sans même savoir comment ils l’ont obtenu, d’autres se contentent d’un petit espace de liberté, tandis que les derniers abandonnent tout espoir d’un jour caresser les joies d’une telle puissance.

Nous, nous nous battrons de toutes nos forces pour l’obtenir. Et si il n’existe pas d’autorité légitime pour le détenir…alors nous la créerons.
» Cet extrait découle d’un discours tenu par Alya Elmar, illustre émissaire de la cité de Dors, lors d’un débat au grand Conseil Londien.

Le temps était passé depuis, mais chacun avec ses qualités et ses défauts, continuaient d’affronter cette dure réalité politique. Et aucun Jölyans n’y faisaient exception. Un célèbre proverbe cordéan, un des peuples les plus anciens de Jölya, disait qu’« une prison n’a pas besoin de barreau pour retenir un ignorant ». Et il y avait là dedans beaucoup de vérité, dont certaines insoupçonnées. Cette pensée résumait d’ailleurs bien des choses.

Mais si il y avait bien un endroit dans ce monde où ces questions se posaient sans faire écho, il s’agissait du Malond. Cette petite région à l’Est du Pays de Comb était le symbole d’une population lasse des guerres et des révolutions. Un seul mot d’ordre : « oublier ». Que ce soit Jölya, ou bien tout ce qu’ils avaient su ou vécu. Les malondiens célébraient chaque instant qui voyait la paix perdurer, telle une coutume qu’ils s’imposaient mais qui n’était pas si ancienne. Ainsi, le soir était pour eux devenu synonyme de fête. Autant par besoin que par superstition. Ils en profitaient pour honorer leur culte, assister à des spectacles, ou encore chanter gaiement dans une auberge.
De longues journées de labeur dans les mines et les champs précédaient aux interminables nuits de beuveries et d’amusement, et ainsi de suite…

Dans certaines villes, les habitants s’organisaient pour gérer l’approvisionnement en vivre et en matériel. Dans d’autres, cela consistait simplement à reprendre les estrades et les costumes de la veille, pour s’en resservir le lendemain. Toutes idées permettant d’enflammer les ruelles et animer les chaumières étaient les bienvenues. Les Malondiens ne semblaient jamais fatigués, comme si ils avaient peur que cela ne s’arrête ou qu’il n’ait pas pu suffisamment s’amuser. Cette coutume, véritablement ancrée dans les mentalités était mal perçue par une grande partie du Pays de Comb, considérant cette boulimie festive comme une barbarie. Seule Paredan, capitale d’Urlond, se joignait à la tradition, en y ajoutant une certaine prestance et des moyens colossaux, le moindre événement prenant une envergure incroyable d’autant plus que des visiteurs de tout Jölya venaient se mêler aux festivités. Située au nord de la région, près de la frontière avec Aledor la Royale, elle se trouvait à un carrefour du monde, qui faisait d’elle un point stratégique pour les amateurs de soirées mouvementées.

Ce soir là pourtant, les ombres étaient figées. La ville dormait, hermétique au moindre son, laissant la tranquillité s’installer dans les logis, et le repos quérir les pardiens. Dans le quartier populaire, le silence régnait dans l’anonymat des passants se camouflant dans les ténèbres pour ne pas être vus.
Une auberge restait encore allumée et à l’intérieur, quelques clients écoutaient la voix d’un artiste, tout en finissant leurs pintes. Les rares discussions se faisaient à voix basse, peut être pour mieux apprécier les talents du jeune issulien.
« …et que Jölya m’emporte

Si je dois courir et mourir
Sur cette terre bornée et sans but
A Issul ou meme à Kalyr
Je préfère encore ma lutte

Ma voix est mon glaive
Ma lyre clame ma foi
Si Jölya signe la trêve
Alors je chanterai sa joie

Comme les dragons
Je volerai… »

Une guerre interminable s’était déroulée entre les régions d’Urlond et d’Issul. Cette dernière réclamait son indépendance et sa séparation du Pays de Comb, alors que l’autre avait conclu une alliance avec le Malond, à l’est, et le Sorolond, au sud, pour l’asservir. Les issuliens luttèrent sans jamais céder contre l’ensemble des londiens qui avaient pris ce conflit comme une trahison. Deux milles ans de batailles et de guérillas avaient marqué ces peuples dans leurs âmes et leurs chairs, et malgré tous les efforts pour oublier, ce traumatisme était dans les esprits de tous.
Il était donc rare qu’un petit chanteur de campagne vienne prôner ses idées libertaires, plutôt assimilée à la guerre, à laquelle les habitants ne voulaient plus s’identifier, tellement elle les avait mené à la déchéance. Le temps était à l’union, plutôt qu’à la révolution.

Un des clients, chuchota à son voisin :
« Pas mal la lyre de ce Galant…il vient d’où, tu dis ? »
« Un petit village au nord de Ferul » fit l’autre.
« On m’a dit qu’il était connu en Issul » rajouta une cliente.
« Oué, ben moi j’pense que c’est un peu osé de venir dire ce genre de truc dans les parages » intervint un homme, « on est pas aussi sectaire que ceux de Sorolond, mais quand même ! Y’a des limites ! Tant qu’il y est il a qu’à chanter qu’il…. »
Au même moment, Galant entreprit un couplet qui attira l’attention de son auditoire.

« …et j’aimerai pouvoir voler
Et quitter la belle Comb
Franchir les cols acérés
Découvrir le monde

Si ailleurs il n’y a rien
Je le préfèrerai à Jölya
… »

A ces paroles, un des clients sortit de la salle. La soirée se prolongea ensuite dans le calme et la douceur de la voix de Galant, qui malgré ses espoirs de liberté, accompagnait son assemblée vers un sommeil certain.

L’explosion résonna dans tout Paredan. De l’auberge, il ne restait rien, ses murs de pierre s’étaient effondrés, et une épaisse fumée, invisible dans cette nuit voilée de nuage, s’échappait des décombres. Dans le noir, il était impossible de discerner le moindre élément, ni le bois, ni le ciment, ni le sang. Après quelques minutes, l’enchevêtrement de poutres et d’étoffes fit naître un début d’incendie qui dévoila toute la réalité de la scène. Un comptoir en miette, des tables éventrées, et des corps étalés... Rien ne vivait à part les flammes, et les seuls sons qu’on entendait, étaient ceux de la rumeur grandissante de la ville qui se réveillait brusquement pour constater le drame.

« …arrêtez d’être faussement choqués ! Il ne s’agit pas de détruire nos origines ou les vôtres, mais justement de les affirmer. Avons nous seulement été un seul jour ‘londien’ hormis dans les registres ? je dis non ! Vous parlez d’une lutte de pouvoir alors que vous savez très bien que la différence entre la détention du pouvoir et sa légitimité est énorme. Les deux sont intimement liés, si bien que l’un ne peut avoir de valeur sans l’autre. Et si c’est un accord tacite qui unit les peuples, alors celui qui nous lie ici était fondé sur des erreurs ou est la cause manifeste de nos divergences, alors la question du pouvoir ne se pose même plus.
Et que les choses soient claires, si on reste sur le problème identitaire, souvenez vous d’une chose : nous sommes tous Jölyans, peut être, mais pas tous Londiens. Et Jölya est largement assez étendue pour nous accueillir tous.
» Alya Elmar fut assassinée une heure seulement après cette plaidoirie. Le lendemain, tout le Nors réclama son indépendance au Pays de Comb.

C'était il y a déjà deux milles ans et ces mots résonnèrent encore plus fort que n'importe quelle explosion.


De la destruction naît toujours la vie.



************************************************************

Et là j'enchaine sur le Chapitre 1. Je me souviens que Feurnard m'avait suggeré des changements et je pense que ce que j'ai fait là est un mélange d'un peu toutes ses idées, avec bien évidemment une tentative d'inovation de ma part, en intégrant des "citations" dites historiques pour faire l'ouverture et la transition/conclusion du prologue.

Evidemment, comme toujours, j'ai besoin de vos critiques sur ces changements. Dans ma tete ca sonne toujours mieux que ca ne brille à vos yeux.






