Raconter une Histoire dans une Histoire
- Zarathoustra
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il y a 9 ans 6 mois #20009
par Zarathoustra
Raconter une Histoire dans une Histoire a été créé par Zarathoustra
Je suppose qu'on a tous un jour eut à écrire un passage où l'un de nos personnages se mettait à raconter son histoire à d'autres personnes. C'est un truc entre le dialogue et le monologue.
A mon sens, il y a plusieurs écueils:
- Le monologue ennuyant: Raconter une histoire dans une histoire fonctionne avec des règles différentes d'un vrai récit, notamment pour ce qui est des astuces pour dynamiser un texte. Pas de dialogue (à part les interruptions de ceux qui écoutent), difficulté aussi pour traiter l'action puisque le but est de raconter et non de faire partager la scène. Il faut donc un peu plus succint. Bref, c'est difficile de faire passer de l'action.
- Le suspense: Le fait que le personnage soit vivant pour raconter son histoire ôte souvent un suspense qui est : va-t-il mourir? Et puis souvent, quand on raconte ces fameuses histoires, on souvent la fin. Le personnage va juste expliquer comment cela lui est arrivé pour obtenir le résultat final. Donc, souvent, il y a quelque chose de très prévisible. En outre, le mode narratif n'est pas censé faire du suspense (cacher un élément,les indices aussi ne sont pas mis en valeur de la même manière etc.), si bien que le suspense me parait plus difficile à faire passer sans employer des artifices pas logiques
- Les interruptions artificielles: une façon de rendre vivant ce texte est d'utiliser les auditeurs. D'abord, parce qu'on imagine mal des personnes écoutant pendant 20mn sans sans rien dire ou rien faire. Souvent, on les utilise, un peu articiellement, pour expliquer aux lecteurs ce qu'il est censé savoir mais qu'il e peut pas savoir compte tenu du fait qu'il n'existe pas parmi les personnages au au sein de l'univers. Du coup, même chose, cela sonne creu.
- Les interruptions intempestives: les auditeurs interviennent dans le récit. Cela permet de casser l'aspect parfois linéaire. Mais il faut trouver un équilibre car très vite cela casse aussi le récit et fait sortir le lecteur de cette histoire. Parfis, elle permette aussi d'alléger l'histoire en ndonnant une note humoristique.
- Le faux monologue: en fait, le récit omet ici la spécificité et raconte cette histoirecomme le reste de l'histoire. Il y a normalement une "oralité" qui doit transparaitre qui n'a rien à voir avec un récit écrit. En tout cas, il doit y avoir une certaine différence à mon sens. En fait, on est dans un style entre le dialogue/monologue et le récit. Et c'est bien toutes ces spécificités que j'aimerais qu'on creuse ensemble ici.
Bon, je suppose qu'on pourrait développer davantage. Mais je suis justement en train de travailler une histoire dans une histoire. Je l'ai déjà fait pas mal de fois, notamment dans Allareil puisqu'elle se raconte sa propre histoire. Mais là, il s'agit d'une scène avec deux personnages. Pour l'instant, je l'ai écrit un peu comme elle venait mais je ne suis pas sûr de parvenir à un moment aussi fort que je le souhaiterais (le mieux serait que je vous le donne quand j'aurais déjà dégrossi un peu mon texte).
En attendant, j'aimerai savoir comment vous-mêmes vous appréhender ces séquences.
A mon sens, il y a plusieurs écueils:
- Le monologue ennuyant: Raconter une histoire dans une histoire fonctionne avec des règles différentes d'un vrai récit, notamment pour ce qui est des astuces pour dynamiser un texte. Pas de dialogue (à part les interruptions de ceux qui écoutent), difficulté aussi pour traiter l'action puisque le but est de raconter et non de faire partager la scène. Il faut donc un peu plus succint. Bref, c'est difficile de faire passer de l'action.
