Note au lecteur
- Vuld Edone
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- ZikL
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déjà pour commencer, je l'ai lu à deux reprises. La première, sous de mauvaises conditions (mentales), je l'ai trouvé trop alambiqué et complexe pour mon faible petit esprit lol
Mais ne m'avouant pas vaincue pour autant, j'y suis revenue, l'ai relu calmement et à haute voix (j'en profite quand je peux).
Mon ressenti est finalement un profond malaise.
Je n'arrive pas à choisir quelle voie j'ai envie de prendre. J'ai aimé malgré la complexité toujours présente de certains passages. Complexité qui donne cette impression que le travail de traduction dont il est question fait mention à ces passages qu'il n'a pu vraiment traduire. (suis je claire?)
Du coup, la fin explique un chemin dérangeant de l'ordre de "est-ce la poule ou l'oeuf le premier né?"
Là j'ai envie de demander: "lit-on un récit traduit ou un récit d'un traducteur qui se veut donner un récit?" au final le personnage est-il un personnage ou pas?
Je suppose que c'était l'effet recherché et c'est bien pour cela que je me permet de signaler cette impression que le texte a fait sur moi.
Du grand art à mon avis, avec juste ce qu'il faut de mot et de dédales de pensées pour n'en point faire trop et ne pas rendre le texte lourd.
j'ai apprécié même si je garde cette affreuse sensation d'une curieuse indécrottable de ne pas en savoir assez pour pouvoir répondre à mes interrogations!
(réaction à chaud à minuit et demi... ne m'en veuillez pas si ce que je dis n'a aucun sens lol)
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- Imperator
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Je vois ça comme une allusion aux textes de journal rapportés, etc... et une manière de noyer le poisson.On connait de ces récits retrouvés dans les circonstances les plus improbables, bouteille jetée à la mer ou codex de tombe
Nouvelle blague, puisque l'on sous-entend que la découverte du manuscrit est une histoire en elle-même. Finalement, tout est prétexte à histoire et à être raconté. On se prendrait à vouloir savoir ce que sont ces rencontres trop fantastiques, etc...Mon voyage me menait en la tranquille, la paisible ville de Lable où je ne parvenais pas à retrouver l’édition, au lieu de quoi ma pérégrination de rencontre en rencontre trop fantastiques à mes yeux pour être rapportées ici, de fou en fou aboutit au sous-sol d’une maison quelconque dont seul le carrelage me reste en mémoire.
Je n'ai pu m'empêcher de songer que c'est une nouvelle blague. Le narrateur se moque des auteurs dont il doit raconter l'histoire. Un coup de gueule bienvenu.J’y ai découvert l’histoire de royaumes qui n’existent pas et que je ne peux rapporter à aucune carte. Le lieu encore n’est rien : j’y lisais une société sans logique, une histoire qui m’échappe en cette heure toujours totalement.
Finalement, il y a l'histoire, et l'histoire telle qu'elle est présentée par le narrateur. Est-ce que l'histoire se vaut d'elle-même ou est-ce qu'il faut nécessairement la faire vivre correctement par la narration?Car au fond, et c’est une question qui vaut de se poser, est-ce bien à moi de faire vivre ce que contient le texte, ou est-ce au texte de me faire exister ?
***
J'aurais volontiers une réponse du genre "ça dépend". À voir si c'est bien la question du débat.
Impe.
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- Krycek
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Pour autant je n'arrive pas à mettre le doigt dessus...
Maigre contribution, mais je ne vois pas quoi en dire d'autre, si ce n'est qu'étrangement ce texte est tout à fait capable de se tenir en stand-alone, tel un feuillet égaré de la bibliothèque qui serait une clé de compréhension pour l'un des récits présents, sans pour autant pouvoir l'y relier.
Etrangement, le texte m'a donc produit un effet intéressant du type "Quel texte ai-je donc lu sans savoir que le traducteur intérprétait des propos ? Quel texte ai-je donc lu sans avoir cette compréhension du contexte ?" puis regardant la bibliothèque des Chroniques : "Argh. Lequel ?".
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- ZikL
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- Vuld Edone
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Il y a au moins un texte auquel cette note fait référence, mais pas de la manière que l'on pense : c'est [jarticle=816]Le Congrès[/jarticle] d'Iggy, d'où vient le nom d'Higuain Barnable".