PS: et pour le prologue supprimé, je compte m'en resservir plutard en fait...bref, je le mets sous conservateur à -400 C° et on verra bien ce qu'on verra bien. :cool:

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il y a 17 ans 4 semaines #12480 par gilfuin
Réponse de gilfuin sur le sujet Re: Retour Arrière: Couronne d'Ecailles
[size=200:3ffzhfyi]CHAPITRE 1 – Apparences et Réalité[/size]



« Aïe ! » fit Odyss.
Le jeune garçon venait de se planter une écharde dans le pouce en s’agrippant à l’écorce solide du vieux chêne. La sempiternelle réflexion d’Arlan résonna alors dans sa tête : « Trop pressé… » disait-il toujours en secouant la tête de dépit, comme si l’évidence voulait qu’on s’y prenne autrement. En mettant de coté le fait que le maître-chasseur trouvait complètement idiot de s’obstiner à monter sur des arbres, il fallait reconnaître qu’Olèn ne facilitait pas la tache. A une époque, cela s’avérait même impossible. Une époque où Olèn surplombait le monde de sa magnificence…
…ce temps était révolu.
La Morèn portait encore les cicatrices de chantiers colossaux lancés durant les siècles précédents. Sa terre avait été déchirée, comme une peau par un crochet acéré. Cette région fut longtemps sinistrée par des campagnes de déforestation, toujours suivies d’inondations dont l’ampleur n’égalait certes pas «La Grande inondation » mais lui faisait une concurrence vive historiquement parlant. Surtout devant l’étendu des dégâts.
Et si les outils avaient été tenus par des hommes, eux même sous la tutelle d’Alédor ou d’un anecdotique dirigeant morènois, tout le monde s’accordait pourtant à dire que le seul fautif de tous les maux en Morèn n’étaient pas humain. En effet, si elle avait été l’objet de tous ces projets catastrophiques, particulièrement la foret d’Olèn, c’était en raison de la présence d’une espèce de dragon devenue trop envahissante. Le dragon de Bronze, tel qu’il était désigné à cause de sa couleur verdâtre, infestaient ces bois et les rendaient hostile à toute forme de vie, y compris de la sienne. Alors que partout ailleurs en Jölya les dragons étaient vénérés, le Bronze avait été déclaré « corrompu ». Il arrivait parfois qu’un de ces géants sombre et s’en prenne à l’homme, mais il s’agissait toujours de spécimen particulier dans des circonstances particulières. Mais pour la première fois de l’histoire une espèce entière se retrouvait sur les listes rouges d’Alédor, capitale du monde. Cela signifiait que tous les moyens étaient permis pour l’exterminer. L’armée alédorienne fut chargée de ce lourd fardeau dans les premiers temps. Inadaptée à la traque en forêt, son échec ne surprit personne.
Même les plus conservateurs du culte d’Aladar soutenaient la chasse de ces monstres, ne les considérant plus comme des dragons en tant que tels, mais juste des bêtes sauvages qu’il fallait éradiquer. Evidemment le dragon de bronze n’en restait pas moins une créature redoutable, qui ne se contenta pas de subir l’oppression. Il fut même un temps où les rois se succédaient sans qu’aucun de ces démons ne périssent de la main d’un homme et où leurs victimes s’empilaient par milliers.
Durant toute cette période, Olèn perdit de sa splendeur d’antan. L’homme lutta, mais il ne fit que détruire cet espace boisé. Alors qu’à une époque elle recouvrait entièrement la région et était la fierté de ses habitants, la forêt morènoise avait reculé tout au Nord jusque derrière le Cédan, le cours d’eau responsable de la plupart des crues.
Seules quelques vielles histoires continuaient de faire vivre ce passé. Olèn était une forêt gigantesque, luxuriante et surtout célèbre pour l’arbre qui lui donnait son nom : le grand Lèn. Sa particularité était d’être simplement grandiose, sa taille pouvant atteindre les soixante mètres, donnant aux hommes l’impression qu’il tutoyait les cieux. Ces seigneurs ne souffraient d’aucune comparaison. Il était même dit que les rêves des hommes ne pourraient jamais dépasser les plus hautes cimes des Lèns.
Tout ce paysage avait bien changé…
Les Lèns avaient perdu de leur prestance et les plus grandes espèces ne se trouvait plus qu’au fin fond du cœur d’Olèn. A l’extérieur, ils restaient tout de même en moyenne plus élevés que la plupart des autres arbres, mais avec un peu d’équipement, n’importe qui pouvait atteindre leur cime. Encore une preuve du dépérissement de la forêt.

Odyss ambitionnait d’y parvenir un jour. Malgré sa petite taille, il persistait à vouloir grimper comme si cela lui permettrait un jour de repousser certaines limites. Il évitait pourtant les Lèns qui pour le moment opposait trop de difficulté. Peut être qu’un jour…
Sa chevelure désinvolte, et noire comme du taromb, cachait un visage angélique à la peau mât qui faisait ressortir le bleu si clair de ses pupilles. L’adolescent, suffisamment solide pour pouvoir se percher pendant des heures, occupait la majorité de son temps à adapter les techniques de reconnaissance en forêt que lui avait apprit Arlan, toujours dans l’espoir d’aller plus vite et de voir plus loin. Le vieux Kerno lui avait enseigné ces bases pour faire de lui, un jour, un membre apparent de son groupe de chasse, seulement il aurait été furieux d’apprendre que le jeune garçon ambitionnait déjà de faire évoluer le pistage et de devenir un éclaireur de renom. Non que l’esprit d’initiative rebute Arlan, il considérait juste qu’être pressé ne servait qu’à perdre le savoir et non à maîtriser celui à peine acquis.

Le maître et l’élève étaient arrivés à l’Enclos très tôt dans la matinée. Le jeune pisteur avait très peu eu l’occasion d’y venir depuis que sa formation avait commencé, environ deux ans auparavant. Bolk Elmar, ministre d’Aladar au service du Roi, y résidait en tant que membre de l’équipe de Kerno. Sa mission était d’étudier Olèn et ses dragons de bronze. Ce lieu fermé avait de curieux qu’il se trouvait en plein milieu d’Olèn, à l’endroit même ou le Cédan venait mourir. Elmar, considéré avant tout comme un savant, y avait installé son laboratoire en sous sol d’une cabane rudimentaire alors que la zone était encerclée par les territoires bronzos. Déjà vingt cinq ans qu’il vivait à la merci des griffes d’Olèn. Il était d’ailleurs le seul à avoir suivi Arlan depuis le début de la mission. Les autres avaient abandonnés, ou étaient tout simplement morts.
La raison de cette longévité provenait d’une épaisse haie de rèns, des arbres étrangement trapus et bardés de ronces, qu’Elmar avait fait pousser tout autour de son labo. Cet « enclos » était l’unique moyen connu pour empêcher la progression des bronzos. A l’époque, personne ne l’avait pris au sérieux, mais, avec la participation de Kerno, la découverte prit tout son intérêt et des rèns furent planter tout le long du Cédan afin de retrancher les prédateurs derrière cette ligne fluviale qui traversait pratiquement la forêt de part en part.
Ces dragons étaient des grimpeurs nés, se déplaçant d’arbres en arbres et profitant des hautes cimes d’Olèn pour se faufiler sans jamais être vu. Leur habileté en la matière était hors du commun. Seulement quand ils firent face à ces gros arbustes solides, ils ne comprirent pas tout de suite la terrible réalité qui s’opposait à eux. Une couronne basse, un houppier large mais compact, et des racines profondes en faisaient un obstacle infranchissable. D’autant que l’écorce rugueuse et bruyante ralentissait leur avance, arrachant parfois même les écailles les plus rigides venant s’y coincer, tandis que les longues épines perçaient leur chair et les feuilles épaisses et nombreuses bloquaient toute visibilité. L’arbre n’impressionnait guère, seulement en franchir une haie entière s’avérait un risque qu’un bronzo sain d’esprit préférait contourner plutôt qu’affronter.

Odyss contempla un moment la longue barrière de rèns tout autour. Lui non plus ne montait pas sur ces arbustes. Il avait essayé une fois, refusant d’écouter les avertissements d’Arlan, et il en était sorti recouvert de plaies, les mains ensanglantées. Même se frayer un chemin à travers une colonie d’entre eux était peu évident.
Loin derrière l’Enclos, le jeune garçon pouvait voir les grands Lèns, formant une masse dominante. Les bronzos affectionnaient tout particulièrement ces arbres géants d’Olèn, en partie pour leur taille mais surtout pour leur bois noyé de sève qui atténuait considérablement l’écho du craquement des branches, ce qui leur permettait de se déplacer avec aisance et sans attirer l’attention. A tel point qu’on disait d’eux « qu’on ne les entendait ni les voyait venir ». Et ces terreurs se cachaient juste là, à la vue du jeune garian qui n’arrivait pas à concevoir qu’un simple muret d’arbustes constitue la seule chose qui le séparait de ce monde. Ces dragons étaient parvenus à dompter Olèn, à en faire leur antre, leur domaine. Le lieu en étant devenu hostile à l’homme.
Et ces rèns n’avaient vraiment rien de sécurisant. La haie, d’une densité étouffante, alliée au bruit irritant qui vibrait dans ses tympans, provoquait en lui une certaine claustrophobie. Continue et aiguë, le son semblait sortir de terre et se répandait dans tout l’Enclos, comme une prison sensitive dont il était impossible de sortir. De quoi rendre fou n’importe quel être normalement constitué. Non sans difficulté, le petit pisteur était parvenu à en faire abstraction.

