Ebauche de réécriture du ch1 des Masques
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Prise d'une quinte de toux, ses petits doigts frêles s'accrochèrent vivement à la nappe. Le tissu soyeux, presque onctueux sur sa peau rêche, ne l'apaisa pas vraiment.
Sa famille la scruta en silence. Recroquevillée sur elle-même, l'adolescente n'osa se tourner vers eux ; sur ses paupières lourdes pesait une tiédeur moite, malsaine. Le venin de leurs reproches s'infiltrait vicieusement jusque dans ses muscles qui semblaient grincer, douloureusement, au moindre mouvement qu'elle osait faire.
Les lèvres tremblantes, elle reprit lentement sa longue paille, et continua de boire la soupe traîtresse qui espérait tant l'étouffer en coinçant ses larmes tout au fond de sa gorge. Bouillon obscur et fade, inévitable, véritable lac d'eau perfide reflétant son visage... Son insupportable visage.
- Ce Potage Noir est vraiment délicieux.
- N'est-ce pas ? C'est Marience qui me l'a recommandé.
La jeune fille prit une profonde inspiration. Ses grands yeux mi-clos fixèrent vaguement une fourchette, inutile mais décorative, qui brillait faiblement aux côtés de son assiette de porcelaine blanche.
- Tu as pensé à appeler le traiteur, pour la soirée de demain ?
- Bien sûr ! J'ai commandé des gelées.
- Parfait ! Ce sera parfait...
L'adolescente se redressa sur sa chaise inconfortable, lâcha momentanément sa paille et reporta son attention sur l'immense lustre de cristal fixé au-dessus de la table. Debout tel un prince de lumière ne souffrant d'aucun rival, il n'en était pas moins livide, presque mortifère. Ses pendants translucides n'étaient pas léchés par des chatoiement chaleureux ; le verre demeurait froid, désespérément froid, en dépit des flammes malades qui brulaient faiblement les mèches cireuses.
- ... m'écoutes ?
La jeune prostrée tourna vivement la tête vers la personne qui interrompait si brutalement sa rêverie. Le regard dur de son père irrité la transperça de part en part.
- Non, bien sûr, tu n'as rien entendu de ce que je te disais. Il ne faut pas t'étonner que l'on ne t'adresse jamais la parole...
Cette voix courroucée et acerbe ne lui était que trop familière. Les mots roulaient dans sa bouche comme autant de flèches empoisonnées. Cet Orateur forcené, respecté, était pourtant habituellement réputé pour son verbiage enjôleur et fleuri.
- Tu préfères regarder stupidement on ne sait quoi. A ton aise, de te comporter comme un animal lorsque tu es dans ta chambre. A table, je suis en droit, que dis-je, nous sommes en droit de te demander un peu plus de... correction. Ce n'est pas ainsi que nous t'avons élevé.
La fautive baissa les yeux, avala la salive qui s'emmagasinait dans sa bouche et qu'elle n'avait que trop envie de cracher...
- C'est désespérant...
Un rictus dédaigneux étira la fine bouche blême du père. Il réajusta la cravate nouée autour du col étroitement serré de sa chemise blanche, et épousseta son veston noir comme s'il venait de se frotter à une créature sale et malodorante. L'ombre d'une révolte passa furtivement dans l'esprit de l'adolescente ; mais juste une ombre, juste un sentiment avorté qui se dissipa bien vite. Les mains de la jeune fille, incertaines, tremblèrent légèrement. Sur la soupe molle et brune et sur tout le reste planait comme un sourire malveillant.
- Quelqu'un veut-il un peu plus de soupe ?
- Oui, moi, s'il te plaît.
La jeune fille frissonna. Elle essuya la fine pellicule de sueur huileuse qui voilait sa nuque d'un geste maladroit de la main, et effleura les coins de sa bouche pâteuse avec sa serviette de table. Encore un contact doux, frais, inerte... si peu réconfortant.
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- Krycek
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En somme, ça me plaît !
Bon courage !
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- Vuld Edone
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Useless to say that the subject changed.Prise d'une quinte de toux, ses petits doigts frêles s'accrochèrent...
Je préfèrerais "leurs reproches venimeux s'infiltraient jusque...", mais c'est au goût de chacun.Le venin de leurs reproches s'infiltrait vicieusement jusque...
