Pourquoi réécrire ses textes?
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il y a 11 ans 3 mois - il y a 11 ans 3 mois #18759
par Zarathoustra
Pourquoi réécrire ses textes? a été créé par Zarathoustra
REECRIRE
Je vais essayer de vous exposer ce qu’est le travail de réécriture. Cela parait évident et pourtant on a assez peu l’occasion de lire un texte qui a été réécrit.
Pour l’heure, je fais un exposé très théorique, si j’ai le temps, j’essaierais de donner des exemples concrets.Tout ceci est un premier jet (donc il n'y a pas eu de réécriture , ni même, je vais petre honnête, de relectuer
D’abord, on va examiner ce que ce n’est pas.
1- TOUT CE QUE REECRIRE N’EST PAS
• REECRIRE CE N'EST PAS REPARTIR A ZERO
Certes, on peut dire qu’on a réécrit un texte en effaçant ce qu’on a fait pour repartir. Mais pour moi ce n’est pas ça, ici, on se retrouve dans le travail d’écriture. Certes, les deux peuvent s’empiéter, on peut effacer un paragraphe pour le réecrire dans un travail de réécriture. Mais pour moi, réécrire, c’est au contraire exploiter la matière qui existe déjà pour lui donner une forme la plus proche de l’idéal qu’on a dans sa tête.
• REECRIRE CE N’EST PAS SE LIRE OU SE RELIRE
Bien sûr qu’il va falloir se lire ou se relire, mais le but n’est plus de corriger ses fautes, chasser les syntaxes bancales ou les répétitions. Pour moi, ce travail fait partie du travail d’écriture. Et franchement, si vous attendez du lecteur qu’il vous dise vos fautes, vous lui dîtes juste : « bon, j’ai eu la flemme de me relire, donc tu peux faire ce travail à ma place ». Non, le lecteur mérite plus d’égard, il va investir du temps à vous lire alors qu’il pourrait faire autre chose. Et surtout, il devrait normalement vous dire des choses beaucoup plus intéressantes sur votre texte. Un lecteur, ce n’est pas un correcteur.
Mais, bon, malgré tous mes efforts, je sais que je laisse énormément de fautes, tantôt par ignorance tantôt par aveuglement. Disons qu’il faut vraiment donner l’impression au lecteur que vous ne vous moquez pas de lui, mais que vous le respectez.
• CE N’EST PAS DONNER UNE PRIME AU TEMPS PASSER POUR FAIRE UN TEXTE
Ce n’est pas parce qu’un texte a été mille fois réécrit qu’il sera meilleur que le premier jet. Ce n’est pas le temps que vous aurez mis qui en fait la valeur. Le premier jet a souvent des propriétés magiques sur les lecteurs qui est de leur livrer un cheminement souvent très spontané et fluide, que tout le travail de réécriture tend à estomper voir saccager.
Il y a vraiment l’idée d’exploiter au mieux ce qui a fait ce texte de départ. Il peut parfois être carcan mais aussi un idéal à retrouver. Parfois, réécrire, c’est retrouver la pureté des sensations initiales une fois qu’on les a perdues.
Quand on écrit, les phrases et les idées s’assemblent au fur et à mesure que les phrases se déroulent. L’écriture est une sorte de synthèse de ce que nous avons confusément en tête et qui va prendre forme de manière soudaine. Parfois le résultat est magique, parfois laborieux, parfois imparfait ou incomplet.
2- QU’EST-CE QUE REECRIRE ALORS ?
Je l’ai déjà dit, il y a vraiment ce travail sur une matière qui existe, mais allons plus loin.
• REECRIRE, C’EST (RE) DECOUVRIR SON TEXTE UNE FOIS QU’IL EST ECRIT
Voilà, vous pensez enfin avoir terminé votre texte, et par acquis de confiance, vous le relisez le lendemain, histoire de détecter les dernières fautes et surtout pour voir s’il correspond vraiment à ce que vous vouliez faire. Et là, soudain, vous découvrez que, non, vous ne pouvez décemment pas donné ça à lire.
Vous découvrez de vous-même qu’il ne fonctionne plus. Réécrire met au défi notre subjectivité. Il faut arriver à juger son propre travail. Il s’agit donc de voir ce qui est bon et le garder de ce qu’il est moins. Donc véritablement, le travail de réécriture nous pousse à devenir juge. C’est donc très enrichissant.
Donc dans la réécriture, i y a plusieurs choses qui se passent. D’abord, il y a un travail d’amélioration des phrases de leur rythme. Donc on insère, on déplace, on coupe, on supprime, on rajoute, jusqu’à obtenir un résultat où plus rien ne semble pouvoir l’améliorer.
REECRIRE C’EST SE PLACER DANS LA SITUATION DU JUGE
En se corrigeant, on cherche à atteindre une sorte de perfection, où tout du moins un seuil au-delà duquel on ne peut plus aller seul. Et c’est bien là ce qui est intéressant, on se met au défi de se surpasser et de jauger ce qu’on a dans le ventre.
C’est aussi une façon de jauger aussi ce qu’a dans le ventre le texte lui-même. Au-delà de ce qu’on est capable d’écrire, on peut chercher à pousser au maximum tout ce que le texte peut nous donner. Il faut être à son écoute et saisir et faire le tri dans tout ce qui va jaillir maintenant qu’on contemple cette forme devant nous que nous avons fini par faire aboutir une première fois
.
Il y a donc un travail de réflexion sur ce que peut devenir notre projet. Certains diront que ce travail doit être mené avant. On doit savoir où on va et ce qu’on veut avant même d’écrire. C’est une vision déterministe de l’écriture qui est fondé sur une sorte de nécessité. Il faut effectivement réfléchir avant d’écrire sur ce qu’il est nécessaire de faire pour obtenir ce qu’on veut. Plus cette vision sera clair moins le travail d’écriture sera soumis à une exploration aveugle.
Pourtant, qu’on le veuille ou non, tout ne peut être planifié dans ce qui va être écrit. Des mots apparaissent qui résonne soudain en nous autrement, des idées se télescopent. Des choses qu’on croyait possibles deviennent impossibles. Et il y a aussi de nouvelles tentations qui apparaissent à faire glisser son projet.