- Le suspense: Le fait que le personnage soit vivant pour raconter son histoire ôte souvent un suspense qui est : va-t-il mourir? Et puis souvent, quand on raconte ces fameuses histoires, on souvent la fin. Le personnage va juste expliquer comment cela lui est arrivé pour obtenir le résultat final. Donc, souvent, il y a quelque chose de très prévisible. En outre, le mode narratif n'est pas censé faire du suspense (cacher un élément,les indices aussi ne sont pas mis en valeur de la même manière etc.), si bien que le suspense me parait plus difficile à faire passer sans employer des artifices pas logiques
- Les interruptions artificielles: une façon de rendre vivant ce texte est d'utiliser les auditeurs. D'abord, parce qu'on imagine mal des personnes écoutant pendant 20mn sans sans rien dire ou rien faire. Souvent, on les utilise, un peu articiellement, pour expliquer aux lecteurs ce qu'il est censé savoir mais qu'il e peut pas savoir compte tenu du fait qu'il n'existe pas parmi les personnages au au sein de l'univers. Du coup, même chose, cela sonne creu.
- Les interruptions intempestives: les auditeurs interviennent dans le récit. Cela permet de casser l'aspect parfois linéaire. Mais il faut trouver un équilibre car très vite cela casse aussi le récit et fait sortir le lecteur de cette histoire. Parfis, elle permette aussi d'alléger l'histoire en ndonnant une note humoristique.
- Le faux monologue: en fait, le récit omet ici la spécificité et raconte cette histoirecomme le reste de l'histoire. Il y a normalement une "oralité" qui doit transparaitre qui n'a rien à voir avec un récit écrit. En tout cas, il doit y avoir une certaine différence à mon sens. En fait, on est dans un style entre le dialogue/monologue et le récit. Et c'est bien toutes ces spécificités que j'aimerais qu'on creuse ensemble ici.
Bon, je suppose qu'on pourrait développer davantage. Mais je suis justement en train de travailler une histoire dans une histoire. Je l'ai déjà fait pas mal de fois, notamment dans Allareil puisqu'elle se raconte sa propre histoire. Mais là, il s'agit d'une scène avec deux personnages. Pour l'instant, je l'ai écrit un peu comme elle venait mais je ne suis pas sûr de parvenir à un moment aussi fort que je le souhaiterais (le mieux serait que je vous le donne quand j'aurais déjà dégrossi un peu mon texte).
En attendant, j'aimerai savoir comment vous-mêmes vous appréhender ces séquences.
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- Vuld Edone
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il y a 9 ans 6 mois #20010
par Vuld Edone
Réponse de Vuld Edone sur le sujet Raconter une Histoire dans une Histoire
Oh mon dieu c'est impossible.
Ma réaction à chaud, et dû à mon expérience.
J'ai pas mal d'exemples en tête mais je vais donner le moins évident : les Anges. Le narrateur est un personnage, avec son point de vue sur le monde, ses connaissances et j'en passe. Du coup peu importe à qui je fais lire, tout le monde a la même réaction "mais c'est quoi tes bêtes ? C'est des humains ? Des animaux ?" Sauf qu'il serait aussi absurde pour le narrateur de décrire une bête que ce le serait pour moi de décrire un chihuahua.
La réponse tient en peu de mots : le lecteur s'en fiche.
Comme tu l'as dit, en général on a affaire à un faux monologue. Mais le lecteur se fiche que les règles les plus basiques de la vraisemblance soient piétinées. Ce qui lui importe, c'est de pouvoir profiter du récit, et tant pis pour le reste : il est prêt à fermer les yeux.
Là encore j'ai un exemple criant en tête. Il y a une histoire censée être écrite par le personnage principal. Le personnage a donc écrit un bouquin que le lecteur lit. Sauf que dans cette histoire, on a tous les dialogues des autres personnages. Alors qu'on se rappelle de deux-trois répliques marquantes, je ne dis pas... mais des dialogues entiers ? Désolé mais ce narrateur est mythomane.
