file MdT - Les sentiments

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il y a 11 ans 8 mois - il y a 11 ans 8 mois #18538 par Vuld Edone
MdT - Les sentiments a été créé par Vuld Edone
Hi'.

On le fait décidément dans n'importe quel ordre , mais là c'est plus par intérêt personnel.

Un peu comme l'atmosphère, le "sentiment" est une chose qui revient sempiternellement dans un texte, et étonnamment c'est non seulement la partie souvent la plus critique d'un texte - le but étant d'émouvoir le lecteur d'une façon ou d'une autre, expression, tout ça - mais surtout c'est une partie directement accessible même au plus débutant.
On peut dire que ça tombe directement dans la partie "magique" de l'écriture.
Pour ceux qui ne comprennent pas ce que je veux dire par là, il y a plus ou moins deux points de vue sur la littérature : soit c'est scientifique, avec des techniques, des méthodes parfaitement isolables et reproductibles, soit c'est "magique", c'est le talent d'un génie illuminé et romantique cheveux au vent et mince on voit déjà quel est mon parti pris.
Il n'empêche que parfois des phénomènes littéraires sont inexplicables et le sentiment en fait partie.

Alors c'est clairement un sujet que je ne maîtrise pas, et je vais plus me hasarder qu'autre chose.

Comme d'habitude les sentiments - comme la majorité du texte - passe chez le débutant d'abord dans le dialogue. Il n'y a en général strictement rien au niveau de la description, sinon des "x se mit à pleurer" ou "x serra le poing, ça ne se passerait pas comme ça" ou "x l'enlaça". Au niveau du dialogue tout passe donc dans l'expressivité du personnage, avec des répliques de type "comment oses-tu !" ou "c'est merveilleux, je suis si content !" et ainsi de suite.
D'instinct, donc, l'amateur s'attend à ce que le sentiment passe par le personnage, et comme au départ le personnage agit en parlant, merci théâtre et cinéma, il va rendre tout sentiment par ce medium. Les cris, les pleurs, les hurlements, les points de suspension du désespoir parce que oui, en général les sentiments sont négatifs dans une fanfic' mais là n'est pas la question.
D'où ma première hypothèse, le sentiment ne peut exister qu'au travers des personnages. Un paysage, une maison, tout cela peut évoquer quelque chose mais ne pourra pas émouvoir. Le sentiment, l'émotion dépendent de l'identification du lecteur à un personnage.

Par la suite le sentiment semble évoluer en direction de la narration, d'abord au travers du narrateur. Je l'avais déjà noté pour l'atmosphère, et je me fiche de me répéter, le narrateur qui intervient est la première manière pour le débutant d'agrémenter sa narration, de lui donner du caractère. Nous sommes juste avant la focalisation interne.
En fait le glissement s'opère assez vite. Il y a d'abord le narrateur qui explique ce que ressent le personnage : "il était excédé, il avait perdu femme, fille et caniche nain... il avait envie de se cuisiner une pêche melba". Puis ce discours du narrateur va peu à peu être intérioriser pour être celui du personnage. On ne voit toujours pas ce qu'il fait, ou très brièvement, et le gros du sentiment passe par des réflexions intérieurs, monologues, pensées confuses et soliloque...

"Papa. Il était papa. Est-ce que l'enfant lui ressemblerait ? Il aurait son nez, ou celui de sa mère, c'était si merveilleux ! Mais il n'était peut-être pas à la hauteur. Non, il ferait un père parfait, aimant, tout ça..."

C'est ce qu'on rencontre le plus souvent, et presque l'écriture du sentiment par défaut. Questions, affirmations, on a la pensée du personnage comme un livre ouvert, et le lecteur comme l'auteur n'ont pas l'air de s'en porter plus mal.
À partir de là, ça se complique.
La narration va de plus en plus, à mesure qu'on les matraque là-dessus, mettre en avant la description. Gestes du personnage, expressions du visage, regards, et cetera. C'est aussi un peu le stade où j'en suis. On s'entête à remplacer tous ces discours intérieurs, ou en tout cas à les doser, par toute la gestuelle du coeur.
À noter que pour ma part j'essaie aussi le côté romantique, où la nature, le décor, le paysage vont exprimer les sentiments du personnage. En l'occurrence parce que chez moi le décor est un personnage mais là n'est pas la question non plus. On a cette idée du romantique solitaire au coeur déchiré, avec le vent qui souffle dans ses cheveux, ce cliché montre exactement le principe en action : son esprit est aussi échevelé que l'est son crâne.