Donc ce qu’on a devant nous est forcément le fruit de hasard heureux ou malheureux. Et réécrire permet d’enrichir sa vision de ce qui doit être fait. Je pense que la confrontation avec ce qui a été fait doit permettre d’élargir, de s’interroger différemment. Nous ne sommes pas pareils entre le moment où on voulait écrire et au moment où on l’a terminé.
C’est donc noter ces différences et se demander si tout ce qui avait été envisagé initialement a la même pertinence ou s’il n’y a pas eu quelques révélations. Et ce travail d’écoute de soi et du texte permet, à mon sens, d’enrichir le résultat final. Attention cependant à ne pas se perdre et d’oublier son texte à force de se distraire.
• REECRIRE C’EST ATTEINDRE UN POINT D’EQUILIBRE
Au moment où on se lance dans un texte, qu’on le veuille ou non, on a toujours une projection dans la tête, et on cherche à l’atteindre. Le résultat final eut nous amener à la changer mais le but est toujours d’améliorer le texte.
J’ai une vision personnelle de la réécriture. Je la vois en deux étapes distinctes. C’est d’abord améliorer, remettre en valeur, souvent approfondir les choses. Tout ça implique souvent un travail sur la longueur du texte qui va soudain enfler. Des choses ou des phrases simples deviennent plus élaborées parce qu‘elles traduisent de manière plus précises ce qu’on avait en tête. Ici, c’est vraiment un travail de réflexion sur le « comment » qui s’enclenche : comment faire mieux, comment atteindre son objectif, comment mettre en valeur etc.
Puis une fois que nous avons clarifier le projet final, que nous savons ce que nous devons y trouver et ce qui ne doit plus s’y trouver, nous pouvons enclencher une seconde étape. Cette étape, je l’appelerais celui du retour à l’épure. Ce qui a été simple et qui est devenu complexe doit redevenir simple. Seulement, ce n’est plus cette simplicité superficielle que peut avoir le premier jet, c’est une simplicité dont le but est de retrouver l’évidence.
La première étape conduit souvent à se perdre en route. A force de travailler chaque phrase, celles-ci finissent par ne plus s’enchaîner de la même manière. L’une d’elle peut être parfaite toute seule, mais elle peut ne plus se marier avec ce qui la précède et ce qui suit. Il y a une sorte de rupture. Il faut par conséquent reprendre de la hauteur et revoir le texte comme un tout.
Ici, alors que nous avons souvent rallongé le texte, il faut savoir couper, retirer, rééquilibrer. Le texte doit retrouver une forme de spontanéité. Il faut, selon moi, arriver à ce que le lecteur ne voit plus tout le travail qui a été fait. Que tout ce qu’il lise lui paraisse cohérent et évident. Cela passe parfois à trancher sur certaines idées. Sauf quand on le fait, il faut avoir conscience qu’elles ont parfois contaminé beaucoup de choses autour d’elles.
Pour être cohérent, il faut chasser tout ce qui ne devient plus nécessaire, tout ce qui a pu être pertinent avant mais qui ne le sera plus si on ôte l’idée.
Il faut aussi garder un œil neuf. Parfois, on ne touche plus certaines phrases ou certains passages parce qu’ils ont pour nous atteint le niveau qu’on souhaitait. Sauf qu’à la toute fin, il faut à nouveau les redécouvrir avec un œil neuf, car les modifications qu’on a pu apporter ailleurs peuvent avoir chamboulé leur sens, l’équilibre de l’ensemble. Donc il faut savoir sans cesse se remettre en cause jusqu’à relire son texte comme si c’était la première fois.
Pour ma part, le travail finit par me satisfaire dès le moment où j’ai l’impression que tout est fluide et logiquement lié. Chaque mot doit être à sa place pour produire une lecture immersive.
Ici, le point d’équilibre à atteindre, c’est que le lecteur se dise que le texte ne pourrait être différent. A aucun moment donné, il ne doit y avoir interférence. C’est là où il faut également changé de rôle.
REECRIRE, C’EST REDEVENIR LECTEUR
Je crois que pour savoir écrire, il faut arriver à concilier le regard de l’écrivain avec celui du lecteur. Plus ils proche ou se fondent l’un dans l’autre, plus il est, à mon sens, facile d’écrire. C’est d’ailleurs pourquoi on a parfois des facilités à écrire certaines scènes là où on est ailleurs laborieux et pitoyable. Pourquoi ? Parce que ce que nous n’arrivons pas à écrire avec les yeux du lecteur. On écrit pour soi, en y mettant ce qu’on veut, alors que le lecteur a besoin d’autre chose pour vivre ce que l’on souhaite. Par exemple, c’est le problème que je rencontre sur les scènes d’actions, je n’arrive pas à les vivre en tant que lecteur qui aime lire de pareils scènes. Donc tout le travail de réécriture va être pour moi de retrouver ses sensations de lecture.
Pas n’importe quel lecteur. Celui à qui est dédié secrètement le texte. Il faut donc avoir une idée aussi à qui est destiné le texte. Si nous n’avons aucune idée précise à ce sujet, il sera d’autant plus difficile d’écrire de manière pertinent. Donc, vraiment, quand je réécris, je pense à quel lecteur en particulier je destine le texte. Et je me demande parfois comment il va être perçu en fonction même du lecteur. Par exemple, est-ce qu’une femme ressentira la même chose qu’un homme pour une scène de viol ? Certainement pas. Pourtant, les deux doivent la lire en se sentant concernés. La réécriture cherchera à trouver le ton juste pour les deux, en même temps. Et non à principalement à l’un, quand on le fait généralement en écrivant au départ.
Bizarrement, je dirais qu’il y a ici la même approche que l’on a quand on lit et cherche à critiquer le texte d’un autre. Et c’est pourquoi je trouve ce travail également très enrichissant. On se met dans la situation de l’écrivain qui lit, sauf que ce n’est pas nous qui avons écrit. Donc on découvre des choix qui ne sont pas les nôtres, tantôt plus pertinents, tantôt maladroits. Mais au-delà même du niveau d’écriture, nous nous mettons exactement dans l’état d’esprit qu’il faut avoir avec ses propres textes.