Le lecteur, cependant, accepte cela sans poser de questions, parce que comme ça il profite des dialogues. Il n'y pense même pas parce que ça lui convient très bien.
La réponse est donc : ton personnage qui raconte a pour but de faire partager la scène et va utiliser tous les trucages dans ce but, un peu comme le pote qui est censé te prévenir d'un danger va s'entêter à répéter "n'y va pas, c'est dangereux, n'y va pas" au lieu de te dire en quoi consiste le danger. Tout au nom du suspense, et avec l'approbation du lecteur.
Après tu peux être plus exigeant avec ton texte et décider que la crédibilité a encore quelques mérites en ce bas-monde (non je ne suis pas irrité) mais alors là bonne chance.
Je n'ai pas la moindre idée de comment accomplir ce miracle.
Au fond, c'était un peu ce que j'avais fait avec Decimer. Fifrelin demande qui est Homs, et les gens se mettent à raconter. Ma solution était de réduire leur propos en narration, où ce ton est beaucoup plus acceptable. Mais ce n'est pas lié à ta question parce que ce n'est pas juste un passage du texte, c'est tout le texte.
En fait, et en y réfléchissant, le lecteur moderne est habitué au cinéma où on voit la personne commencer à raconter, puis l'habituel fondu sur la mise en scène de ce qu'il raconte.
Je suppose qu'ils voient le texte de la même manière. La personne commence à raconter et c'est normal que ça dérive vers du récit pur : on s'est immergé dans son histoire. Il y aurait presque là une attente de sa part.
La question devient alors : quel est l'intérêt de ne pas faire cette plongée dans le récit. Aussi paradoxal cela soit-il. S'il y a quelque chose dans le monologue normal qui lui donne une raison d'être, alors on a déjà répondu au problème. Sinon, eh bien, on fait avec son temps.
Mais punaise, ça fait bizarre de devoir écrire sur quelqu'un qui raconte ce qu'il a vécu et qui se retrouve à être forcé de faire comme s'il n'avait aucune idée de ce qui allait venir ensuite. "ah ouais, cette partie du récit où ma petite copine est morte ! Attends, je vais te la raconter en détails, ah j'aime tellement me rappeler de ce passage !" Pu-nai-se.
Sauf que si tu mets en scène le trauma que ça représente pour ton narrateur de parler de ça, les gens vont décrocher parce que, justement, tu les fais décrocher du récit même, de ce qui s'est passé. Logique.
Ma réaction à chaud, et dû à mon expérience.
J'ai pas mal d'exemples en tête mais je vais donner le moins évident : les Anges. Le narrateur est un personnage, avec son point de vue sur le monde, ses connaissances et j'en passe. Du coup peu importe à qui je fais lire, tout le monde a la même réaction "mais c'est quoi tes bêtes ? C'est des humains ? Des animaux ?" Sauf qu'il serait aussi absurde pour le narrateur de décrire une bête que ce le serait pour moi de décrire un chihuahua.
La réponse tient en peu de mots : le lecteur s'en fiche.
Comme tu l'as dit, en général on a affaire à un faux monologue. Mais le lecteur se fiche que les règles les plus basiques de la vraisemblance soient piétinées. Ce qui lui importe, c'est de pouvoir profiter du récit, et tant pis pour le reste : il est prêt à fermer les yeux.
Là encore j'ai un exemple criant en tête. Il y a une histoire censée être écrite par le personnage principal. Le personnage a donc écrit un bouquin que le lecteur lit. Sauf que dans cette histoire, on a tous les dialogues des autres personnages. Alors qu'on se rappelle de deux-trois répliques marquantes, je ne dis pas... mais des dialogues entiers ? Désolé mais ce narrateur est mythomane.
Le lecteur, cependant, accepte cela sans poser de questions, parce que comme ça il profite des dialogues. Il n'y pense même pas parce que ça lui convient très bien.