Le plus intéressant pour moi est que le sentiment, peu importe le procédé, peut être extrêmement puissant chez le débutant de la première minute comme chez le vieux vétéran grognard, et inversement un maître d'oeuvre peut laisser froid comme le verre tout comme un débutant peut au mieux agacer son lectorat.
Pour beaucoup le sentiment semble plus dépendre de l'histoire même, de la situation mise en place additionné à un comportement "humain" des personnages. Plus le comportement sera vraisemblable, plus la situation aura de poids et plus le sentiment sera fort.
La situation ne fait que calibrer le type de sentiment. Si c'est une petite fille qui retrouve ses parents, normalement c'est de la joie (soulagement, réconfort, et cetera). Si c'est une scène de torture, on est censé être plutôt révolté. Théoriquement. Ne cachons pas que les scènes de torture sont généralement invraisemblables et méritent de grands fous rires.
Le sentiment existerait alors en germe, par défaut, et c'est la vraisemblance dans les réactions du personnage, son comportement, qui vont décider alors de l'adhésion du lecteur à ce sentiment.

Je ferai une dernière remarque. Il y a un texte où le personnage se rend au cimetière, sur la tombe de sa soeur, un soir d'hiver. Tout le texte consiste à deviner où se rend le personnage, et pourquoi. La description, le comportement et les indices peu à peu distillés par le narrateur sont là pour le faire deviner progressivement.
Toute cette mise en scène était relativement bien faite, et il y avait de la neige, donc bon. Mais l'accablement de la mort n'était possible que si le personnage avait montré cet accablement. Il suffit alors d'écrire "il était accablé" pour obtenir le sentiment. Toute l'atmosphère mise en place, tous les renforcements et tous les gestes sont eux relativement inutiles, si le personnage n'exprime rien.
Inversement j'ai vu des textes où un personnage était en train de pleurer, et la façon de pleurer était trop théâtrale pour être vraisemblable. Mais l'auteur amateur, comme parfois son jeune lectorat, n'a que peu de repères pour savoir ce qui est crédible ou ne l'est pas, sans parler des goûts de chacun.

Il y a encore pas mal de tests à faire pour cerner un sentiment, notamment au niveau de l'implicite, mais il semble à l'observation que ce soit vraiment cela. Une situation donnée, propre à déclencher un sentiment par elle-même, puis un personnage au comportement suffisamment vraisemblable pour s'identifier à lui, la force du sentiment dépendant du niveau de vraisemblance.
Pour reprendre la torture, si ce n'est pas vraisemblable on passera un bon moment de comédie, si c'est vaguement vraisemblable "mouais, indirectement c'est presque possible" on aura juste une vague arrière-pensée, si c'est vraisemblable on sera choqué (et ensuite à chacun de voir), le sentiment étant au plus fort quand il semble le plus "réel".
Ce qui permet aussi de pas mal questionner un certain préjugé de la "fantasy"...

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il y a 11 ans 8 mois #18539 par Zarathoustra
Réponse de Zarathoustra sur le sujet Re:MdT - Les sentiments
Dans ce que tu dis, je vois une certaine confusion entre sentiments et émotions.
Les sentiments, ce serait ce qui lie des personnages : amour, haine, amitié etc.
L’émotion, c’est ce que doit ressentir un personnage (ou un groupe) et le lecteur. On parle de joie, de tristesse, de colère, d’amertume etc.
Le sentiment, à mon sens, ne peut se sentir que dans la mesure où il y a déjà un vécu avec le personnage. Mais il arrive qu’on sente très vite un vécu entre certains personnages. Et c’est bien l’un des moyens de l’auteur pour donner vie aux sentiments. Un sentiment, ça agit sur un personnage qui est clairement défini, au moins dans la tête de l’auteur.
Ces sentiments, pour moi, construisent vraiment le personnage, lui donne du poids.

L’émotion est dans un autre registre. C’est ce qui donne vie aux personnages.
La difficulté de l’émotion est justement d’arriver à la faire partager avec le lecteur.
Il y a une première façon de faire qui est de la décrire littéralement : « Il était triste et rien n’arrivait à retenir ses larmes, qui sinueusement se faufilaient entre les rides de son visage ».
Ici on nomme, mais on habille déjà l’émotion par une description qui renforce l’émotion. Les larmes donnent un côté plus douloureux.
Pour moi, l’émotion ne devrait pas être décrite maos vécu. Donc on devrait pour moi bannir « il était triste. Cette émotion doit respirer dans autre chose. Et c’est pour moi là le travail véritable de l’écrivain. C’est vraiment réussir à communiquer avec le lecteur, à lui influer précisément ce qui sera vécu.
Pour moi, l’émotion ne se travaille pas en une phrase. C’est quelque chose qui se distille peu à peu et qui nécessite un ancrage dans la tête du lecteur. Ce qui veut dire qu’on n’arrivera pas à faire partager la joie et la tristesse en 2 phrases. Cela se travaille en paragraphe, à mon sens.
Et l’émotion est quelque chose souvent de gratuit dans un récit. Ce n’est pas ce qui fait avancer l’histoire. Pourtant, si elle est réussie, elle marquera parfois plus le lecteur qu’une scène d’action. Et surtout, elle augmentera la proximité du lecteur avec le personnage. Je dirais qu’elle contribue à lui faire partager son fonctionnement (donc elle favorise la projection du lecteur).