Il y a aussi dans ce travail une volonté à se mettre à la même hauteur que le lecteur. C’est-à-dire qu’avec les éléments que je lui confie, et aucun autre, il doit être en mesure de vivre et comprendre ce que je veux exprimer. Nous sommes dans une situation totalement différente du lecteur, nous, nous connaissons la suite, nous savons ce qui est important de ce que ne l’est pas. Nous connaissons nos personnages, ce qu’ils sont capables ou pas de faire. Tout ça lui est totalement inconnu. Et lui, avec les tout ce qu’il lit, il se fait ses propres idées. Sauf à le faire de manière délibérée pour obtenir un résultat conscient, il faut au contraire éviter ces interférences, je dirais même minimiser leurs risques. Et que dans le doute, il faudra sans doute s’abstenir.
L’écriture (et la réécriture peut avoir vocation à l’amplifier), c’est faire du lecteur un complice, un ami. On doit lui donner ce qu’il a envie pour qu’il ait envie de continuer à nous lire, mais pour le combler, il faudra respecter le cahier des charges qu’il est en train de se fixer inconsciemment, voire le surprendre en allant au-delà. Et même à lui donner autre chose qu’il n’attendait pas ou qu’il ne voulait pas voir, mais qui le comblera d’une manière inattendue.
La réécriture doit nous permettre de revivre ce qu’il est censé vivre quand il découvrira le texte la première fois. Il y a un double travail d’immersion. Nous devons plonger à nouveau dans notre texte pour le voir avec toujours un œil neuf mais aussi favoriser en permanence l’immersion du lecteur. Dès qu’il sortira du texte, parce qu’il butera sur quelque chose (un phrase, un mot) alors qu’il n’aurait jamais dû, parce qu’il perdra le fil ou parce qu’il s’ennuiera, c’est que, quelque part, nous aurons oublié notre lecteur. On se sera fait plaisir, peut-être, mais nous l’aurons oublié. Bien sûr, un texte ne s’adresse pas forcément à tous les lecteurs de la terre. Mais si celui que nous avons en face de nous est le bon (parce que nous avons écrit ce texte avec lui en tête), alors il doit sentir que ce qu’il lit est là pour le faire vibrer ou l’enrichir. Et comme par magie, il va lire et découvrir précisément ce que nous avions en tête.
Pour moi, réécrire, c’est vraiment chercher à obtenir cette convergence, que le travail d’écriture, dans sa phase de mise en forme exploratoire du premier jet, empêche d’obtenir. Et je suppose qu’être écrivain, c’est être capable de l’atteindre de la manière la plus spontané possible.
REECRIRE C’EST SURTOUT SE METTRE EN POSITION DE PROGRESSER
Je l’ai plus ou moins dit. Mais en ne se contentant pas de notre première version dégrossie, nous nous mettons dans une situation de questionnement que je trouve très instructive. Et plus je réécris, plus je me rends compte qu’on écriture s’est enrichi de ce travail. Les phrases sortent différemment, il y a déjà un rythme, des effets qui ne m’était pas naturels.
Du coup, en réécrivant les textes suivants, je me rends compte que je ne me focalise plus sur les mêmes points ; Il y a eu entre temps des acquis. Une compréhension aussi de mon travail plus grande. Du coup, alors que je pensais être aussi loin que je pouvais dans les précédents textes, je m’aperçois qu’il n’en est rien, il y a encore de nouvelles choses à modifier qui pourraient encore améliorer le texte.
Dernièrement, ce sont les dialogues que je vois totalement différemment. Mais il y a aussi tout un travail inconscient qui s’est opéré sur le rythme même de mes phrases, sur la façon dont elle se déploie et s’organise dans mes premiers jets. Je dirais que je suis meilleur chef d’orchestre sur les mots mêmes.
Donc voilà pourquoi je réécris beaucoup mes textes.
A vous de me dire si vous êtes d'accord.
Je vais essayer de vous exposer ce qu’est le travail de réécriture. Cela parait évident et pourtant on a assez peu l’occasion de lire un texte qui a été réécrit.
Pour l’heure, je fais un exposé très théorique, si j’ai le temps, j’essaierais de donner des exemples concrets.Tout ceci est un premier jet (donc il n'y a pas eu de réécriture , ni même, je vais petre honnête, de relectuer
D’abord, on va examiner ce que ce n’est pas.
1- TOUT CE QUE REECRIRE N’EST PAS
• REECRIRE CE N'EST PAS REPARTIR A ZERO
Certes, on peut dire qu’on a réécrit un texte en effaçant ce qu’on a fait pour repartir. Mais pour moi ce n’est pas ça, ici, on se retrouve dans le travail d’écriture. Certes, les deux peuvent s’empiéter, on peut effacer un paragraphe pour le réecrire dans un travail de réécriture. Mais pour moi, réécrire, c’est au contraire exploiter la matière qui existe déjà pour lui donner une forme la plus proche de l’idéal qu’on a dans sa tête.
• REECRIRE CE N’EST PAS SE LIRE OU SE RELIRE
Bien sûr qu’il va falloir se lire ou se relire, mais le but n’est plus de corriger ses fautes, chasser les syntaxes bancales ou les répétitions. Pour moi, ce travail fait partie du travail d’écriture. Et franchement, si vous attendez du lecteur qu’il vous dise vos fautes, vous lui dîtes juste : « bon, j’ai eu la flemme de me relire, donc tu peux faire ce travail à ma place ». Non, le lecteur mérite plus d’égard, il va investir du temps à vous lire alors qu’il pourrait faire autre chose. Et surtout, il devrait normalement vous dire des choses beaucoup plus intéressantes sur votre texte. Un lecteur, ce n’est pas un correcteur.
Mais, bon, malgré tous mes efforts, je sais que je laisse énormément de fautes, tantôt par ignorance tantôt par aveuglement. Disons qu’il faut vraiment donner l’impression au lecteur que vous ne vous moquez pas de lui, mais que vous le respectez.
• CE N’EST PAS DONNER UNE PRIME AU TEMPS PASSER POUR FAIRE UN TEXTE
Ce n’est pas parce qu’un texte a été mille fois réécrit qu’il sera meilleur que le premier jet. Ce n’est pas le temps que vous aurez mis qui en fait la valeur. Le premier jet a souvent des propriétés magiques sur les lecteurs qui est de leur livrer un cheminement souvent très spontané et fluide, que tout le travail de réécriture tend à estomper voir saccager.
