file La machine derrière mes textes.

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il y a 7 ans 11 mois #20872 par Iggy Grunnson
Réponse de Iggy Grunnson sur le sujet La machine derrière mes textes.
Waouh! ...

A voir un sujet aussi ardu que celui-ci connaître une participation aussi florissante, je me dis que les Chroniques sont loin d'êtres finies (et accessoirement, que vous êtes de grands malades ;))

Je n'ai pas eu le temps de tout lire dans le détail, seulement en diagonale. A défaut de rentrer en plein dans le débat logico-philosophique, j'aurais bien une question pour Vuld :

Est-ce que c'est vraiment de cette manière que tu conçois tes histoires (c'est ce que laisse entendre le titre du sujet en tout cas) ? Comme un jeu d'équations que tu poses et auquel tu essaies de trouver une solution logique ? Ou bien le système que tu présentes est seulement une grille de lecture que tu apposes a posteriori sur tes propres histoires (et celles des autres, tant qu'à faire) pour vérifier qu'elles tiennent la route par rapport à la logique que tu t'es donnée ?

Je dis ça car ça me paraît assez peu naturel de construire une intrigue de cette manière. J'ai l'impression que ça contraint l'auteur à tout connaître à l'avance de son histoire (c'est le cas si le problème est bien posé et le système déterministe), sans laisser de place pour l'inspiration qui peut se manifester en cours de route.


Iggy

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il y a 7 ans 11 mois #20875 par Vuld Edone
Réponse de Vuld Edone sur le sujet La machine derrière mes textes.
C'est bien la manière dont je conçois mes histoires. Un jeu d'équations que je pose et auxquelles j'essaie de trouver une solution logique.
Chaque texte est la mise en scène d'une expérience de pensée (plus ou moins rigoureuse).

Ce n'est pas naturel pour l'intrigue, mais c'est naturel pour le thème. Ce sont les questions qui m'intéressent.
Les intrigues (et univers) sont en général plutôt créées en réaction à autre chose. Par exemples l'univers des Anges, avec ses bêtes et tout ça, est une caricature des forums de JdR (et autres récits d'aventure). À la base c'était "voilà ce qui se passe quand tout le monde est le héros".
Mais inévitablement, une fois l'intrigue en place je vais vouloir y placer mes thèmes. Liberté, volonté, justice... fureur... ça reviendra inévitablement.

Et effectivement, cela me force à tout connaître à l'avance, en tout cas autant que possible, avant même de commencer. D'où mon obsession pour les plans "à la page près".
Mais soyons honnête, avec le temps j'ai pu m'apercevoir qu'il y aurait toujours trop de failles pour jamais y arriver.

Ce n'est en tout cas pas une grille de lecture. Je n'espère pas du moins. À mes yeux chaque texte a son propre système logique, sa "cohérence" et ce système doit être jugé pour lui-même. Si je ne fais pas ça je ne me considèrerais pas littéraire.

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il y a 7 ans 11 mois #20876 par Iggy Grunnson
Réponse de Iggy Grunnson sur le sujet La machine derrière mes textes.
Merci pour ta réponse, c'est très éclairant sur ta démarche je trouve...

Concrètement, comment ça se passe : est-ce que la planification d'une histoire revient à poser le problème, et l'écriture à le résoudre ? En découvrant quel est le cheminement logique qui découle de tes hypothèses ?

Ou est-ce que dès la planification tout est résolu, au sens que tes personnages ont un chemin tout tracé qu'il leur faudra suivre immanquablement ?

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il y a 7 ans 11 mois #20877 par Vuld Edone
Réponse de Vuld Edone sur le sujet La machine derrière mes textes.
Théoriquement, tout dès le planification devrait être résolu. Planifier revient à poser problème et solution(s).
Dans la pratique, aucun plan ne survit à la réalité.

Un exemple de ça est "mon personnage doit sortir d'une auberge. L'entrée est gardée. L'aubergiste lui donne accès, contre paiement, à un passage secret."
Tout cela sonne bien jusqu'à ce que tu réalises que 1) le passage secret est à la cuisine, dont la porte est bien en vue pour tout le monde et 2) il y a une porte de service dans la cuisine qui donne dehors !
Personnellement j'ai décrété que l'aubergiste faisait diversion pour (1) et que la porte de service avait été murée pour (2). Mais c'est du "damage control", c'est là où tu te rends compte -- tu l'as forcément vécu -- à quel point les plans sont faillibles.
Parce que 3) qui posterait un garde à l'entrée d'une auberge, sérieux...

