file Sans noms

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il y a 17 ans 4 semaines #12358 par Le Warza
Sans noms a été créé par Le Warza
Bon et bien, voilà ce qu j'ai commis. Ni queue, ni tête malgré l'aspect: rassurrez vous, je suyis tout sauf un planificateur. La fin m'est inconnue tout aussi bien qu'à vous.

Ce n'est pas terminé et les lignes que vous vous apprêtez à lire ne sont peut-être même pas définitives. Je vous invite à critiquer ce texte autant que vous le pouvez. Avec votre aide, j'ai bon espoir de l'améliorer.

ceci n'est qu'un premier segment de tout ce qui est pour l'instant écrit. J'ai pas osé tout mettre, de peur d'effrayer le poisson.


****


Il faisait maintenant presque nuit. les formes et les couleurs du paysage pétrifié par le froid s’estompaient lentement dans la brume grisâtre montant du fond de la vallée. A couvert de la pinède qui occupait le versant sud, le groupe d’hommes cheminait péniblement le long d’un ruisseau gelé.

L’air était sec, silencieux et froid à s’y brûler au goût de Bodrick. Et encore, c’était sans compter le vent. Ça ou les loups, c’était pareil. Un peu trop immobile et...hop! Un doigt, une oreille ou un bout de nez fichu.

“Putain de froid” gémit Petiot lorsqu’une bourrasque vint les cingler en hurlant.

Bodrick se força à desserrer ses lèvres collées par le gel et grogna à l’adresse du veneur:
“Alors y t’la flaire c’te piste ces maudits cabots?”

Ce dernier grogna quelque chose que des jappements de chiens étouffèrent et hocha négativement du chef. Bodrick s’accorda un énième soupir d’exaspération et se remit à triturer machinalement la bride de sa jument. Des heures déjà qu’on ratissait la zone, et pas une piste, rien. Qu’y avait quequ’chose qu’était passé ici, qu’y disait, le chef. Et même qu'y ce serait pu qu’ce soit cette même chose qui foutait la trouille aux hameaux des environs en tuant les bêtes sans leur laisser la moindre goutte de sang ni sans faire la moindre tâche.

“Propre que c’est, avait-il encore dit, foutrement trop propre pour être des loups.”
“Mais quequ’c’est alors?” qu’il avait demandé le Petiot à ce moment là. Et l'chef lui avait alors refourgué son fameux sourire, c'ui là même que l'grand Thorett s'en était compissé à l'voir, et pis l’avait haussé les épaules. L’air de rien, ou plutôt l’air de dire "on verra bien et ça m’empêchera pas de boire mon vin chaud pendant qu’vous vous gèlerez l’cul à l’chercher".

Rien que d’y penser, il en avait le frisson: de rage ou de peur? L’arrivait pas à dire. Le chef c’est avec plaisir qu’y lui aurait raccourci la carcasse, mais pour c’qu’était de l’faire vraiment, ce soir ou demain: c’était une autre affaire. C’est lui qu’est pas normal, le chef. Lui qu’on devrait traquer avec nos épées, les chevaux et les chiens. Même que ça y serait bien marrant c’coup-ci et qu’il en oublierait p’têtre ce putain de froid. Mais non, c’est au chaud qu’y s’trouvait pour l’heure, le chef, et c’est au chaud qu’il y resterait. Lui et ses yeux de dingues. Des yeux bleus comme la glace quand l’soleil passe derrière, un bleu à vous refroidir d’un coup. L’est bien de ce putain d'pays lui. Glacial, tout pareil.

Bodrick jeta un coup d’oeil aux deux derniers membres du groupe qui étaient restés tout du long silencieux pendant la traque: Bors et Vösrin. Ces deux, pas demain la veille qu’y l’trahiraient le chef. Eux aussi z’ont des yeux bleus, tout pareil que lui, avec p’têtre en moins, la folie qui y brille dedans. Mais glacials qu’ils étaient: pour la conversation pouvais aller te faire mettre, y te lâcheraient jamais une p’tite blague, ni même un sourire. Bors lui rendit un regard inexpressif, tandis que l’autre observait avec une attention malsaine le Petiot en train de réajuster la sangle de sa selle de ses doigts gourds. Personne ne parlait. Le veneur tout occupé à bourrer ses clébards miteux de coups de cravache et de quolibets, le Petiot trop froid pour bavasser et les deux autres, des pierres.

Bodrick leva les yeux au ciel et aperçut les premières étoiles entre deux branches chargées de neige. Il soupira pour lui-même et annonça d’un ton las:
“L’est l’heure, en selle tous, on r’tourne au trou.”
Ca, jamais besoin d’leur dire deux fois, constata-t-il en voyant avec quelle rapidité tous s’apprêtaient en ordre de marche. Rapidement, les chevaux les portèrent plus en aval, le long d’une sente de neige crasseuse moitié fondue, moitié gelée où les chevaux dérapaient parfois.

Il bougonna:
“A pas à dire, y sentent l’écurie aussi ceux là, mais c’est pas à l’écurie qui finiront s’y continuent comme ça, et nous non plus.”
Et ce disant, il tira un peu la bride de son cheval, histoire de le ralentir un peu. Les autres suivirent derrière et le groupe adopta un trot prudent et circonspect, cerné par la rumeur des chiens fourrageant leur museau dans tous les fourrés sombres qui les entouraient. "Maintenant qu’y s’mettent à chercher ceux là. Pouvaient pas l’faire avant?" marmonna t-il lugubre, en pensant à ce qu’il devrait écoper lorsqu’il ferait son rapport bredouille au chef. Un autre coup de vent vint en hurlant leur fouetter la figure, et derrière Petiot de gémir encore une fois, pour faire bonne mesure sûrement:
”Putain de froid.”

La nuit était tombée lorsqu‘on atteignit “le trou”.
Le trou, c’était un petit fortin impérial, planqué dans un renfoncement du terrain dans la vallée juste au-dessus du seul débarcadère impérial de Norsca accessible toute l’année et à peu près délaissé par les pirates et les sauvages, à cause de son misérable dénuement. Si une bande de trouffions s’y ramenait un jour d’aventure, tout ce qu’elle aurait à faire serait de brûler trois bicoques sombres et puantes et d’égorger deux centaines de gars issus de la lie de la grande armée impériale. Outre que c’était pas gagné d’avance, le gain -quelques bêtes et quelques tonneaux de bière- n’en valait vraiment pas la peine.

Mais de trouffions, il n’y en avait même pas. Il n‘y avait que quelques hameaux bien tranquilles nichés dans les pâtures le long de la côte où les fils des fils de parias grandissaient dans la fange et le froid. Les seuls sauvages repérés de-ci de-là lors de la première exploration du site quelques quatre vingt ans auparavant s’étant esbignés dard-dard dès que les voiles impériales furent arrivées en vue des côtes, ne laissant d’eux sur la plage de pierraille grise que les carcasses vides de leur campement. Et une fois le rivage exploré, pour quelle maudite raison s’était-on mis en tête de grimper plus haut parmi la caillasse, la glace et les sapins pour aller y dénicher un joli terre plein au milieu de remparts de rocs? Mystère que cela. Mais Bodrick aurait bien volontiers voulu savoir pourquoi, avant de passer son épée au travers de la tête folle qui avait eu cette idée de merde.