Il y a vraiment l’idée d’exploiter au mieux ce qui a fait ce texte de départ. Il peut parfois être carcan mais aussi un idéal à retrouver. Parfois, réécrire, c’est retrouver la pureté des sensations initiales une fois qu’on les a perdues.
Quand on écrit, les phrases et les idées s’assemblent au fur et à mesure que les phrases se déroulent. L’écriture est une sorte de synthèse de ce que nous avons confusément en tête et qui va prendre forme de manière soudaine. Parfois le résultat est magique, parfois laborieux, parfois imparfait ou incomplet.
2- QU’EST-CE QUE REECRIRE ALORS ?
Je l’ai déjà dit, il y a vraiment ce travail sur une matière qui existe, mais allons plus loin.
• REECRIRE, C’EST (RE) DECOUVRIR SON TEXTE UNE FOIS QU’IL EST ECRIT
Voilà, vous pensez enfin avoir terminé votre texte, et par acquis de confiance, vous le relisez le lendemain, histoire de détecter les dernières fautes et surtout pour voir s’il correspond vraiment à ce que vous vouliez faire. Et là, soudain, vous découvrez que, non, vous ne pouvez décemment pas donné ça à lire.
Vous découvrez de vous-même qu’il ne fonctionne plus. Réécrire met au défi notre subjectivité. Il faut arriver à juger son propre travail. Il s’agit donc de voir ce qui est bon et le garder de ce qu’il est moins. Donc véritablement, le travail de réécriture nous pousse à devenir juge. C’est donc très enrichissant.
Donc dans la réécriture, i y a plusieurs choses qui se passent. D’abord, il y a un travail d’amélioration des phrases de leur rythme. Donc on insère, on déplace, on coupe, on supprime, on rajoute, jusqu’à obtenir un résultat où plus rien ne semble pouvoir l’améliorer.
REECRIRE C’EST SE PLACER DANS LA SITUATION DU JUGE
En se corrigeant, on cherche à atteindre une sorte de perfection, où tout du moins un seuil au-delà duquel on ne peut plus aller seul. Et c’est bien là ce qui est intéressant, on se met au défi de se surpasser et de jauger ce qu’on a dans le ventre.
C’est aussi une façon de jauger aussi ce qu’a dans le ventre le texte lui-même. Au-delà de ce qu’on est capable d’écrire, on peut chercher à pousser au maximum tout ce que le texte peut nous donner. Il faut être à son écoute et saisir et faire le tri dans tout ce qui va jaillir maintenant qu’on contemple cette forme devant nous que nous avons fini par faire aboutir une première fois
.
Il y a donc un travail de réflexion sur ce que peut devenir notre projet. Certains diront que ce travail doit être mené avant. On doit savoir où on va et ce qu’on veut avant même d’écrire. C’est une vision déterministe de l’écriture qui est fondé sur une sorte de nécessité. Il faut effectivement réfléchir avant d’écrire sur ce qu’il est nécessaire de faire pour obtenir ce qu’on veut. Plus cette vision sera clair moins le travail d’écriture sera soumis à une exploration aveugle.
Pourtant, qu’on le veuille ou non, tout ne peut être planifié dans ce qui va être écrit. Des mots apparaissent qui résonne soudain en nous autrement, des idées se télescopent. Des choses qu’on croyait possibles deviennent impossibles. Et il y a aussi de nouvelles tentations qui apparaissent à faire glisser son projet.
Donc ce qu’on a devant nous est forcément le fruit de hasard heureux ou malheureux. Et réécrire permet d’enrichir sa vision de ce qui doit être fait. Je pense que la confrontation avec ce qui a été fait doit permettre d’élargir, de s’interroger différemment. Nous ne sommes pas pareils entre le moment où on voulait écrire et au moment où on l’a terminé.
C’est donc noter ces différences et se demander si tout ce qui avait été envisagé initialement a la même pertinence ou s’il n’y a pas eu quelques révélations. Et ce travail d’écoute de soi et du texte permet, à mon sens, d’enrichir le résultat final. Attention cependant à ne pas se perdre et d’oublier son texte à force de se distraire.
• REECRIRE C’EST ATTEINDRE UN POINT D’EQUILIBRE
Au moment où on se lance dans un texte, qu’on le veuille ou non, on a toujours une projection dans la tête, et on cherche à l’atteindre. Le résultat final eut nous amener à la changer mais le but est toujours d’améliorer le texte.
J’ai une vision personnelle de la réécriture. Je la vois en deux étapes distinctes. C’est d’abord améliorer, remettre en valeur, souvent approfondir les choses. Tout ça implique souvent un travail sur la longueur du texte qui va soudain enfler. Des choses ou des phrases simples deviennent plus élaborées parce qu‘elles traduisent de manière plus précises ce qu’on avait en tête. Ici, c’est vraiment un travail de réflexion sur le « comment » qui s’enclenche : comment faire mieux, comment atteindre son objectif, comment mettre en valeur etc.
Puis une fois que nous avons clarifier le projet final, que nous savons ce que nous devons y trouver et ce qui ne doit plus s’y trouver, nous pouvons enclencher une seconde étape. Cette étape, je l’appelerais celui du retour à l’épure. Ce qui a été simple et qui est devenu complexe doit redevenir simple. Seulement, ce n’est plus cette simplicité superficielle que peut avoir le premier jet, c’est une simplicité dont le but est de retrouver l’évidence.
La première étape conduit souvent à se perdre en route. A force de travailler chaque phrase, celles-ci finissent par ne plus s’enchaîner de la même manière. L’une d’elle peut être parfaite toute seule, mais elle peut ne plus se marier avec ce qui la précède et ce qui suit. Il y a une sorte de rupture. Il faut par conséquent reprendre de la hauteur et revoir le texte comme un tout.
Ici, alors que nous avons souvent rallongé le texte, il faut savoir couper, retirer, rééquilibrer. Le texte doit retrouver une forme de spontanéité. Il faut, selon moi, arriver à ce que le lecteur ne voit plus tout le travail qui a été fait. Que tout ce qu’il lise lui paraisse cohérent et évident. Cela passe parfois à trancher sur certaines idées. Sauf quand on le fait, il faut avoir conscience qu’elles ont parfois contaminé beaucoup de choses autour d’elles.