La réponse est donc : ton personnage qui raconte a pour but de faire partager la scène et va utiliser tous les trucages dans ce but, un peu comme le pote qui est censé te prévenir d'un danger va s'entêter à répéter "n'y va pas, c'est dangereux, n'y va pas" au lieu de te dire en quoi consiste le danger. Tout au nom du suspense, et avec l'approbation du lecteur.
Après tu peux être plus exigeant avec ton texte et décider que la crédibilité a encore quelques mérites en ce bas-monde (non je ne suis pas irrité) mais alors là bonne chance.
Je n'ai pas la moindre idée de comment accomplir ce miracle.
Au fond, c'était un peu ce que j'avais fait avec Decimer. Fifrelin demande qui est Homs, et les gens se mettent à raconter. Ma solution était de réduire leur propos en narration, où ce ton est beaucoup plus acceptable. Mais ce n'est pas lié à ta question parce que ce n'est pas juste un passage du texte, c'est tout le texte.
En fait, et en y réfléchissant, le lecteur moderne est habitué au cinéma où on voit la personne commencer à raconter, puis l'habituel fondu sur la mise en scène de ce qu'il raconte.
Je suppose qu'ils voient le texte de la même manière. La personne commence à raconter et c'est normal que ça dérive vers du récit pur : on s'est immergé dans son histoire. Il y aurait presque là une attente de sa part.
La question devient alors : quel est l'intérêt de ne pas faire cette plongée dans le récit. Aussi paradoxal cela soit-il. S'il y a quelque chose dans le monologue normal qui lui donne une raison d'être, alors on a déjà répondu au problème. Sinon, eh bien, on fait avec son temps.
Mais punaise, ça fait bizarre de devoir écrire sur quelqu'un qui raconte ce qu'il a vécu et qui se retrouve à être forcé de faire comme s'il n'avait aucune idée de ce qui allait venir ensuite. "ah ouais, cette partie du récit où ma petite copine est morte ! Attends, je vais te la raconter en détails, ah j'aime tellement me rappeler de ce passage !" Pu-nai-se.
Sauf que si tu mets en scène le trauma que ça représente pour ton narrateur de parler de ça, les gens vont décrocher parce que, justement, tu les fais décrocher du récit même, de ce qui s'est passé. Logique.
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- Zarathoustra
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il y a 9 ans 6 mois #20011
par Zarathoustra
Réponse de Zarathoustra sur le sujet Raconter une Histoire dans une Histoire
Pour ma part, ce n'est pas une problématique énorme dans la mesure où ce passage doit faire une ou deux pages, donc c'est pas l'essentiel du chapitre. Mon partie pris est d'ailleurs de ne pas le faire sous la forme d'un vrai monologue mais de faire comme un résumé du monologue. Donc il y a des parties dialoguer et des parties ne le sont pas et qui sont écrites normalement (mais en essayant de respecter une certaine logique narrative d'une anecdote "conté"). D'ailleurs, au-delà de cette longueur, je trouve l'idée stupide. Personne ne fait des monologues aussi long dans la vie, pourquoi après tout se prendre la tête avec une pseudo cérdibilité?
Pour ce qui est du lecteur, j'ai souvenir que la Symphonie Pastorale de Gide (qui est censé être une sorte de récit à a première personne) enfreinait déjà les règles du genre en osant des figures de style et des procédés très littéraires. Bref, c'est un vieux débats qui n'existent pas.
La problématique serait de faire malgré tout quelque chose en respectant les contraintes du genre, sinon, effectivement, ça ne sert à rien. C'est souvent à travers les contraintes qu'on se fixe qu'on comprend ce qu'on fait et qu'on progresse.
Donc je pense pour ma part que c'est possible. Seulement, cela se travaille certainement plus que la plupart ne le font. D'où le sujet!
