file Besoin d'avis pour une description

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il y a 18 ans 3 mois #10312 par Unknowledge
Besoin d'avis pour une description a été créé par Unknowledge
Bonsoir, je voudrais vous faire partager l'extrait d'une fic, un extrait centré sur la description d'une chevauchée... Excusez moi de ne pas poster immédiatement le début de cette fiction justement, en ce moment je tente de la retravailler pour la rendre plus potable, je tâcherai de vous la poster par la suite sans problèmes.
Voici donc simplement qq précisions pour comprendre certains passages:
:arrow: Dolomia est la ville qu'a quitté Hardan Howao
:arrow: Le Kargan est une créature rongeant Itayan Sud, le continent ou se situe l'extrait. Nul besoin de trop savoir la dessus, sachez juste que cette créature "vient" d'apparaitre, et c'est la raison pour laquelle cet homme doit fuir.
:arrow: une petite carte simplifiée pour vous repérer tout de même ^^ : img207.imageshack.us/img207/9223 ... sudgu8.jpg
Pour le reste, peut etre certaines lignes resteront incompréhensibles, mais enfin je souhaite surtout votre avis sur les différentes descriptions...
Merci d'avance à vous. :)

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Deuxième partie

IV. Les chemins divergent

Mais avant que l’impitoyable vague du Kargan ne submerge Dolomia, que devint Hardan Howao, l’Exorciste Suprême dont le courage avait sauvé la vie de deux des plus grands hommes de l’Histoire ? À l’instant où Baledan Coh’llodo –car c’était là son vrai nom– fuyait vers ce qu’il pensait être Itayan, le jeune paladin se trouvait précisément à quelques kilomètres au nord-ouest du village de Nama, filant à travers les plaines d’Itayan Sud sur un étalon noir aussi grand qu’un carrosse. Le sable de la Route de l’Eclat voltigeait sous ses lourds sabots, et allait ondoyer en spirales versatiles dans son sillage. Il galopait sans relâche depuis une demi-heure, et avait parcouru une distance qu’un homme mettrait cinq heures à parcourir, et cela sans éprouver la moindre fatigue. Le soleil de onze heures frappait derrière lui, et abattait ses lourds rayons sur son échine, mais ce n’était pour lui qu’une fraîche brise. D’où il venait, la chaleur était celle de la lave en fusion, la terre était un sable mouvant, et la fatigue était une condamnation à mort. Son galop pourrait le porter jusqu’aux confins du monde, sans qu’il n’éprouve même les premiers signes de l’épuisement. La luxation, la sueur, la faiblesse, l’anémie, tout cela n’avait jamais marqué sa longue vie. Cet étalon, cette machine infernale, ne connaissait pas les limites de l’effort. Car Hardan n’avait pas choisi son destrier au hasard. La voie jusqu’à Itayan serait longue, terriblement longue, mais terriblement courte pour un Kargan. Et pour combler cette distance avant de voir se dessiner l’ombre d’un esprit frappeur, il fallait transpercer les plaines comme une flèche, fendre le vent comme un éclair, et planter sa volonté jusqu’aux premières montagnes d’Itayan. Pour accomplir cela, Hardan n’aurait pu rêver mieux que le cheval sur lequel il se trouvait.
Un Pur-sang Infernal ; forgé au cœur des Montagnes Fureur de Karindel.
L’étincelle de l’audace fit briller un instant les yeux du paladin, et ses sourcils formèrent un angle diabolique et menaçant. Peu d’hommes auraient eu le courage d’enfourcher un Pur-sang Infernal pour s’échapper même de l’Enfer. Ces créatures de mauvaise augure, à mi-chemin entre l’artefact et la chimère, avaient le don d’entraîner leurs cavaliers vers une mort certaine. Durant la Guerre de la Décision, Hardan avait vu ces destriers rougis par le sang fendre les rangs des ennemis et des alliés, piétinant les faibles et achevant les blessés, pendant que leurs cavaliers se chargeaient de décapiter les soldats assez fous pour affronter ce terrible duo face à face. Leurs alliés étaient aussi terrifiés que leurs ennemis. Quand la bataille se terminait, et que l’armée d’Itayan regagnait ses camps, aucun soldat ne pouvait s’empêcher d’éprouver du chagrin pour ceux qu’ils avaient massacrés, tant leur victoire semblait gagnée d’avance. Et à la tombée du soir, tous restaient dans leurs tentes, effrayés à l’idée de croiser en pleine nuit un Sanguinaire. Mais c’était aussi cela la guerre, des alliances avec des hommes que l’on craint, et des conflits avec d’autres que l’on respecte.