Mais malheureusement, l’histoire s’était faite sans que les pigeons envoyés se geler les miches là-bas aient leur mot à dire. Bon, bien sûr un aller simple pour le “trou” ne se gagnait pas comme ça: seuls les gars assez bêtes pour faire une connerie et se faire prendre y avaient droit. Mais des fois que l’on se faisait “aider” dans la tâche comme lui, facile que c’était alors de s’endormir un soir au chaud dans le giron d’une catin et de se réveiller le lendemain sur le pont d’un bateau fonçant plein nord. Qu’est ce qu’il avait fait pour mériter ça? Mystère également. Et voilà que ça faisait déjà douze putains d’années qu’il passait à “défendre”, outre sa peau, quelques bourbiers merdiques contre les loups et la neige. Ruminant ces sombres pensées pour la énième fois, il guida sa monture à travers la ravine étroite qui menait à la dépression où se trouvait le fortin.

La première fois que vous suiviez ce chemin, à coup sûr vous juriez que vous alliez rentrer sous terre tellement la ravine s’enfonçait dans le mur de roc. Vous y passiez sous terre d’ailleurs, mais l’espace de quelques mètres, avant de ressortir quelques pas plus loin à l’air libre dans une sorte de grande arène de pierre couronnée de pins gigantesques.

Les sentinelles les regardèrent passer d’un oeil morne sans guère de bienveillance avant de retourner vite fait auprès du brasero rougeoyant dans leur abri.
Le camp était plongé dans le noir, les trois grandes baraques en arc de cercle contre la paroi rocheuse se dégageant du tout, masses de bois sombre dans l’ombre neigeuse, en dehors de quelques loupiottes qui chancelaient au bout de leur accroche au moindre coup de vent.

Le patrouilleur mit pied à terre, confia la bride de son cheval à Petiot et ordonna aux quatre de mener les bêtes respectivement aux écuries et au chenil, pendant que lui -pauvre bougre- allait se coltiner les rabrouements de son chef. Moi qui mériterait d’être chef, en plus remâcha t-il encore. Comment un salopard comme l’autre avait-il pu finir par atteindre ce poste? A coup de pots de vin, sûr et certain, ça. Dès qu’il l’avait vu, un an auparavant, arriver avec ses propres gars à lui et annoncer qu’ils voulaient tous lui et ses gars aux yeux bleus se faire membres de l’armée impériale, tout de suite il avait pas pu le blairer et Bodrick était pas le seul. Mais va savoir comment, le dingue aux yeux de glace avait convaincu le commandant du fort et tous ses gars s’étaient vu remettre une tunique et attribuer des armes réglementaires.

Bon, c’est vrai qu'ils n'avaient pas tiré l’épée au clair de suite pour zigouiller la maisonnée, mais n’empêche, on avait gardé des doutes. Et d’ailleurs, Fine-Gueule avait pas mâché ses mots le soir de leur intégration dans le corps, à la tablée. Mais quelques jours plus tard, pas d’bol, Fine-Gueule avait eu un accident et s’était fracassé le crâne au bas d’une corniche. Tombé tout seul sûrement, nan?

Après ça , les autres avaient bien compris que la gueule, il valait mieux se la garder fermée s'ils voulaient pas tomber tout seuls d‘une corniche eux aussi. Si certains maugréaient parfois, Bodrick lui, tenait trop à sa peau pour pas plier le genou et servir du oui-da à son “chef” s’il le fallait pour garder la tête sur les épaules. Mais que l’autre te montre une faiblesse, n’importe laquelle, et pour sûr qu’y te la creuserait comme un sapeur jusqu’à ce que le tout s’effondre.

Traversant la cour, il arriva au bâtiment central situé en face de l’entrée du trou. Il franchit la lourde porte et sentit aussitôt l’odeur de feu de bois et de bouffe mijotant dessus lui monter aux narines. Bientôt, se promit-il et il monta l’escalier de bois en direction du bureau du chef.


Arrivé à l’étage, il toqua à l’une des nombreuses portes du long couloir traversant toute la bicoque. Un petit écriteau plaqué dessus indiquait le grade du propriétaire des lieux: Lieutenant. Rien à faire, pour moi t’es pas un vrai soldat, mon chef se dit Bodrick. Un grognement lui signala le droit d’entrer et il tourna la poignée. Il était installé à la fenêtre, regardant Morr sait quoi au-delà des carreaux crasseux et embués. Le patrouilleur se mit au garde à vous et attendit.
« Alors? » demanda finalement le chef en se retournant.
« N’a rien trouvé mon lieutenant. Les chiens ont rien flairé. S’pourrait qu’les paysans qui vous ont dit quoi pour la bête y s’sont trompés d’endroit, je pense, mon lieutenant. »
« Depuis quand tu penses, toi? » s’étonna le chef, acerbe, tout en fixant ses yeux glacials sur son subordonné.
Bodrick sentit ses joues s’empourprer. Non. Ne pas s’énerver.
« Suis à vos ordres, mon lieutenant. » répondit-il instinctivement, afin de regagner un terrain neutre. Mais l’autre le fixait toujours en silence, comme s’il essayait de lire ses pensées à travers la face maigre que cachait une barbe brune et fournie. Arrête ça, crâne d’oeuf. Arrête maintenant! Et par miracle, le lieutenant se retourna à nouveau vers la fenêtre:
« M’en doutait qu’on trouverait rien. Est ce qu’au moins c’est une bête qu’on peut flairer...? Pfff! On n’en sait même rien... » dit-il avant de replonger dans son mutisme habituel... puis de reprendre sans prévenir: « Ca tiendrait qu’à moi, on aurait déjà lâché l’affaire. Mais le commandant veut un corps, une cible, une bête de chair et de sang.... Tu crois aux fantômes, toi, patrouilleur? »
« Mon lieutenant? » répondit poliment ce dernier. Les fantômes? Qu’est ce tu m’chante crâne d’oeuf?
« T’as parfaitement entendu, Bodrick Stavinski. Te fais pas plus con qu’t’es, j’te parle sérieux. -il se tourna à nouveau vers lui- Regarde moi bien, patrouilleur, r’garde moi dans les yeux. Moi et mes gars on parcourait déjà les champs de bataille du Grand Nord que ta mère gueulait encore sous ton père. »

Conteste pas vu ta fripe et tes cheveux pensa Bodrick, mais il se tut et écouta car c‘était la première fois que l'autre parlait ainsi.
« J’en ai vu des choses étranges dans ma chienne de vie, des trucs pas normaux à t’compisser dans ton froc rien qu’d’y penser. Et je peux te dire que la façon dont sont mortes ces bêtes dans les hameaux, c’est pas du tout naturel: y a aucune bête qui fait ça. »
Pourquoi tu me dis ça toi, tu me crois trop épais pour pas l’avoir déjà pigé? Mais l’autre te le fixait d’un air de dément, comme s’il doutait que le patrouilleur comprenne ce qu’il racontait.
« Oui, mon lieutenant. » fut tout ce qu’il trouva à répondre. Mais cela sembla le satisfaire.

« Hmmpf... Ouais, pas normal... » dit-il en se dirigeant vers le petit coffre où Bodrick savait qu’il conservait sa réserve personnelle d’alcool. « Et mon p’tit doigt m’dit qu’on f’rait bien de pas trop y fourrer notre nez dans cette affaire, si on veut pas finir maudits, comme tout l’reste de c’pays. Parce que tu sais qu’il est maudit c’te pays, Stavinski? »

« Oui mon lieutenant. » Voilà qu’y se met à m’raconter des contes maintenant? Et moi qui pensait avoir fait le tour du bonhomme, allez déballe ton histoire crâne d‘oeuf, se dit Bodrick, oreilles grandes ouvertes.