Egalement, dans ce paragraphes, deux occurences de "oser".
Si son visage ressemble à cela, alors la phrase est bonne, sinon je désapprouve la nominale.Bouillon obscur et fade...
"réputé" reprend "forcené" et "respecté", j'aurais préféré à la place un "reconnu". "Habituellement" est assez long aussi, après "pourtant" il fait presque doublon. Un peu comme "vicieusement", tiens....était pourtant habituellement réputé...
Debout, au sens troisième de mon dictionnaire, est très intéressant car nié il signifie "malade, faible". Le participe pourrait prêter à discussion mais, moi, il me va.Debout tel un prince de lumière ne souffrant d'aucun rival...
C'était la faut(iv)e du jour....t'avons élevé.
Trois occurences de "de". "Voiler" demande un objet (on voile qqch de qqch) qui peut être sous-entendu. Si le saut sémantique est facile, syntaxiquement le second "de" pose problème.Elle essuya la fine pellicule de sueur huileuse qui voilait sa nuque d'un geste maladroit de la main
J'ai sinon un peu de mal à imaginer qu'on mange de la soupe avec une paille dans un tel cadre mais à part ça deux idées reviennent, la mort et le reproche que conjugue le venin, qui hélas n'est plus tant la culpabilité qu'elle pouvait ressentir au départ et qui la liait encore à ce monde.
Vraiment, pour un masquarien comme moi, cette précieuse honte de soi avait un aspect très intéressant. Non qu'il faille l'exposer d'emblée, aussi clairement que tu le fais pour le "mortifère", mais qu'elle veuille cracher et que déjà apparaisse, même refoulé, un sentiment de révolte lui enlèvent cette nuance.
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- eLiZ
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Feurnard : je prends bien note de tes remarques, toutes somme toute assez pertinentes (ahhhhhh j'ai fait une faute !!!!). C'est vrai que ce coup du cracher dans sa soupe est peut-être un peu trop rapide. Il faut que je modère mes propres envies de révolte...
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- eLiZ
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En fait j'ai fini par câler un morceau supplémentaire avant la scène du repas... le nouveau début serait donc celui-ci :
Glycerine s'éveilla. Un rai de lumière timide frôla l'une de ses paupières. D'un geste las, elle repoussa l'épaisse couverture qui, chaque nuit, absorbait ses rêves, et se redressa sur un coude. Le sommeil était doux ; mais il avait quelque chose de terrible en ce sens qu'il la pétrifiait, et qu'il la faisait perdre pied en des sphères inconnues. Les cheveux hirsutes, la bouche pâteuse, elle garda ses yeux mi-clos. Sa respiration était lente, profonde, bien qu'assez pénible, comme si le fait de retrouver la réalité de sa chambre était source de déception et d'appréhension.
Elle se pliait sans rechigner aux regards silencieusement impérieux de sa famille, et ne sortait de son antre que lors des repas ou pour faire sa toilette ; si un sentiment d'inconfort permanent l'écrasait de plus en plus, elle demeurait néanmoins là où l'on admettait bien qu'elle reste. Que pouvait-elle faire d'autre ?
L'adolescente écarta un pan du lourd rideau noir qui recouvrait sa petite fenêtre. L'aube venait juste de poindre à l'horizon ; l'éternel plafond terne et opaque, large lampée de nuages crémeux, recouvrait entièrement le ciel. Les maisons bien régulières, bordées de trottoirs très lisses et très propres, se multipliaient à n'en plus finir. Quelques silhouettes déambulaient dans la rue : une vieille dame traînant les pieds vers le Marché, sans doute, serrait dans ses bras un panier blanc flambant neuf ; quelques Ouvriers, chargés d'entretenir la chaussée, ou de distribuer le courrier, se croisaient sans même se saluer ; des adultes pressés, aux allures fantomatiques et décidées, se tassaient dans des carrosses noirs pétaradants.
La vie se déroulait sous ses yeux et elle, éternelle spectatrice, se demandait si elle devait envier leur sort ou se contenter du sien. Sa main lâcha l'étoffe qui glissa, avec langueur, sur le verre froid. Le rayon blafard, seule incursion de la vie réelle dans sa prison vide, se faufila derrière une couture pour s'épancher sur l'édredon bouleversé.