Et à cet instant, Hardan chevauchait l’une de ces créatures. Il pouvait humer les fragrances du sang séché encore retenu à la crinière du monstre, il sentait son cœur de ténèbres battre sous son ventre. Et par dessus tout, les mouvements de l’Infernal se calaient avec ceux de son cavalier, comme un violoniste accorde son rythme aux cordes de son instrument. Sous ce crin noir comme la mort, sous cette peau artificielle, était dissimulée la carcasse d’un mécanisme diabolique. Il chevauchait l’enfer, ou plutôt, l’enfer se laissait chevaucher. Car un homme poursuivi par la mort même, et dont l’âme frôle la pénitence éternelle à chaque seconde perdue, peut accomplir bien des prouesses.
C’est donc le cœur rempli de l’allégresse du danger que la figure d’Hardan Howao s’élançait à travers Itayan Sud, pareille à une tâche d’ombre dans la lumière indécise. Le soleil baignait les champs d’une lumière trop abondante pour être matinale, et pas encore assez limpide pour être celle de midi. Il subsistait dans l’air le bouquet des champs au petit matin, noyant les narines de mille douceurs et emplissant l’esprit d’autant de pensées mélancoliques. Les épis à céréales s’inclinaient légèrement sous la faible brise, et laissaient s’échapper dans l’air quelques unes de leurs germes, dont les nuages volatiles et clairsemés allaient flotter au dessus de la Route de l’Eclat. Les petits pétales s’accrochaient alors sur les vêtements du fugitif, et égayaient son cœur et son esprit de la joie qu’ont les paysans en labourant les champs. Même le crin de l’Infernal, dont la gueule soufflait des exhalaisons emplies de haine envers cette nature trop pure, se coiffait de ses maigres offrandes. Hardan se surprit à épousseter la robe de l’animal, balayant les pétales de sa main valide. Il savait pourtant qu’il bénéficiait d’une grande chance en étant assis là sain et sauf, et tapoter ainsi le cou de l’animal était chose effrontée. On ne saurait dire si il était fou, ou émerveillé devant son propre courage. Toujours est-il que l’animal lâcha un petit couinement, ridiculement faible pour une telle carcasse, et continua sa course sans malveillance.
Les sabots battaient le chemin de sable avec force, leurs fers rougeoyants y laissant une empreinte ardente, alors qu’ils étincelaient chaque fois que s’élevaient les jarrets. La lumière céleste venait à la rencontre du métal infernal, et le tête-à-tête faisait alors naître un orbe flamboyant et éphémère au dessus du sable ocre. Mais c’était au sud que l’astre présentait toute sa puissance. Les champs de parémates étendus jusqu’à l’horizon se couvraient d’un éblouissant nuage de lumière pure sous ses rayons. L’air s’enivrait jusqu’au ciel de ce fabuleux bain de lumière, et d’est en ouest, la mer des Tombeaux restait invisible, comme si ses vagues n’étaient pas assez majestueuses pour oser rivaliser avec ce spectacle. En laissant son esprit vagabonder dans recoins de l’imagination, on pouvait contempler les formes façonnées par cette lumière, comme les enfants voient des silhouettes fantastiques dans les nuages. Sa tête ballotant violemment sous les cahotements de l’Infernal, Hardan voyait ce nuage s’incliner à chaque seconde, mais envoûté par ce sentiment étreignant les hommes à la vue d’un paysage dont ils n’ont jamais pris pleinement conscience, il ne pouvait en détacher son regard. Alors que ses yeux ambrés erraient sur cette plaine fantasmagorique, essayant vainement d’en saisir toute la magie, un nuage noir apparut sur les champs. Mais Hardan ne s’en inquiéta pas, il était au courant des us et coutumes des mages chargés d’entretenir les champs. Une expression enfantine se forma sur son visage, alors qu’il se souvenait de l’époque où il avait passé quelques temps dans ces champs, et appris les rudiments de ce métier. La parémate avait la propriété de s’imprégner des éléments se déchaînant sur elle, l’eau, le tonnerre, le feu, et toutes les puissances de cette