Petite remarque : je trouve qu’on se focalise beaucoup plus sur la tristesse ou la mélancolie que sur la joie et les sentiments positifs. La vraie gageure pour moi serait justement d’arriver à véhiculer de tels sentiments sans rentrer de cliché (oubliez le ciel bleu, les oiseaux qui gazouillent et le soleil qui fait briller les fleurs). On voit d’un coup toute la gageure. Je pense qu’on confond tristesse et profondeur, or ce n’est absolument pas vrai. Il est de bon ton (et j’en fais partie) de faire des personnages torturés pour montrer qu’ils sont profonds (regarder les séries US !!! La vie ne serait donc que drame ?).

C'est un début...

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il y a 11 ans 8 mois #18540 par Vuld Edone
Réponse de Vuld Edone sur le sujet Re:MdT - Les sentiments
Je n'ai pas beaucoup de temps pour répondre - et pas grand-chose à dire - mais yup, je fais la confusion entre les deux.
Je m'intéresse quelque part uniquement au ressenti du lecteur, donc, à l'émotion.

En fait, de ce que j'ai vu, ce sont ceux qui essaient de créer de l'émotion, à travers des descriptions élaborées, qui échouent le plus souvent. On a tous les mécanismes, les points d'exclamation, le sentiment hurlé littéralement (type "she doesn't care !") mais on reste de marbre.
Ou en tout cas je reste de marbre.
Inversement, les émotions ont l'air plus accidentelles et c'est vraiment quand on ne les attend pas qu'elles surgissent. C'est même une démonstration que j'essaie de faire avec le chapitre "Les poules" dans Poil de Carotte, dont les deux dernières phrases, dans un texte amateur, passeraient pour un ajout greffé à la dernière seconde, sur un coup de tête, alors qu'il pourrait s'agir du centre de gravité du texte, tout ce qu'il cherchait à exprimer.
C'est un peu indémontrable mais j'essaie.

Techniquement, l'émotion devrait être partout. Le seul texte raté est celui qui laisse indifférent. Les jeunes lecteurs, sans repères, ont le don de s'émouvoir sur tout. Et je veux dire vraiment tout. Pour eux l'énième héros orphelin est vraiment poignant alors que pour nous c'est une étiquette sur pattes.
Non, d'expérience l'émotion peut vraiment surgir en peu de mots, sans avoir à être travaillé. Ça a été ma surprise de réaliser qu'un texte bâclé, sans grand soin ni technique, respirait quelque chose qu'aucun autre texte n'avait su faire en une décennie de lectures - grands auteurs inclus.

Pour moi ce pan de l'écriture demeure vraiment une zone d'ombre, la boîte noire du système.

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il y a 11 ans 8 mois #18541 par Imperator
Réponse de Imperator sur le sujet Re:MdT - Les sentiments

Donc on devrait pour moi bannir « il était triste. Cette émotion doit respirer dans autre chose.

Étrangement, même si je comprends l'idée, je me sens obligé de nuancer le propos (et tant pis si je suis mort de fatigue et que je dois me lever dans quatre heures de temps...).

J'aime personnellement beaucoup se contenter de: "il était triste."
Je crois qu'il y a une certaine force que l'on oublie derrière ces mots.
Si je dis "Cette homme n'est pas triste.", vous aurez probablement imaginé un homme triste ou qui pleure. Les mots ont cet étrange pouvoir.

Habituellement, lorsque je souhaite décrire une émotion, j'essaie de passer par le ressenti physique. L'estomac qui se noue, une douleur inexplicable dans les membres, la faiblesse qui parcourt le corps, la vue qui se brouille et l'impression de perdre pied avec la réalité. Éventuellement aussi par l'aspect psychologique, avec cette envie de fuir, la rage de l'impuissance, la honte, la haine, la rage qui consume petit à petit tout ce qu'il y a de rationnel.