« Ouais, maudit, reprit l’autre, tout en sortant deux gobelets et un flacon au contenu mordoré. Ca j’l’ai senti dès que j’suis arrivé ici mon gars. Ah mais! T’sais pas comment nous autres yeux bleus, comme vous dites tous, on a fait pour finir par s’engager chez vous, nan? Bah, j’vais t’le dire moi. » Et ce faisant, il servit les deux gobelets et en tendit un au patrouilleur. Merde! Ca pue l’embrouille!
« Merci mon lieutenant. » répondit-il avant de prendre la deuxième chaise de la pièce après que le chef se soit lui-même assis. Ce dernier se carra contre le dossier et entama:

« On s’était fait bloquer par des Kurgans au col de Rrajigar, à quequ’cent lieux au nord ouest d’Erengrad, avec toute ma compagnie. Quatre cent bons gars, tous du Nord, pas des frileux. C’a été une boucherie. Jamais j’crois j’ai vu mourir autant de bons gars en si peu de temps. » Le pouls de Bodrick s’était accéléré et malgré la tentation de toucher à son gobelet, il n’arrivait pas pour l’instant à se décrocher du récit de son « chef ». Mais pourquoi y me déballe tout ça? Et de quelle compagnie y parle, ce con?

Et l’autre de continuer: « On s’en ai tiré en piquant des deux vers les gorges et le pont, dès qu’on a pu, mais c’était déjà foutrement trop tard. Z’étaient juste sur nous ces sauvages. De partout qu’y en avait! Partout! A peine qu’on arrivait à ce putain de pont qu’une aut’centaine était surgie de l’aut’côté. Alors, on a quitté nos chevaux et on a tous plongés dans ce putain de torrent qui grondait en dessous. Perdus corps et biens, qu’ils ont du dire au commandement, mais nan: pas tous! Ouais pour sûr, y en a pas beaucoup qu’en on réchappé, mais finalement, c’t’y pas un miracle, certains ont réussi à reprendre pied sur la berge, on s’est regroupés et on a marché jusque chez vous, pendant deux jours entiers et deux nuits entières... »

Un silence lourd s’appesantit dans la pièce. Bodrick ne savait plus quoi penser: vrai ou pas vrai, ce qu’il disait l’autre? Le croire ou pas le croire. Allez, c’est gros... mais ça fait vécu lorsqu’il déballe son histoire. Aussi décida t-il de le croire vraiment, du moins pour l’instant.
« Et... vous avez raconté ça au commandant? » hasarda t-il.

L’autre lui sourit, dévoilant deux rangées horribles de dents en pointes impeccables. « Ouais... Mais pas tout. » Pas tout? « T’es un type malin, Stavinski, nan? Mais si allez, fais pas cette tête. J’l’ai senti la première fois que j’t’ai vu: malin comme un singe, qu’il est celui-là... Alors... toi qu’est malin, t’as jamais remarqué qu’il y a un truc qui tourne pas rond dans ce trou perdu? Ca fait déjà pas mal de temps que j’observe un peu tout et je peux te dire qu’y s’en passe des trucs louches, des trucs pas normaux. Ah! Ca me fout la pétoche rien qu’d’y penser à tout ça, j’pourrais t’raconter des trucs sur certains... allons, buvons un coup, ça m’donnera l’courage. »

Bodrick acquiesça, trinqua et chacun porta son gobelet aux lèvres. Le patrouilleur s’apprêtait juste à vider son gobelet lorsqu’un bruit de poterie brisée le fit baisser le coude. Le lieutenant avait une expression biz z arre et son visage prenait une teinte inquiétante. Comme pétrifié, il le voyait agiter vainement les bras et tenter d’aspirer de toute ses forces le moindre filet d’air. Ses yeux roulaient dans leur orbites comme sans le voir et soudain, sa tête s’effondra sur le bureau entre eux et il cessa toutes ses gesticulations.
Bodrick eut du mal à réaliser ce qui se passait et mis encore plus de temps à retrouver assez de voix pour chevroter: « Chef? »
Mais l’autre ne répondit pas. Le vent dehors hurlait seul et en bas, les gars riaient autour des tablées. Bientôt, les autres s’étonneraient de son absence, et on le découvrirait là, face à son chef... mort.
« Oh merde! gémit-il. Merde! Merde! Merde et merde! »

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il y a 17 ans 4 semaines #12359 par Krycek
Réponse de Krycek sur le sujet Re: Sans noms
#Eh eh !!! (se frotte les mains) Sus au Warza ! Yaaaaaaa !#

Si tu le souhaites il y a une MAJ le 01/04, tu pourrais poster ton texte sur le site et te faire lapider par tout le monde ?!! :twisted:

Non vraiment, nous t'invitons tous de bon coeur à le faire ! Et si tu ne vois pas comment faire, envoie moi ton fichier par email et il sera en lice pour la prochaine MAJ...

Tu peux tout à fait décliner (peureux :twisted: !!)... je vais lire ce morceau demain.

Krycek,

Au fait : bienvenue !!!

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il y a 17 ans 4 semaines #12360 par Vuld Edone
Réponse de Vuld Edone sur le sujet Re: Sans noms

Il faisait maintenant presque nuit. les formes et les couleurs du paysage pétrifié par le froid s’estompaient lentement dans la brume grisâtre montant du fond de la vallée. A couvert de la pinède qui occupait le versant sud, le groupe d’hommes cheminait péniblement le long d’un ruisseau gelé.

Je laisse de côté la première phrase, le "maintenant" a tout un chapitre pour lui (mais pas ici).
[õ-ã-y-õ-oe-a-a-e] Ouverture vocalique pour intonation montante correspondant bien au sujet.
J'aime aussi cette construction "le froid s'estompait lentement..." totalement involontaire de l'auteur mais on notera que le dédoublement du sujet, "formes" et "couleurs", rend le report du sujet difficile pour le verbe séparé, d'où que sans le pluriel on le reporte naturellement à "froid".
J'aurais préféré "sans hâte" ou équivalent à "lentement" qui, malgré un ralenti, ne garde pas la même idée d'immobilité que "pétrifié", là où une négation pourrait suivre assez bien. De plus "-ment" reprend "péniblement" qui n'a que peu à voir sémantiquement, même si le champ est volontaire. Il aurait d'ailleurs été meilleur d'enfermer la progression en lieu fermé par un "dans" plutôt que "le long" de continuité, posant alors une répétition avec le "dans" précédent qu'il faudrait éviter, sortes de synonymes comme "au ... de".
La reprise consonantique en [p] pour "pinède" et "péniblement" ne se rapporte plus à l'idée de "pétrifié" qui l'aurait justifié. Peut-être ajout de "aux branches cassantes" pour rejoindre un second consonantisme en [k] de "couvert" et "occupait", consonantisme brusque qui reproduirait bien ledit cassement des branches au passage de la troupe mais ce n'est là qu'une proposition.
Enfin "grisâtre" très accentué, particulier ici avec son suffixe et seule couleur donnée, assez vague pour rejoindre le vague des formes estompées.

L’air était sec, silencieux et froid à s’y brûler au goût de Bodrick. Et encore, c’était sans compter le vent. Ça ou les loups, c’était pareil. Un peu trop immobile et...hop! Un doigt, une oreille ou un bout de nez fichu.

Construction orale, "et" coordonnant en début de phrase, répétition de "c'était" (trois "était" d'ailleurs), trois points de suspension, onomatopée remplaçant le verbe ("sauter", en l'occurence), le tout reporté "au goût de Bodrick", donc pseudo-interne.
Je note quand même un remplacement intéressant du verbe "sauter" par la séparation en deux du dernier syntagme (comme les membres cités) et l'utilisation de l'interjection "hop". A ce titre je regretterai le participe passé "fichu" qui concurrence cette construction et risque même de la nier, enlevant par ailleurs sa violence sans constituer à lui seul un verbe.
Bien sûr opposition du "froid" à "brûler", connotation au phénomène de noircissement des membres gelés, peut-être plus derrière. Je retiens aussi la répétition volontaire du (aisément visible puisqu'en début de deux morphes successifs) devant sans doute imiter le vent, du moins puisqu'il est indiqué juste après.