Pour ce qui est du lecteur, j'ai souvenir que la Symphonie Pastorale de Gide (qui est censé être une sorte de récit à a première personne) enfreinait déjà les règles du genre en osant des figures de style et des procédés très littéraires. Bref, c'est un vieux débats qui n'existent pas.
La problématique serait de faire malgré tout quelque chose en respectant les contraintes du genre, sinon, effectivement, ça ne sert à rien. C'est souvent à travers les contraintes qu'on se fixe qu'on comprend ce qu'on fait et qu'on progresse.
Donc je pense pour ma part que c'est possible. Seulement, cela se travaille certainement plus que la plupart ne le font. D'où le sujet!
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- Vuld Edone
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il y a 9 ans 6 mois #20012
par Vuld Edone
Réponse de Vuld Edone sur le sujet Raconter une Histoire dans une Histoire
Il y a un cas qui me revient en tête, et encore lié aux Anges -- sur Prudon, cette fois, j'aurai peut-être l'occasion de le mettre en scène dans le Troisième cri, si je l'écris.
Un peu de contexte. Prudon est un savant qui a voulu comprendre les secrets d'Alquières (d'où viennent les cristaux, d'où viennent les bêtes : qui est Homs) et qui, pour se faire, s'est rendu coupable de génocide. Au sens assez littéral où il a utilisé des villages entiers pour ses expériences.
Après la mort de Decimer - blablabla - Prudon a eu un cas de conscience et a décidé d'arrêter d'expérimenter. Sauf que les questions le poursuivent, il veut toujours comprendre et du coup quand un jour une bête vient le visiter et qu'en plus cette bête est naïve, bah il a la tentation de la dépecer.
Du coup, dans la scène qui nous intéresse, Prudon demande à la bête de s'installer sur une table et, en échange, lui promet de lui raconter son passé. Et à mesure qu'il raconte son passé, et donc explique comment il en est venu au génocide, bah on constate qu'il est en train de préparer son nouveau cobaye.
La scène est assez courte, une demi-page à une page maximum, mais elle pourrait durer bien plus longtemps. Prudon n'utilise aucun artifice. Il raconte les choses assez sobrement, il dit ce qui a été. Ça tomberait facilement sous le monologue ennuyant. Mais ce n'est jamais ennuyeux pour deux raisons :
1) La tension d'arrière-plan, à savoir qu'il est sur le point d'ajouter une victime à son palmarès
2) La raison même de son monologue. Prudon raconte tout ça pour dire à sa future victime "eh, je suis dangereux, tu devrais peut-être t'enfuir".
Pris entre le besoin d'avoir ses réponses et l'envie de ne pas commettre un crime, Prudon choisit cette échappatoire. Et la scène est d'autant plus frappante que l'autre bête ne lui répond pas et ne comprend pas, quasiment jusqu'à la toute fin, que Prudon s'apprête à recommencer. Alors que le lecteur le sait pertinemment. À ce titre on évite un autre de tes écueils, les interruptions. L'autre ne répond pas et c'est motivé, ça participe du reste au phénomène de "fascination".
En repensant à cet exemple je me suis aperçu qu'il aurait pu durer des pages, et des pages, voire constituer un récit à lui seul où, au travers de ce monologue ennuyeux -- ponctué de détails sur les gestes du narrateur -- on aurait compris ce qu'il s'apprête à faire et pourquoi il le raconte.
Du coup, la monotonie et le caractère quelconque de son discours participent directement à l'ambiance. S'il mettait de l'emphase, sa victime pourrait réagir. Mais Prudon parle de faits, d'inéluctable, un enchaînement d'événements froid comme le scalpel.
La réponse à ta question est peut-être là.
Si le lecteur n'a aucune raison de lire, alors peu importe tes artifices, normalement (je dis bien normalement... soupir) le lecteur décrochera. Inversement, si le lecteur a une raison de lire alors même en rendant la chose insipide, il y a des chances que le lecteur accroche jusqu'au bout.