Pour le premier paragraphe, "bouteille jetée à la mer" fait référence à un ministère dans l'Homme qui rit, chargé de récupérer de telles bouteilles. "Codex de tombe" réfère au Gargantua de Rabelais dont on trouve le manuscrit dans un tombeau. La profession d'Higuain est celle de scientifiques payés pour fouiller les fonds de bibliothèques, le journal paré d'acte littéraire est celui d'Anne Franck.
Ce paragraphe mélange le réel et la fiction : la bouteille et la tombe sont des inventions d'auteurs tandis que la profession et le journal sont clairement réels. Mais sans les références ils sont interchangeables. Et pour un littéraire, dire que l'histoire d'une oeuvre (sa réception, ses suites, ses critiques, sa composition...) est aussi intéressante que l'oeuvre même est presque banal. Là aussi il y a mélange entre réalité et fiction.
Quant au "vide de surprises", c'est la question même du Congrès.
Le second paragraphe est la conclusion du premier, avec une précision néanmoins : "la prudence et le doute calculé" est une attitude de lecture, une méthode et une philosophie.
Au troisième paragraphe, "si je dis main je devrais dire autre chose" fait qu'Higuain n'a pas une main (en l'occurrence il a une patte), c'est aussi qu'il n'a plus de mot pour décrire sa main, il n'arrive plus à la décrire : "ma main hésite à le décrire". On peut dire que sa main est marquée, comme on l'a noté, ses tournures sont... confuses.
Je ne parlerai pas du "coup du sort" (deus ex, intervention d'auteur) mais le congrès est bien son texte, tout comme ses préoccupations. Le journal est "LeCourant" pour lequel travaille Simon Rhages dans Chimiomécanique (et un autre de mes personnages dans un ancien texte). Lable est en fait la capitale de ce même texte - ceux qui ont participé à un vieux Cadavre exquis en taverne s'en souviennent peut-être. Signalons la description de la ville : paisible, tranquille, et la description de l'aventure : de fous en fous, trop fantastiques... Quant à l'épais rouleau et ses sceaux, il s'agit de l'Apocalypse (les sept sceaux).
Le quatrième paragraphe fait références aux Armes et, par extension, à bien des textes de fantasy.
À ce titre le cinquième paragraphe ne parle presque exclusivement que de mon écriture, confuse, lourde, embrouillée, et le travail de clarification est le travail auquel j'ai procédé ces dernières années. "Pour rien", "ne pourra que jouer en faveur du récit" et "insignifiantes" sont ironiques. Ce cinquième paragraphe est le regret d'un style perdu, avec ses clefs de lecture absentes, ses mystères et ses structures extrêmement complexes qui n'avaient, au moins à mes yeux, rien d'inutile. J'ajoute que cette note au lecteur a été, plus ou moins, écrite dans ce style.
Au sixième paragraphe, la justification est la grande question de cette note, la raison d'écrire. L'aventure sur l'aventure est là pour qu'on lise le texte, et si on lit ce texte c'est en lien avec la réalité. Etc... c'est aussi justifier cette note au lecteur et le style dont le cinquième paragraphe parlait.
Et on en revient au Congrès, avec le "tout était possible", en éliminant toutes les facilités qui sont de briser les cadres narratifs (non que je m'y sois vu agissant) ou de littéralement rendre le texte performatif (que le texte fut magique). Et là aussi il y a des références au projet commun des Chroniques qui n'a jamais abouti, et au feuilleton.
Le "tout était possible" s'exprime quelque part par la possibilité d'interpréter un texte comme on l'entend, ce qui est le cas pour cette note.
Quant à la question finale, elle a tellement de significations... mais ce n'est pas une vraie question car la signature y répond immédiatement après.
Mon but, avant toute chose, avec cette note au lecteur, était de faire exister Higuain Barnable en-dehors de son propre texte, et à plus forte raison en-dehors de tout texte, et d'en faire un chroniqueur.
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- ZikL
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(ou alors je suis blonde et je n'ai encore rien compris...lol)
Passionnant comme façon d'écrire et toute aussi passionnant à lire bien que le sens m'en ai échappé.