“Putain de froid” gémit Petiot lorsqu’une bourrasque vint les cingler en hurlant.

"hurlant" en tant que verbe à sujet animé, reporté pragmatiquement à Petiot, idée totalement contredite par "gémit" qui appelle un son plutôt faible. "Cingler" est mieux choisi puisque reprenant le du sifflement précédent.

Bodrick se força à desserrer ses lèvres collées par le gel et grogna à l’adresse du veneur:
“Alors y t’la flaire c’te piste ces maudits cabots?”

Dominance du [l] à mon avis totalement involontaire, unité par chiasme cependant de "lèvres collées par le gel" qui donne effectivement l'idée de fermeture.

Ce dernier grogna quelque chose que des jappements de chiens étouffèrent et hocha négativement du chef. Bodrick s’accorda un énième soupir d’exaspération et se remit à triturer machinalement la bride de sa jument. Des heures déjà qu’on ratissait la zone, et pas une piste, rien. Qu’y avait quequ’chose qu’était passé ici, qu’y disait, le chef. Et même qu'y ce serait pu qu’ce soit cette même chose qui foutait la trouille aux hameaux des environs en tuant les bêtes sans leur laisser la moindre goutte de sang ni sans faire la moindre tâche.

Répétition du grognement qui précède, transformation des humains en animaux (par rapport au gémissement plus humain), d'autant que ce grognement se mêle aux "jappements de chiens".
Emploi archaïque de "chef" au milieu d'un champ oral, déjà observé avec "veneur" comme emploi diaphasique sans doute à portée déictique, la chasse. Bien sûr aussi répétition de [/] avec "chef" et "hocha" mais aussi "chiens", reprenant ainsi la confusion des hommes et des animaux de "chasse".
Ensuite répétition de "-ment" avec beaucoup de accentués, aussi des [r], le tout donnant un effet de répétition.
Après un passage trop oralisé (notamment par élisions et troncations), avec rôle de référence au locuteur, la dernière phrase s'allonge très nettement avec un emploi de style variant diamésiquement, à savoir qu'après "hameaux" il n'y a plus d'imitation de l'oral, d'où description très détachée avec structure complexe employant des "moindre" en structure symétrique. Mélange ici des registres réellement nuisible.

“Propre que c’est, avait-il encore dit, foutrement trop propre pour être des loups.”
“Mais quequ’c’est alors?” qu’il avait demandé le Petiot à ce moment là. Et l'chef lui avait alors refourgué son fameux sourire, c'ui là même que l'grand Thorett s'en était compissé à l'voir, et pis l’avait haussé les épaules. L’air de rien, ou plutôt l’air de dire "on verra bien et ça m’empêchera pas de boire mon vin chaud pendant qu’vous vous gèlerez l’cul à l’chercher".

Nouvelle structure orale, y compris entre les dialogues, utilisation de lexique familier, dernière phrase dont le verbe se trouve presque dans les guillemets.
Très forte insistance par les dialogues de l'objet mais aussi répétition de l'élément "loups". Répétition de structure "l'air de..."

Rien que d’y penser, il en avait le frisson: de rage ou de peur? L’arrivait pas à dire. Le chef c’est avec plaisir qu’y lui aurait raccourci la carcasse, mais pour c’qu’était de l’faire vraiment, ce soir ou demain: c’était une autre affaire. C’est lui qu’est pas normal, le chef. Lui qu’on devrait traquer avec nos épées, les chevaux et les chiens. Même que ça y serait bien marrant c’coup-ci et qu’il en oublierait p’têtre ce putain de froid. Mais non, c’est au chaud qu’y s’trouvait pour l’heure, le chef, et c’est au chaud qu’il y resterait. Lui et ses yeux de dingues. Des yeux bleus comme la glace quand l’soleil passe derrière, un bleu à vous refroidir d’un coup. L’est bien de ce putain d'pays lui. Glacial, tout pareil.

"Il" directement reporté au héros, pourtant sémantiquement indéfini, donc reportable au plus proche objet, à savoir le chef, d'où que "rage" et "peur" se reportent au chef et de là développement évident sur l'objet chassé.
Utilisation de l'italique après une très grosse dose d'oral, focalisation interne ici pour souligner le coeur du sujet, déjà tracé avec la confusion animale.
Insistance sur les yeux, "glace", "refroidir", assimilation du chef au froid et, plus tôt, les loups avaient été comparés à ce dernier (on peut alors voir le "en hurlant" comme l'appel des loups).

Bodrick jeta un coup d’oeil aux deux derniers membres du groupe qui étaient restés tout du long silencieux pendant la traque: Bors et Vösrin. Ces deux, pas demain la veille qu’y l’trahiraient le chef. Eux aussi z’ont des yeux bleus, tout pareil que lui, avec p’têtre en moins, la folie qui y brille dedans. Mais glacials qu’ils étaient: pour la conversation pouvais aller te faire mettre, y te lâcheraient jamais une p’tite blague, ni même un sourire. Bors lui rendit un regard inexpressif, tandis que l’autre observait avec une attention malsaine le Petiot en train de réajuster la sangle de sa selle de ses doigts gourds. Personne ne parlait. Le veneur tout occupé à bourrer ses clébards miteux de coups de cravache et de quolibets, le Petiot trop froid pour bavasser et les deux autres, des pierres.

Seconde phrase, ponctuation du dernier syntagme à revoir, dernière virgule.
Sérieux doute pour "glacials", plus naturel à mon oreille "glaciaux", après s'il y a eu évolution de la langue...
"... sangle de sa selle de ses doigts gourds", répétition de "de s..." qui finirait au génitif ou du moins à la confusion, éléments à permuter ou commuter selon.
Dernière phrase, aucune principale, celle-ci étant détachée par un point, exprimant un éloignement difficile à justifier. Participe passé pour le premier syntagme, intensité du "trop" et infinitif dans le second, pur substantivation extrêmement réduite, "des pierres", en troisième syntagme. Totale immobilité de ces derniers qui rejoignent alors le froid.

Bodrick leva les yeux au ciel et aperçut les premières étoiles entre deux branches chargées de neige. Il soupira pour lui-même et annonça d’un ton las:
“L’est l’heure, en selle tous, on r’tourne au trou.”
Ca, jamais besoin d’leur dire deux fois, constata-t-il en voyant avec quelle rapidité tous s’apprêtaient en ordre de marche. Rapidement, les chevaux les portèrent plus en aval, le long d’une sente de neige crasseuse moitié fondue, moitié gelée où les chevaux dérapaient parfois.

Souvenir du Wafo', les deux queues de la comète, à part un rappel de la pinède l'allongement semble inutile. Peut-être un enfermement, jusqu'alors nulle part proposé. Soupir "pour lui-même" opposé au soupir "d'exaspération" qui laisserait presque penser qu'il est exaspéré de rentrer, par lassitude, ce qui est cotextuellement aberrant.
Rapidité du mouvement opposée à l'immobilité du froid, d'ailleurs morphème /rapid-/ répété, ils sont portés.
Utilisation du terme "sente", même chose que pour "chef" et "veneur", sentier divisé en deux états comme un réchauffement de l'environnement dû au retour. "Crasseuse" répète une ambiance chère à l'oralité pour le moins familière du texte.