nature colérique. On pouvait alors extraire cette parémate et en utiliser le pouvoir, à des fins variées. Mais un continent au climat chaud comme Itayan Sud, a fortiori en plein été, est rarement parcouru par le tonnerre, et l’on tire donc parti de la magie pour combler ce manque. À intervalles réguliers, on invoquait le tonnerre pour en nourrir l’essence de la parémate. Alors que le galop de l’animal trottinait dans son esprit, le paladin se souvint d’un de ces nuages qui l’avait surpris enfant, et de ces précieuses minutes où il s’était amusé à patauger dans les flaques. Quand l’orage s’anima au loin et obscurcit le sol, un éclair zébra les champs, et émoussa un instant le nuage de lumière. La foudre continua son ouvrage quelques minutes, et son grondement décalé déchira alors la quiétude de la nature, fit trembler les champs et frissonner l’Exorciste, et s’assoupit pour s’excuser. L’Infernal n’avait pas bronché.
L’immensité de ces champs et cette paix timide et profonde qui s’en dégageait ne cessait d’émerveiller Hardan. Il avait bien sûr déjà sillonné Itayan Sud, il avait voyagé de long en large sur cette terre à la beauté humble et sereine. Mais en cette heure troublée où le monde autour de lui avait pris une voie si inattendue, l’esprit d’Hardan, comme celui de n’importe quel homme, avait tendance à apprécier ce dont il n’avait jamais pris pleinement conscience. Les campagnes prenaient une dimension nouvelle, leurs champs jaunes, oranges, rouges, venaient effleurer ses pensées pour y insuffler leur pureté et leur tranquillité. Le ciel et la lumière s’unissaient pour donner à son voyage la dimension d’une épopée, et pour offrir à son visage le masque du courage. Il sentait déborder en lui un héroïsme qu’il n’avait éprouvé qu’une seule fois dans sa vie, lors de la Guerre de la Décision. Tout son être regorgeait d’une énergie inépuisable, qu’il ne laisserait s’échapper qu’une fois parvenu sur les premières côtes d’Itayan. Une flèche filait à travers le continent, sans que rien ne puisse l’arrêter. Itayan Sud prenait l’allure des contrées d’Aatirga, les champs s’étaient parés de la robe de la légende, qu’un héros traversait pour accomplir son dessein. Hardan lança un regard empli d’admiration et de bravoure sur les champs ondoyant sous la brise, comme si il cherchait à imposer son respect sur la majesté de la nature.
Mais la pensée du Kargan revint le hanter, et un nuage vint voiler le soleil. Une légère ombre vint obscurcir la contrée, et fit trembler la brise, qui souffla plus fort encore. Derrière lui, bien loin au Nord-est, plantée comme une pierre tombale au milieu des champs, se trouvait Dolomia. Hardan se risqua à un mouvement. Dégageant ses bottes maculées des étriers, il passa doucement la jambe gauche au dessus de la selle du monstre, tandis que la droite passait au dessus de son crâne, puis les reposa, ayant ainsi pivoté de cent quatre-vingts degrés. L’animal renifla bruyamment en signe de mécontentement, et fit palpiter ses lourdes babines rouge sang. Une goutte de sueur perla sur le front du paladin, cet Infernal commençait tout doucement à le mettre mal à l’aise. Puis il porta son attention sur la petite tâche qu’était Dolomia.
Etrangement, la lumière semblait s’arrêter à la porte de la cité. Une fumée noire et opaque dissimulait Dolomia, et la cachait aux yeux du monde. Ou peut être était ce normal après tout. Le Kargan est si rapide, et si mystérieux, se dit Hardan. Le souffle de la course venait ébouriffer ses cheveux et faisait claquer son manteau léger. Petit à petit, Dolomia disparaissait derrière l’horizon. Mais inexorablement, le Kargan se rapprochait. Aujourd’hui, il déchaînait toute sa rancune sur cette pauvre ville marchande, mais demain, ce serait sur Tan’holi, et après demain... Il préféra ne plus y penser. L’Infernal continuait son galop, indifférent au monde environnant, imperméable aux pensées morbides de son cavalier. Les tiges de céréales étaient pour lui autant de murs placides et sans charme. Le chemin millénaire s’étendant sous lui était une route tout à fait commune. Hardan souhaita pouvoir se libérer de cet animal aussitôt parvenu sur Itayan.