L’heure n’était pas encore tardive et le chêne, sur lequel se trouvait Odyss, était le seul arbre à l’intérieur de l’Enclos, vestige d’une époque où le cœur d’Olèn s’étendait sur des milliers de kilomètre. Il profitait ainsi d’une vue dégagée et agréable, tandis que les rayons du soleil venaient caresser sa peau, lui apportant une douce chaleur. Cet instant paisible lui rappela sa Garia natale et ses températures chaudes, en même temps qu’il lui faisait oublier l’air frais environnant. Il posa alors son dos contre le tronc, plia sa jambe pour caler son pied sur une branche et rester en équilibre…puis naturellement ferma les yeux :
« Si seulement ce son pouvait s’arrêter… » lâcha t-il finalement, en se parlant à lui même.

Au fond de lui, il ne put s’empêcher de penser que sa formation lui sauverait la vie un jour. Il fallait être fou pour entrer en Olèn sans la connaître vraiment…



************************



Posant leurs pieds prudemment sur le sol couvert de feuilles humides, deux êtres avançaient, dans un passage dégagé au milieu des grands Lèns.

Juste des silhouettes inconscientes…des ombres noyées dans la masse.


Le plus petit tenait une hache suffisamment grande pour terrasser un ours, mais dont le tranchant brillant et lisse trahissait la virginité. Son armure de plate étincelait, et même si son poids ralentissait la démarche peu assurée de son porteur, elle lui donnait la confiance de faire face à la charge d’un sanglier katorien. Son compagnon, beaucoup plus grand, était, quand à lui, protégé intégralement de carasc. Sa main droite gardait un arc de très bonne facture, dont les symboles gravés à même le corps reluisaient comme si l’arme avait été ciré et lustré avec un soin tout particulier, tandis qu’à sa gauche pendait un fourreau de cuir vernis, d’un noir si profond qu’il contrastait avec les anneaux d’or attachés à la poignée de l’épée, dans l’obscurité grandissante de la forêt. Chacun avec un sac énorme dans le dos, et une torche à la main, ils continuaient leur route, fixant les ténèbres dans l’espoir d’y découvrir la fin de leur parcours. Le nain serrait les dents, prêt à mordre un quelconque agresseur, alors que l’elfe restait à l’affût du moindre son, bénissant Aladar * d’avoir des grandes oreilles. Chaque arbre était une étape, qu’ils franchissaient en sachant avec dépit qu’un autre les attendait derrière. Ils n’étaient plus si sûr de l’endroit où ils devaient aller, mais ils y allaient quand même…

Autour d’eux, des bruits se faisaient parfois entendre. Un buisson frétillant, un courant d’air enragé, un arbre bavard étirant son écorce au point de la faire craquer. Le nain voyait partout des ombres roder, et tournait la tête frénétiquement dès qu’une d’entre elle semblait disparaître derrière un amas de feuilles. Leurs pas devenaient moins sûrs au fur et à mesure qu’ils s’enfonçaient dans les bois. Une idée fixe les retenait pourtant de faire demi-tour, et les forcer à poursuivre leur route en oubliant toutes les illusions de danger qui ne cessaient de les agresser depuis que la nuit était tombée. L’elfe, tout en marchant, prenait un petit livre, une sorte de journal, qu’il lisait succinctement, manquant à plusieurs reprises de trébucher sur une racine haute, ou un petit rocher, tellement absorber par la lecture, chuchotant des mots qu’il répétait sans cesse. Cela lui permettait d’oublier quelques secondes ce sentiment malsain qui l’envahissait de plus en plus : celui d’être épié. Il en était sûr, ses yeux ne pouvaient l’avoir trahi lorsqu’il avait aperçu ces deux pupilles reptiliennes dans le plafond noir de branches. Le regard avait reflété la convoitise d’un repas fraîchement préparé. Ils étaient devenu le gibier de cette chasse interminable, et cette pensée crispait les membres du jeune elfe, qui tentait vainement de cacher son angoisse à son partenaire de mission.

Un tunnel de branches se présenta alors devant eux. Ils s’arrêtèrent un instant, hésitant pour la première fois à changer de sentier. Derrière eux, il n’y avait rien, la forêt s’étant mué en un mur de néant insondable, et devant la masse gigantesque qui s’étendait derrière cette entrée étrange, ils supposèrent qu’il s’agissait là de l’aboutissement de tous leurs efforts. Sans rien dire, ils s’élancèrent. L’elfe dû courber l’échine pendant plus de cent mètres, jusqu’à parvenir à une sorte de salle où le plafond était plus haut. Les branches formaient un véritable mur empêchant même le son et l’air d’y pénétrer. Leur visage en sueur et fatigué après tous ces jours de marche, commençait à marquer des signes de découragement. Plus aucun mots ni aucun sourires n’étaient sortis de leur bouche depuis plusieurs heures, et parfois leur regard sombrait vers le sol, fonçant alors droit devant, acceptant une fatalité contre laquelle il ne s’était pas attendu de lutter en se lançant dans cette quête. Pourtant, ils n’abandonnaient pas. L’elfe réajustait de temps en temps ses pièces d’armures, ainsi que les lanières de son sac, comme pour marquer un nouveau départ, reprenant ainsi son regard fier et sûr de lui. Le nain changeait de main pour tenir son arme puissante, et poussait un petit cri de rage, posant alors devant lui des pas investi d’une détermination sans pareille. Mais au bout de quelques minutes, la résignation regagnait sa place. A la fois écrasés par leurs amures, et épuisés de traîner au sol leurs armes magnifiques, le nain et l’elfe erraient dans le tunnel plus qu’ils ne le conquéraient pour atteindre leur destination finale. Leur seul espoir résidait dans les torches, lueurs en constant déclin, qu’ils tenaient, tremblant, mais portaient en avant comme des boucliers de lumière devant l’assaut incessant des ombres.

Le temps ne s’écoulait plus, et l’air qu’il respirait se raréfiait lentement. Les branches se ressemblaient toutes, et le nain frappait nerveusement avec sa hache contre ce mur, espérant laisser une trace de son passage. Plus ils progressaient dans le tunnel, plus la sensation de non retour s’accroissait. Un souffle rauque se faisait très nettement entendre depuis peu, mais paraissait tellement lointain, que les deux comparses crurent qu’ils ne l’atteindraient jamais. L’elfe se retournait souvent pour vérifier qu’ils n’étaient pas suivis, jurant chaque fois que quelqu’un se trouvait juste derrière lui. La raison échappant doucement à son esprit, il était obligé de se fier à ce son sourd, seul point de repaire, qui le guidait certainement à sa propre perte. Pourtant rien ne se passa… ils sentaient d’ailleurs que l’objet de leur chasse aller leur tomber dessus sans prévenir, et par instinct, ils avaient relevé leurs armes afin de se tenir prêt à contrer une éventuelle embuscade.

Comme si le destin avait attendu qu’ils se réveillent, un rugissement atroce détonna à travers le couloir.