Il bougonna:
“A pas à dire, y sentent l’écurie aussi ceux là, mais c’est pas à l’écurie qui finiront s’y continuent comme ça, et nous non plus.”
Et ce disant, il tira un peu la bride de son cheval, histoire de le ralentir un peu. Les autres suivirent derrière et le groupe adopta un trot prudent et circonspect, cerné par la rumeur des chiens fourrageant leur museau dans tous les fourrés sombres qui les entouraient. "Maintenant qu’y s’mettent à chercher ceux là. Pouvaient pas l’faire avant?" marmonna t-il lugubre, en pensant à ce qu’il devrait écoper lorsqu’il ferait son rapport bredouille au chef. Un autre coup de vent vint en hurlant leur fouetter la figure, et derrière Petiot de gémir encore une fois, pour faire bonne mesure sûrement:
”Putain de froid.”

"Et ce disant", participe présent allié à "ce" isolé, expression plutôt archaïque mais convenue pouvant appartenir en dia- à l'expression de l'oralité, sur ce dernier point un doute. Utilisation du verbe "fourrageant" presque néologique dans cet emploi.
Prudence, danger, idée déjà dans la description du sentier, "fourrés sombres", reprise de "en hurlant" d'où sans aucun doute volonté et en même temps avertissement, présence du danger. "En hurlant" d'autant plus notable qu'il s'intègre mal au syntagme, notamment par [ã] qui avec "vent" est répété trois fois, suite très disharmonieuse, mais aussi construction syntaxique où l'ablatif sépare le verbe de son accusatif.
Jeu paronymique avec "fois" et "froid", gémissement préventif suivant l'idée du danger désigné ici comme le "froid".

La nuit était tombée lorsqu‘on atteignit “le trou”.
Le trou, c’était un petit fortin impérial, planqué dans un renfoncement du terrain dans la vallée juste au-dessus du seul débarcadère impérial de Norsca accessible toute l’année et à peu près délaissé par les pirates et les sauvages, à cause de son misérable dénuement. Si une bande de trouffions s’y ramenait un jour d’aventure, tout ce qu’elle aurait à faire serait de brûler trois bicoques sombres et puantes et d’égorger deux centaines de gars issus de la lie de la grande armée impériale. Outre que c’était pas gagné d’avance, le gain -quelques bêtes et quelques tonneaux de bière- n’en valait vraiment pas la peine.

Pour résumer "wouf", changement de lieu et de temps ("presque nuit" pour "nuit" et "pinède" ou "sente" pour "trou"). Utilisation plutôt abusive du "on", je n'étais pas là-bas et ceux qui arrivent sont bien définis. Sorte d'ellipse de ce qui a pu se passer entre le sentier et l'arrivée.

...

Depuis là j'ai comme l'étrange sensation d'avoir déjà lu ce texte, 'va savoir pourquoi. Ce registre familier, cette situation de Norsca, je vais sauter du côté de la fin.

Un silence lourd s’appesantit dans la pièce. Bodrick ne savait plus quoi penser: vrai ou pas vrai, ce qu’il disait l’autre? Le croire ou pas le croire. Allez, c’est gros... mais ça fait vécu lorsqu’il déballe son histoire. Aussi décida t-il de le croire vraiment, du moins pour l’instant.
« Et... vous avez raconté ça au commandant? » hasarda t-il.

"S'appesantit", c'est écrit "rare" dans mon dictionnaire, j'en conclus un emploi similaire à "chef - veneur - sente", très contrasté avec le registre familier.
Encore un syntagme sans verbe, des italiques, ensuite inversion verbe-sujet hors d'une interrogative avec emploi de "aussi", légère allitération en [ã] avec "vraiment" et "instant".

C'est fou, impossible de dire si j'ai déjà lu ce texte. Ca me rappelle bien vaguement quelque chose, surtout cet emploi immodéré de l'oralité mais aussi l'histoire mi loup-garou mi vampire, sauf que je dois confondre trois ou quatre histoires similaires dont notamment une sorte de bagne impérial dans le genre.
Vraiment étrange, cette impression.

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il y a 17 ans 4 semaines #12362 par Le Warza
Réponse de Le Warza sur le sujet Re: Sans noms
Hé bien, tout d'abord merci de répondre si rapidement.

Ensuite:

C'est fou, impossible de dire si j'ai déjà lu ce texte.


Je confirme, tu as déjà lu. Assez récemment d'ailleurs.

Au fond c'est idiot, on n'a pas eu le temps de partager la vie des soldats que déjà l'aventure s'engage.

Quitte à lire un texte à Warza, j'aime bien celui-là.

Un récit vivant qui valait le détour.


Autant de petits extraits de ton message sur le warfo. Des compliments de ta part, je ne me lasse pas de les savourer étant donné leur rareté. :lol:
Mais ceci se passait sur le warfo, et les chroniques sont une tout autre cour. 8)

Aussi as tu raison d'appuyer là où ca fait mal: la transition d'une part, l'excès de parlé oral de l'autre. Ce dernier aspect devrait s'améliorer dans la suite, quant au premier, hé bien...peut-être n'est ce pas la seule transition que j'aurai raté.

La suite du texte demain, lorsque Krycek aura posté la réponse qu'il a promis. :D



Désolé de ne pas te proposer de la nouveauté. Normalement, je devrais poster un autre texte qui est non achevé à partir du week end: j'espère que son aspect plus sobre et plus esthétique te plaira... :?

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il y a 17 ans 3 semaines #12365 par Vuld Edone
Réponse de Vuld Edone sur le sujet Re: Sans noms
J'ai retrouvé le texte, mon intervention dessus date d'un an. Je cherchais alors cette ambiance que ne contenaient pas encore mes textes (qui se résumaient un peu à "j'te casse la gueule") et bien sûr j'appréciais à juste titre cette bouffée d'air dans la production du Wafo'.

Le style oral pose deux énormes problèmes pour moi, d'une part c'est totalement hors-norme, donc cela brouille complètement mes outils d'analyse, d'autre part je n'arrive pas à l'imiter, même pour des dialogues. C'est tout bête à dire, je connais assez bien les différences diamésiques mais quant à les reproduire, impossible, c'est viscéral. Du coup, difficile de juger la production des autres.
Les transitions, par contre... :twisted: Ca, je connais ! Ch'tit souvenir à la MdT v.1 qui s'offrait un piège numéro trois ou quatre tellement l'erreur était courante, et encore, tu t'en sors bien. Le problème tient principalement à la montée de tension du dernier paragraphe, donc à un simple manque de planification.

J'avoue par contre n'être pas très motivé à lire un texte cru Wafo' 2006, surtout sans modification, préférant attendre quelque chose de plus récent. A ce titre j'espère plutôt voir cet autre texte que celui-ci (le titre, c'était quoi, "de feu et de glace" ?) pour la Mise à Jour (car oui, avec une Mise à Jour je critique beaucoup plus). Espérons juste qu'il ne sera pas trop sobre (l'ivresse de l'écriture, que veux-tu...).
Oh, 'pis un peu de pub' puisque j'ai ouvert le sujet à l'auberge : je ne saurais trop t'inviter à te tenter au jeu (très simple !!!) du brouillon .

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il y a 17 ans 3 semaines #12381 par Krycek
Réponse de Krycek sur le sujet Re: Sans noms
Voilà donc, j'ai lu dans le train ce matin ton texte et livre ainsi ma critique (gnark ! gnark ! gnark !). Tout d'abord un rapide dégrossi des tournures intéressantes et peut-être à améliorer :

Le Warza écrit: L’air était sec, silencieux et froid à s’y brûler au goût de Bodrick. Et encore, c’était sans compter le vent. Ça ou les loups, c’était pareil. Un peu trop immobile et...hop! Un doigt, une oreille ou un bout de nez fichu.