Le soleil était maintenant haut dans le ciel. Il dardait de ses rayons les plaines interminables, et y éveillait la nature ensommeillée. Hardan, qui s’était promis de ne pas dormir tant que l’animal ne serait pas solidement harnaché, entendit les premiers signes de vie d’Itayan Sud. Les insectes avaient entamé leur menuet, et laissaient flotter dans l’air un grésillement empli de tendresse. Les tiges d’avoine, dont les fibres avaient pris une teinte dorée, frémissaient sous la danse de ces petites créatures folles, produisant le doux froufroutement de l’enfance. Des tâches multicolores zigzaguaient entre les pousses en bourdonnant, de petits sillons verts bondissaient à travers les champs en arborant une parure d’émeraude. Alors que le vent lui apportait cette magie si simple et si naturelle, Hardan Howao regoûtait à l’innocence de l’enfance, il se revoyait courant à travers les champs pour revoir Dolomia surgir entre les brindilles. Sous ses yeux clos se bousculaient mille souvenirs, mille couleurs. Et par dessus tout, les effluves de la paix inondaient ses narines. La paix, sa campagne nette et propre, que nulle épée n’est venue souiller. La paix, un homme confiant son amour a une femme sans craindre l’arrivée d’un soldat. La paix, le martèlement du fer rougi d’un forgeron résonnant dans la campagne. Si il n’était pas au courant du mal rongeant Dolomia comme un microbe, il aurait pu croire que la contrée était en paix. Mais les stridulations des cigales, le sentier sablonneux, le bleu du ciel, et jusqu’au disque du soleil, tout cela avait le timbre et la teinte du mal.
Le tourment de la soif étreignit la gorge du paladin. Il avait pourtant juré d’économiser son eau, de même que les maigres ressources qu’il gardait en plan astral. Lors de son départ de Dolomia, il n’avait pas pris la peine de s’approvisionner en nourriture ou artefacts. Il était trop affligé à ce moment pour y accorder la moindre importance. Il porta la gourde à ses lèvres, la suça avidement, l’eau sucrée coulant goulûment sous son palais, et la rattacha à sa ceinture. Son visage sembla rafraîchi, et il continua sa contemplation sereine.
Son toit de tuiles écarlates reluisant sous le zénith, une chaumière toute de pierre émergeait dans l’océan des champs, à quelques kilomètres de là. Hardan faillit chanceler en la voyant, mais se rattrapa bien vite, pour arborer un sourire radieux jusqu’aux oreilles. Il avait l’impression de voir la maison de son enfance, le souvenir l’avait frappé comme un coup de soleil. Ces murs de brique blanchis et lézardés par le temps ; cette cheminée cossue surplombant l’angle formé par le toit, l’avalant comme un nuage. Les petites fenêtres inlassablement closes ne daignant pas révéler le secret se cachant entre leurs murs ; les portes de bois toutes ridées ; les enclos abandonnés ne servant désormais plus qu’à amuser les enfants. Mais par dessus tout, l’impression que déployait en lui cette chaumière nouait son cœur, comme si elle incarnait à elle seule toute son enfance. La façade plantée sur son champ de vision, animée d’un léger mouvement de droite à gauche sous la course de l’animal, se détachait admirablement sur la toile azur. La maison et la campagne qui l’entourait avaient tous les airs d’une peinture à l’aquarelle ; les couleurs éclatantes brillaient dans les pupilles, les formes anguleuses mais pourtant si onctueuses régalaient les yeux, la délectable simplicité de l’ouvrage savait s’imprimer dans l’esprit sans l’ennuyer. Et petit à petit, la maison tourna, et perdit bientôt le charme qui avait su fasciner l’Exorciste désenchanté.