Pour être cohérent, il faut chasser tout ce qui ne devient plus nécessaire, tout ce qui a pu être pertinent avant mais qui ne le sera plus si on ôte l’idée.
Il faut aussi garder un œil neuf. Parfois, on ne touche plus certaines phrases ou certains passages parce qu’ils ont pour nous atteint le niveau qu’on souhaitait. Sauf qu’à la toute fin, il faut à nouveau les redécouvrir avec un œil neuf, car les modifications qu’on a pu apporter ailleurs peuvent avoir chamboulé leur sens, l’équilibre de l’ensemble. Donc il faut savoir sans cesse se remettre en cause jusqu’à relire son texte comme si c’était la première fois.
Pour ma part, le travail finit par me satisfaire dès le moment où j’ai l’impression que tout est fluide et logiquement lié. Chaque mot doit être à sa place pour produire une lecture immersive.
Ici, le point d’équilibre à atteindre, c’est que le lecteur se dise que le texte ne pourrait être différent. A aucun moment donné, il ne doit y avoir interférence. C’est là où il faut également changé de rôle.
REECRIRE, C’EST REDEVENIR LECTEUR
Je crois que pour savoir écrire, il faut arriver à concilier le regard de l’écrivain avec celui du lecteur. Plus ils proche ou se fondent l’un dans l’autre, plus il est, à mon sens, facile d’écrire. C’est d’ailleurs pourquoi on a parfois des facilités à écrire certaines scènes là où on est ailleurs laborieux et pitoyable. Pourquoi ? Parce que ce que nous n’arrivons pas à écrire avec les yeux du lecteur. On écrit pour soi, en y mettant ce qu’on veut, alors que le lecteur a besoin d’autre chose pour vivre ce que l’on souhaite. Par exemple, c’est le problème que je rencontre sur les scènes d’actions, je n’arrive pas à les vivre en tant que lecteur qui aime lire de pareils scènes. Donc tout le travail de réécriture va être pour moi de retrouver ses sensations de lecture.
Pas n’importe quel lecteur. Celui à qui est dédié secrètement le texte. Il faut donc avoir une idée aussi à qui est destiné le texte. Si nous n’avons aucune idée précise à ce sujet, il sera d’autant plus difficile d’écrire de manière pertinent. Donc, vraiment, quand je réécris, je pense à quel lecteur en particulier je destine le texte. Et je me demande parfois comment il va être perçu en fonction même du lecteur. Par exemple, est-ce qu’une femme ressentira la même chose qu’un homme pour une scène de viol ? Certainement pas. Pourtant, les deux doivent la lire en se sentant concernés. La réécriture cherchera à trouver le ton juste pour les deux, en même temps. Et non à principalement à l’un, quand on le fait généralement en écrivant au départ.
Bizarrement, je dirais qu’il y a ici la même approche que l’on a quand on lit et cherche à critiquer le texte d’un autre. Et c’est pourquoi je trouve ce travail également très enrichissant. On se met dans la situation de l’écrivain qui lit, sauf que ce n’est pas nous qui avons écrit. Donc on découvre des choix qui ne sont pas les nôtres, tantôt plus pertinents, tantôt maladroits. Mais au-delà même du niveau d’écriture, nous nous mettons exactement dans l’état d’esprit qu’il faut avoir avec ses propres textes.
Il y a aussi dans ce travail une volonté à se mettre à la même hauteur que le lecteur. C’est-à-dire qu’avec les éléments que je lui confie, et aucun autre, il doit être en mesure de vivre et comprendre ce que je veux exprimer. Nous sommes dans une situation totalement différente du lecteur, nous, nous connaissons la suite, nous savons ce qui est important de ce que ne l’est pas. Nous connaissons nos personnages, ce qu’ils sont capables ou pas de faire. Tout ça lui est totalement inconnu. Et lui, avec les tout ce qu’il lit, il se fait ses propres idées. Sauf à le faire de manière délibérée pour obtenir un résultat conscient, il faut au contraire éviter ces interférences, je dirais même minimiser leurs risques. Et que dans le doute, il faudra sans doute s’abstenir.
L’écriture (et la réécriture peut avoir vocation à l’amplifier), c’est faire du lecteur un complice, un ami. On doit lui donner ce qu’il a envie pour qu’il ait envie de continuer à nous lire, mais pour le combler, il faudra respecter le cahier des charges qu’il est en train de se fixer inconsciemment, voire le surprendre en allant au-delà. Et même à lui donner autre chose qu’il n’attendait pas ou qu’il ne voulait pas voir, mais qui le comblera d’une manière inattendue.
La réécriture doit nous permettre de revivre ce qu’il est censé vivre quand il découvrira le texte la première fois. Il y a un double travail d’immersion. Nous devons plonger à nouveau dans notre texte pour le voir avec toujours un œil neuf mais aussi favoriser en permanence l’immersion du lecteur. Dès qu’il sortira du texte, parce qu’il butera sur quelque chose (un phrase, un mot) alors qu’il n’aurait jamais dû, parce qu’il perdra le fil ou parce qu’il s’ennuiera, c’est que, quelque part, nous aurons oublié notre lecteur. On se sera fait plaisir, peut-être, mais nous l’aurons oublié. Bien sûr, un texte ne s’adresse pas forcément à tous les lecteurs de la terre. Mais si celui que nous avons en face de nous est le bon (parce que nous avons écrit ce texte avec lui en tête), alors il doit sentir que ce qu’il lit est là pour le faire vibrer ou l’enrichir. Et comme par magie, il va lire et découvrir précisément ce que nous avions en tête.
Pour moi, réécrire, c’est vraiment chercher à obtenir cette convergence, que le travail d’écriture, dans sa phase de mise en forme exploratoire du premier jet, empêche d’obtenir. Et je suppose qu’être écrivain, c’est être capable de l’atteindre de la manière la plus spontané possible.