La question revient de nouveau à "est-ce que le monologue est adapté à la situation ?"
C'est par exemple ce qui m'agacerait dans un texte reprenant une aventure de JdR. On arrive dans la taverne, il y a un groupe d'aventuriers et là paf, on me fait la description de chaque aventurier. Imagine maintenant que le héros s'arrête et demande à chacun son histoire.
Je déchirerais virtuellement le texte devant l'auteur.
Maintenant imaginons que ce même héros arrive dans la taverne et y cherche le tueur de mettons sa femme, son fils et son poisson rouge. Minus le poisson rouge, mais il a quand même perdu sa ferme hein. Il repère le groupe d'aventuriers et sent que ce doit être l'un d'eux. Il ne lui reste plus qu'à savoir qui.
Il va donc demander exactement la même chose qu'avant, à chacun son histoire, sauf que là on est passé en mode enquête et le lecteur, comme le personnage, va décortiquer chaque détail. Alors bon, sûr, ce serait plus avisé qu'il rejoigne le groupe et interroge les gens à mesure de l'aventure mais voilà, disons que ce soit un one-shot, on n'a pas le temps. Tout se fera en taverne.
Le plus intéressant serait alors, avant qu'il ne trouve le tueur, qu'il se rende compte à quel point ces aventuriers sont dangereux. Genre lui c'est juste un paysan, un aventurier en herbe. Eux ils ont même survécu à genre des vouivres. Du coup, avant même qu'il ne trouve le tueur, il se demande comment il va faire pour pouvoir le tuer, et ça rajoute un second enjeu : abandonner ? S'admettre vaincu ? Ou bien un détail lui dira comment faire ?
Et on peut rajouter un troisième détail, assez simple : il peut vouloir rejoindre le groupe, question de pouvoir assassiner le meuchant. Mais pour ça il doit se faire accepter. Ce qui peut rajouter un nouvel enjeu à ces monologues. Le personnage cherche à les faire parler pour se rapprocher d'eux, et plus ils parlent plus il a de chances de les rejoindre.
Bref.
La forme du monologue, au final, importe assez peu. Ce qui compte avant tout, pour le lecteur, c'est son enjeu. Donne un enjeu suffisant et ton monologue barbant deviendra la partie la plus tendue du texte.
Mais là je ne t'apprends rien.
Après cela, l'enjeu devrait te dire comment les personnages doivent réagir. Normalement.
Et je reste d'avis que c'est nom d'un chien d'impossible.
Un peu de contexte. Prudon est un savant qui a voulu comprendre les secrets d'Alquières (d'où viennent les cristaux, d'où viennent les bêtes : qui est Homs) et qui, pour se faire, s'est rendu coupable de génocide. Au sens assez littéral où il a utilisé des villages entiers pour ses expériences.
Après la mort de Decimer - blablabla - Prudon a eu un cas de conscience et a décidé d'arrêter d'expérimenter. Sauf que les questions le poursuivent, il veut toujours comprendre et du coup quand un jour une bête vient le visiter et qu'en plus cette bête est naïve, bah il a la tentation de la dépecer.
Du coup, dans la scène qui nous intéresse, Prudon demande à la bête de s'installer sur une table et, en échange, lui promet de lui raconter son passé. Et à mesure qu'il raconte son passé, et donc explique comment il en est venu au génocide, bah on constate qu'il est en train de préparer son nouveau cobaye.
La scène est assez courte, une demi-page à une page maximum, mais elle pourrait durer bien plus longtemps. Prudon n'utilise aucun artifice. Il raconte les choses assez sobrement, il dit ce qui a été. Ça tomberait facilement sous le monologue ennuyant. Mais ce n'est jamais ennuyeux pour deux raisons :
1) La tension d'arrière-plan, à savoir qu'il est sur le point d'ajouter une victime à son palmarès
2) La raison même de son monologue. Prudon raconte tout ça pour dire à sa future victime "eh, je suis dangereux, tu devrais peut-être t'enfuir".