Quand ces incohérences sont locales, quand elles touchent à des détails sans conséquences, j'accepte de tout faire tenir avec du scotch (et d'oublier à quel point c'est branlant).
Quand ça touche au raisonnement logique derrière, je ne peux pas me le permettre.
Cela signifie que mon raisonnement a amené une contradiction, et je dois éliminer une hypothèse : ce qui revient à réécrire tout ce qui reposait sur cette hypothèse. En général ça demande moins d'efforts de tout recommencer.

Je ne sais pas si tu planifies beaucoup, mais tu as dû connaître aussi ces moments où ce que tu avais prévu s'avère farfelu, et que tu dois corriger.
Tu as déjà eu ce moment où l'incohérence est telle que pour la corriger tu dois changer les trois quarts du texte ?
C'est en général ce qui m'arrive.

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il y a 7 ans 11 mois #20878 par Iggy Grunnson
Réponse de Iggy Grunnson sur le sujet La machine derrière mes textes.
Pour ce qui est des incohérences "mineures", un point de l'intrigue qui nous a échappé à la planification et qui ne colle pas avec le reste, malheureusement je crois qu'il est quasi-impossible de les éviter toutes. Comme toi, je fais marcher le scotch pour essayer de passer l'obstacle et de pouvoir continuer. Tant que ce genre d'incohérence ne devient pas trop fréquente dans un texte, je fais appel à la clémence du lecteur en espérant qu'il ne décrochera pas ; mais c'est sûr que si elles se multiplient c'est tout l'intérêt du texte qui se trouve amoindri, et ma motivation pour l'écrire avec.

Par contre, je dois m'estimer chanceux de ne pas m'être retrouvé devant un blocage qui m'obligerait à revoir 3/4 de ma copie. C'est peut-être que ma méthode est un peu différente de la tienne, ou plus sûrement que je suis moins exigeant que toi envers moi-même.
Je considère l'écriture de chaque histoire comme une opportunité de découvrir comment les gens fonctionnent (là dessus, encore, je pense qu'on se rejoint à peu près). Au moment de la planification, je fais pas mal confiance à mon instinct pour décider des choix que doivent faire mes personnages. Ce n'est qu'en écrivant que je découvre leurs motivations profondes, i.e. le pourquoi de leurs choix. Parfois je m'en tiens à ma décision initiale, et parfois je dois changer de fusil d'épaule par rapport à ce que j'avais planifié car le personnage tel qu'il s'est développé ne peut décemment pas faire le choix que j'avais prévu au départ. Je me permets de citer cet extrait d'interview de John Crowley, parce qu'il exprime sans doute bien mieux que moi ce que je veux dire :


What’s your approach to writing your rough draft—what do you need to have figured out in order to commit words to paper?

I don’t really write rough drafts in the way the term is usually used. I write draft pages, draft notes, draft scraps, but for the most part I can only write when I know pretty well – very well, actually, most of the time – where I’m going and how I might get there. The idea of writing an entire novel, or even a large part of one, only to basically discard it is dreadful to me. Before I start I know the beginning, the end, the emotional color, the characters and their strengths and weaknesses (or actually I know them the way we know characters in dreams: we intuit or recognize what they’re like, without working it out). (...)



Après, mon cas est un peu particulier, car ça fait des années et des années que je suis les mêmes personnages. Je connais bien leur fonctionnement, et la trajectoire sur laquelle ils se trouvent. J'imagine que le risque de s'embarquer dans une mauvaise direction serait plus important si je repartais de zéro.


Iggy

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il y a 7 ans 11 mois #20879 par Zarathoustra
Réponse de Zarathoustra sur le sujet La machine derrière mes textes.
Bon, j’ai l’impression que la discussion part sur un autre (et très intéressant) sujet qui, de mémoire, doit plus ou moins déjà faire partie d’un ancien topic, mais avec des éclairages différents.
En vous lisant, je me rassure. Je ne suis pas un adepte du plan très établi. En fait, je pense qu’il faut envisager les choses en fonction de la nature du projet en question. Il y a les sagas et les one shot.