Je crois que tu pourrais retravailler un peu ce passage qui a du potentiel humoristique et qui donne aussi un peu le ton de ce qui va suivre, le type et le style du récit. Faire en sorte que ce soit plus direct, plus cinglant.

Le Warza écrit: Lui et ses yeux de dingues. Des yeux bleus comme la glace quand l’soleil passe derrière, un bleu à vous refroidir d’un coup. L’est bien de ce putain d'pays lui. Glacial, tout pareil.

Je crois que ça va partir vers la page sans nom ça !!! J'aime beaucoup !

Le Warza écrit: La nuit était tombée lorsqu‘on atteignit “le trou”. Le trou, [...]n’en valait vraiment pas la peine.

J'ai beaucoup aimé la façon d'apréhender cette description, de le voir à travers les yeux d'un hypothétique attaquant qui au final n'aurait aucun intérêt à attaquer.

Le Warza écrit: tu me crois trop épais pour pas l’avoir déjà pigé?

Expression intéressante, plutôt pas mal même, je ne connaissais pas.

Le Warza écrit: On s’en ai tiré

Une petite faute ici, 'est' serait plus approprié. Néanmoins je ne suis pas le mieux placer pour en parler (avec mes problèmes de 't' à la 3e personne du singulier pour tout le passé simple) mais si San passe par ici, elle se fera un (sadique) plaisir de relever les plus flagrantes je pense.
San, notre Bescherelle. Feurnard... pareil en fait ^^ .

Le Warza écrit: [...]regardant Morr sait quoi au-delà des carreaux crasseux et embués

J'aime beaucoup cette expression aussi !

Le Warza écrit: Ses yeux roulaient dans leur orbites comme sans le voir et soudain, sa tête s’effondra sur le bureau entre eux et il cessa toutes ses gesticulations.

J'aurai ajouté 'stupides' : 'et il cessa toutes ses stupides gesticulations' pour donner encore plus de poids au caractère sardonique (est-ce bien le mot ?) de la chose, du regard que l'on porte. De plus, modifier 'ses' en 'ces' permettrait de conserver ce regard distancé. Genre observateur en retrait se moquant de la scène.

Le Warza écrit: « Oh merde! gémit-il. Merde! Merde! Merde et merde! »

Tiens ! En général ce seraient plutôt les téléspectateurs qui gémieraient comme ça devant leur TV à la fin d'un épisode d'Alias (ou de Hélène et les Garçons selon les goûts). Au final, un cliffhanger plutôt sympa, sans se prendre au sérieux, le texte donne envie d'être suivi. Bien vu !

Voilà donc en ce qui concerne les passages intéressants... je vais maintenant décortiquer le style (qui est particulier, qui fait d'ailleurs la grande particularité de ce texte) et le fond. Je crois que Feurnard a déjà dû élaguer en ce qui concerne les problèmes de tournures et d'autres choses que je n'arrive que trop peu à comprendre (moi, humble mortel ;) ). Alors le style ou le fond ?

Le style plutôt puisque c'est un des points particuliers majeur de ce texte :

En fait ... en fait... ce qu'il y a c'est que le style parlé "patois" je dirais est super intéressant et bien vu. Simplement si tu ne fais pas la distinction entre le narrateur et le Discours Indirect Libre (DIL) alors ton texte perd de son "sérieux". Explications en "images" :

Tout d'abord dans les dialogues :

Le Warza écrit: "Alors y t’la flaire c’te piste ces maudits cabots?”

Le Warza écrit: “Mais quequ’c’est alors?”

Par exemple, ici dans les dialogues il faut que l'on s'atarde pour bien comprendre ce qu'ils disent, je pense que le patois est un peu poussé.

Dans le Discours Direct :

Le Warza écrit: L’arrivait pas à dire.

Le Warza écrit: La nuit était tombée lorsqu‘on atteignit “le trou”.

Le Warza écrit: La première fois que vous suiviez ce chemin

Le Warza écrit: Tombé tout seul sûrement, nan?

Toutes ces citations ne sont pas en italique et ne font pas partie de dialogues.
Ici je dirais que tu mélanges les styles de discours puisque l'on se demande alors si le narrateur est partial, s'il est un des persos, s'il nous parle à nous...

Pour ce qui est du DIL tout va bien. Au final pour ce qui est du style je dirais que tu mélanges les tournures dans le sens où ce qui est en DIL est parfait, ce qui est en DD devrait parfois être en DIL (tout en veillant à respecter la partialité et à qui s'adresse le narrateur, et pour les dialogues, il faudra parfois faire gaffe à ce que cela reste fluide.
Ainsi, en conseil je te dirais :
Dialogues : Patois MAIS veiller à la fluidité
DIL : très bien du moment que l'on sait qui pense
DD : conserver une narration avec un langage courant (sans patois) pour ne pas emmêler le lecteur et conserver un "sérieux" du texte

C'est, je crois, la grande particularité de ce texte il faut donc faire gaffe à ce que ça ne transforme pas le texte en quelquechose de particulier (tu vois ce que je veux dire ?), que le récit ne tombe pas dans un style "spécial" ou "faut aimer".

Pour ce qui est du fond, eh bien, y'a pas tant de choses, et pourtant, la longueur est correct.
Résumé :
- Des persos filent une piste
- Retour au & présentation du "trou"
- Mort du chef
Ceci en plus des soupçons de bestiole vampirique.

Quoiqu'il en soit, j'ai eu l'impression que le chef meurt d'empoisonnement à la fin ce qui rajoute plus d'attrait au texte qu'une simple confirmation de présence vampirique. Tu ne t'es pas non plus perdu dans la présentation d'un univers entier avec sa population ce qui est pas mal aussi.
Le décors est plutôt 'attrayant' lui aussi, descriptions claires, précises et non alambiquées, ce qui aide à aller vite au fond du texte et à suivre l'histoire. (Ca me faisait d'ailleurs penser à 'Solstheim', Add-on de Morrowind)

En gros, continue comme ça, le texte est intéressant (j'attend la suite d'ailleurs) mais attention au mélanges de styles qui pourraient te porter préjudice. Je conserve un très bon avis sur ce texte donc.

En rapport aux remarques de Feurnard, il y a beaucoup de bonnes idées dans ce qu'il a écrit (qui a dit 'pour une fois' ?!!) mais c'est quelquechose qui me passe de loin au dessus tant je suis encore à remanier de plus gros problèmes sur mes textes.
Simplement ses remarques sont judicieuses, peut-être pointilleuses, mais intéressantes tout de même, rien de spécial à commenter donc.

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il y a 17 ans 3 semaines #12395 par Le Warza
Réponse de Le Warza sur le sujet Re: Sans noms
Les aspects soulevés comme le ton de la narration trop variable ont été pris en compte. L'excès de brutalité des transitions également. J'ai retouché la suite en conséquence, mais n'ai pas encore travaillé le passage précédent.

Puisse cette suite vous inspirer des critiques.

P.S pour feurnard: Désolé, il s'avère en fait que l'autre texte dont je parlais est la voie du samourai...mais tu l'as déjà lu aussi. Donc, en attendant, je me focalise sur Sans noms, histoire de ne pas courir deux lièvres en même temps. ;)

La suite...