Mais quelle que soit la description que je pourrais en faire, je sais que j'en reviendrais toujours à ces simples mots:
"Il était triste."
Parce qu'au fond, il n'y a rien d'autre à dire.

***

Maintenant, il faut voir comment ces mots sont employés.
Si je dis:
"Il vit les enfants travailler dans la mine de charbon et cela le rendit triste."
Je pense qu'on a un impact relativement faible.
Si j'adapte légèrement en ajoutant un témoin:
"Ils virent sous leurs yeux les enfants travailler dans la mine de charbon. Elle s'y attendait et n'avait pas le temps de s'émouvoir du spectacle. Il y avait plus urgent à faire.
- Viens! dit-elle à son compagnon de voyage.
Mais comme il ne bougea pas plus qu'il ne répondit, elle se tourna vers lui et fut soudainement marquée par l'expression de son visage.
Il était triste."

On peut obtenir un impact légèrement plus grand.

En fait, l'astuce que j'ai employée ici est de d'abord reconnaître les sentiments du lecteur. Des enfants dans une mine de charbon? Pas la première qu'on entend parler de ça, il en faut plus pour capter notre attention. On ne les connait pas, etc...
Et une fois que le lecteur a pu s'identifier à l'un des personnages (qui partage son point de vue sur la chose), on lui offre un autre point de vue, celui auquel on veut le mener.
Et là, il suffit de trois mots.

Au niveau des émotions, j'ai l'impression (mais peut-être que c'est juste la fatigue qui parle), que la plus grosse erreur est de croire qu'il faut donner une bonne raison au lecteur pour ressentir quelque chose, alors qu'au fond, le lecteur est déjà ouvert à tout ressentir.
Et au-delà, de croire que l'on peut manipuler outre mesure les émotions du lecteur. S'il ne veut pas ressentir quelque chose, il ne le ressentira pas. Un peu comme il arrive que le lecteur s'éprenne d'un personnage secondaire et ignore le personnage principal auquel on croyait tant.
Parce que de son point de vue, le personnage secondaire est plus original et intéressant que le personnage principal qu'on veut le forcer à accepter.

Impe, faut vraiment que j'aille me coucher...

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il y a 11 ans 4 mois - il y a 11 ans 4 mois #18687 par Vuld Edone
Réponse de Vuld Edone sur le sujet Re:MdT - Les sentiments
Je ne sais plus si c'est hier ou avant-hier mais quelqu'un m'a demandé comment provoquer des "sentiments forts". Sur le moment j'avais envie de lui répondre que je n'en savais rien mais j'ai quand même fait ce développement.

La méthode la plus classique pour faire du sentiment est de saturer le texte de signaux. Par exemple :
"Jean est triste."
"Le pauvre Jean était aux bord des larmes."
"Effondré par cet événement tragique, Jean retenait péniblement les larmes brûlantes qui avaient commencé à couler malgré lui."
"Il était effondré, anéanti, et couché sans force dans son lit Jean hoquetait encore, le visage brûlant de larmes qui avaient humecté le coussin, qui s'asséchaient et ne laissaient dans son coeur qu'une douleur vive pour toute vie, une plaie ouverte qui se ravivait à chaque fois que lui revenaient les souvenirs."

C'est au fond une bonne vieille variation du "importance/insistance" là où beaucoup de débutants se contentent de dire "Jean est triste". À bien y regarder, on voit qu'il y a aussi en jeu le "ne dis pas, montre" avec mise en scène de la tristesse allant de plus en plus dans le détail. On détaille sa tristesse, puis on détaille la manière dont il se comporte, puis on détaille toute une scène...
J'ai noté, à côté et pour moi-même, à quel point le registre était important. C'est une remarque que je ne fais pas aux débutants, surtout jeunes, parce qu'ils n'ont simplement aucun repère pour juger du vocabulaire - et moi non plus - et ce n'est donc pas une correction qu'ils peuvent faire.
Mais :
"Le pauvre Jean pleurait à chaudes larmes."
"Jean avait envie de se suicider. Il retenait bravement ses larmes qui coulaient à flot."
Et ainsi de suite. Très souvent le débutant va en faire trop, chercher l'expression la plus forte et du coup créer des situations plus comiques qu'autre chose. Le problème étant que je ne peux pas leur conseiller d'atténuer puisque les publics que j'ai observés favorisent l'exagération.