La jeune fille posa un pied à terre. Le carrelage glacé agressa ses orteils flétris. Son visage resta d'une étonnante gravité. Seuls ses yeux, immenses, coupables et inquiétants, reflétaient le moindre de ses sentiments.
Avec une certaine impatience, elle passa une main dans sa tignasse brune et les aplanit tant bien que mal. Ce geste machinal lui rappelait à chaque fois à quel point son allure était peu distinguée. Mais que lui importait de paraître distinguée en étant enfermée, à toute heure du jour, dans cette chambre, dans cette maison, dans cet univers...? C'était une excellente question.
Glycerine appuya ses avant-bras sur ses genoux, et prit sa tête malingre dans ses mains. Elle se frotta les paupières, se massa lentement les tempes et se redressa avec peine. Puis elle se leva, sans trop savoir pourquoi elle continuait de se lever chaque matin malgré... cette absence, ce néant, cette béance de perspective séduisante, et s'assit à son bureau. Elle joua machinalement avec un vieux peigne blanc, songea un moment à démêler ses cheveux avant de se sourire à elle-même. Pourquoi tenter l'impossible ?
Après quelques minutes d'immobilité, elle sortit de la pièce et se faufila, telle une voleuse, jusqu'à la salle de bain. Entre ses doigts ruissela une eau limpide, sans éclat ; elle fit couler sur son visage de larges poignées de cet élixir insipide et savoura la délicatesse des perles qui roulaient sur sa peau pâle, à peine rosée sous ses yeux cernés. Puis, comme si cette sensation lui devenait parfaitement désagréable, elle s'essuya vigoureusement et retourna dans sa chambre avec un vague sentiment d'écoeurement au fond de la gorge.
Comme tous les jours, sa famille vaquait à ses propres occupations. Les allées et venues rendaient la demeure bruyante. L'adolescente, depuis sa chambre, entendait des paroles étouffées, quelques éclats de joie ou de surprise, et surtout d'incessants claquements de portes.
Jusqu'à l'heure du déjeuner, elle restait prostrée dans sa chambre, errait sans but d'un mur à l'autre, s'installait parfois à la fenêtre, laissait libre court à ses pensées cahoteuses et honteuses par bien des aspects. Depuis ses onze ans... Elle était contrainte depuis ses onze ans à rester cloîtrée dans sa geôle douillette, qui n'aurait rien de franchement désolant s'il n'y avait ce mal-être qui lui piquait souvent les prunelles et qu'elle avait des difficultés à ignorer. Néanmoins, elle ne manquait de rien : elle mangeait à sa faim, avait un toit pour vivre, s'offrait même le luxe d'évoluer dans un cercle familial assez aisé. Le plus grand des Gardiens du Bon Goût avait ainsi permis à sa chambre d'être l'une des plus modernes, et l'une des plus austères à des lieues à la ronde. Personne ne la visitait jamais, mais elle aurait probablement suscité nombre de convoitises dans le cas contraire.
Le tintement régulier et métallique d'une cloche marqua l'heure du repas de midi ; prestement, elle rejoignit les êtres qui se trouvaient là et avala sa bouillie infecte, comme à son habitude, à une vitesse record. Personne ne lui accorda un regard ; certains reniflaient juste un peu bruyamment, en passant, signe qu'un petit rien les chatouillait désagréablement. Tout ceci, cependant, ne dérangea pas Glycerine. La froideur du déjeuner était une panacée comparée à la pesanteur du dîner... Cérémonial d'une importance cruciale, la tablée du soir était une sorte de calvaire qu'ils s'imposaient tous, à la fois par usage et par convention. Nul ne souhaitait la présence de l'adolescente ; et l'adolescente, elle-même, aurait largement préféré rester dans sa chambre pour manger. Il y avait, malheureusement, comme une sorte d'impossibilité pratique, tacite, reconnue de tous, de déroger à la règle implacable du dîner familial.
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Un jour, j'y arriverai !
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- Vuld Edone
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Stop.Glycerine s'éveilla. Un rai de lumière timide frôla l'une de ses paupières. D'un geste las, elle repoussa l'épaisse couverture qui, chaque nuit, absorbait ses rêves, et se redressa sur un coude.