Et le trajet dura encore, les champs laissant place aux champs, les chaumières laissant place à des bourgades. L’infernal galopait toujours, imperturbable, ses yeux de sang où brillait la démence démoniaque désarmant Hardan. Le soleil s’élevait, s’élevait, en même temps que s’approchait le Kargan, invisible sur l’horizon. La Route de l’Eclat s’allongea à mesure qu’apparaissaient les hameaux paisibles, la fumée de leurs cheminées grimpant vers le ciel. Les paupières du paladin s’alourdissaient, non à cause de la fatigue, mais de la monotonie du paysage. La timide beauté s’était changée en ennui, comme si cet élan d’admiration avait terni son trajet. D’autre part, aucune âme n’était venue croiser son chemin, ni marchand, ni vagabond, ni voyageur. Les vagabonds... Malgré le fléau qui lui nouait le cœur, Hardan se permit un sourire. Lors de ses pérégrinations sur Daïnialos, il lui était souvent arrivé de rencontrer ces hommes, et ce fut toujours un tête-à-tête fascinant. Ils respiraient le savoir et la simplicité conférée aux sages. Après des jours difficiles, c’était un plaisir que de discuter avec ces hommes pleins de bonne volonté, et parfois même, l’on se confessait à eux, on exultait les péchés qui nous tenaient à cœur. Un vieil adage dit qu’on ne croise jamais deux fois le même vagabond ; c’est une chose quelque peu erronée, et qui ne prend plus son sens que dans les contrées d’Aatirga ; mais comme toute formule ancienne, sa réflexion marquait profondément les esprits. Si l’on ne croise pas deux fois le même homme, l’on n’a aucun remords à lui confier ses secrets.
Hardan Howao aurait bien voulu se confier à quelqu’un. Au loin, les premiers pics de l’Abondante apparaissaient, voilés du vert brumeux de Bois-Cascade. Une petite ombre la devançait, qu’Hardan devina être Gamash. Si il ne s’arrêtait que pour se restaurer, il pourrait sans doute y être demain au matin. Mais il considéra un instant sa main gauche noircie et paralysée, et pressentit tout de suite que si le moindre malheur lui arrivait, il serait gravement handicapé. Bien sûr, il n’avait pas grand-chose à craindre ; pour atteindre Gamash, il n’avait que quelques champs à traverser, la fosse cerclant les Terres asséchées, des prairies, et les premiers bois de la forêt de Bois-Cascade, où était située la cité militaire. Tout cela ne représentait aucun danger, nulle colline à gravir, nul arbre auquel s’accrocher. Il n’avait qu’à se laisser porter par cet Infernal, et tout se ferait naturellement. Et d’ailleurs, avant même d’arriver jusqu’à la cité, le sortilège se serait rompu le soir tombé. Mais c’était justement cet Infernal qui le perturbait. Ca n’était pas une créature de confiance, l’Ecrivain seul sait ce qui pourrait arriver en le gardant comme monture. Au fond de lui, il souhaitait ardemment rejoindre au plus vite Gamash, et prendre ainsi le Kargan de vitesse. Mais quelque chose lui disait qu’il lui fallait trouver un moyen de se soigner. Pourquoi n’avait il pas pris la précaution de chercher un remède à Dolomia, en farfouillant dans les quartiers militaires ? Il se blâmait pour cela, mais il n’aurait jamais pu se résoudre à s’attarder dans la cité, après tout.
Le museau du monstre se soulevait et redescendait, animé d’un mouvement ayant quelque chose de diabolique, mais on ne saurait dire quoi. Etait-ce ces babines gorgées de sang, celui des cadavres massacrés de jadis ? Cette mâchoire de carnassier dont l’émail jauni semblait être celui d’une momie ? Ou encore ces deux orbites dont l’éclat rappelait le ciel d’un jour prophétique ? Nul ne saurait le dire. Mais en examinant l’aura de ténèbres emprisonnant ce cheval, l’Exorciste fut convaincu que le remède à cette main ensorcelée serait la meilleure chose à faire.
Les premières bâtisses d’un village de campagne s’étaient dessinées à l’ouest, noyées dans l’étendue des champs. À cette distance, on ne distinguait que les façades blanchâtres des murs, et quelques monuments surélevés : le beffroi d’un clocher, des terrasses surélevées, une villa luxueuse. Aucun rempart ne cerclait ces habitations, contrairement aux plus importantes métropoles, et cela leur donnait un charme que seules ont les campagnes. Mais Hardan était encore trop loin pour apprécier la bénigne simplicité, le charme cossu des rues, les petits chemins serpentant entre les maisons. Le vent semblait murmurer à Hardan qu’il allait arriver quelque chose là-bas. Le ciel éclairci présageait un malheur pour le remplir. L’animal continua sa chevauchée sur la Route de l’Eclat, les sabots battirent le sable scintillant, et le petit village qu’Hardan ne connaissait pas s’approcha trop vite.