****************


« J’ai préparé un tambour à main. » fit Bolk à voix basse.
Le vieil homme, assez grand malgré son dos et ses épaules avachies, tendit une petite boite en bois rectangulaire, pourvue d’une manivelle, qu’Arlan s’empressa de récupérer, tout gardant son regard pendu à la fenêtre, pour que son geste passe inaperçu.
Malgré les apparences, Elmar et Kerno se connaissait depuis une trentaine d’années. Ensemble, ils avaient créé le rèn à partir de quelques pousses de caran, un arbre répandu dans tout Jölya, mais ils avaient surtout mis en place toute l’organisation de la mission puis élaboré des techniques de chasse et surtout entamé la formation des nouvelles recrues ilandraises. Tous deux avaient donc l’habitude de se parler franchement sans détour, pourtant la présence de Chardoa, un conseiller d’Alédor chargé de contrôler la mission du ministre en Olèn, semblait les gêner. Celui ci s’était installé dans l’Enclos seulement quelques mois auparavant et son attitude hautaine ainsi que son silence permanent ne donnait aucune envie de mieux le connaître ou de lui faire confiance. Odyss avait d’ailleurs préféré sortir prendre l’air pour éviter l’atmosphère lourde de la cabane.
Le jeune alédorien, dans sa tenue propre et ses cheveux bien coiffés, lisait une note qu’il venait d’écrire. Il touchait à peine le rebord de son petit bureau, comme pour éviter de se salir. Se cachant derrière le reflet de ses lunettes, il était impossible de lire à travers lui et seul sa froideur transparaissait. Telle une statue épiant les moindres faits et gestes.
« Merci Bolk. Je filerai ça au p’tit. Par contre j’ai besoin de keldum et d’autres babioles…Artor ne sera peut être pas seul, je préfère prévoir de l’équipement supplémentaire. » répondit doucement Kerno, considérablement gêné par la surveillance du conseiller alédorien.
A l’inverse de son ami, Bolk Elmar était habitué à ce genre de situation. Evidemment il n’appréciait pas qu’un petit ‘jeunot’ soit chargé de le surveiller dans son antre après autant d’années de travail, mais cela ne l’intimidait pas. Elmar n’était peut être pas l’archétype du ministre d’Aladar répandant la bonne parole à qui voulait bien l’entendre en accord avec tous les préceptes de la religion, seulement il n’en avait pas moins participé à de multiples projets avec les plus hauts fonctionnaires du Roi et de Jölya. A la grande différence de Kerno.
Un autre élément les différenciait grandement : le ministre n’avait jamais chassé de sa vie. Toutes ces années, Elmar les avait passé dans l’Enclos à chercher de nouveaux moyens de combattre les dragons. Il y était parfois parvenu, mais sa connaissance du terrain reposait uniquement sur les rapports que lui faisait Kerno. D’ailleurs, certainement par méconnaissance mais peut être aussi par arrogance, il avait tendance à banaliser les risques de la chasse.
« Bah, ce ne sera pas la première fois que tu en chasseras plusieurs en même temps » lança nonchalamment le vieux ministre.
Ce genre de réflexion avait le don d’exaspérer Arlan, d’autant plus de la part de Bolk, mais il n’en montra rien. Le vieux chasseur n’oubliait pas le sang qu’il avait fallu faire couler pour parvenir à tuer ne serait ce qu’un seul de ces monstres. Il avait assisté à trop de massacre pour se permettre de parler avec légèreté.
La discussion qui s’en suivit, ou plutôt le monologue, permit au ministre d’énoncer les résultats de ses dernières études sur les migrations du gibier et les récents problèmes dus à l’expansion du kromak, un champignon souterrain. Elmar pouvait parler ainsi pendant des heures. Kerno l’écoutait sans broncher. Il savait que son ami était un passionné, rêvant de comprendre le monde qui l’entoure.
Au fil des minutes, le ministre s’évadait sur les nouvelles de Morèn, puis de Jölya toute entière. Inévitablement, les dragons de bronze revenaient sur la table, comme si il n’en avait pas suffisamment parlé. Elmar évoqua la pression du Comité pour le recensement des dragons auprès des Archives. Et le contrôle d’Alédor sur les missions de chasse attestait d’ailleurs de cette volonté.
Le vieux savant se leva de sa chaise pour aller fouiller dans un petit meuble au fond de la cabane. Il revint avec un gros livre à l’intérieur duquel il avait placé un petit livret qu’il cherchait visiblement à cacher à Chardoa. Elmar insista pour que Kerno en lise une partie. A contre cœur, le chasseur balada ses yeux aux travers des pages rapidement, pressé d’en finir. Son attention sembla soudain attiré par un passage :
« Des bronzos en Comb ? c’est sérieux ? » chuchota Kerno.
« Pas des bronzos. Du moins pas les même qu’en Olèn. Mais ils seraient bien de la famille du dragon de bronze. Ils ont retrouvé des écailles caractéristiques de nos cornus vers Kirond, tu imagines ? » répondit Bolk, qui, malgré l’age, gardait l’enthousiasme d’un enfant devant un jouet tant désiré.
« En Issul, à la limite, ou même en Kalyr…j’y aurais cru. Ce sont les régions les plus proches…mais Kirond ?! c’est une ville complètement à l’opposé d’Olèn, dans l’extrême sud du Pays de Comb. Ca me paraît impossible.» exposa le vieux chasseur, restant rationnel même devant l’extraordinaire. Devant la mine sincère de son ami ministre, il finit par demander :
« Ils vont envoyer une mission alors ? »
« Peut-être…peut être pas…en fait, voilà ma théorie : ils nous enverraient là bas si l’enquête confirme la corruption de cette espèce. Si ce sont bien des bronzes, le résultat me semble évident. Ca expliquerait pourquoi le chancelier du roi a dépêché cette mission de contrôle ici. Il veut s’assurer que notre boulot en Olèn soit fini. Et si je ne me trompe, c’est presque le cas. Il nous reste à peine quelques petites choses à régler… ».
Les derniers mots de Bolk firent grimacer Arlan qui afficha cette fois un visage agacé. Son vieil ami parlait de la chasse comme de sa science. Juste des petites choses à régler… Heureusement, Odyss réapparut à cet instant dans la cabane. Le jeune garçon aussitôt se plaça près de la cheminée pour réchauffer ses mains. Sa nature frileuse ne l’avait pas lâché depuis qu’il avait quitté le climat chaud de Garia. Et c’était peu dire qu’il avait aussi gardé l’habitude de laisser traîner ses oreilles partout.
Des dragons de bronze auraient donc migré dans d’autres régions. Odyss se remémora les premières leçons qu’il avait reçu lors de son arrivée dans le groupe d’Ilandre : tous les dragons naissaient avec la peur de l’homme. Elle coulerait dans leur veine depuis bien avant l’apparition d’Aladar. Seulement, certains d’entre eux parvenaient à s’en défaire. Ainsi les nommait-on « corrompus » et étaient les seuls que l’administration alédorienne autorisait à chasser. La particularité du dragon de bronze étant que toute l’espèce était corrompue. Et telle une branche de leur évolution que Jölya rejetait, ils bénéficiaient d’un traitement tout particulier. Leur existence, quelque soit l’endroit, s’avérait donc problématique et Odyss en mesurait à peine les conséquences.
Remarquant le regard furtif que son jeune apprenti prenait lorsqu’il se muait en espion, Arlan su contenir les réprimandes qu’il allait faire à Bolk. Il lança alors tranquillement :
« Au fait, comment sais tu tout cela ? et depuis quand ? les alédins transportent rarement des informations si confidentielles…et même si c’était le cas, aucun d’entre eux ne viendrait jusqu’ici pour te l’apporter ».
« Arrêtes tes sarcasmes Kerno. C’est ‘Monsieur le conseiller’ qui m’a donné ces informations…elles datent un peu, mais ce sont les plus récentes qu’on puisse avoir dans le coin… » puis baissant à nouveau le ton, tout en tournant entièrement le dos à Chardoa, Bolk glissa « …par contre le livret, je l’ai emprunté dans ses affaires »
Le sourire sur ses lèvres en disait encore plus long.

Odyss n’apprit pas grand chose de plus ce matin là. Sinon que la vibration qu’il avait perçu autour de l’Enclos provenait du sous sol du laboratoire. Un système de roulement et de poulies se servant du débit du Cédan qui s’écoulait par un tunnel souterrain, provoquait cette note sourde comme si elle sortait d’une flutte brisée. L’intérêt de cette machine, qu’on appelait « tambour », était avant tout inaudible pour l’homme, une sorte d’onde sonore qui avait pour effet de faire fuir les dragons. Un tel mécanisme n’était à la portée que des grandes villes, mais restait surtout la méthode ancestrale pour repousser les corrompus. Seul son rang de ministre avait conféré à Elmar la possibilité d’en disposer d’un. Certes, moins grands que celui de la capitale royale, mais tout à fait dissuasif sur plus de deux cents mètres autour de la cabane. Les dragons de bronze y étaient d’ailleurs très sensibles. Probablement trop, puisque certains d’entre eux pouvaient en perdre la tête. Dans leur folie, ils ne contrôlaient plus leur rage et pénétraient à l’intérieur du périmètre de l’Enclos. Après quelques frayeurs, Elmar s’était donc attelé à trouver un moyen « physique » de bloquer l’entrée aux dragons. Le rèn s’imposa alors comme la meilleure solution. En Olèn du moins…
Etant donné qu’un contrôle de son activité était effectué, Elmar pensait qu’il valait mieux montrer que l’Enclos restait autonome et sécurisé devant la menace bronzo. La présence du conseiller Chardoa l’avait donc simplement incité à monter la puissance du tambour pour prouver l’efficacité de son système. Une nuisance à laquelle l’alédorien s’était étonnamment accoutumé. Sur Kerno non plus, cela ne semblait avoir aucun effet. Certainement l’habitude. Quant à Elmar, Odyss le soupçonnait de surdité partielle.
« On se revoit dans une semaine » lança Bolk.
« Plutôt deux » répondit Arlan.
Comme à leur habitude, les deux amis allaient à l’essentiel. Ils trouvaient inutile de s’étendre sur un sujet alors qu’ils étaient voués à se revoir. Le vieux chasseur et son petit apprenti partir donc sans s’attarder.

Une journée de marche les attendait pour rejoindre la partie plus calme d’Olèn, à l’endroit où Arlan avait installé sa cabane. Pourtant, devant la muraille végétale de l’Enclos, ils s’arrêtèrent un instant, comme pour réfléchir à la solution d’une équation à plusieurs inconnues. Odyss repensa à sa tentative idiote d’atteindre leur sommet. La ligne de rèns semblait sans faille. En fait un passage avait été aménagé pour sortir de l’Enclos sans encombre et, après quelques secondes de contemplations, les deux chasseurs s’y engouffrèrent.
Les arbustes, agglutinés les uns sur les autres, se refermèrent petit à petit sur leurs silhouettes, les faisant disparaître. Tel avalé par un monstre de branche et d’écorce.