On est en réécriture là ? C'est bien le tout début de ton texte ? Je peux me permettre un minimum d'exigence ?
Alors non.
"Glycérine s'éveilla", on s'en fout, déjà le nom ne nous dit rien (c'est quoi, une plante venimeuse chargée de gaz explosif ?), et l'action non plus (ça pourrait être le soir ou l'après-midi, et on ne sait pas pourquoi). En plus, "éveiller" n'est pas une répétition, on pourrait presque parler de naîssance. Un éveil ? La soudaine prise de conscience de sa situation ? Et interpréter le rai de lumière comme cette même révélation ? Alors va m'expliquer le geste las, et "repousser". Non, ce n'est pas cohérent.
Ensuite, la phrase de légèreté, "rai", "frôler", "l'une des deux", c'est bien gentil mais ça ne sert à rien. Déjà ça ne correspond pas à son monde, qui devrait être dur, cruel, sans pitié, et ensuite ça ne nous dit rien sur Glycérine elle-même. Impossible de faire le rapport avec une fille jeune, légère et joyeuse. Glycérine est tout sauf ça.
La magie de l'extérieur ? Rien n'est dit là-dessus, on s'intéresse plus à sa paupière qu'à la lumière de l'extérieur.
Et là paf, "épaisse" couverture juste après la légèreté de la lumière. Pour la cohérence, on fait mieux, et ne me parle pas d'une opposition non grammaticalisée dans les trois premières phrases. Le rai de lumière est magique, dis qu'il est magique, fais réagir Glycérine et ne la fais pas pousser sa couverture "d'un geste las" parce qu'elle s'est ramassée un rai de lumière magique !
Quant à se redresser sur un coude (je suis gentil, j'épargne les rêves), c'est encore un renseignement totalement inutile. L'indécision de Glycérine ? Une forme de flemmardise ? Absolument rien à voir avec l'intrigue. C'est essayer d'être réaliste dans un monde qui ne l'est pas.
J'oubliais, quand même, à propos des rêves : rendre coupable la couverture est inutile, d'autant qu'une couverture est le plus souvent protectrice. Dire "où ses rêves étaient absorbés" serait plus neutre pour le même effet.
Commence, rien qu'en gardant le matériau actuel (parce que j'envisage de tout effacer), par inverser les deux premières phrases. "Un rai de lumière...", au moins on commence par un indéfini, un peu plus normal pour l'introduction du premier chapitre. "... de ses paupières. Glycérine s'éveilla." Voilà ! On sait pourquoi elle s'éveille !
Inutile de préciser que cela n'explique pas son geste las, et encore moins ses rêves enfuis puisque c'est le rai de lumière qui la réveille, donc la fait sortir du domaine onirique, et non la couverture.
J'ajouterais :
Glycérine et l'épaisse couverture sont à la même personne, donc on peut construire comme suit : "absorbait ses rêves et se redressa". Vous voulez mettre des virgules avant les "et", vous en payez le prix. Effort pragmatique d'entrée de jeu, pour un renseignement futile (savoir que Glycérine se redresse, et pas la couverture (qui a pourtant été personnalisée)), c'est mauvais.l'épaisse couverture qui, chaque nuit, absorbait ses rêves, et se redressa sur un coude.
Donc réécrire au moins le premier paragraphe, mais vraiment de fond en comble, et si le reste du chapitre y ressemble, tout le chapitre dans la foulée.
Pose la trame d'emblée, dès le premier mot, et n'en décroche plus avant le dernier de l'histoire. Tu t'autoriseras de l'information inutile quand le chapitre sera engagé.
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- eLiZ
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Hum ! Je comprends tes critiques mais suis un brin gênée : tu sembles t'être fait une idée assez précise de l'univers, quelque chose que tu attends désormais, et je ne suis pas sûre de rester complètement dans cette idée-là.
Bon, en tout cas, je voulais commencer de manière plus nuancée, de manière plus sobre, plus paisible, pour monter en crescendo.
Quant à la question du réveil et du rêve : elles sont en fait importantes. Seulement effectivement cela ne s'expliquera pas dans l'immédiat.
