Il ne fait que passer...

Par où commencer? De qui je me moque, je sais très bien quand ça a commencé, inutile d'ailleurs d'en faire tout un plat. Le monde n'a pas changé pour autant, du moins pas autant qu'on le prétend.
Ou alors c'est juste moi qui suis aveugle et refuse de constater le changement.

Mais putain, il n'a fait que passer, tout ce temps il n'a fait que passer!

La première fois que j'en ai entendu parler, il était sept heure cinquante-neuf du matin, nonante-cinq minutes après mon réveil, difficile par ailleurs, lorsqu'en franchissant la porte de mon bureau j'ai entendu prononcer le nom de "Philubert".
Sur le coup, je n'ai rien noté et ma première préoccupation a été de me trouver un bon café avant d'entamer la révision des comptes de l'observatoire. Et là, branle-bas de combat, tout le monde sur le pied de guerre parce que, paraît-il, une théorie aurait été confirmée après trois mois d'études attentives.

Et moi, je confirmais mes soupçons quant à l'abus des photocopies par six membres du personnel, mais ça, à côté, ça n'avait bien sûr aucune importance. Et comme je refusais d'être le seul con à rester assis et ignorant de la situation, j'ai fais comme les autres: j'ai couru.

Trois mois plus tôt, un assistant ou quelque chose comme ça avait par erreur pointé le télescope dans la mauvaise direction. Un mois plus tard, On savait que ce qu'on observait n'était pas un pulsar, mais un objet en déplacement et surtout, un objet proche. Encore quarante jours, et ils parvinrent à affirmer que ça n'était encore rien de connu.
Et ce matin là, j'appris qu'on avait affaire, selon toutes probabilités, à un vaisseau extra-terrestre.

Sur le coup, j'avais pensé un truc du genre "Mince, j'ai pas encore vu Venise!".

On s'est tous retrouvés bloqués dans le bâtiment, bien entendu; fallait pas que la nouvelle s'échappe et atteigne le grand public trop ignorant pour accepter la nouvelle avec calme. Ils craignaient un truc comme des émeutes et de la panique, s'ils avaient su...

De toute manière, la situation a rapidement évolué. Selon les estimations, le vaisseau allait passer à quarante mille kilomètres de la terre, à rien en somme. Pas besoin d'être astronome pour le savoir.
Il fallut seulement trois semaines pour obtenir une image, et durant l'intermède personne ne prit la moindre décision, c'est à dire que tout le monde prit des décisions contradictoires qui ne purent donc jamais être menées à terme, ce qui revient au même.

Comme j'étais dans le même bateau que tout le monde, on m'a laissé voir les images en questions lorsqu'ils se décidèrent à les transmettre au reste du corps scientifique de l'observatoire.
C'était un gros machin de métal compliqué et flou. Eux voyaient clairement que la structure devait être endommagée, et moi je voyais un gros truc sombre avec des bouts qui semblaient en sortir.

Et puis quelqu'un est parvenu à faire sortir l'info de l'enceinte où on nous confinait depuis tout ce temps. Les médias se sont emparés de l'affaire à grand renfort d'annonces sensationnelles et comme on avait plus aucune raison de nous retenir enfermés, j'ai enfin pu rentrer chez moi.

Je me suis enfermé dans mon appart' les trois jours suivants. À l'extérieur, il y avait un bruit interrompu assez souvent par de longs silences, puis tout le cirque recommençait et les gens criaient, klaxonnaient, s'insultaient ou priaient. Au second jour, nous n'avions plus ni eau ni électricité, ce qui m'a empêché de terminer le dernier chapitre de "La condition humaine".

Ensuite, deux hommes ont pénétré chez moi. Ils se sont arrêtés, étonné de voir quelqu'un, pensant probablement pouvoir piller à l'aise et j'en déduis que la majorité des gens avaient fui la ville. Ou alors ces deux hommes étaient simplement très imprudents.
J'ai abaissé le canon de mon fusil et le coup de feu a retenti comme un coup de tonnerre dans un ciel bleu d'été. Le corps de ma cible s'est écroulé lentement sur le sol tandis que son acolyte fuyait à toutes jambes. J'ai rechargé, attendu une ou deux heures, puis je me suis décidé à virer le cadavre de chez moi.

Dans la rue, mon regard fut tout de suite attiré par le bordel général et il aurait certainement été impossible de se déplacer en voiture là-dedans. Mais il n'y avait personne, donc je me suis débarrassé du corps et je suis de nouveau rentré chez moi.

Personne n'est jamais venu me questionner à ce sujet.

Et puis, il est passé et le monde a continué à tourner comme il n'avait jamais cessé de le faire. Depuis, on parle beaucoup, à la télévision, de ce que ça implique, de ce qu'il faut changer, des dangers, de l'espoir, et de la forme et des préférences sexuelles des aliens. Amusez le peuple!
Il paraît qu'on pouvait l'observer avec un télescope pour enfant. Et que son champ de gravité aurait perturbé la course de plusieurs satellites dont chacun vaut plus que ce que je vais jamais gagner dans toute ma vie.