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S’arrêtant net, ils sondèrent le tunnel. N’écoutant que son coeur, le nain se mit à courir droit devant lui, pressé d’en finir. Alors que le chahut du frottement de sa plate faisait déjà échos dans la caverne boisée, l’elfe entendit très nettement des pas rapides et légers derrière lui, mais préféra emboîter le pas de son compagnon. Ils couraient maintenant tous les deux, pour faire face au danger quoiqu’il en coûte, poussant des cris de guerre, ressemblant plus à des hurlements de soulagement. Le passage s’était élargi, mais semblait toujours sans fin, et malgré l’énergie déployée, leur course était de plus en plus lente, leurs muscles meurtris par l’équipement qui s’alourdissait à chaque foulée. Ils arrivèrent alors dans une autre salle, et stoppèrent leur élan devant les grands pieux qui se dressaient devant eux. L’elfe s’accouda à une branche épaisse, jetant un œil en arrière, croyant y voir surgir une ombre à chaque seconde qui passait, tandis que le nain posait ses mains sur ses genoux, essayant difficilement de reprendre sa respiration. Epongeant sa barbe sur le peu de tissu qui dépassait de sa cubitière, il creusait ses souvenirs pour chercher le moment où il s’était trompé. Peut être n’aurait il jamais du entamer cette chasse, ni le reste. Une odeur nauséabonde régnait dans ce lieu, et ils constatèrent avec surprise qu’elle provenait des dépouilles de plusieurs cerfs, empalés sur les piques de bois. Fouillant les alentours du regard, ils remarquèrent une nouvelle entrée sous les branches, qui donnait sur une pièce aussi emmurée d’arbres. Armes en avant, ils y pénétrèrent, se déplaçant avec précaution, par peur de réveiller un nouveau danger dans l’imperturbable obscurité du dédale.

A peine entré, le nain percuta une façade, et tomba à terre de stupeur, lâchant sa torche mais gardant sa hache. L’elfe ne comprit pas tout de suite, mais lorsqu’il vit les yeux de la créature, il sut que le moment était enfin venu. La tête incrustée d’écailles, sortant des ténèbres comme par magie, s’éleva vers le plafond et ouvrit une gueule énorme bordée de dents acérées, rugissant sa faim et paralysant les pauvres compères de terreur. Le nain, toujours au sol, s’aida de ses mains et ses talons pour reculer jusqu’aux pieds de l’elfe ébahi, tenant sa torche en avant pour mieux voir la mort arriver. Sortant de sa torpeur il fit à son petit compagnon :
« Vas y, lances lui… »
Celui-ci entreprit alors de retirer un objet accroché à son sac à dos, et une fois sorti de son emballage de soie, le lança devant le monstre, retombant à terre dans un bruit sourd. Il ne s’agissait pourtant en apparence que d’un bout de pain frais, et étonné par la situation, le monstre s’arrêta pour le renifler. Le nain en profita pour se relever et lancer :
« A ton tour Assan ! Fais vite !!! »
L’elfe ouvrit son journal, et psalmodia les paroles incompréhensibles qui y étaient inscrites. Il s’était préparé à cela depuis le départ, mais devant ce regard affamé qui les toisait, sa voix bégayait et n’arrivait pas à retrouver la ferveur qui l’avait poussé à venir jusque là.
« Ex um palay, demen tos ren
Forteros can um palay den loy
Alix um frey, racan solmen
Hornitu rin, samay tos telloy …
»
Un souffle puissant vint alors éteindre la flamme de sa torche, finissant de lui ôter tout espèce de courage. La silhouette énorme, au moins trois fois plus grande que lui, ne laisserait aucune chance à ses proies, la fuite restant donc la seule issue. L’elfe se précipita vers la sortie, ne voyant même pas son camarade nain tenir position devant le démon écailleux. Trouvant la force et la foi de lancer sa hache contre cet ennemi à l’allure féroce, il se jeta en avant, ratant sa cible à plusieurs reprises, comme si celle ci s’amusait avec lui. Soudainement harassé par le petit être, la tête cornue se figea, encaissant un coup violent sur son long cou. Le tranchant de la hache venait de se tanquer littéralement sur l’écaille étrangement solide de la créature, et horrifié devant cette révélation d’impuissance, le nain fit un pas en arrière, puis un autre, trébuchant à nouveau à terre dans une roulade qui l’amena en dehors de la pièce. Arrivant au niveau des pieux, une force le happa contre le mur de branche.
Pensant déjà à la mort effroyable qui l’attendait, il sentit une main humaine, posée sur sa bouche, évitant qu’un hurlement quelconque ne sorte et attire le reptile. A coté de lui se trouvait son compagnon, lui aussi tenu fermement par le même individu. Se laissant faire, le silence s’installa, leur permettant de discerner les mouvements vifs et agiles de la bête dans les ténèbres, slalomant entre les piques et les dépouilles puis sortant de la salle par là où ils étaient entrés, sans même s’arrêter devant eux. Une fois le son de sa course lointain, l’ombre relâcha son étreinte, et coupa le nain avant qu’il n’ouvre la bouche :
« On fera les présentation plus tard, messires, on a un bronzo sur le feu » la voix disparaissant aussitôt dans un chemin étroit qu’ils n’avaient pas remarqué aux premiers abords, malgré la lueur des torches.

Entièrement dans le noir et guidés seulement par l’instinct de survie, ils suivirent l’échos des pas de leur sauveur, sans discuter. Chaque fois qu’ils le perdaient, celui-ci réapparaissait, ne semblant pas gêné par l’obscurité, et se faufilant dans les couloirs comme si cela faisait une éternité qu’il y était enfermé. Inconsciemment, ils avaient pressé leur marche et la charge de leurs brillantes prisons de carasc devenaient véritablement insupportable. Prenant à nouveau le temps de respirer, le nain montra à son ami un rayon lumineux qui venait de traverser les branches. La vue du soleil réchauffa leur cœur et même si l’espoir n’était pas totalement revenu, ils acceptaient mieux l’idée de mourir en plein jour, aux yeux de tous, plutôt que seuls, au fond d’un trou à rat obscur et sale. Celui qui s’avérait être un homme, aux cheveux sombres et vêtu de cuir, s’approcha et leur fit signe de se taire. Ils venaient en effet de revenir à la première salle du tunnel, qu’un trou béant de presque un mètre éclairé timidement, telle une fenêtre donnant sur la forêt, et qu’ils n’avaient pu détecter dans la nuit. Le grand brun les pressa de le suivre à travers le couloir rabaissé, pliant le dos, ainsi que l’elfe, pour avancer. Une fois à l’extérieur, sans leur laisser le temps d’admirer le jour, il désigna aux deux compagnons un tronc où se placer, et sortit une épée de son fourreau dorsale, dont la lame étrange leur fit penser qu’elle était magique. Cet homme sortit de nul part, malgré ses guenilles et sa coiffure emmêlée, non seulement maîtrisait les ombres, mais semblait aussi détenir des pouvoirs occultes, comme envoyé par Aladar lui même pour délivrer de leur malheur les deux chasseurs de gloire.

De là, où ils étaient postés, ils pouvaient enfin contempler le tunnel et constater qu’il n’était pas si grand que ce qu’ils avaient pensé. Les poils de la barbe du nain se dressèrent lorsqu’il entendit encore rugir de fureur la créature, qui sortait par l’ouverture étroite de la première salle du tunnel. Sa posture tenait plus du félin que du reptile, pourtant sa parure d’écailles verte claire, quoique tachetée de blanc et les petites cornes saillant sa tête, ne laissait place à aucun doute. Ils avaient fait tout ce chemin pour traquer un dragon et d’apercevoir cette chose majestueuse et dominatrice remplissait d’émotion les deux jeunes aventuriers, le nain lâchant même un sourire béat. Le dragon de bronze passa le cou par la fenêtre naturelle encastrée dans les arbres, afin tenter d’en forcer le passage de son corps trop large pour franchir le cadre de branches.
En contrebas, l’homme à la tunique sombre s’était placé contre la paroi de manière à attaquer la bête par dessous. Il attendait, tenant son épée à l’envers, tel un poignard. Au moment venu, il s’élança…