La seconde méthode que je lui donnai était de passer par les personnages. Plutôt que de dire que la situation est triste ou de le montrer, il suffit de faire réagir un personnage à cette situation, et sa réaction va dire au lecteur comment se sentir.
J'ajoutais que le lecteur suivrait d'autant plus le personnage que ce dernier lui était sympathique - je ne disais pas que par "sympathique" j'entendais, agréable ou détestable, mais pas indifférent.
"Quand Jeannine..."
Attendez je vais prendre un nom un peu plus sérieux, désolé pour les Jeannines.
"Quand Sophie lui demanda ce qui se passait, Jean lui répondit en tremblant : 'J'ai pas réussi à attacher mes lacets !'"
Beaucoup de situations que les auteurs cherchent à rendre dramatiques - parce qu'une fois encore l'émotion la plus plébiscitée est les larmes - ne le sont pas, tout comme beaucoup de situations héroïques d'ailleurs. Ton bulldozer sur pattes n'a aucun mérite de dégommer ces gardes... du reste ce qui est dramatique pour l'un peut laisser l'autre indifférent, et je ne juge pas (trop) le fond.
Donc quitte à, j'ai décidé de rendre dramatique le fait de ne pas avoir réussi à nouer ses lacets.
"Quand Sophie lui demanda ce qui se passait, Jean lui répondit en tremblant : 'J'ai pas réussi à attacher mes lacets !'
Sophie sentit un petit coup au coeur à cette nouvelle. Elle savait combien Jean était sensible, et ce que ça représentait pour lui. Alors elle chercha des mots pour le consoler."
Le fait est toujours le même, on a tous envie de se payer un peu la tête de Jean et de les lui attacher, ses lacets, mais parce que Sophie trouve que c'est grave on va suivre Sophie et au moins "attendre de voir". Notez à quel point sa justification pour se soucier de Jean est générique : il est sensible (tout le monde l'est...) et ça représente quelque chose pour lui (ça pouvant être n'importe quoi). Testez, jean aurait pu dire n'importe quoi, la justification passe partout.

J'avais suivi en prenant une situation où un personnage est sur le point de tomber dans le vide et les autres se précipitent pour le rattraper, et j'avais fait varier les réactions des personnages :
"C'est bien toi de jamais vouloir passer par les escaliers !"
Le personnage n'a visiblement pas l'air de se soucier grandement de la situation qui perd dès lors toute crédibilité.
"Jean ! Tiens bon !"
Le personnage est entièrement investi dans le sauvetage de son compagnon, mais c'est la réaction par défaut, il n'y a donc pas de changement.
"'Tu me rends la vie difficile !' Dit-il en lui agrippant le bras qui glissait."
Ici c'était plus particulier, avec une réplique comique mais teintée de sérieux qui mélange donc deux signaux pour le lecteur, le rendant inconfortable.

C'était la remarque plus générale, et plus difficile à cerner, du "contraste" - ou de la "gradation". Et si je ne développais pas alors, je répète ici :
L'idée est que le lecteur a une émotion "par défaut". Soit provoquée par la situation, soit par son humeur du moment, soit par les signaux envoyés par le texte. Par exemple, Jean qui va tomber dans le vide, théoriquement le lecteur devrait au moins être inquiet.
L'idée est de rendre la situation encore plus dramatique en la contrastant avec des signaux contraires. C'est typiquement l'idée du retournement de situation : Jean va tomber dans le vide, les autres le rattrapent puis se mettent à plaisanter nerveusement, puis plus librement comme Jean est ramené sur le bord. Soudain Jean lâche et tombe.
Parce que le lecteur aura reçu une volée de signaux "tout va bien, détends-toi", le brusque retour au drame est censé amplifier son émotion. Si Jean était tombé directement, ben voilà c'est fait, c'était "prévisible". On va me dire que les retournements aussi et il y aurait une vaste discussion, raison même pour laquelle je n'abordais pas ça.
Il faut aussi noter que le débutant, notamment ceux qui ont conscience que le texte n'est pas forcément bon, va souvent tenter de "faire de l'humour", sur exemple des films ou d'autres textes, pour que le lecteur ne s'ennuie jamais. Cela et, une fois encore, comme il passe rapidement sur les sentiments il a tendance à sauter du coq à l'âne. Du coup lui conseiller de "contraster" est une absurdité, les contrastes sont constants et dès lors neutralisés.

Je crois qu'on a déjà bien ouvert ma boîte à outils de sentiments - et du coup on comprend mieux pourquoi je confonds "sentiments" et "émotions", vu que l'émotion passe beaucoup par les réactions des autres.
Mais je sais qu'il y a plein d'autres "trucs" que les gens utilisent, et il faudrait aussi mentionner l'utilisation de l'environnement...

EDIT: Minute... est-ce que je viens de reformuler différemment le premier message de ce sujet... ?

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