1- Pour les sagas, je pense qu’il est assez difficile de partir sans avoir un plan établi. Même si cela ne transparait pas forcément très bien, il y a plan d’ensemble dans le Rêve d’Ether avec un dénouement arrêté, mais l’essentiel tourne plus sur les thèmes et les réflexions que je veux illustrer. Reste que j’ignorais la véritable longueur (mais assez vite je suis partie sur 5 partie, je crois qu’il y en aurait plus 7 aujourd’hui). L’une des difficultés que j’ai, dans de grandes histoires, c’est que je ne peux m’empêcher de vouloir faire vivre mes personnages. Je les sens changer et je veux que le lecteur le vive lui aussi. Bref, parfois, il leur arrive un truc. Alors je me dis « mais tu te rends compte, il leur est arrivé ça ! Tu peux pas faire comme si c’était rien ! ». Donc je vais creuser, et parfois trouver d’autres situations, d’autres interactions qui ont été déclenchés par mon besoin de faire vivre le personnage par rapport à ce qu’il ressent. J’ignore pour vous, mais, pour moi, pour faire partager une émotion ou un ressenti à un lecteur, cela prend du temps. On ne peut pas dire « bon là, il devient tout triste » et le montrer pendant 2 lignes, puis repartir, après comme si c’était oublié ou, pire, comme s’il allait porter ça comme une croix toute sa vie, de manière excessive, jusqu’à nier ce qu’il était juste avant comme on le voit souvent dès le moment où on veut verser dans le tragique. Mais au-delà de ces émotions, surtout sur le rêve d’ether, ce sont les personnages qui me permettent également de traiter les thèmes. Et ce qu’ils vivent ou ressentent en fait partie.

Bref, mes personnages sont de puissants perturbateurs endocriniens de mes plans… Parce que je les sens vivre au fil des pages, je peux trouver que j’avais envisagé un comportement illogique. Vuld suit la logique de ses plans, moi j’ai tendance à suivre la logique de mon personnage sauf que je n’arrive pas forcément à l’anticiper. Mon plan est, pour ainsi dire, fondé sur une trame rationnelle et j’introduis une dimension irrationnelle mais qui suit aussi sa propre logique.

D’autre part, pour moi, un personnage, c’est comme une scène d’action pour d’autres, cela se traite sur la longueur. Chacun est un gouffre sans fond. Et de plus en plus, j’ai l’impression que j’ai besoin de très peu de choses pour pouvoir y plonger sans fin… et que j’aime beaucoup ça. Cela devient pour moi une matière première à travailler comme certains le font d’un paysage, d’une description physique ou d’une séquence d’action…

J’ai dit qu’il était assez difficile d’écrire sans plan préétabli pour des sagas, mais j’en écris quasi deux ainsi. La première était Rencontre du 3eme type où les chapitres me sont venus au fur et à mesure jusqu’à ce que l’inexorable fin qui m’apparut au bout d’un moment ne puisse plus être reculée. La seconde est Le Chant des Pierres. Pour ce récit, j’avais une trame de quelques lignes dans la tête avec surtout une fin. L’élément perturbateur de mon récit a été le personnage d’Hilda. Elle était un personnage complètement secondaire (tout comme Lonstroek) mais les deux ont soudain pris de l’ampleur, justement dans ma volonté d’être plus réaliste et crédible. L’histoire aurait dû faire 2 ou 3 chapitre, elle en fera 8 ou 9 et aura une fin complètement différente par rapport au projet initial, à cause de ces deux personnages et à cause aussi du développement du Rêve d’Ether puisqu’au départ, l’anecdote du Devin en faisait partie de manière très ou trop atrophiée.

L’histoire qui a eu le plan le plus respecté était les 3 Noms d’Alarielle, sauf que je n’avais aucune idée de la longueur. Par contre, Alarielle a une composante totalement improvisée qui est son histoire au présent, tout du moins, toute son introspection. Je n’avais aucune idée de ce que j’allais y mettre. De même sur son évolution psychologique tant passé que présente, je n’avais aucune idée du comment j’allais y parvenir. Elle devait passer de l’état d’elfe gentille à elfe noire, puis d’elfe noire à elfe « rouge » sans connaître le détail. L’une des difficultés était d’ailleurs de faire converger les évolutions psychologique avec ‘avancée des intrigues. Je veux dire que je devais arriver au point B en ayant fait basculer le personnage dans sa nouvelle psychologie en même temps.

Mais jamais je ne pourrai à l’avance planifier dans les moindres détails une grande histoire. J’aurais en tête quelques scènes clés, les thèmes, souvent un dénouement possible (parce que parfois, j’ai une fin par défaut et j’espère en trouver une meilleure en court de route), mais jamais la structure avec le contenu de chaque chapitre. Pour Ether, j’avais juste la trame en 5/6 points clés des différents chapitres. C’était nécessaire aussi pour que les interactions de mes personnages et des différentes intrigues coïncident avec les nœuds de l’histoire.