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De la lumière éclairait Ilandre ce soir là et une fumée noire sortait de la cheminée. Alors même que le nuage de jais atteignait déjà les cimes, trois silhouettes inégales apparurent de l’autre coté de la cabane, approchant lentement.
Den, dans son veston de cuir serré, accompagnait les deux individus disproportionnés. Il affichait un sourire des mauvais jours. Alors qu’il s’apprêtait à ouvrir la porte, il sentit du mouvement près d’un arbre sur sa gauche. Dans la pénombre, il ne put distinguer la chose, mais elle était lourde, ou pas très doué pour l’infiltration, et fonçait vers lui. L’ombre se faufila jusqu’à lui alors qu’à coté ses deux invités scrutaient l’obscurité de peur qu’une terrible créature n’en sorte. Le chasseur ne semblait pourtant pas inquiet, il s’écarta simplement d’un pas et lança :

« …et ‘Bonsoir Den’ ca serait trop demandé ? ».
Ce à quoi Odyss lui répondit : « Bonsoir Den », comme un enfant répétant lascivement à son père ce qu’il lui avait ordonné de dire.
Le jeune pisteur était descendu d’un tronc aussi vite qu’il avait pu, accélérant son allure juste pour le plaisir de devancer Den. L’homme aimait taquiner l’adolescent, et c’était réciproque. Le grand air frais qui venait de se lever n’était pas non plus indifférent à l’urgence d’Odyss. D’ailleurs, une fois à l’intérieur, il fonça vers la chambre à feu pour réchauffer ses mains, griffées par le froid.
Solya était assise à la grande table, et son gilet de cuir simple et ses fines cuissardes laissait supposer que son retour avait été précipité et qu’elle n’avait pas eu le temps de rapporter toutes ses affaires. Arlan, campé derrière son comptoir, lança un rapide clin d’œil à son apprenti, puis se tourna vers les deux invités de la soirée, les regardant avec circonspection, alors que tous commençaient déjà à se présenter.
Le nain s’appelait Bungy Delgerin, et l’Elfe, Assan Fanas, tous deux aînés de grandes familles de nobles du Pays de Comb, comme pouvaient l’attester les écussons de leurs vêtements et les symboles inscrits sur leurs armes lourdes. Les deux étranges personnages expliquèrent alors la raison de leur présence : ils devaient leur vie à Den. Intriguée, Solya entreprit la discussion avec le nain, permettant à son coéquipier mal coiffé, dans sa tenue de chasse tout aussi légère, de s’approcher du vieux Kerno.
Le ton monta rapidement entre Den et Arlan, ce dernier passablement énervé, attirant alors Odyss, toujours friand de ce genre de situation mouvementée. S’éloignant du feu, il s’adossa au comptoir, puis tendit son oreille.
« Mais qu’est que t’as encore fait Den ??? ca fait cinq jours que je t’attends ici ! j’ai eu le temps de faire le tour du monde pendant ton absence !» lança Arlan dans un chuchotement enragé.
« Ecoutes Arl’, j’ai eu un empêchement !! Et puis je pensais pas que ces deux guignols seraient si lourd à traîner pour un trajet aussi court » répliqua Den, à voix basse, s’accoudant au comptoir.
« D’où tu les sors ceux là ?un nain et un elfe…non mais sérieusement ??? Ca fait des années qu’on avait plus vu ce genre d’abrutis dans les parages. Et t’as vu leur accoutrement ?on croirait voir une mauvaise caricature de conte de fées. Si il leur arrive quelque chose, c’est tout Comb qui va nous tomber dessus ! En plus d’être en retard, tu nous ramènes des emmerdes !!» ragea Arlan, jetant des regards aux deux invités, paré de son sourire le plus hypocrite dès qu’ils tournaient la tête vers lui.
Les peuples de ces deux jeunes aventuriers, n’étaient pas majoritairement représentés sur Jölya, où les humains régnaient en nombre. La plupart des elfes et des nains se regroupaient en familles de la haute société, vivant dans les villes, mais préférant rester en retrait de la vie publique, pour passer inaperçues. Après la guerre d’indépendance du Nors, une grande partie d’entre eux immigra en Sorolond. Une rumeur courait que certains se réfugièrent à Cordéa, et aussi extravagant que ce puisse être, cela n’empêchait pas de rendre la présence de ces deux êtres tout à fait curieuse.
« Mais moi aussi j’ai été surpris de les trouver. D’ailleurs j’aurais p’tet dû les laisser pourrir, je ne les supporte plus. Ils ne vivent pas dans le même monde que nous, c’est fou ! Mais t’inquiètes pas, ils nous poseront pas de problèmes » répondit le gaillard, pour calmer le jeu.
« Alors c’est vrai ?tu leur as sauvé les miches ?» demanda le vieux Kerno.
« C’est…une longue histoire. Je suivais la trace d’Artor et je suis tombé sur ces deux types en route. Ils fonçaient têtes baissées dans la Chambre. Alors je les ai suivi - vu le brillant de leurs armures, j’aurais eu du mal à les rater, sans parler du bruit - et c’est là que j’ai compris qu’ils avaient été pris en chasse par un bronzo… ».
« …Camonis ? » coupa Arlan.
« Non, un autre…un jeunot, certainement un exclu. Je me suis rappelé après, mais j’avais remarqué ses traces sur le territoire d’Artor. Il devait être désespéré pour avoir fait tout ce chemin et roder autour de la Chambre. »
« Oui, bon ! Viens en au fait ! ».
« Le bronz’ a tenté de les piéger dans la petite Passe, après les cerfs morts…il aurait fallu que tu vois ca ! Le grand chantait un genre de truc pour maudire le dragon et le petit lui balançait du pain…en fait, ils avaient mis de la poudre dans la mie et ils espéraient qu’elle explose dans la gueule du bestiau, en l’allumant avec leur torche. Y avait de l’idée, mais faut être fous pour tenter un truc pareil la première fois qu’on veut se faire un dragon ! Bref, je suis intervenu… », puis toujours dos à la table, Den conclu fièrement « …le bronze devait être anesthésié. Il ne m’a même pas senti venir… ».
« Hum…et la peau ? »
« Trop lourde. Il aurait fallu tanner sur place et je n’avais pas le matos sur moi. De toutes manières, avec ces deux là, c’était impensable. Ils ne savent rien faire à part prier. Et puis le bronzo était atteint…on aurait dit un champignon. Ca devait faire un bout de temps qu’il errait comme ça ».
« Donc, si je résume : t’as perdu 4 jours, pour choper un dragon à moitié camé et intoxiqué, à peine bon pour l’abattoir, tout ça pour faire le beau devant deux tanches qui comprennent rien à la chasse et risquer ta vie en prime??? » fit Arlan, sur un ton sévère.
« Euh…oui, on peut voir ça comme ça. Mais si j’avais rien fait, ils auraient fini en brochette » avoua finalement Den, grimaçant en regardant le sourire de Bungy expliquant sa technique de lancée du pain à Solya, très attentive.
La chasseuse avait été la première à remarquer ce duo étrange pénétrant Olèn alors qu’elle surveillait la partie sud-ouest de la forêt et était très curieuse de savoir comment ils avaient pu traverser les territoires d’Artor et Camonis, deux males Rouillés, puis survivre à la Chambre sans la moindre égratignure. Elle avait eu quelques heures de retard sur Den et était passée devant la dépouille du petit dragon de bronze, puis s’était pressée de les rattraper. Tellement pressée, qu’elle dépassa le petit groupe sans s’en rendre compte et atteignit Ilandre un jour plus tôt.
Les bronzos n’avaient rien de nobles et dans certaines régions on ne les considérait plus comme de véritables dragons, une sorte de sous race dont il fallait se débarrasser. Ces carnassiers ne laissaient jamais un gibier peu véloce s’échapper sans lui arracher quelques membres, leur orgueil n’ayant d’égal que leur faim et leur lâcheté. Solya le savait et en restait d’autant plus pantoise devant le récit fantasque des deux illuminés. Elle apprit aussi, qu’ils avaient parcouru tout ce chemin pour accomplir un rituel. Ils avaient cru bon de choisir, pour leur quête, le bronzo qui d’après les illustrations des encyclopédies qu’ils avaient lues, était un dragon de petite taille. Seulement, le rituel ne pouvait fonctionner qu’à une seule condition : lors de la mise à mort de la bête, ils devaient réciter, en arcombéen, un chant légué par leur famille de générations en générations leur permettant d’obtenir la grâce d’Aladar et une place dans l’autre monde…
« …l’autre monde ?vous avez bien failli le réussir votre rituel, messires…» répondit la chasseuse, sur un ton moqueur.
« N’avez vous jamais risqué votre vie en chassant une de ces horreurs, Mademoiselle Oléon ? » demanda poliment l’elfe, qui était resté muet jusque là.
« Non. Ou du moins, jamais aussi bêtement. On m’a vite faire comprendre qu’il ne fallait pas prendre ces dragons à la légère et qu’il valait mieux éviter le danger, plutôt que de s’y plonger sans réfléchir et gaspiller sa vie. Je remercie Aladar d’avoir eu un bon professeur en la matière» répondit elle, en direction d’Arlan, que le compliment fit sourire, pour la première fois de la soirée.
Den, un peu délaissé, se sentit alors obligé d’intervenir :
« Oué, ben en tout cas, c’est ni Aladar, ni un autre qui l’a buté ce bronz’. C’est bibi ! »
« Et de fort belle manière ! » fit Bungy, « mais si il avait fallu périr, nous y étions prêt. Qu’Aladar emporte nos âmes ! »
« Mourir pour dieu, je ne sais pas si c’est un sacrifice vraiment utile…D’autres ont vécu avant vous et d’autres encore vivront après. Jölya est si ancienne que vos actions ne sont rien en comparaison de son histoire. Vous faire dévorer par un bronzo n’aurait vraiment servi à rien. Vous devriez peut être penser à la manière de mener votre vie, plutôt qu’à celle de préparer votre mort » s’amusa à répondre la jeune chasseuse.
Le nain se sentit naïf devant le raisonnement de Solya, tandis qu’Assan rougissait d’avoir pensé de la même manière que son camarade. Le silence fut rapidement brisé par Den, qui s’installa sur une des chaises, posant ses pieds sur la table avec nonchalance :
« Ben il est pas né celui qui va me faire mourir en son nom. Dieu, roi, croyance, foi…tout ça, c’est à mettre dans le même sac. Je préfère me fier à mon épée pour sauver ma peau, que de crever pour un type qui n’est même pas là. Et puis, est ce qu’il vaut la peine qu’on meurt pour lui ?d’autant qu’on sait même pas si Dieu existe » lança Den, prenant son air le plus cynique et dédaigneux possible.
Les yeux des deux invités montrèrent soudain de l’indignation à ces paroles trop blasphématoires pour leurs oreilles innocentes. A bout, Assan ne put contenir ses mots :
« Mais…Aladar existe, il est partout ! C’est écrit dans les livres ! Comment pouvez vous remettre en cause une telle vérité ??? J’aurais préféré mourir plutôt que d’entendre cela de votre bouche ! »
« Vivre pour soi même alors que nos vies lui appartiennent est de l’hérésie ! Aladar est descendu sur Jölya pour apporter la paix et nous guider vers l’élévation »continua le nain, tout aussi outré que son ami.
« La paix ?…je crois en Aladar, messires, mais il faut bien reconnaître que l’histoire a quand même été énormément marquée par la guerre. Et puis, cette légende du dragon volant, j’ai toujours pensé qu’il s’agissait d’un symbole, pas d’un fait réel » fit Solya, très sincère.
A coté d’elle, Den grogna quelques mots à l’écoute de son intervention, « Et puis quoi encore ??Pourquoi pas un bronzo herbivore tant qu’on y est ?», mais personne ne releva sa remarque.
« Je vous accorde le symbolisme, Solya, mais pour les conflits c’est justement à cause de discours comme celui de Mr Den qu’ils sont nés! Les rois qui se sont succédés au trône d’Aledor ont tous été partisans de l’harmonie. La foi est le ciment de Jölya et Erodis en est le meilleur exemple. Sa bonté est sans précédent !» affirma Bungy.
« Il est peut être même trop bon…»lâcha Arlan, dans un soupir.
Il lui arrivait rarement d’intervenir dans ce genre de discussion, considérant qu’à son age, il valait mieux utiliser sa salive à transmettre ses connaissances, plutôt que de la perdre sur des sujets qu’il savait sans fin.
« Peut être, mais son règne a permis jusque là l’apaisement des guerres d’indépendance »fit Assan.
« Et Cordéa ?vous la mettez où dans votre chronologie, Sir Fanas ?» ironisa Den.
Déjà offusqué, l’elfe fit semblant de ne rien entendre, et se garda bien de révéler ce qu’il pensait de cette région de Jölya en totale sécession depuis des millénaires. Bungy essaya alors de répondre sur le ton le plus neutre possible :
« Vous serez surpris d’apprendre qu’Erodis a réouvert le dialogue avec ces déments. Il faut y voir la volonté d’Aladar qu’il agisse ainsi et il serait malvenu de lui reprocher que certains êtres soient aveuglés par le pouvoir, plutôt que par la solidarité »
« Tout comme on ne peut reprocher à ces êtres d’avoir des convictions différentes et de vouloir eux aussi les imposer » fit Den, se plaisant à provoquer, sans forcément croire à son propos.
Le vieux Kerno, que l’orgueil mal placé de Den ne faisait plus rire, finit par intervenir fermement :
« Bon !arrêtes de te comporter comme un bronzo ! Erodis est ce qu’il pouvait arriver de mieux à Jölya. Tous les peuples sont dans le même bateau, alors je ne vois aucune raison de nous battre pour le peu que nous avons. Il va bien falloir qu’on s’accepte les uns les autres un jour. C’est bien de vouloir défendre la liberté, mais là c’est indéfendable et tu as poussé le bouchon un peu trop loin», puis retournant à son comptoir, il rajouta « En plus, toi, en quelque sorte, tu travailles au nom du gouverneur Gondrès, tu ne vaux pas mieux qu’un autre… » finit de rétorquer Arlan, tout en nettoyant un verre, gelant sur place le chasseur dans sa tenue de cuir, qui lui parut tout à coup plus serré.
De nature à toujours retomber sur ses pattes, Den tenta de répliquer :
« Je ne travaille pas pour Gondrès, mais pour l’argent qu’il me file. Et si tu insistes, eh bien j’accepte volontiers de dire que c’est la seule conviction qui me motive. Moi au moins je sais pourquoi je me bats. Me demandez pas de croire à vos cœurs purs et aux volontés divines », maugréa t-il sur un ton détaché.
Se tournant vers le coin sombre de la salle, il lança, toujours pleins de ses sarcasmes :
« Et qu’est ce qu’en penses ‘sa Majesté’ Ithak, si elle veut bien daigner participer au débat ? ».
Odyss découvrit alors avec stupeur la silhouette de l’homme au bout du comptoir, buvant un verre noyé d’alcool. Ses cheveux longs avaient poussé dans le laisser-aller le plus total mais donnaient pourtant l’impression d’avoir été peignés. Ses mèches tombaient sur sa tunique sombre et bien ajustée cachant en partie une grande lanière qui partait dans son dos pour soutenir le poids d’un grand fourreau. Tout chez lui semblait naturel, même son silence, imposant le respect simplement par sa présence. Autant Odyss appréciait Den pour ses fantaisies et son franc parlé, autant il admirait Ithak pour son professionnalisme et son calme à tout épreuve. Sa capacité à se fondre dans le décor impressionnait le jeune garçon, qui rêvait un jour de réaliser le même genre de prouesse avec sérénité. Odyss aurait été incapable de dire si l’homme était là depuis le début de la soirée, ou si il était entré pendant la conversation. Pourtant Ithak était bien là, assis tranquillement, ses doigts jouant avec un objet que la pénombre cachait. Après quelques secondes, il leva enfin la tête, puis dit :
« J’en pense que personne ne t’as rien demandé Den… ».