REECRIRE C’EST SURTOUT SE METTRE EN POSITION DE PROGRESSER
Je l’ai plus ou moins dit. Mais en ne se contentant pas de notre première version dégrossie, nous nous mettons dans une situation de questionnement que je trouve très instructive. Et plus je réécris, plus je me rends compte qu’on écriture s’est enrichi de ce travail. Les phrases sortent différemment, il y a déjà un rythme, des effets qui ne m’était pas naturels.
Du coup, en réécrivant les textes suivants, je me rends compte que je ne me focalise plus sur les mêmes points ; Il y a eu entre temps des acquis. Une compréhension aussi de mon travail plus grande. Du coup, alors que je pensais être aussi loin que je pouvais dans les précédents textes, je m’aperçois qu’il n’en est rien, il y a encore de nouvelles choses à modifier qui pourraient encore améliorer le texte.
Dernièrement, ce sont les dialogues que je vois totalement différemment. Mais il y a aussi tout un travail inconscient qui s’est opéré sur le rythme même de mes phrases, sur la façon dont elle se déploie et s’organise dans mes premiers jets. Je dirais que je suis meilleur chef d’orchestre sur les mots mêmes.
Donc voilà pourquoi je réécris beaucoup mes textes.
A vous de me dire si vous êtes d'accord.
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- Mr. Petch
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il y a 11 ans 3 mois #18760
par Mr. Petch
C'est vrai qu'une des choses qui m'a toujours surpris (fasciné ?) dans ton travail, et ton approche de l'écriture telle qu'elle se présente sur les Chroniques, c'est cette intégration minutieuse de la réécriture dans la pratique même de l'écriture. Et c'est intéressant, car je pense que ta méthode est juste et je suis d'accord sur le fait que l'exercice de la réécriture permet le mieux de progresser.
Je sais que j'ai toujours énormément de mal avec la réécriture, pour plusieurs raisons qu'il n'est pas forcément utile d'énumérer mais qui tiennent à la fois du questionnement sur le plaisir de l'écriture (en tant qu'écrivain amateur, est-ce que je n'écris pas d'abord pour me faire plaisir, et si la réécriture me fait peiner, est-ce qu'elle doit faire partie du processus ?), de la volonté d'avancer et du temps passé sur le texte (je sais que je devrais retravailler ce passage mais j'ai vraiment envie d'écrire tel autre passage, là, tout de suite, donc... tant pis) et, il faut le dire, d'une forme malveillante et pernicieuse d'auto-satisfaction (mon premier jet est globalement bon, pourquoi le changer ?).
Je dis ça tout en sachant que, fondamentalement, tu as raison, tu as "rationnellement" raison, sur l'intérêt de la réécriture. Il me manque de parvenir à intégrer la réécriture comme une part importante, si ce n'est central, du processus d'écriture, d'admettre que c'est une façon de ne pas respecter son texte que de le laisser dans un premier état. La plupart de mes textes publiés ici ou ailleurs ont été écrit sans relecture, ou du moins sans relecture importante.
Partant de là, je dirais que ma vision du rapport entre écriture/réécriture serait la suivante : il y a une première étape, mentale ou rédigée selon la complexité de l'histoire, où on a une histoire à raconter, un pitch, un premier squelette de scénario, avec des étapes à franchir et une construction narrative. Bon. Donc on se lance, on écrit. Et généralement je préfère écrire tout d'un coup pour le premier jet, sans m'arrêter tant que le style voulu est homogène, les variations de style donnant lieu à d'autres élans d'écriture. Alors, c'est comme jeter du sable de couleur sur une toile, à l'instinct.
Puis vient la réécriture. On regarde la toile, les formes et les couleurs du sable. Comme tu le soulignes, il y a une première phase de réécriture "nettoyage" : l'orthographe, la syntaxe, l'ordre des phrases et des mots ; j'interprète ça comme une "homogénéisation" du texte : s'assurer que les mots sont fluides et le style homogène, mais sans se préoccuper pour l'instant du sens. Cette première réécriture, je m'y astreins généralement, par simple volonté de ne pas publier un texte "sale".
Puis vient la seconde réécriture, celle qui me pose le plus problème : juger le texte, juger son contenu et sa cohérence, juger en tant que lecteur pour que le message que l'on veut faire passer soit clair. Ce qui est intéressant, comme tu le soulignes, c'est que souvent la phase d'écriture a fait apparaître des idées que je n'avais pas au départ, le sable a pris des formes dont je n'avais pas conscience : par exemple dans "L'attentat" que je viens de publier, le personnage de de la Vacquerie, central dans l'intrigue finale, m'est apparu au cours de l'écriture. Alors la réécriture c'est ça : s'assurer que l'imprévu, les hasards de l'écriture, s'intègrent suffisamment bien, ou s'il le faut supprimer des scènes. En somme s'assurer que le lecteur n'ait pas l'impression que j'ai jeté du sable au hasard sur la toile, mais qu'il y a un schéma derrière ses formes bizarres.
**
Sur la réécriture : j'ai tenté de reprendre les Martyrs de la Vérité, que j'ai lâchement abandonné il y a plusieurs mois. J'ai tenté une première réécriture "soft", en gardant le texte initial mais en le retravaillant. Ce n'était pas vraiment satisfaisant, et je vais tenter maintenant une réécriture "hard", c'est-à-dire, en gros, tout reprendre à zéro, en gardant l'intrigue, en gardant certaines scènes clés (là aussi apparues au hasard de l'écriture), mais changer complètement de style, ou de modalités d'énonciation. Par expérience, ma méthode de réécriture (mais je ne dis pas que c'est la bonne, au contraire) est plutôt cette méthode hard (on efface tout et on recommence) qu'un véritable retravail minutieux sur le texte.
Mr Petch
Réponse de Mr. Petch sur le sujet Re:Pourquoi réécrire ses textes?
Donc voilà pourquoi je réécris beaucoup mes textes.
C'est vrai qu'une des choses qui m'a toujours surpris (fasciné ?) dans ton travail, et ton approche de l'écriture telle qu'elle se présente sur les Chroniques, c'est cette intégration minutieuse de la réécriture dans la pratique même de l'écriture. Et c'est intéressant, car je pense que ta méthode est juste et je suis d'accord sur le fait que l'exercice de la réécriture permet le mieux de progresser.