Douloureusement, Bodrick reprit connaissance. Le flou d’ombre se fit plus détaillé et il put bientôt contempler à nouveau la décrépitude du plafond au-dessus de lui.
« L’hoch...piche... » gémit-il faiblement tout en s’émerveillant sur le nombre de dents que sa langue entaillée palpait une à une.
Un mouvement attira son regard, mais bouger la tête lui semblait encore une épreuve un peu prématurée.
Soudain un visage maigre aux yeux d’amnésique fit irruption dans son champ de vision:
« On reprend connaissance, Stavinski? »
Et le toubib qui me tient la chandelle... M’a tellement arrangé que ça ce con? pensa t-il en se remémorant ce grand escogriffe de Vösrin. Le responsable principal de son agréable séjour à l’horizontale.

La fin de la soirée où le chef était mort s’était déroulée de façon encore plus croustillante que ce à quoi il s’était attendu. Après la découverte de la scène, les remarques et les accusations en l’air ne s’étaient pas contenté de fuser dans la grande salle, mais Bodrick avait eu droit à une prise à partie en règle avec le plus dévoué des hommes de feu son chef. Va savoir pourquoi, les gradés avaient semblé plus intéressés là-haut à l’étage, plutôt que de descendre dans la grande salle où les yeux de glace frôlaient avec la rébellion pure et dure. Bodrick devinait sans peine le rôle de fin de soirée qu’avait été le sien: on ne l’avait pas embarqué jusqu’au bureau du capitaine, ni même posé de question après avoir vu qu’il s’agissait de poison. Non. Il avait été reconduit droit aux tablées où le comité l’attendait de pied ferme: Les hommes sont fous de rage, alors, qu’ils se défoulent. Très bien comme idée. A sûrement évité un gros boxon, mais en attendant celui qui avait trinqué c’était: ma pomme, comme toujours...

« Hé bien -reprit l’autre- honnêtement, je ne pensais pas avoir beaucoup de chances de vous ramener parmi nous mais Shallya devait veiller sur vous. Cela ne fait que deux jours que vous êtes là: j’ai rarement vu un coma prendre fin aussi vite... ah, si seulement je pouvais discuter de votre cas avec des confrères peut-être m‘ennuierais je un peu moins... »
Oh non! Par Sigmar, ta gueule toubib!...Erf! Trop dur à prononcer ca...
« Deux jou's? » fut tout ce qu’il trouva pour ménager sa bouche et interrompre le prêtre de Shallya. Il ferma les yeux. L’homme s’appelait Henri de Bosquerol, Bretonnien d’origine. Religieux par omission et sodomite par conviction, il n’en restait pas moins un rebouteux passable.
Aussi, le temple de Marienburg avait-il été ravi de refourguer l’individu au « trou », là où les penchants d’Henri, ou plus simplement « Toubib », s’ébruiteraient moins.
« Pu'tain... » ne put-il retenir à voix haute.
Le toubib semblait être devenu atone. Il n’avait rien répondu. Bodrick ouvra les yeux: Personne. Des sons de voix lui parvinrent enfin de sa gauche, près de la porte de l’hôpital souterrain du trou. Le prêtre discutaillait avec un grand type aux cheveux sombres. Soudain, un long tiraillement remonta l’échine de Bodrick. Sa vision se troubla à nouveau et il ferma les yeux. Frustré par sa propre fragilité, il fit contre mauvaise fortune bon coeur et se laissa recouler dans le sommeil.

Il ne put sortir de son lit que deux jours plus tard, appuyé sur une béquille. Selon le toubib, pas une seule parcelle de chaire ne semblait avoir échappé à un coup rageur. Mais selon lui, les types savaient ce qu’ils faisaient, ils n’avaient pas voulu le tuer vraiment.
« Ah ouais -avait-il répondu ironique- z’ont ‘achement bien fait semblant alors. »
Le toubib a haussé les épaules:
« Je suppose qu’il faut les comprendre. C’était pour eux une sorte de mentor je crois. Un patriarche ou quelque chose dans ce goût là. En tout cas le commandant a laissé pisser. Ca s’est calmé le lendemain quand ils ont enfin compris qu’on ne pouvez pas vous imputer le crime. L’un des leurs est même venu il y a deux jours lorsque vous avez repris connaissance, mais vous veniez juste de replonger quand il est entré. »
Ben ça alors... C’est qu’ils seraient presque humains finalement... S’excuser... Tu parles! M’achever, ouais! Même que l’autre diable aurait même pas bougé le petit doigt j’aurais parier.
Il dut laissé transparaître ses émotions car le toubib fronça les sourcils en le regardant:
« Tu leur en veux encore, hein? »
Bodrick leva un regard surpris vers le prêtre. T’es con ou t’es con toi? M’ont cassé la gueule nan?
« Ca se pourrait. » répartit-il.
Petit sourire navré.
« C’est dommage alors, parce que le commandant a décidé de te nommer à la place de leur mentor. T’es lieutenant Stavinski. Enfin, dès que tu seras sorti d’ici quoi. »
La nouvelle le laissa un instant sous le choc, avant que les mots prennent sens dans son esprit et que la cascade des conséquences dégringole dans son crâne douloureux.
« Ah. » fut tout ce qu’il trouva à répondre. L’autre explosa de rire. Bodrick n’arrivait pas à définir si la nouvelle lui plaisait ou non. Il voulait monter en grade ça c’était sûr. Mais en même temps, il ne se sentait pas la capacité de prendre des décisions importantes, de faire les bons choix, de décider lui-même que faire de dizaines d’hommes. Il ne se sentait pas prêt à être responsable de tant de choses...
Bon, de toute façon, ai pas le choix, nan? Le toubib s’éloigna, hilare, vers une étagère où s’amoncelaient verrerie et poussière. « Halala... T’en fait une gueule Stavinski. Dirait qu’on vient de cocher ton nom sur la liste de la faucheuse. Tiens, tu vas m’avaler ça et filer d’ici. Le commandant pense que t’es apte lui. »
Docilement, il but le breuvage amer que lui présenta le prêtre. Puis il se redressa tant bien que mal, remit un peu en ordre ses vêtements froissés et ses cheveux en broussailles, avant de se diriger en claudiquant vers la sortie de l’hôpital. Depuis les ombres de la pièce, le toubib lui lança un « Que Shallya te garde, Stavinski. » d’un ton emprunté.
Bodrick grommela une réponse et entama la montée des marches menant au rez-de-chaussée de la bâtisse centrale.