Il ne s’attendait pas à être accueilli comme un paladin, mais le silence régnant le mettait tout de même mal à l’aise. En contrepartie d’une vitesse inégalable, l’Infernal l’affublait d’une réputation malfaisante aux yeux d’une population inconnue. Les villages traversés par les Grands chemins avaient vu passer l’armée Itayane lors de la Guerre, et parmi les soldats, trottaient les cavaliers infernaux sur leurs chevaux trompe-la-mort. Hardan avait vu ces pauvres villageois effrayés saluer leurs soldats, puis détourner le regard et fermer leurs volets en apercevant l’ombre des Sanguinaires. Lui même aurait bien voulu se cacher en les accompagnant. Et voilà que c’était à son tour de subir les regards inquiets, secrètement dissimulés derrière les planches. Il envisageait d’alerter ces habitants de la menace pesant sur eux, mais il faudrait d’abord révéler ses intentions pacifiques.
Il s’était démené tant bien que mal pour obliger l’Infernal à ralentir sa course, et malgré ses grognements malsains, il avait consenti à trotter. La bête faisait claquer ses sabots avec hargne sur les pavés de la petite rue principale, et mâchait nerveusement son mors, pour signifier son hostilité. Les bruits angoissants semblaient flotter dans tout le village, s’infiltrer dans les ruelles, et obscurcir l’éclat du ciel à eux seuls. Les grognements retentissaient dans les crânes des habitants, et y réveillaient le souvenir de la guerre. Les tourments de l’Enfer gagnaient leurs visions comme autant d’ombres démoniaques. Hardan connaissait tout cela, il savait ce que ressentaient ces pauvres gens. Il fallait juste attendre quelques minutes afin que s’apaisent les mémoires. S’efforçant à oublier les origines de sa monture, il attarda son regard sur les murs.
C’était une bourgade assez classique, semblable aux villages de campagne d’Itayan. Les maisons étaient étroites, basses, et serrées, ce qui rendait les ruelles prédominantes. Les toits rouges et plats disposaient de cheminées apparemment très discrètes, car Hardan ne les devinait qu’à la fumée s’échappant des bâtisses. En entrant, il n’avait vu aucune place, aucun jardin, simplement une allée où un lichen mousseux poussait entre les pavés irréguliers, lesquels semblaient humides même sous les rayons de midi. Tous les murs semblaient dégager cette même impression d’humidité, comme si la pierre était imprégnée de l’eau de pluie. En tournant la tête sur sa droite, il put entrevoir des ruelles donnant sur un jardin où trônait une fontaine asséchée, mais le trot de son destrier le fit perdre de vue. En continuant son chemin, les murs allaient en se rapprochant, de sorte que le paladin devait garder un parcours rectiligne pour ne pas se frotter aux murs. La vie devait être fort agréable ici, se dit-il. On n’avait pas à subir la cacophonie d’un marché toujours actif, ni besoin de s’épuiser à rejoindre la périphérie pour sentir les douces senteurs des champs. Il suffisait de se lever un clair matin, serpenter entre les artères en se laissant envahir par les odeurs de la pluie, et s’asseoir sur l’herbe fraîche, en attendant que la brise apporte ses parfums. Si c’était un beau jour, on pourrait sentir dans l’arôme pétillant échappé des champs les premiers effluves des rouleaux d’écume, se fracassant sur les côtes du nord. Si c’en était un moins bon, les senteurs piquantes se mêleraient aux émanations fades de la parémate pure, cultivée au sud. Et comme d’habitude depuis ces dernières heures, Hardan comprit que tout cela disparaîtrait bientôt.
L’Exorciste continua son excursion dans le petit village. Les premiers habitants avaient du se rendre compte du pacifisme du cavalier, dont le destrier était soigneusement maîtrisé. Néanmoins il valait mieux attendre encore quelques minutes que le climat d’angoisse se fut dissipé. L’allée qu’il empruntait s’élargit brusquement en remontant. Les pavés persistèrent encore quelques mètres, puis laissèrent place à un promontoire de granit, où étaient gravés des formes concentriques variées. L’Infernal claudiqua sur la pierre ombragée, et Hardan put admirer la bourgade s’étendant devant lui.