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- Iggy Grunnson
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C'est aussi pour ce genre d'initiative que je suis heureux de participer aux Chroniques: pas seulement - du moins je l'espère - parce que la démarche est flatteuse, mais parce qu'elle étend un travail précédent dans une dimension nouvelle et inespérée. Quelque part, "Note au lecteur", c'est un peu les théories du Congrès qui prennent vie.
Découvrir ce texte m'a aussi motivé à finir l'article que j'avais commencé au moment de la publication du Congrès, et qui en reprend les idées de façon plus claire. Pour ceux qui seraient intéressés, vous pouvez le trouver ici :
lemondedelint.com/congres.pdf
Soyez un peu indulgents dans votre lecture, achever l'article n'a pas été chose facile après tout ce temps et j'espère ne pas avoir trop malmené ces idées qui continuent de me tenir à coeur.
Iggy
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- Vuld Edone
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Pour que la magie existe, par définition, il faut qu'elle n'existe pas.
Il n'y a pas de désenchantement, seulement le constat que les idées font des morts.
Passons.
Pour avoir écrit sur Warhammer - et faire encore de la fanfic' - et pour avoir écrit Libra, je peux dire au moins ceci. Quand un chroniqueur s'aventure dans l'univers d'un autre, que cet univers soit le même ou différent, le chroniqueur a et doit avoir, pour pouvoir s'y aventurer, une interprétation différente de cet univers.
Libra, à défaut d'en être une preuve, en est le testament.
Déduisez-en ce que vous voulez pour le point de convergence, ou pour l'enchantement. Tout comme chacun s'est approprié Warhammer, et y a écrit ses propres histoires dedans, chacun dans le monde de l'autre doit explorer ce monde comme il le connaît seul. S'il fait l'erreur de vouloir rester fidèle à l'oeuvre, il restera à la porte.
C'est pourquoi je ne peux pas être d'accord avec la conclusion. Ce n'est pas au voyageur de s'adapter au monde, c'est au monde de se plier au voyageur. C'est au monde d'être la continuation du monde du voyageur.
Et voilà, j'ai envie de reprendre ou de recommencer Libra...
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- Iggy Grunnson
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Pour que la magie existe, par définition, il faut qu'elle n'existe pas.
Ca n'est vrai que dans la mesure où n'ont été conservées dans le "giron" de la magie que les choses qui, effectivement, n'existent pas. Ce que je veux dire, c'est qu'il y a un certain nombre de phénomènes bien réels qui étaient considérés comme magiques à une époque (la foudre, la réincarnation, etc.), mais qui ont cessé de l'être dès lors qu'ils ont été expliqués scientifiquement. C'est ce dernier point que je conteste. C'est bien l'idée de l'article : l'explication du merveilleux ne doit pas provoquer sa disparition.
On peut aussi penser aux théories modernes (type théorie des cordes) qui pour certaines justifient l'existence d'univers parallèles, ou la possibilité du voyage dans le temps - bien que je sois assez ignare en la manière. Si la validité de ces théories venait à être complètement démontrée, est-ce que le voyage dans le temps resterait dans le domaine du magique? Je vous laisse en juger, en tout cas.
C'est pourquoi je ne peux pas être d'accord avec la conclusion. Ce n'est pas au voyageur de s'adapter au monde, c'est au monde de se plier au voyageur. C'est au monde d'être la continuation du monde du voyageur.
Là, je suis assez d'accord (peut-être parce que la fin de l'article est beaucoup plus tardive que le reste, et donc moins cohérente?). D'ailleurs la version d'Higuain dans "Note au lecteur" est en partie différente de celle que j'avais imaginée, et c'est bien ce qui fait l'intérêt de l'histoire.
Ce que j'envisageais dans ces derniers paragraphes, c'est de lancer un pont vers les idées que Zara et moi avions développé au moment du "Facteur Humain" au sujet des dangers qui guettent les chroniqueurs. Ici, l'idée est que les Chroniqueurs sont menacés d'extinction non pas par des démons associés à la vie réelle (travail, loisir, etc. qui mangent sur notre temps de participation au site) mais par les risques encourus par tout explorateur : à force de s'immerger dans un autre monde (le monde réel ou un autre), le chroniqueur serait incapable de faire machine arrière.