Bon, après, si il faut à tout prix trouver une symbolique et une justification à tout, outre le pur plaisir esthétique - m'enfin, mon style droit être encore trop faible pour se suffire à lui-même... amère vérité - d'imaginer une jeune fille qui se réveille : le livre commence... alors le personnage se réveille. Le rai de lumière c'est... bon, on peut dire que c'est l'auteur, tant qu'on a pas lu la suite (et la fin).
L'inversion des phrases rend mieux, c'est vrai.
Quant à la couverture : épaisse, car étouffante. Protectrice, oui peut-être, mais écrasante selon moi. Dévorante. J'ai l'image du lit qui m'engloutit, qui ne veut pas me laisser sortir, que je traîne depuis longtemps. Mais mauvaise construction de phrase avec le "et", arf, c'est vrai.
Bon ben, j'espère que tu liras quand même un petit peu la suite, au moins vaguement... (T'as critiqué que la première phrase en fait ! Fichtre !)
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- Vuld Edone
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De fait, j'ai drastiquement augmenté mes exigences pour la réécriture. Là, on approche du niveau d'exigence auquel je me soumets, et je suis encore relativement souple.Bon, après, si il faut à tout prix trouver une symbolique et une justification à tout
C'est raté. Tu dis que c'est léger, puis tu dis que c'est lourd. Cette introduction pourrait être celle de 36'000 autres histoires, où seul le nom changerait. Désolé mais je ne vois pas où est l'ambiance là-dedans.pour mettre en place, plus paisiblement, une ambiance
Fais ce que tu veux, du moment que ce qui est dit à la page six est cohérent avec ce qui était dit à la page deux.et je ne suis pas sûre de rester complètement dans cette idée-là.
En l'occurence, que les trois premières phrases soient cohérentes avec les trois prochains chapitres.
Erreur à la limite de l'hérésie : ne jamais dire "ne s'expliquera pas dans l'immédiat". Ca signifie "plus tard", et il n'y a pas de "plus tard" dans un texte, encore moins quand on parle de l'introduction de l'histoire.Quant à la question du réveil et du rêve : elles sont en fait importantes. Seulement effectivement cela ne s'expliquera pas dans l'immédiat.
Ca doit avoir du sens "hic et nunc", quelque chose qui dise "Glycérine c'est ça, il se passe ça, on devrait avoir ça". Pas "oh, elle se lève, c't'une flemmarde."
Donc :le livre commence... alors le personnage se réveille. Le rai de lumière c'est... bon, on peut dire que c'est l'auteur, tant qu'on a pas lu la suite (et la fin).
- Glycérine s'éveille => livre commence
- rai de lumière => auteur
Non. Le livre qui me dit : "Ce livre, qui a été écrit par un auteur, est en train de commencer", je l'envoie nourrir ma cheminée.
Tu as écrit, plus loin :
Alors prends ton traitement de texte, efface cette longue comparaison et introduis-la directement dans la première phrase. Ne serait-ce que :comme si le fait de retrouver la réalité de sa chambre était source de déception et d'appréhension.
"Un rai de lumière timide dérangea l'une de ses paupières."
Juste ça, et en faisant abstraction du rôle de la lumière, tu as déjà cette déception et cette appréhension prêtes à surgir. Si elle soupire, c'est encore mieux, et je ne parle même pas de voir partir "avec déception" le souvenir de son rêve, par exemple "dans le tissu de sa couverture".
Idée que j'aime beaucoup, et qui rend un tour nouveau aux allergiques de Masquerade. Ca ravive même tout mon intérêt pour ce monde.J'ai l'image du lit qui m'engloutit, qui ne veut pas me laisser sortir
Ensuite je vais ajouter un "mais" puis te dire que le texte ne suit pas cette idée, donc que celle-ci ne rentre pas dans le texte, et seul le texte compte. A retravailler.
Aie l'image du lit que tu veux, mais donne-lui un sens dans ton texte, ou n'en parle pas. Et quand je dis un sens, c'est "hic et nunc", ensuite tu pourras développer comme tu voudras. Il faut qu'en tant que lecteur on se dise : "Ce lit est une prison." Parce que là, d'un geste, "las" qui plus est, elle se dégage sans peine.