Je sais que j'ai toujours énormément de mal avec la réécriture, pour plusieurs raisons qu'il n'est pas forcément utile d'énumérer mais qui tiennent à la fois du questionnement sur le plaisir de l'écriture (en tant qu'écrivain amateur, est-ce que je n'écris pas d'abord pour me faire plaisir, et si la réécriture me fait peiner, est-ce qu'elle doit faire partie du processus ?), de la volonté d'avancer et du temps passé sur le texte (je sais que je devrais retravailler ce passage mais j'ai vraiment envie d'écrire tel autre passage, là, tout de suite, donc... tant pis) et, il faut le dire, d'une forme malveillante et pernicieuse d'auto-satisfaction (mon premier jet est globalement bon, pourquoi le changer ?).
Je dis ça tout en sachant que, fondamentalement, tu as raison, tu as "rationnellement" raison, sur l'intérêt de la réécriture. Il me manque de parvenir à intégrer la réécriture comme une part importante, si ce n'est central, du processus d'écriture, d'admettre que c'est une façon de ne pas respecter son texte que de le laisser dans un premier état. La plupart de mes textes publiés ici ou ailleurs ont été écrit sans relecture, ou du moins sans relecture importante.
Partant de là, je dirais que ma vision du rapport entre écriture/réécriture serait la suivante : il y a une première étape, mentale ou rédigée selon la complexité de l'histoire, où on a une histoire à raconter, un pitch, un premier squelette de scénario, avec des étapes à franchir et une construction narrative. Bon. Donc on se lance, on écrit. Et généralement je préfère écrire tout d'un coup pour le premier jet, sans m'arrêter tant que le style voulu est homogène, les variations de style donnant lieu à d'autres élans d'écriture. Alors, c'est comme jeter du sable de couleur sur une toile, à l'instinct.
Puis vient la réécriture. On regarde la toile, les formes et les couleurs du sable. Comme tu le soulignes, il y a une première phase de réécriture "nettoyage" : l'orthographe, la syntaxe, l'ordre des phrases et des mots ; j'interprète ça comme une "homogénéisation" du texte : s'assurer que les mots sont fluides et le style homogène, mais sans se préoccuper pour l'instant du sens. Cette première réécriture, je m'y astreins généralement, par simple volonté de ne pas publier un texte "sale".
Puis vient la seconde réécriture, celle qui me pose le plus problème : juger le texte, juger son contenu et sa cohérence, juger en tant que lecteur pour que le message que l'on veut faire passer soit clair. Ce qui est intéressant, comme tu le soulignes, c'est que souvent la phase d'écriture a fait apparaître des idées que je n'avais pas au départ, le sable a pris des formes dont je n'avais pas conscience : par exemple dans "L'attentat" que je viens de publier, le personnage de de la Vacquerie, central dans l'intrigue finale, m'est apparu au cours de l'écriture. Alors la réécriture c'est ça : s'assurer que l'imprévu, les hasards de l'écriture, s'intègrent suffisamment bien, ou s'il le faut supprimer des scènes. En somme s'assurer que le lecteur n'ait pas l'impression que j'ai jeté du sable au hasard sur la toile, mais qu'il y a un schéma derrière ses formes bizarres.
**
Sur la réécriture : j'ai tenté de reprendre les Martyrs de la Vérité, que j'ai lâchement abandonné il y a plusieurs mois. J'ai tenté une première réécriture "soft", en gardant le texte initial mais en le retravaillant. Ce n'était pas vraiment satisfaisant, et je vais tenter maintenant une réécriture "hard", c'est-à-dire, en gros, tout reprendre à zéro, en gardant l'intrigue, en gardant certaines scènes clés (là aussi apparues au hasard de l'écriture), mais changer complètement de style, ou de modalités d'énonciation. Par expérience, ma méthode de réécriture (mais je ne dis pas que c'est la bonne, au contraire) est plutôt cette méthode hard (on efface tout et on recommence) qu'un véritable retravail minutieux sur le texte.
Mr Petch
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il y a 11 ans 2 mois #18761
par Krycek
Réponse de Krycek sur le sujet Re:Pourquoi réécrire ses textes?
Avec des essais de ce genre ou ceux de Vuld, il va nous falloir bricoler quelques étagères dans la bibliothèque pour tout ce qui touche aux techniques d'écritures !
(Pas le temps de commenter, dsl : boulot et vacances demain soir)
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il y a 10 ans 10 mois #18913
par Mr. Petch
Réponse de Mr. Petch sur le sujet Réécriture quand tu nous tiens
Je profite du post de Feurnard qui se prend à réécrire Anges, et de moi-même qui réécrit les Martyrs, pour poser une question à la cantonade (je fais mon Zara ) : comment aborder la réécriture ?
Ce qui comprend plusieurs questions : est-ce une pratique inscrite dans vos habitudes d'écriture : chacun de vos textes subit-il nécessairement une réécriture ?
Comment l'abordez-vous : retour à zéro, ou reprise phrase par phrase ? Tout sur ordinateur ou en imprimant le texte ?
Surtout, est-ce pour vous une expérience différente de l'écriture ?
Je vous pose la question car, étant dans les Martyrs, je "découvre" la réécriture comme nouvelle pratique d'écriture, ce que je n'avais que très peu pratiqué avant, de façon très ponctuelle, ou alors dans le même mouvement que l'écriture du texte. Et je dois dire que cette expérience est particulière... A la fois plaisante, car c'est une façon de se dire qu'on abandonne pas complètement un texte, qu'il reste dans un coin de mémoire et qu'on peut toujours y prendre du plaisir ; et en même temps frustrant car c'est aussi découvrir les faiblesses du texte original, et se rendre compte, parfois, qu'il faut tout réécrire pour que ça rende quelque chose. Et en même temps la réécriture permet de comprendre les atouts de texte et "d'élaguer" : on supprime ce qui est en trop pour ne garder que les éléments réellement pertinents. On sait mieux quel est le but du texte. Du moins c'est comme ça que j'aborde la réécriture des Martyrs.