Les deux jeunes nobles partirent le lendemain, dans la matinée. Ayant profité d’un repas copieux et d’une bonne nuit de sommeil, ils se sentaient déjà l’énergie nécessaire pour rejoindre le village le plus proche et y emprunter des chevaux pour faire le chemin de retour jusqu’à leur Comb natale. Normalement un alédin, ces cavaliers d’Aledor parcourant les grandes routes de Jölya nuit et jour, aurait suffit à les guider, mais trop pressé qu’ils étaient, Den se dévoua, pour les accompagner à l’étable de Kodèn. Odyss avait bien vu qu’Arlan le lui avait ordonné la veille, mais le chasseur n’avait pas pu s’empêcher d’enfiler le rôle de chevalier servant lors du départ, peut être aussi pour faire oublier ses mauvaises manières.
Evidemment, pour leur éviter la honte et les sanctions du rituel raté, la troupe du vieux Kerno convint avec eux d’un accord : en échange de leurs belles armes, les chasseurs leur donnaient une vieille peau de bronzo que le tannage et le temps n’avait pas réussi à assouplir complètement. L’idée était venue de Den, prétextant que c’était sa manière de se racheter pour le retard. Assan s’était offusqué devant la proposition, mais son compagnon nain lui rappela le châtiment qui les attendait. Après longue réflexion, l’elfe accepta l’offre, presque dégoûté, mais trop effrayé par les conséquences de cet échec cuisant.