Mais il n'a fait que passer et le monde n'a pas changé. Ou alors, peut-être, ils ont raison et l'être humain a peut-être une petite chance de construire un monde viable. Un vrai monde. Un monde normal. Tout ça parce qu'il aurait passé au-dessus de nos têtes quand on avait les yeux baissés.

Petit texte en réponse à Viktor de Krycek. Pas mal de références d'ailleurs.

C'est pas immense, mais mieux que ce que j'ai proposé à la MAJ .

Impe, mal à la tête et fatigué, mais qui écris .

Et si j'employais "atteigne ce fameux grand public, ignorant et indiscipliné" ?

Impe.

Tombe bien, je l'ai .

Par "ce fameux grand public, ignorant et indiscipliné", l'idée est de définir grand public non pas comme ce qu'en voit le narrateur, mais plutôt comme une critique du narrateur sur la vision général du grand public.
Dès lors, grand public, pour le narrateur, a une connotation plus positive qui doit forcément être qualifié péjorativement pour pouvoir mettre en évidence la bêtise supposée de l'évaluation dudit grand public par "eux".

Du reste, en parlant de "ce" grand public, je définis le terme comme particuliers, et non pas comme "le" grand public au sens commun. Si je veux critiquer cette vision réductrice du grand public, puis-je réellement me contenter d'écrire:
"fallait pas que la nouvelle s'échappe et atteigne ce grand public"
ou
"fallait pas que la nouvelle s'échappe et atteigne le grand public".

La portée n'est pas là-même, Dans ces deux cas, le grand public est pris selon son acceptation générale et a même un aspect stéréotypé dans le propos alors que le texte entier tient sur une vision "différente" des choses (quant bien même influencée par le relativisme ambiant et une option largement désinvolte).
Dès lors, s'en tenir à la caricature d'un grand public qui panique pour un rien est trop réducteur pour le texte.

Et si je n'ai pas plus nuancé ça par la suite, encore que je l'aie finalement fait en y pensant, c'est parce que j'avais mal à la tête et que le texte s'allongeait à n'en plus finir .

Impe.

Je ne peux qu'approuver de manière générale. Comme je le disais à Feurnard, là où toi (Krycek) tu maîtrises bien la science, moi je suis plutôt dans le monde de l'enseignement.

Mais voilà, le sujet m'obligeait à aller du côté de l'observatoire...

ourtant, il n'y a rien d'autre que le narrateur, sa présence, pour les relier. En somme on a vite l'impression, et je dis bien impression, que tu as voulu passer à la chute.

D'une part, oui, j'étais pressé d'en finir, j'avais vraiment mal au crâne (vive le vin). Mais aussi, je voulais amener ce côté banal, passer d'un cadre scientifique au cadre simple d'un appartement individuel. Du reste, comme tout est vu depuis le narrateur, et que je ne voulais pas m'attarder à imaginer le bordel dans la rue, j'ai zappé ce passage en supposant qu'à ce stade de l'histoire, il n'y avait rien eu de particulier entre deux.

Par contre, en SF, à moins d'une avancée technologique ou un bouleversement des règles de le physique dû à un évènement, tu ne peux pas dire qu'un vaisseau aurait eu une quelconque influence gravitationnelle même sur des satellites.

En fait, je ne me suis pas attardé là-dessus, mais je pensais à ce vaisseau comme à un croiseur de la Fédération (trip entre Feurnard et moi), c'est à dire un truc véritablement énorme où le kilomètre sert à calculer la taille du fût des canons... Du coup, comme je voulais que mon vaisseau passe à côté de la terre, je me suis demandé quelle influence ça aurait. J'ai volontairement réduit la taille pour ne pas perturber l'orbite des planètes (les croiseurs que j'ai en tête peuvent être réellement monstrueux), mais je me suis dit qu'une masse extrêmement importante passant à si petite distance de la terre pourrait avoir une influence insignifiante sur les marées, mais probablement plus sur les satellites.
Ceci dit, ce n'est vraiment pas mon domaine.

De même que 40 000 Km c'est la porte à côté ! Une photo d'un objet à cette distance est loin d'être floue.

C'est tout à fait juste. Vu les photos qu'on a de la lune, on doit avoir de bons trucs. D'un autre côté, la photo a été prise avant que l'objet ne soit à 40'000 kilomètres (doit y avoir un nom pour une distance de ce genre), et comme le vaisseau a passé en trois jours, sa vitesse était très conséquentes, d'où l'idée qu'il était bien plus loin au moment de la prise de la photo.
Ensuite, je précise bien:

Il paraît qu'on pouvait l'observer avec un télescope pour enfant.

Donc je ne nie pas qu'à 40'000 kilomètres, il était très visible.

Ceci dit, c'est clair que moi et la cohérence scientifique, faut oublier . D'un autre côté, le narrateur est loin d'être un expert et peut avoir mal compris les choses.

Et entre nous, si j'ai décris ce vaisseau comme "flou", c'était pour éviter d'avoir à en donner une description précise .

Impe, faut être physicien pour écrire un roman maintenant ! (enfin, pas que maintenant, avant aussi ).