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Durant la guerre, l’information avait été l’une des armes les plus craintes. Durant les seules années soixante-trois et soixante-quatre, l’information avait été au cœur de tous les conflits, au point que cette période n’était plus connue que d’une poignée de généraux, et encore, partiellement. La désinformation avait été combattue aux premières heures des multiples conflits : aussi le commandant du projet cinq n’avait-il pas cru un seul mot du capitaine Kyréna. Lui, le lieutenant du CRIJ et Naïa avaient été enfermés au poste de sécurité, dans des cellules fermées par des serrures mécaniques.
Quant au biochimiste, la responsable du site l’avait soustrait à la garde de la sécurité et lui faisait visiter les installations. Jean découvrait pêle-mêle le réacteur, les équipes de recherche et les secteurs de test, les bibliothèques, les alternateurs, les systèmes de refroidissement. Un garde les suivait constamment, où qu’ils aillent, l’arme à la main.
- Nous avons passé en revue tous les autres facteurs, concluait la responsable, mais tout se résume à une question de taille. C’est la taille qui détermine le seuil d’instabilité du Tokamak.
Le docteur Jean lui sourit quelques secondes avant de répondre :
- Avez-vous pensé à la thymine ?
- La thymine, docteur ? Je ne vous suis pas ?
- J’y ai réfléchi longtemps voyez-vous, et c’est la thymine qui assure la stabilité du code génétique, la thymine qui dit où tout commence et où tout se termine, la thymine qui dicte le code. Comprenez-vous ? C’est la thymine qui en assure la stabilité.
- Êtes-vous en train de me dire qu’il y a un équivalent de la thymine dans mon réacteur à fusion ?
Elle était pour le moins interloquée, mais l’assurance de Jean et sa réputation l’empêchaient de rejeter l’hypothèse. Son silence devenait gênant. Elle se sentait idiote à ne pas deviner le raisonnement de ce génie européen.
- La radiation ? Docteur, vous voulez parler des radiations n’est-ce pas ? C’était dans votre thèse…
- Enfin ! Si vous me rendez mon ordinateur, je vous montrerai.
- Bien sûr… Bien sûr ! Garde, quelqu’un ! Il me faut l’ordinateur du docteur Jean Valdes !
La joie étouffait son visage. Après cinq ans d’échecs à côtoyer plus d’uniformes que de blouses, dans l’atmosphère oppressante des installations en eaux profondes, coupée du monde, elle sentait enfin l’espoir revenir en elle.
Outre la production exponentielle d’énergie du Tokamak sur la centrale classique, la différence la plus notable était l’absence de radiations. Mais l’instabilité avait toujours été un probable, sitôt que l’on atteignait une certaine taille. Il devait s’agir, à une échelle donnée, d’une production radioactive qui rendait le réacteur instable.
Un collègue revint avec l’ordinateur.
- Au fait. Demanda Jean. Je ne sais toujours pas votre nom.
- Cette information est tenue secrète.
Le garde avait fait taire la réponse de la scientifique alors même qu’elle articulait la première syllabe. Celle-ci se renfonça aussitôt dans le carcan du projet cinq, pénible, où elle vivait depuis tout ce temps. Jean prit place, alluma l’écran et se mit à pianoter sur le clavier.
- Vous ne pouviez pas trouver le facteur cause de l’instabilité parce que c’est un facteur absent. Il n’est nulle part ! Mais avant de continuer, docteur, combien de chances pensez-vous que j’aie d’ouvrir une serrure mécanique à partir de cet ordinateur ?
Elle ne fit pas le rapport :
- Aucune.
Il appuya sur la touche d’entrée.
- Exact ! Si le réacteur du tokamak est instable, c’est aussi parce qu’il est fait pour être instable ! Il a été construit dans ce but !
Une sirène d’alarme courut jusqu’à eux au travers de tout le projet cinq.

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