C'est d'ailleurs un peu ce qui m'est arrivé avec le monde de Lint : à force de m'immerger dans ce projet (à travers des récits, mais aussi un site, des articles), j'ai un peu coupé les ponts à une époque avec les chroniques.
Iggy
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- Vuld Edone
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Le monde de la Renaissance n'était pas magique, le monde médiéval encore moins. Ce qui était magique, était ce qui allait contre les lois divines, par définition, ce qui n'existe pas.
Le jour où le voyage dans le temps sera devenu réalisable, on ne se rendra même plus compte qu'il avait été jugé un temps impossible - de même qu'on prend l'avion sans cligner des yeux ou qu'on travaille avec un ordinateur.
Un exemple de merveille médiéval est Constantinople, avec ses automates. Un exemple de merveille moderne est Dubaï, avec ses immeubles plus hauts les uns que les autres. Un visiteur médiéval pouvait être aussi déçu de Constantinople qu'on le serait de Dubaï aujourd'hui.
World is world.
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- Iggy Grunnson
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Dire que la réincarnation est de la magie, c'est dire que Jésus est magicien : c'est demander le bûcher. Il ne faut pas confondre les lois divines et la magie, la première étant l'équivalent de notre science et la seconde, l'équivalent de notre science-fiction.
Juste pour signaler que je n'ai pas parlé de religion (et d'ailleurs, Jésus n'a rien à voir avec la réincarnation), mais, pour aller dans ton sens, de superstitions au sens large. Je parle de réincarnation, mais dans l'article sont aussi cités la foudre, de l'alchimie, etc. Je comprends le parallèle que tu fais entre religion / science et magie / science-fiction, mais je pense que le propos ne se limite pas à ça.
Disons que j'essaie aussi de tracer une frontière entre le tour de prestidigitateur (où pour le coup, il s'agit bien d'un trucage, qui peut être démystifié dès lors qu'on a compris le truc) et le merveilleux, notamment celui que l'on rencontre dans la nature, et qui ne devrait pas être moins enchanteur même lorsqu'on en comprend les rouages - ce qui, très honnêtement, n'est pas si souvent le cas, même si tout le monde a eu ouïe-dire de telle ou telle théorie expliquant les mystères de l'univers.
Par ailleurs, (et puis je vais peut-être finir par m'arrêter sur le sujet au risque de passer pour un vil radoteur), j'en suis aussi venu à penser que dans l'idée de créer un univers commun des chroniques, nous nous sommes appuyés (pour des raisons historiques, liées sans doute à l'héritage fantasy du site) sur les mauvais réflexes, en faisant appel à des artifices purement fantasy au moment même où l'on cherchait à s'affranchir de ce cadre là. Avoir un portail dimensionnel qui relie les différents univers des chroniqueurs, c'est pratique parce que ça marche (et encore une fois, ça rejoint la théorie de l'article, selon laquelle la magie est la solution la plus vraisemblable à un mystère, puisqu'elle peut tout se permettre) mais ça n'apporte rien puisque personne n'y croit et au final n'a envie de s'en servir. Au contraire, j'essaie de développer un approche un peu plus sinueuse, sans doute un peu plus abstraite mais peut-être plus convaincante puisqu'elle peut nous toucher nous, écrivains, et non plus seulement nos avatars. L'idée, en définitive, c'est de proposer une réflexion très générale sur le merveilleux, peut-être à même de chatouiller un peu les chroniqueurs (et là, je parle de vous! ) avant de la transposer à un projet d'univers commun des chroniques.
Mais bon, on commence sérieusement à s'éloigner de la Note au lecteur, alors je vais éviter de spolier un peu plus le topic...
Iggy
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- Vuld Edone
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Et je me dois d'insister. La foudre, l'alchimie (si on veut), tous les phénomènes avaient une explication rationnelle, différente d'aujourd'hui mais tout aussi "scientifique" (sans la méthode). La société médiévale n'était pas crédule, et avait peu d'occasions de s'émerveiller.
La résurrection était un phénomène naturel, un miracle, tout à fait expliqué et justifié, qui n'avait donc rien de révoltant. Réveiller les morts, par contre, était de la pure magie, avec le résultat que l'on devine. Je me dois vraiment de forcer sur ce point, c'est très important, le monde n'était pas plus merveilleux à l'époque qu'aujourd'hui, y compris dans l'interprétation que les gens en faisaient.