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il y a 18 ans 3 mois #10315 par Falc'hun
Réponse de Falc'hun sur le sujet Re: Besoin d'avis pour une description
Voilà une description qui me rappelle un peu celles de Tolkien.

Tout d'abord j'ai relevé quelques petites choses qui m'ont titillées à la lecture.

avait parcouru une distance qu’un homme mettrait cinq heures à parcourir

L'une des formes de parcourir est de trop dans cette phrase étranger.

Alors que le galop de l’animal trottinait dans son esprit

Je trouve que "trottinait" est un peu mal choisi. Un yokshire trottine derrière son maître. Peut être que occupait, emplissiat ou quelque chose ds le genre serait plus approprié.

Hardan lança un regard empli d’admiration et de bravoure sur les champs ondoyant sous la brise, comme si il cherchait à imposer son respect sur la majesté de la nature

J'ai pas vraiment compris le sens que tu veux donner à la phrase: est ce que c'est la nature qui impose sa majestée à l'insignifiant cavalier où est ce ce cavalier qui s'impose à la nature et la domine?

L’Infernal claudiqua sur la pierre ombragée

Claudiquer est souvent employé pour quelqu'un qui boîte, hors ton canasson semble ne connaître ni fatigue ni blessure. Du coup ça choque un peu.

Pour en revenir au texte en général, je souligne d'abord la grande précision des descriptions qui sont claire, je me represente très bien le paysage. De plus l'entrelacement avec le ressenti du personnage est bien fait et agréable à lire.

Par contre ce passage me fait plus penser à une ballade d'agrément qu'à une folle chevauchée. J'ai plus l'impression que c'est du genre: je me prmenais tranquillement dans la campagne, puis je me suis arrêté en haut d'une colline pour regarder le paysage. J'exagère bien sur, mais je pense qu'ajouter quelques verbes d'action et des choses suggérant un peu plus l'impression de vitesse serait interessant. De plus ça permettrait de laisser le lecteur respirer dans tes passages descriptifs qui sont assez long et propices au decrochage, comme toute description.

Sinon, a propos de l'Infernal, idée géniale, cela soit dit en passant. Je trouve que là aussi son côté infernal est un peu limité. J'ai plus l'impression que c'est un cheval un peu ombragé plutôt qu'un cheval démoniaque. Renforcer sont aura maléfique et son caractère méchant serait, je pense, pas mal.

Sinon le niveau de langue est très bon, et certains passages sont géniaux comme les "éclairs" lancés lorsque les abots touchent le sol.

En bref, c'est une bonne description que quelques modifications rendraient très bonne à mes yeux.

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il y a 18 ans 3 mois #10316 par Unknowledge
Réponse de Unknowledge sur le sujet Re: Besoin d'avis pour une description
Grand merci d'avoir lu, et donné un avis si constructif!
Pop, je reviens donc sur mes qq erreurs:
:arrow: merci, j'ai remplacé "parcouru" par "accompli"
:arrow: pour trottiner, en fait je voulais donner l'impression que le galop de l'animal résonnait dans son esprit, et le gênait intérieurement, le rendait mal à l'aise. Donc cela me semblait certes un peu tordu, mais passable malgré tout. J'essayerai de voir.
:arrow: Disons que le cavalier est subitement empli de courage et d'héroisme, et une ardeur nouvelle déferle en lui, il se sent tout à coup fort et important, malgré la "majesté de la nature". Mais si cette phrase te semble gênante, j'essayerai donc de la remanier.
:arrow: Merci, j'ai donc remplacé "claudiquer" par "trotter".

Hop, alors sinon pour ton avis :)
Tout d'abord cela me fait toujours plaisir que quelqu'un ait apprécié un de mes textes, et que l'effet recherché soit ressenti par le lecteur =)
Pour les verbes d'action, je corrigerai donc cela lors du retravail. J'oublie en effet quelquefois que je reste dans une fic et non dans une simple description :lol: Je prends donc note, pour la suite.
Pour l'Infernal, ce n'est que le premier moment ou on le voit, et il ne disparaitra pas tout de suite, il me reste donc encore quelques pages pour accentuer cette impression :) De plus,a cet instant, il n'est pas foncièrement mauvais, juste "dangereux". Pour le moment, insister sur lui me semblerait mal placé, mais ce sera fait un peu plus tard ( du moins je tâcherai de le faire du mieux que je peux ^-^ )

Bon eh bien voila, encore merci d'avoir lu, et d'avoir apprécié ^-^ J'espère poster le texte en lui même très bientôt :D

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