Le mieux, pour atteindre ça, c'est évidemment de faire réagir l'héroïne, justement par exemple en la faisant se sentir écrasée, ou bien en la faisant vouloir quitter rapidement son lit, s'agiter, repousser plusieurs fois la couverture. Pas juste la retirer "d'un geste las".
Non, pas tant que je n'ai pas l'introduction propre et bien faite. Après oui, mais après normalement c'est toi qui voudras l'effacer, cette suite.Bon ben, j'espère que tu liras quand même un petit peu la suite, au moins vaguement...
Ou alors on descend l'exigence d'un cran et tu peux considérer ton passage comme ayant reçu mon label qualité, 17/20 ou pas loin.
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- eLiZ
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Au dehors, une lumière blanchâtre coulait sur les trottoirs, froufroutait dans les arbres, suppurait parfois à travers quelques feuilles sombres et maladives. Non loin de là, l'obscurité d'une chambre sévissait contre une adolescente assoupie.
Glycerine se retourna sur elle-même, s'agita en tous sens dans son lit ; ses cheveux se collaient à son faciès contracté, ses mains se débattaient avec les épaisses couches de tissu qui l'enveloppaient et des gémissements, en tous points semblables aux cris des jeunes animaux lésés, s'échappaient parfois de ses lèvres palpitantes.
Ses pieds projetèrent au loin un oreiller dérangeant et tenace, qui refusait de quitter sa couche ; il bouscula une chaise, s'écrasa contre un mur, retomba lourdement sur le sol et s'affaissa sur lui-même. Ratatiné et bouffi, un sourire haineux anima son visage moelleux ; pendant ce temps, le siège oblong vacilla sur lui-même avant de redevenir parfaitement stable, stoïque, rigide.
Un rayon timide s'extirpa étrangement de la fenêtre ; il se faufila entre les étoffes et glissa sur des paupières lourdes et gonflées. Refusant de se réveiller, Glycerine s'enfonça sous ses draps. Mais le manque d'air acheva ses dernières résistances. Elle rejeta violemment sa couverture, sentit le sang affluer dans son crâne et marteler douloureusement ses tempes. Un mélange d'appréhension et de déception l'envahit. Elle s'était redressée trop vite.
Les paumes plaquées de part et d'autre de son visage, elle se courba sur elle-même et soupira longuement. Non sans une certaine impatience, et avec maladresse, elle passa une main dans sa tignasse brune pour les recoiffer. Lentement, elle tourna la tête vers le rideau fuligineux ; elle l'écarta péniblement du bout des doigts pour découvrir l'unique découpe transparente de la pièce.
L'aube venait juste de poindre à l'horizon ; l'éternel plafond terne et opaque, large lampée de nuages crémeux, recouvrait entièrement le ciel. Les maisons carrées, toutes identiques, se multipliaient à n'en plus finir. Quelques silhouettes animaient la ruelle immaculée : une auguste créature traînant les pieds vers le Marché, sans doute, tenait dans ses bras un panier ; quelques Ouvriers, chargés d'entretenir la chaussée ou de distribuer le courrier, se croisaient sans même se saluer ; des adultes pressés, aux allures fantomatiques et décidées, se tassaient dans des carrosses noirs pétaradants.
La vie se déroulait sous les yeux de Glycerine ; elle, éternelle spectatrice, se demandait si elle devait envier leur sort ou se contenter du sien. Sa main lâcha l'étoffe qui roula, avec langueur, sur le verre froid. Le rai de lumière blafarde, seule incursion vivace dans sa prison vide, ondula le long d'une couture pour s'épancher sur l'édredon bouleversé.
J'ai coupé plus tôt que 't'à l'heure, parce qu'évidemment... je sens bien que ça va disséquer dur !
Je te remercie d'être un peu souple, quand même, avec moi...
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- Vuld Edone
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Première phrase, inversion grammaticale, le complément avant le verbe.Dans la chambre il faisait noir. Au dehors, une lumière blanchâtre coulait sur les trottoirs, froufroutait dans les arbres, suppurait parfois à travers quelques feuilles sombres et malades. L'adolescente se retourna sur elle-même...