Arrivé en haut, le froid de la vieille pierre laissa place à la douce tiédeur animale de la salle commune qui se diffusait dans tout le bâtiment. En prenant le porche sur sa gauche, il aurait pu aller s’asseoir quelques minutes au coin du feu qui brûlait en permanence dans le réfectoire, mais vu sa nouvelle nomination, une petite visite chez le grand chef en personne s’imposait d’elle-même comme l’étape prioritaire. Et allez, un autre escalier... Du diable ces béquilles! Il parvint tout de même jusqu’au bureau du commandant et toqua. Des pas précipités et une voix en colère se rapprochèrent.
« Je vous ai déjà dit que je m’en fout... Ah! C’est vous Stavinski?! Déjà remis? Bien. Entrez! »
« Merci mon commandant. »
L’homme était court, trapu. Le regard franc et posé. Le commandant émanait une impression de confiance et de force impressionnante.
« Asseyez vous. »
Bodrick obtempéra avec plaisir. La montée des marches s’était révélée crevante.
Bien, comme vous le savez sûrement déjà, j’ai décidé de vous nommer lieutenant de patrouille. Vous vous occuperez de la surveillance externe du fort et du maintien de l’ordre dans le port. En gros, du contrôle de la route menant des quais jusqu’au pied de cette porte. Vous avez désormais quarante hommes à votre disposition, au maximum. Tenez, voici un papier où se trouve le reste de vos impératifs et nouvelles fonctions... vous savez lire, il me semble non? »
« Oui, mon commandant. »
« Bien. Et maintenant, j’ai à vous parler d’une autre affaire, lieutenant Stavinski.
Ah! Nous y voilà, pensa l‘intéressé. A quel point connaissiez vous Zolland, votre ancien supérieur? Attention! Jouez franc jeu! »
Bodrick réfléchit un instant à ce qu’il devait dire. Devait-il avouer que, le Zolland, il mourrait d’envie de lui dessiner un sourire rouge sous le menton chaque fois qu’il le croisait? Devait-il avouer aussi qu’il était profondément jaloux de son poste?
A bien y penser, il y avait peut-être des manières moins suicidaires d’ouvrir la conversation. Aussi opta t-il pour l’air benêt qu’il savait adopter à la perfection.
« Ben, pas trop bien si c’est dans le sens où vous l’entendez. Le chef, j’obéissais à ses ordres. Pas plus. Ses vrais potes, c’était les autres. Après, c’est vrai que le chef avait son pif à lui. Et... ouais, faut avouer qu’j’avais du mal à l’encadrer. Parfois.»
Le commandant le fixait intensément, puis son regard passa ailleurs. Bodrick attendait. Voir si le poisson avait mordu.
Puis son supérieur acquiesça lentement et soupira. « Ouais... Je m’en doutais que vous me serviriez un truc dans ce genre là... A vous dire vrai lieutenant, c’est un peu l’avis de tout le monde au fort, hormis ses propres hommes. Personne ne le piffait. Personne ne le connaissait.
Etonné, Bodrick lança un coup d’oeil surpris. « Pas même vous? ... Mon commandant? » se reprit-il à temps.
Froncement de sourcils.
« Boarf... Je me demande. Il découlait du personnage un quelque chose de particulier qui a fait que je lui ai fait confiance lorsqu’il m’a raconté son histoire. Tiens comme moi. Mais hormis cela, c’était un homme distant. »
« Hé ben! Pas de bol qu’il crève le jour où il devenait enfin socia... »
Le regard du commandant s’alluma soudain d’un nouvel éclat. « Vous dites Stavinski? »
Hébété, il s’aperçut qu’il venait de penser à voix haute. O sainte merde! Qu’est ce que t’a foutu, espèce de vieille grande gueule... Trop tard maintenant.
Confirmant cette conclusion, le commandant se fit pressant.
« Allons, lieutenant, vous en avez dit trop ou pas assez... Qu’a t-il raconté? Répondez moi, c’est un ordre! Vous ne sortez pas d’ici avant de m’avoir tout dit! »
Bodrick, contrit, lui expliqua la façon dont son ancien chef lui avait narré comment il était arrivé au fort... Mais passa sous silence son allusion à des évènements étranges ces derniers temps.
L’autre parut presque déçu. L’air de dire: c’est tout? Seulement ça? La flamme d’intérêt dans son regard se ternit.
Pour se remettre de sa déception certainement, le commandant alla dégotter une fiole dans un placard et y but trois gorgées au goulot.
Y se cache même plus maintenant. Et il commence dès le matin? L’autre avait raison... Rien ne tourne rond ici.
Un petit silence gêné s’installa. Bodrick en profita pour glisser une question qui le turlupinait.
« Mon commandant,... pourquoi moi? »
L’autre, qui s’était accoudé à la fenêtre et regardait les hommes dehors vaquer à leurs multiples tâches se retourna avec un petit sourire pincé.
« Oh ça, c’est Zolland qui vous avait recommandé auprès de ma pomme. Je me demande ce qu’il vous trouvait. » Sur ce, il lui fit signe qu’il pouvait disposer.

La descente de l’escalier se révéla encore plus exaltante que la montée. Des planches bougeaient et les béquilles glissaient dans ses mains poisseuses. Le pied.
Logiquement, à cette heure-ci de la matinée, il aurait du être à l’exercice comme la moitié de la garnison. L’autre moitié étant divisée entre les tâches ménagères et la surveillance des alentours. La salle commune, moitié transformée en lingerie, s’annonçait presque calme. Au moins, il y serait au chaud. Son poste prendrait sens après le repas du soir, où le commandant annonçait les nouvelles, quand y en avait.

Carré contre le mur, Bodrick regardait dans le vide. Les flammes du brasier dans l’âtre monstrueux de la salle commune lui chauffaient les pieds agréablement. Infirme, on avait tout le temps de cogiter à son aise et il ne pouvait s’empêcher de remâcher les derniers évènements. La mine pathétique de Zolland en train de s’étouffer ne cessait de lui revenir devant les yeux. Bordel ! Qui bon sang ? Et pourquoi ?

Le « qui » l’inquiétait. En faisant le compte des gars qui pouvait en vouloir éventuellement au trépassé, on avait vite fait le tour : Il y avait lui-même et... lui-même. Autant qu’il se souvenait, en dehors de sa pomme, il n’avait jamais remarqué quelqu’un en voulant à ce point au chef. La seule explication rationnelle était qu’il n’était pas au courant de la bisbille, et à ce moment là, c’est donc que ça se passait chez les gradés. Il avait discuté avec les gars chargés de lessive : partout on s’interrogeait en silence. Et plus même, la plupart avait réellement la trouille.

Quand les gradés s’amusent à des intrigues de cour, c’est comme lorsque le navire perd son gouvernail : le péquenot de base se fait du mauvais sang.
Les seuls apparemment qui étaient plus en colère que terrifiés restaient les yeux bleus. Ces derniers jetaient des regards soupçonneux à la volée et semblaient prêts à en découdre au moindre mot de travers. On avait refroidi le grand manitou. La corde était prête, mais l’acteur principal se faisait désirer. Vu leur impatience, le commandant les avait autorisés à disposer à leur gré du corps et leur avait promis de mener une enquête poussée. Ca, c’était l’officiel. En réalité, l’enquête allait mollement. Les plus actifs à rechercher restaient les yeux bleus eux-mêmes.
Bodrick examina mentalement la liste des officiers : cinq lieutenants avec deux sous-lieutenants chacun, plus le commandant. Si on excluait même les yeux bleus du lot, il ne restait toujours aucun meurtrier dans la liste. Il jura. Cette affaire lui paraissait absurde. L’autre avait raison : quelque chose au trou ne tournait pas rond. Le pire, c’est que Zolland avait parut sincère en le faisant remarquer. "Ca me fout la pétoche rien qu’d’y penser à tout ça, j’pourrais t’raconter des trucs sur certains... "
Ouais. Vraiment dommage qu’il n’ait pas pensé à en dire plus avant de crever.

Le soir tombait maintenant. Les ombres dansantes à la lueur de l’éternel foyer de la cheminée envahissaient la pièce. Partout, les couloirs commençaient à se remplir de bruit de pas. Quelque part, une potée chauffait dans sa marmite. Des échos envahissaient les coins de la salle, donnant à Bodrick l’impression que des spectres se moquaient de lui depuis les ombres du plafond.
Soudain, un groupe de cinq types aux yeux bleus a traversé la salle commune à grands pas, sans un regard pour lui, direction l’escalier de l’infirmerie. Ils avaient toujours l’air aussi furax, mais la célérité de leurs gestes dénotait autre chose. Ils pensent tenir quelqu’un... « Le toubib ! » Il s’était levé pour le crier tout haut. Sa jambe l’a rappelé à l’ordre et il a manqué de se casser la gueule. Jurant tous les diables, il s’est saisi de sa béquille et hardi petit, direction l’infirmerie, itou.
Il y avait du spectacle en perspective.

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