L'exemple qu'on m'a souvent donné est celui de l'anthropocentrisme : le soleil tournant autour de la Terre. Ils ne s'étaient pas contentés de le dire, mais avaient fondé des séries de calculs dessus, en un système complexe et cohérent. Ironiquement, aussi, ce système était moins arrogant que notre héliocentrisme.
Nous avons une vision complètement biaisée de cette époque - et je n'ose pas imaginer pour l'Antiquité.
Non, je n'admets pas qu'il y ait un désenchantement du monde. J'admets qu'il y a eu deux guerres et autres génocides, quelques raisons de se trouver petit et fragile, mais cela n'a, à mes yeux, rien à voir avec le merveilleux.
À mon avis ce désenchantement est surtout la perte des valeurs, à commencer par l'humanisme qui a souffert dès la Révolution et qui a été définitivement enterré à la Grande Guerre - même s'il en reste des bastions. La seconde a montré combien les idées étaient dangereuses, et le terrorisme a achevé de diaboliser les idéaux.
Enfin... ce n'est pas comme si j'avais écrit les armes...
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- Iggy Grunnson
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Et je me dois d'insister. La foudre, l'alchimie (si on veut), tous les phénomènes avaient une explication rationnelle, différente d'aujourd'hui mais tout aussi "scientifique" (sans la méthode).
C’est un point de vue intéressant, même si mes connaissances du moyen-âge sont trop limitées pour en débattre complètement. Il est certain que même à l’époque, les gens avaient un système de pensée rationnel (du moins à leurs yeux) pour expliquer chaque mystère, c’est d’ailleurs ce que je voulais dire en signalant qu’au fond la magie n’est qu’une autre forme de raisonnement, sans doute plus naturelle - puisqu’elle fonctionne sans contrepartie – et moins abstraite que la science moderne. De même, il est sans doute aussi vrai qu’au moyen-âge, les gens ne s’attendaient pas à croiser un dragon à chaque coin de rue.
Je suis moins d'accord avec ça:
La société médiévale n'était pas crédule, et avait peu d'occasions de s'émerveiller.
La résurrection était un phénomène naturel, un miracle, tout à fait expliqué et justifié, qui n'avait donc rien de révoltant. Réveiller les morts, par contre, était de la pure magie, avec le résultat que l'on devine. Je me dois vraiment de forcer sur ce point, c'est très important, le monde n'était pas plus merveilleux à l'époque qu'aujourd'hui, y compris dans l'interprétation que les gens en faisaient.
En effet, ne serait-ce que par la manière dont leur raisonnement « religieux » traitait sur un pied d’égalité des phénomènes bien réels (tels que la foudre) et d’autres qui n’ont jamais été prouvés (les miracles), il me semble que leur tolérance au merveilleux était bien plus élevée que la notre. J’en veux pour preuve l’épisode de la croisade des enfants, où des milliers de fidèles ont suivi un « prophète » à travers la France et l’Allemagne en s’attendant tout naturellement à ce que celui-ci ouvre la mer sous leurs pieds pour leur livrer le passage à la terre sainte. Bien sûr, il y a eu quelques déçus à l’arrivée…
Que la science et l’éducation aient combattu et démystifié ces superstitions est sans conteste un progrès. Ce qui est dommage en revanche, c’est que, comme par un mouvement de balancier intellectuel, nous (disons, la société occidentale moderne) avons tendance à adopter la posture du cynique simplement à titre de réflexe d’auto-défense. Tout ce qui relève du merveilleux, ou simplement qui dépasse notre compréhension (ça vaut aussi pour les idéologies politiques, etc.) est rejeté de peur de passer pour un naïf. C’est d’autant plus ironique que cette évolution se produit au moment même où un certain nombre de scientifiques prennent la direction inverse, et en viennent à des explications que l’on qualifierait volontiers de magiques, à base de matière noire ou de trous de vers.
Iggy
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- Vuld Edone
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Aujourd'hui aussi la science offre ses absurdités. Dans l'entre-deux guerres l'Angleterre a cru pouvoir remporter les conflits avec une poignée de Lancaster ; Napoléon a cru pouvoir s'emparer de la Russie ; on a continué à marcher en formation serrée jusqu'en 1914 ; Dien Bien Phu. Et tout cela était parfaitement scientifique, rationnel et à l'époque quasiment impossible à remettre en question.