[il faisait noir [(où ?) dans la chambre]]
Devine quoi, c'est un nouvel effort pour le lecteur, bien entendu inutile. D'autant plus que "la" est un défini, donc l'objet devrait être connu. A la limite, "la chambre où il faisait noir", oui, mais "la chambre", non.
Bref, inversion.
Seconde phrase, c'est un peu mon genre de la tirer, et moi j'aime bien. On a un "intérieur / extérieur", donc pas de problème (même si on se demande pourquoi on a parlé de la chambre). La description est dynamique, la lumière est intéressante, cohérente puisqu'il y a la lune et puisque le texte joue sur le blanc / noir.
Après, "froufrouter" et "suppurer", j'ai eu un peu plus de mal. Je serais pour "maladives" au lieu de "malades". Ca doit être quelque chose comme s'assurer du groupe syntaxique et préférer l'aspect à l'état. A peu près.
Maintenant c'est étrange, pour moi "froufrouter" est très positif, un peu enfantin, alors que "suppurer" est carrément négatif, ce que confirme le "sombres et malades" des feuilles. Je crois que "froufrouter" est très réfléchi, mais là j'ai du mal à te suivre.
Troisième phrase, c'est une horreur. L'adolescente ? Elle dort dans la rue, maintenant ? C'est une adolescente, la lumière ? Mais qu'est-ce que ça a à voir avec la seconde phrase ?
Tu nous as fait sortir de la chambre, fais-nous y rentrer. Il manque une transition, un lien logique, juste ici.
Ensuite, ça semble n'être pas trop mal, mais je n'ai parcouru que le premier paragraphe. J'aime bien la rupture avec "gémissements", "les / des" évite immédiatement l'amalgame, la virgule tient le rythme, ça permet de confondre tissu et gémissements, outre de faire ressortir les "cris des jeunes animaux lésés".
Juste, quand même, parce que mon écran déborde : "ratatiné et bouffi" s'applique au sourire plus qu'au coussin. Problème syntaxique.
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- eLiZ
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Tudululu, et ça ?
Au dehors, une lumière blanchâtre coulait sur les trottoirs, froufroutait dans les arbres, suppurait parfois à travers quelques feuilles sombres et maladives. Non loin de là, l'obscurité d'une chambre sévissait contre une adolescente assoupie.
Glycerine se retourna sur elle-même, s'agita en tous sens dans son lit ; ses cheveux se collaient à son faciès contracté, ses mains se débattaient avec les épaisses couches de tissu qui l'enveloppaient et des gémissements, en tous points semblables aux cris des jeunes animaux lésés, s'échappaient parfois de ses lèvres palpitantes.
etc.
En fait je voulais plus ou moins confondre le fantasme et la réalité, pour l'absence de lien logique, mais c'était maladroit.
Pour le froufrou : le côté feuillage m'a fait penser au froufrou.
Je ne pense pas, sinon, que l'enfantin, le léger, soit incompatible avec le négatif.
Bon, voilà, je retourne à mes froufrous.
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- Vuld Edone
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L'obscurité sévit ? Et elle est "assoupie" ? Obscurité personnalisée pour un acte incohérent avec la réaction de l'adolescente : on ne dort pas quand quelqu'un sévit sur nous. Qui plus est, trop vague, ça peut vouloir dire tout et n'importe quoi.Non loin de là, l'obscurité d'une chambre sévissait contre une adolescente assoupie.
"Non loin de là", ça veut dire "oubliez ce que vous avez lu avant, on parle d'autre chose." Merci pour la première phrase. Non, si tu veux faire rupture, tu fous carrément : "A l'intérieur, ...", en mettant bien la virgule pour trancher et rapeller qu'il n'y a pas cinq secondes, on disait "au dehors". En plus ce sera miracle, tu n'auras même pas à dire "d'une chambre", le lecteur trouvera ça tout seul.
"Au dehors, une lumière blanchâtre... suppurait parfois au travers des feuillages sombres et maladifs. A l'intérieur, l'obscurité pesait sur une adolescente assoupie."
Je serais aussi pour "le long des trottoirs", au lieu de "sur les trottoirs", pour avoir une idée d'applatissement, de "couler" vraiment et pas de "survoler". Et la modification en "feuillages" est là pour supprimer le "quelques", imprécision dont on se passerait bien au début d'un récit.