2- les one shot. Pour ma part, ils sont plutôt l’occasion d’expérimenter. Ce qui m’importe ici, ce sont plus les thèmes que l’histoire. Sur certains points, je rejoins l’approche de Vuld. Par exemple, le dernier que j’ai écrit est vraiment une façon pour moi d’aborder plusieurs thèmes et de les unir de manière à obtenir une réflexion avec une sorte de conclusion. Je suis rassuré par ce que dit Vuld, parce qu’a priori lui aussi aborde plusieurs thèmes en même temps, alors que je croyais qu’il me faisait le reproche de manquer de rigueur en en traitant plusieurs. Sur celui-la, d’ailleurs, je pense vraiment avoir réussi à unir mes différents thèmes et niveaux de lecture à travers une réflexion profonde et cohérente, comme jamais je n’y étais parvenu. Tout est en place et tout a un sens dans ma tête. Je pense pouvoir justifier l’existence de chaque phrase, à défaut de chaque mot. Pourtant, je l’ai fait sans aucun plan précis, j’avais juste 3 séquences différentes à traiter avec un objectif global et le pourquoi du comment très précis en tête.

Par contre, pour les one shot, j’ai beaucoup de mal à savoir à l’avance la longueur. J’aime avoir les couder franche pour avancer parce que c’est ce qui m’a permis de retrouver l’inspiration pour écrire davantage. Et plus j’ai une trame définie et moins je visualise la longueur qui sera nécessaire pour la raconter. Je sais ce que je vais mettre, parfois même avec des scènes que je visualise très précisément, mais je ne mets pas une longueur en face. Et si je le fais, c’est très approximatif. Style : « bon ça, ça va me prendre 3 pages » sans faire de fixation dessus.


3- Pour finir sur le sparadrap, bon, je ne dirai pas que je n’en utilise pas, mais je retiens que mon relatif détachement par rapport au plan et aux intrigues me permet souvent d’être plus rigoureux que je ne le serai car cela me permet d’intégrer des opportunités parfois plus crédibles. L’écueil parfois se trouve dans la cohérence rétroactive sur des histoires longues. Le chapitre qu’on lit est plus carré que ce que j’avais imaginé mais il peut prendre un peu en défaut les précédents (dans le sens où des éléments ou des personnages n’auraient pas été traités de la même manière en sachant dès le départ que j’allais fonctionner ainsi). D’une certaine manière, ce qui surgit dépend plus fortement de ce qui précède. Par contre, ça peut effectivement beaucoup chambouler la suite… Mais généralement, si j’ai opté pour un changement, c’est que je trouve qu’il a un potentiel intéressant pour la suite également et comme mes fins sont souvent moyennement arrêtés, cela ne me dérange pas outre mesure. L’important est plus la cohérence avec les thèmes abordés et les réflexions qui en découlent. Jamais il ne m’est arrivé d’aller à l’opposée, au contraire, parfois, cela m’a permis d’aller encore plus loin que je ne l’avais au départ envisager.

Bref, je suis un adepte de l’accidentel, de l’opportunité à saisir. Et c’est un plaisir parfois jubilatoire de retomber sur ses pattes bien en équilibre en donnant l’illusion au lecteur que tout avait été pleinement planifié. J’ai un peu fait de la maitrise de JDR (en fait j’ai pratiqué très tard, j’avais 20 ans) et j’ai retenu que les accidents, les coïncidences étaient souvent la source des meilleurs scènes que retenaient les joueurs. Moins mon scénario était épais au départ et plus les joueurs appréciaient.

Pour ma part, quelque soit ce que j’écrit, ce n’est pas l’histoire en soi qui importe mais les thèmes que j’aborde à travers les personnages et l’intrigue. Un texte est comme une vaste mise en scène de ces thèmes. Et les traiter dans un sage me permet de les avoir en toile de fond sans que le lecteur ne les voit forcément au départ sous son nez. J’aime que, peu à peu, il prenne conscience de lui-même où je veux en venir. L’intrigue est presque une sorte de leurre à mon niveau. Et les personnages sont des moyens pour moi d’emporter le lecteur là où j’ai envie et parfois là où il me plait de flâner. Et il arrive aussi qu’ils soient des clés pour moi pour que je découvre d’autre chose sur mes histoires.

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