Et ça c'est pour le domaine que je connais le mieux. Je suis persuadé qu'aujourd'hui encore la science donne lieu à des croyances folles qui vont aussi dans huit siècles nous faire passer pour des simplets.
Nous avons toujours la même tolérance au merveilleux, nous avons juste des croyances différentes. La peur des idées n'est pas due au progrès, pensons à la Renaissance - ainsi qu'à la révolution industrielle et Jules Vernes. L'humanisme, fondé sur le progrès, fait au contraire la promotion des idéaux.
On a juste été refroidis entretemps.
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- Iggy Grunnson
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Aujourd'hui aussi la science offre ses absurdités. Dans l'entre-deux guerres l'Angleterre a cru pouvoir remporter les conflits avec une poignée de Lancaster ; Napoléon a cru pouvoir s'emparer de la Russie ; on a continué à marcher en formation serrée jusqu'en 1914 ; Dien Bien Phu. Et tout cela était parfaitement scientifique, rationnel et à l'époque quasiment impossible à remettre en question.
Bien sûr que la science commet toujours son lot d'erreurs. Si je voulais chipoter, je dirais quand même que les exemples que tu cites ne sont pas les plus pertinents, la stratégie étant par nature (et notament du fait du grand nombre de paramètres à prendre en compte) une discipline hautement empirique, loin d'être purement scientifique même si elle s'appuie sur des raisonnements rationnels.
Ceci dit, je comprends bien ton point de vue : les guerres et les catastrophes ont fait plus pour nous faire perdre nos illusions que le progrès. Si je suis en partie d'accord avec ça, je pense que les deux ne sont pas incompatibles; et d'ailleurs je n'ai jamais sous-entendu que le progrès était la cause unique du désenchantement dont on parle.
Évidemment, il est plus difficile de se déclarer communiste quand on connaît l'existence des goulags. Mais il n'empêche que parallèlement à ça, la science a pu ôter au merveilleux son visage familier : ce qui relevait à une époque de croyances accessibles à tous est maintenant intégré à des théories si abstraites qu'elles échappent très largement au commun des mortels. Incapables de continuer à soutenir des anciennes croyances depuis longtemps mises en défaut, et pas non plus capables d'appréhender les "nouvelles croyances" (pour reprendre ton point de vue) trop complexes et inhumaines, nous nous retrouvons avec un imaginaire tronqué.
Enfin, et pour revenir sur ces questions de croyances, il me semble quand même difficile de nier qu'il y a eu une évolution, liée au rôle déclinant de l'église : à une époque c'est bien la position du croyant qui était encouragée (à ne pas confondre avec celle du missionnaire, hein ) et les chrétiens - au moins ceux là - étaient encouragés à croire en des choses qu'ils ne pouvaient voir, comme l'illustre l'histoire de Saint Thomas ; alors qu'aujourd'hui il y a eu un renversement complet de ce point de vue et c'est bien la posture de celui qui remet tout en doute qui est la plus valorisée.
Iggy
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- Vuld Edone
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Je ne peux pas nier une évolution, parce que je suis humaniste, mais en bon sceptique je mets en doute qu'il y ait eu un renversement, et pour moi les gens n'étaient pas plus croyants qu'aujourd'hui.
L'exemple de l'économie est frappant aussi, avec les américains et leur "main invisible" du marché, l'idée qu'un libre échange résout tous les problèmes. Je ne dis pas qu'ils ont tort, je dis qu'on pousse les gens à y croire alors que, dans le slogan même, on ne peut pas le voir. Ce marché auto-régulé est une "merveille", en même temps fascinant et effrayant. Ces gens vont justifier toutes les crises en disant "c'est trop régulé" alors que d'autres hurlent que justement c'est une relâche dans la régulation qui a permis la crise... on a deux croyances qui s'affrontent sur des théories totalement abstraites !
Je dois vraiment insister, le désenchantement est au fondement de ta réflexion et si je sens bien qu'il y a une réalité derrière, je ne peux pas la laisser reposer sur l'idée fausse que les médiévaux regardaient béatement le ciel.