Autre problème, "adolescente assoupie" devient un objet, on aurait meilleur temps de qualifier l'obscurité en la faisant passer indéfinie, "une obscurité x", puis de faire passer l'adolescente en défini, pour la rendre unique, d'abord, et pour mettre l'accent sur elle, et non l'obscurité. D'où encore avantage de "le long des trottoirs", on retrouve "des", inéfini, qui préparerait ce défini.
Une dernière chose : l'adolescente est assoupie, mais très vite le second paragraphe tourne au "elle fait un cauchemar". Tu as meilleur temps de trouver un autre verbe que "assoupie", qui pourrait même peut-être sauver ton "sévir" (quoique je te le déconseille, mais tu feras peut-être une prouesse). J'avais pensé à "agitée", mais ça ne dit pas qu'elle dort. Là par contre, le contexte peut jouer, surtout si elle se retourne sur elle-même et que tu dis "dans son lit". On peut deviner, à la suite, qu'elle dort. Dans un sens, ça nous évite même une forme de redondance avec "assoupie".
Donc oui, je serais pour remplacer "assoupie" par "agitée" ou semblable, outre les autres corrections.
Après, je n'aime pas mettre deux principales dans une même phrase, "ses cheveux se collaients... se mains se débattaient..." et peut-être que séparer ça par un point-virgule serait utile, d'autant que cela mettrait en évidence "faciès", tout simplement crucial pour la suite du texte.
Le reste n'a pas l'air trop mal, donc si tu corriges ça, on va pouvoir passer à la suite.
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- eLiZ
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Au dehors, une lumière blanchâtre coulait le long des trottoirs, froufroutait dans les arbres, suppurait entre leurs branchages sombres et maladifs. A l'intérieur, une terreur tourbeuse hantait l'adolescente fiévreuse.
Glycerine se retourna sur elle-même, s'agita en tous sens dans son lit. Ses cheveux se collaient à son faciès contracté ; ses mains se débattaient avec les épaisses couches de tissu qui l'enveloppaient et des gémissements, en tous points semblables aux cris des jeunes animaux lésés, s'échappaient parfois de ses lèvres palpitantes. Elle avait froid mais une eau âcre et nacrée perlait sur sa peau ; elle se sentait étouffer.
Malheureusement, même si la nuit prive d'une certaine lucidité, au moins elle garantit la solitude qui m'est nécessaire !
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- Vuld Edone
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Déjà, "tourbeuse" et "fiévreuse" se répètent, niveau prosodie, il faut en éliminer un.A l'intérieur, une terreur tourbeuse hantait l'adolescente fiévreuse.
Ensuite, pas besoin de dire "terreur". L'adolescente est hantée, elle est en fièvre, avant on parlait de "sombre" et de "maladif", c'est déjà bien assez. Le contraste est beaucoup trop fort, et injustifiable à ce stade de la narration.
Autre chose : "l'adolescente" est un défini, or nous ne la connaissons pas encore. Là aussi, c'est très brusque (un effet qui peut être voulu, mais qui demande alors à être travaillé).
A ce propos, je remarque que l'indéfini prend plus aisément un adjectif que le défini. C'est normal, l'adjectif sert à définir. Quand on y réfléchit, "it makes sense". Je serais pour transformer "fiévreuse" en groupe prépositionnel, "en fièvre". Ca évitera aussi la répétition avec "tourbeuse".
Il faudrait soit rendre déjà les lieux familiers au lecteur, voire lui faire entendre que c'est une chambre, voire même lui laisser entendre la présence de l'adolescente avant la seconde phrase (ce qui est quasiment impossible, puisque la première parle de l'extérieur), soit rendre l'adolescente indéfinie.
Autre chose, extérieur et intérieur sont beaucoup trop distants. Il n'y a aucun élément repris, alors que l'obscurité, tant pour marquer la nuit que pour le côté oppressant, aurait dû apparaître. On a l'impression que tu parles de deux choses totalement différentes.
Autre chose, c'est "en tout sens", même si je préfère l'écrire au pluriel. Je n'ai rien à redire sur le second paragraphe, là c'est toi qui sait.
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