Pris entre le besoin d'avoir ses réponses et l'envie de ne pas commettre un crime, Prudon choisit cette échappatoire. Et la scène est d'autant plus frappante que l'autre bête ne lui répond pas et ne comprend pas, quasiment jusqu'à la toute fin, que Prudon s'apprête à recommencer. Alors que le lecteur le sait pertinemment. À ce titre on évite un autre de tes écueils, les interruptions. L'autre ne répond pas et c'est motivé, ça participe du reste au phénomène de "fascination".
En repensant à cet exemple je me suis aperçu qu'il aurait pu durer des pages, et des pages, voire constituer un récit à lui seul où, au travers de ce monologue ennuyeux -- ponctué de détails sur les gestes du narrateur -- on aurait compris ce qu'il s'apprête à faire et pourquoi il le raconte.
Du coup, la monotonie et le caractère quelconque de son discours participent directement à l'ambiance. S'il mettait de l'emphase, sa victime pourrait réagir. Mais Prudon parle de faits, d'inéluctable, un enchaînement d'événements froid comme le scalpel.
La réponse à ta question est peut-être là.
Si le lecteur n'a aucune raison de lire, alors peu importe tes artifices, normalement (je dis bien normalement... soupir) le lecteur décrochera. Inversement, si le lecteur a une raison de lire alors même en rendant la chose insipide, il y a des chances que le lecteur accroche jusqu'au bout.
La question revient de nouveau à "est-ce que le monologue est adapté à la situation ?"
C'est par exemple ce qui m'agacerait dans un texte reprenant une aventure de JdR. On arrive dans la taverne, il y a un groupe d'aventuriers et là paf, on me fait la description de chaque aventurier. Imagine maintenant que le héros s'arrête et demande à chacun son histoire.
Je déchirerais virtuellement le texte devant l'auteur.
Maintenant imaginons que ce même héros arrive dans la taverne et y cherche le tueur de mettons sa femme, son fils et son poisson rouge. Minus le poisson rouge, mais il a quand même perdu sa ferme hein. Il repère le groupe d'aventuriers et sent que ce doit être l'un d'eux. Il ne lui reste plus qu'à savoir qui.
Il va donc demander exactement la même chose qu'avant, à chacun son histoire, sauf que là on est passé en mode enquête et le lecteur, comme le personnage, va décortiquer chaque détail. Alors bon, sûr, ce serait plus avisé qu'il rejoigne le groupe et interroge les gens à mesure de l'aventure mais voilà, disons que ce soit un one-shot, on n'a pas le temps. Tout se fera en taverne.
Le plus intéressant serait alors, avant qu'il ne trouve le tueur, qu'il se rende compte à quel point ces aventuriers sont dangereux. Genre lui c'est juste un paysan, un aventurier en herbe. Eux ils ont même survécu à genre des vouivres. Du coup, avant même qu'il ne trouve le tueur, il se demande comment il va faire pour pouvoir le tuer, et ça rajoute un second enjeu : abandonner ? S'admettre vaincu ? Ou bien un détail lui dira comment faire ?
Et on peut rajouter un troisième détail, assez simple : il peut vouloir rejoindre le groupe, question de pouvoir assassiner le meuchant. Mais pour ça il doit se faire accepter. Ce qui peut rajouter un nouvel enjeu à ces monologues. Le personnage cherche à les faire parler pour se rapprocher d'eux, et plus ils parlent plus il a de chances de les rejoindre.
Bref.
La forme du monologue, au final, importe assez peu. Ce qui compte avant tout, pour le lecteur, c'est son enjeu. Donne un enjeu suffisant et ton monologue barbant deviendra la partie la plus tendue du texte.
Mais là je ne t'apprends rien.
Après cela, l'enjeu devrait te dire comment les personnages doivent réagir. Normalement.
Et je reste d'avis que c'est nom d'un chien d'impossible.
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