Enfin, la réécriture me fait me poser des questions plus métaphysiques sur la direction d'une histoire. Je me rends compte que dans telle scène, il y avait en réalité mille autres façons de la traiter, et je m'interroge sur le pourquoi du choix que j'avais fiat à l'origine. C'est ce qui m'arrive en réécrivant une scène d'évasion de la prison par Agratius et Ophélia dans le chapitre 5 (en cours, bientôt sur vos écrans). J'avais opté à l'origine pour une solution assez alambiquée, où Lucius revenait discuter avec les deux enfants, puis repartait, puis revenait les sauver... Un choix surprenant, qui cassait le rythme, mais qui venait aussi de l'écriture en "feuilleton" que je m'étais imposé.
A reprendre la scène maintenant, j'ai opté pour un choix plus direct, une seule scène au lieu de cet aller-retour. Mais en même temps, j'ai vu les multiples embranchements potentiels d'un récit... Il faudrait écrire quelque chose là-dessus, un jour, une histoire dont on exploiterait toutes les solutions, tous les possibles, en quelque sorte...
Mr Petch
Ce qui comprend plusieurs questions : est-ce une pratique inscrite dans vos habitudes d'écriture : chacun de vos textes subit-il nécessairement une réécriture ?
Comment l'abordez-vous : retour à zéro, ou reprise phrase par phrase ? Tout sur ordinateur ou en imprimant le texte ?
Surtout, est-ce pour vous une expérience différente de l'écriture ?
Je vous pose la question car, étant dans les Martyrs, je "découvre" la réécriture comme nouvelle pratique d'écriture, ce que je n'avais que très peu pratiqué avant, de façon très ponctuelle, ou alors dans le même mouvement que l'écriture du texte. Et je dois dire que cette expérience est particulière... A la fois plaisante, car c'est une façon de se dire qu'on abandonne pas complètement un texte, qu'il reste dans un coin de mémoire et qu'on peut toujours y prendre du plaisir ; et en même temps frustrant car c'est aussi découvrir les faiblesses du texte original, et se rendre compte, parfois, qu'il faut tout réécrire pour que ça rende quelque chose. Et en même temps la réécriture permet de comprendre les atouts de texte et "d'élaguer" : on supprime ce qui est en trop pour ne garder que les éléments réellement pertinents. On sait mieux quel est le but du texte. Du moins c'est comme ça que j'aborde la réécriture des Martyrs.
Enfin, la réécriture me fait me poser des questions plus métaphysiques sur la direction d'une histoire. Je me rends compte que dans telle scène, il y avait en réalité mille autres façons de la traiter, et je m'interroge sur le pourquoi du choix que j'avais fiat à l'origine. C'est ce qui m'arrive en réécrivant une scène d'évasion de la prison par Agratius et Ophélia dans le chapitre 5 (en cours, bientôt sur vos écrans). J'avais opté à l'origine pour une solution assez alambiquée, où Lucius revenait discuter avec les deux enfants, puis repartait, puis revenait les sauver... Un choix surprenant, qui cassait le rythme, mais qui venait aussi de l'écriture en "feuilleton" que je m'étais imposé.
A reprendre la scène maintenant, j'ai opté pour un choix plus direct, une seule scène au lieu de cet aller-retour. Mais en même temps, j'ai vu les multiples embranchements potentiels d'un récit... Il faudrait écrire quelque chose là-dessus, un jour, une histoire dont on exploiterait toutes les solutions, tous les possibles, en quelque sorte...
Mr Petch
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il y a 10 ans 10 mois #18914
par Vuld Edone
Réponse de Vuld Edone sur le sujet Re:Réécriture quand tu nous tiens
Sujet déplacé et fusionné, je me dis que... que quelque part c'est le même sujet, oui oui.
Le jour où je le peux, je réécris les Dominants.
L'histoire n'aura plus rien à voir, les noms auront changé, les lieux auront sans doute changé aussi et probablement une volée d'événements mais ce sera toujours la même histoire.
Cela pour dire que pour moi la question ne se pose pas : si j'écris un texte, désormais, ce n'est plus pour m'entraîner. La seule raison qui peut m'y pousser (à part un défi) c'est que l'histoire ne me lâche pas.
Ma méthode n'a pas changé : on repart de zéro.
Avec les Anges, le seul avantage que j'y vois est que ça permet de cerner le "core story", ce sur quoi toute l'histoire doit se focaliser. Et non sur des épiphénomènes comme l'héroïne, l'engin de guerre ou une ville quelconque.
Mais une fois ce coeur de l'intrigue trouvé, ce n'est plus une réécriture. C'est juste une des mille manières de raconter l'histoire.
En fait, je parlerais de réécriture si le texte était achevé (ou au moins bien avancé). Quelque part ce piétinement est "normal" en début de récit. On "cherche le ton", on tâte, on regarde ce qui a le plus de chances de fonctionner...
Et là la réponse est relativement "jamais", la réécriture n'est pas une option. Par exemple, je sais que Chimio' a plein de problèmes, et que Chao's Theory est illisible, mais je n'y toucherai plus.
Pour moi, ces histoires sont très bien comme elles sont.
Le jour où je le peux, je réécris les Dominants.
L'histoire n'aura plus rien à voir, les noms auront changé, les lieux auront sans doute changé aussi et probablement une volée d'événements mais ce sera toujours la même histoire.
Cela pour dire que pour moi la question ne se pose pas : si j'écris un texte, désormais, ce n'est plus pour m'entraîner. La seule raison qui peut m'y pousser (à part un défi) c'est que l'histoire ne me lâche pas.
Ma méthode n'a pas changé : on repart de zéro.
Avec les Anges, le seul avantage que j'y vois est que ça permet de cerner le "core story", ce sur quoi toute l'histoire doit se focaliser. Et non sur des épiphénomènes comme l'héroïne, l'engin de guerre ou une ville quelconque.
Mais une fois ce coeur de l'intrigue trouvé, ce n'est plus une réécriture. C'est juste une des mille manières de raconter l'histoire.
En fait, je parlerais de réécriture si le texte était achevé (ou au moins bien avancé). Quelque part ce piétinement est "normal" en début de récit. On "cherche le ton", on tâte, on regarde ce qui a le plus de chances de fonctionner...
Et là la réponse est relativement "jamais", la réécriture n'est pas une option. Par exemple, je sais que Chimio' a plein de problèmes, et que Chao's Theory est illisible, mais je n'y toucherai plus.
Pour moi, ces histoires sont très bien comme elles sont.
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Modérateurs: San, Kundïn, Zarathoustra