Quelque part je pense que tu as raison, aujourd'hui l'attitude sociale la plus valorisante est celui du sceptique... ou du moins je ne peux pas en juger moi-même, je vais donc l'accepter.
Mais pas touche au Moyen-Âge, c'est chasse gardée.
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- Iggy Grunnson
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D'ailleurs, les bouleversement auxquels je pensais en terme de causes du désenchantement sont des événements plus récents, du 20e siècle pour la plupart : la fin de l'époque des grands explorateurs, la faillite des grandes idéologies, l’essoufflement de l'art moderne, la défiance envers la science, etc. Là encore, tout ces points pourraient être débattus individuellement, mais je pense qu'ils forment tous ensemble en panorama difficilement contestable.
C'est marrant que tu cites la bourse d'ailleurs, d'autant que je te rejoins tout à fait sur sa place de croyance irrationnelle moderne. Ce qui est ironique c'est que, pour s'imposer, cette croyance a dû se présenter comme l'opposé absolu d'un dogme et comme au contraire le symbole du pragmatisme poussé à l'extrême. C'est assez révélateur d'un certain état d'esprit je pense.
Iggy
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- Mr. Petch
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En ce qui concerne le moyen-âge, je reconnais sans peine que mes connaissances sont un peu limitées pour discuter de tout ça en profondeur. Malgré tout, c'est aussi pour ça que c'est intéressant d'en discuter : j'ai plein de choses à apprendre !
Il faut toujours se méfier du Moyen Age : ce n'est pas la période que je connais le mieux, mais ce que mes cours d'histoire m'ont appris,c'est que la plupart des représentations "stéréotypiques" qu'on peut en avoir (je veux dire autre que scientifiques) sont fausses. J'évite d'affirmer des choses sur le MA sans en être sûr, du coup. Surtout, ne pas oublier que le MA a duré un millénaire, donc toute affirmation qui vaut pour une période ne vaut pas pour une autre.
Pour introduire mon grain de sel et aller plutôt dans le sens de Feurnard, il ne faut pas confondre "croyant" et "crédule" : il pouvait y avoir des sceptiques au MA, et c'est grâce à eux que le christianisme a pu sans cesse évoluer comme philosophie et système de compréhension du monde : voir Saint Thomas d'Aquin au XIIIe. Le véritable moment où la doctrine catholique se fixe de façon nette est le XVIe siècle, en réponse aux critiques des protestants. Avant cela, la perception du surnaturel est très fluctuante selon les régions, les classes sociales, etc. Enfin, la religion n'empêchait pas la science, et le MA voit de véritable progrès scientifique, en médecine, en mécanique, en chimie, ainsi que la rédaction d'encyclopédie, qui ne datent pas de Diderot !
J'aurais tendance à dire que le dogme du MA était beaucoup plus fluctuant et sujet à être mis en question que celui que nous connaissons maintenant, attaqué par la science et crispé sur la croyance pour rassurer ses adeptes.
Et pour revenir au merveilleux, Iggy, il y a des gens qui croient volontiers à l'astrologie, à certaines médecines expérimentales, aux extra-terrestres, au capitalisme, etc. Les croyances sont loin d'avoir disparu !
Mr Petch
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- Iggy Grunnson
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Et pour revenir au merveilleux, Iggy, il y a des gens qui croient volontiers à l'astrologie, à certaines médecines expérimentales, aux extra-terrestres, au capitalisme, etc. Les croyances sont loin d'avoir disparu !
Attention à ne pas me faire dire ce que je n'ai pas dit : on n'est bien entendu pas dans un schéma tout noir ou tout blanc ou toute croyance aurait disparu du jour au lendemain! Et d'ailleurs, non seulement il y a encore des "croyants", mais s'il existe ce désenchantement se limite sans doute à l'occident ou aux pays développés, les autres ayant bien d'autres considérations à gérer.
Néanmoins, et je ne vais pas forcément revenir sur des arguments que j'ai déjà développés, il me semble assez évident qu'un certain nombre de phénomènes (voir mon précédent post) ont concouru à tronquer notre capacité à l'émerveillement, jusqu'à pousser une partie de la population - peut-être une majorité - dans une attitude au mieux sceptique, au pire cynique et résignée.
Iggy
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