Arlan les regarda s’éloigner, devenant rapidement des points imperceptibles et le laissant contemplatif. Peut être, pensait il, qu’un jour lui aussi devrait quitter Ilandre et ce paradis d’abomination dragonesque. Odyss vint alors le brusquer dans ses pensées.
« Dis ?l’arc et l’épée, je dis rien…mais la grosse hache là… T’es sûr qu’on est gagnant dans cet arrangement ? »
« Hum…Bungy m’a dit que c’était les premières armes qu’ils portaient de leur vie et qu’ils les avaient achetés exprès pour leur voyage. Donc normalement, c’est du tout bon pour nous. Pourquoi ? Y a un problème ?» répondit le vieux chasseur, le regard perdu dans les arbres.
« Regardes : le tranchant de cette hache est fendu très nettement. Le métal a l’air de qualité pourtant, mais il a du s’acharner sur un rocher de taromb pur pour arriver à le casser. Et encore…» continua Odyss, tout en montrant l’arme.
Kerno tourna enfin la tête et constata la fissure, presque désabusé, comme si il s’y était attendu. Au même moment, Solya s’approcha et lui glissa quelques mots, puis lui montra la direction du sous sol. Il la suivit jusqu’à la porte, puis entra avec elle. Le jeune garçon n’osa pas entrer, mais se précipita le plus près possible pour entendre la conversation. Les deux chasseurs parlaient de Den :
« Voilà donc pourquoi il nous a fait sa scène…il comptait récupérer tout ça en douce et se remplir les poches. Tout ça en nous faisant miroiter le gain des armes…»fit Arlan.
« Encore, c’est une chance que je sois passée juste après lui. Mais en voyant l’état du bronzo, j’ai compris qu’il y avait un truc louche. Il n’a même pas essayé de récupérer les cornes ou quelques écailles saines que le champignon n’avait pas affectées. Et comme ses traces étaient facilement identifiables, je suis tombé vite dessus. J’en ai laissé une partie là bas, c’était trop lourd à porter seule» rajouta la chasseuse.
« Hum…il changera jamais. Ca m’étonnerait pas qu’il accepte lui aussi les avances de Doresc. Je me demande d’ailleurs comment il a fait pour rester aussi longtemps ici, alors que le comte lui offre largement plus que Gondrès »
« Ce qui est sûr, c’est que dès qu’il peut traficoter, il n’hésite pas » continua Solya, puis changeant de sujet :
« …Au fait, il faudrait qu’on parle de ce bronzo ».
« Oui, je m’en doute. Den m’a dit qu’il s’occuperait de le déclarer aux Archives en passant à Korèn. Quant à toi, j’aimerais que tu retournes à la Chambre et essayes de voir si l’hypothèse se confirme. Artor et Camonis n’ont pas pu disparaître par hasard. Prends ton temps et profites en d’ailleurs pour récupérer tes affaires. Je commence à faire les préparatifs de mon coté. Quitte à perdre du temps, autant le prendre pour ne pas agir dans la précipitation. » ordonna Arlan avec simplicité.

Solya sortit de la cave aussitôt, et après un passage rapide à l’intérieur d’Ilandre, elle fonça vers le nord, en direction du cœur de la forêt d’Olèn, disparaissant dans les feuillages sans bruissement ni échos. Lorsque le vieux Kerno rejoignit à son tour le comptoir de la cabane, Odyss, jusque là plaqué contre la porte, se faufila dans le sous sol pour découvrir l’objet de la discussion qui venait de se dérouler.
Devant lui, il y avait une étoffe large et attelée à des cordelettes solides, qu’il s’empressa de détacher. Les quelques pièces d’armures brillaient comme si elles sortaient de la forge, leur teinte brunâtre et leur aspect lisse ne laissant aucun doute sur leur fabrication : il s’agissait de carasc brun, un alliage de taromb très solide et coûteux, certainement extrait des mines du Pays de Comb.
Seuls des nobles londiens avaient pu se payer ce genre de matériel…



**************************************************************************


Bon, voilà...enfin retouché. J'espère que vous lirez, dans la mesure où tous les passages "en vert" sont des passages rajoutés.

Le chapitre 1 que je vous avais donné, n'était pas une bonne base pour démarrer l'histoire. Je m'en suis vite rendu compte et j'espère que l'erreur est en partie réparée.



PS: je poste, mais je relis en meme temps pour virer les fautes et organiser la ponctuation encore et encore.

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il y a 17 ans 4 semaines #12481 par Vuld Edone
Réponse de Vuld Edone sur le sujet Re: Retour Arrière: Couronne d'Ecailles

résonna alors dans sa tête : « Trop pressé… » disait-il toujours en secouant la tête de dépit,

Au tout début du passage en vert, répétition de "tête".
Puis "tache" pour "tâche", même paragraphe.

donnant aux hommes l’impression qu’il tutoyait les cieux.

"tutoyait" ? "côtoyait" plutôt, mais "tutoyait" peut être accepté aussi, dans une certaine mesure.

Première conclusion, pour moi du moins, beaucoup trop de descriptions, Lèns, bronzos, laboratoire et autres qui n'ont que très peu d'intérêt et ralentissent plus que considérablement la lecture.
Deuxième conclusion, cette massive description sert à introduire le passage que je n'ai sauté et qui n'a apparemment pas été retouché. Pourquoi pas, peut-être cependant chercher plus de dynamisme dans la description, la rendre plus égocentrée.

Tous deux avaient donc l’habitude de se parler franchement sans détour, pourtant la présence de Chardoa, un conseiller d’Alédor chargé de contrôler la mission du ministre en Olèn, semblait les gêner.

Non, coordonner ne fonctionne pas.

Peut-être parler des Lèns après, ou rèns, peu importe, au moment où on en apprend plus sur les tambours.

Passage sur la prestation de Den revu et cela fait plaisir, maintenant sous-entendu, on retrouve d'ailleurs la menace des dragons et cela d'autant mieux que les premières descriptions les soulignent.

'Pas vraiment le moral pour critiquer plus avant, de toute manière tu pourrais l'écrire en grec et à l'inversé que ce serait toujours bon.

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il y a 16 ans 11 mois #12730 par gilfuin
Réponse de gilfuin sur le sujet Re: Retour Arrière: Couronne d'Ecailles
Krycek, pour changer mon chapitre 1...il me semble avoir lu qu'il faut que je passe par l'admin pour supprimer le chapitre puis le remplacer par un autre article (que j'aurais posté au préalable).


Je vais donc avoir besoin de toi. :lol:

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il y a 16 ans 11 mois #12731 par Krycek
Réponse de Krycek sur le sujet Re: Retour Arrière: Couronne d'Ecailles
Si tu veux... je peux aussi repasser ton premier chapitre en édition.

Juste le chapitre 1 ?

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il y a 16 ans 11 mois #12733 par San
Réponse de San sur le sujet Re: Retour Arrière: Couronne d'Ecailles
Tiens, il me semblait avoir corrigé mes chapitres d'intrusion ou encore de l'ogre en ligne sans les avoir repassés en édition! J'aurais peut-être pas dû :?

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il y a 16 ans 11 mois #12734 par Krycek
Réponse de Krycek sur le sujet Re: Retour Arrière: Couronne d'Ecailles
Non San, ce n'est pas un problème car tu es admin sur tes textes. Reste qu'il ne te faut pas oublier de recalculer la page par la suite.

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il y a 16 ans 11 mois #12737 par San
Réponse de San sur le sujet Re: Retour Arrière: Couronne d'Ecailles
Ah j'ai retrouvé l'explication (en testant).
Oui, donc je suis admin de mes sagas, pas de souci, mais pour modifier mes One shots je devrais passer par toi... (étrange encore comme distinction, y'a pas moyen d"améliorer ça? J'ai pas peur que tu t'ennuies Krycek, c'est pas ça :D )
Et pour gilfuin, n'est-il pas lui aussi admin de ses sagas? (Ou est-ce que je pose de mauvaises questions?)

Quant à "recalculer la page", je ne vois pas bien de quoi tu parles... Après avoir soumis les modifs, c'est bon normalement, non?

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il y a 16 ans 11 mois #12739 par Krycek
Réponse de Krycek sur le sujet Re: Retour Arrière: Couronne d'Ecailles
Non, tu n'as pas besoin de mon autorisation... en fait il faut simplement que tu rajoutes à la rigueur une note en PS pour donner la date de la dernière modif (pour bien faire) et ne pas modifier un texte en cours de MAJ (règle des chroniques).

Ca et un chèque de 2000€ à mon nom... on voit ça par MP. ;)

Il faut néanmoins recalculer la page après chaque modif : SPIP fonctionne par gestion de pages en cache pour éviter la surcharge de requêtes PHP sur le serveur. Ainsi il faut lui demander de régénérer une page dans le cache.

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il y a 16 ans 11 mois #12742 par gilfuin
Réponse de gilfuin sur le sujet Re: Retour Arrière: Couronne d'Ecailles

Ca et un chèque de 2000€ à mon nom... on voit ça par MP.


Oui, mais là ca fait 4 fois que je t'envoie le pognon quand même... :x


Je corrige ce qu'il y a à corriger (les fautes d'orthographe principalement et les remarques de Feurnard qui sont ici même), ensuite je te contacte par MP pour rééditer le Prologue ET le Chapitre 1. 8)

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