Ma scène d'action Revue et corrigée
- Zarathoustra
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Je souhaiterais que vous me fassiez part de ce qu'il vous parait manquer pour que ma fameuse scène d'action puisse être le vrai temps forts de ma partie (qui fait 35 pages, cette scène en faisant 7).
Il s'agit d'un premier jet, inspiré par vos précédentes remarques, je suppose qu'il a ci et là des fautes, j'espère que les tournures ne sont pas trop lourdes, car j'ai pas encore trop bossé dessus. C'est du qasi tout chaud que je vous donne. Mais avant de le retravailler, je voudrais connaître vos réactions.
CHAPITRE
Toujours plongé dans les vertes forêts de Locelane, Petit Louis était toujours à l’affût. Plusieurs traces de pas, de nombreuses empreintes de chevaux laissaient supposer qu’ils approchaient d’une communauté que personne ne connaissait. Il redoublait d’attention tout en gardant le contact avec les autres éclaireurs pour donner l’alerte aux moindres signes suspects. Et c’est ce qu’il percevait à l’instant : un bruit infime, un léger chuchotement qu’il identifia immédiatement comme étant un petit dialogue en elfe. Il se coucha, puis s’avança, pas à pas, évitant toute branche suspecte, profitant du moindre couvert. Il préféra s’arrêter un instant pour se calmer. Il avait peur, peur de toutes les histoires qui ne cessaient de hanter son enfance, peur des exactions de ces elfes noirs qui ignoraient la pitié, peur de mettre les pieds vers un danger tel qu’il n’en avait sans doute jamais approché. Son cœur battait maintenant la chamade. D’un geste nerveux, il essuya une goutte de sueur qui lui chatouillait la tempe.
Pourtant, il ne les comprenait pas. Il ne comprenait pas comment un peuple qui pouvait vénérer la forêt pouvait également dissimuler une telle cruauté. Il y avait là pour lui un paradoxe. La Nature peut être impitoyable, mais jamais elle ne l’était gratuitement. Du moins, c’est ce qu’il pensait. Toute son enfance avait été bercée par le chuchotement du vent dans les branches, par le mystère des ombres mouvantes dans la nuit, par la joie de capturer un lapin dans un collet. Ces plaisirs simples avaient fini par l’initier aux secrets les mieux gardés de la forêt. Il pouvait décrypter la moindre empreinte, le moindre sifflement. Là où tout autre entendait bruit confus et cris, il découvrait des dialogues amoureux, des avertissements aux dangers, des signes aussi clairs que les ordres de ses supérieurs.
Sa prudence fut récompensée. A huit pas, une elfe faisait le guet, divinement belle, et prodigieusement attirante dans sa troublante tenue de furies. Un bustier de cuir noir laissait découvert son ventre d’albâtre, seul un pagne dissimulait le reste à l’exception de cuissardes qui lui remontaient à mi-cuisse. Cette modeste tenue d’apparat n’était là que pour souligner la perfection de son corps presque offert aux yeux de ses futures victimes. Sur ses épaules, des mèches serpentines de cheveux se dressaient parfois sauvagement en fonction de l’orientation de sa tête aux lèvres écarlates. Difficile d’imaginer qu’une créature si parfaitement constituée pour l’amour puisse dissimuler autant de noirceur et de cruauté. Cette sensualité jetée aux yeux de tous était un puissant leurre pour qui s’approcherait d’elle. Il chercha immédiatement à prévenir ses compagnons car ils semblaient être hors du champ d’observation de l’elfe. Il chercha autour de lui où pouvaient être les autres mais il s’était coupés d’eux à force de suivre ses pistes. Il émit un premier sifflement d’oiseaux. Le même cri lui fait échos. Le vigile se redressa, les appels des pisteurs l’avaient mise alerte la vigile. Mais le message était passé. Il ne lui restait plus qu’à attendre que son attention baisse.
Le campement ne devait pas être loin, sans doute près de la clairière qu’il devinait. Oui, ce devait être là, un ruisseau passait pas très loin… Le plus calmement possible, il se retira, contourna l’ennemi et se glissa dans un buisson, puis dans un autre jusqu’à l’emplacement du camp. Elles étaient là, semblables à celle qu’il avait déjà vue. Elles étaient une cinquantaine, presque nues et avec un regard fascinant rempli de détermination et d’indifférence, mais avec ce sourire hautain et ironique qui lui glaçait le sang. Il décida de se retirer quand un léger craquement sur sa gauche le fit frémir. Etait-ce lui qu’il l’avait provoqué ? Non, il lui avait semblé être bien trop étouffé pour cela. Il s’arrêta. Quelque chose se déplaçait près de lui. Plus inquiétant, cela s’était arrêté en même temps que lui. Il filtrait chaque bruit pour retrouver confirmation d’une présence. Inconsciemment, il avait coupé sa respiration. Un vent léger fait vibrer chaque feuille, chaque brin d’herbe. Il sentit sa sueur se rafraichir sur ses tempes. Puis il devina d’autres bruits encore plus étouffés. Quelqu’un s’approchait, sans doute tout près de lui, aussi discrètement, avec la même vitesse et la même agilité, ou plus précisément à la manière du lynx à l’approche de sa proie.
Quelque chose clochait. Il venait d’entendre quelque chose mais beaucoup plus en arrière et sur sa gauche cette fois-ci. Ce n’était pas une source de bruit autour de lui mais plusieurs. Les elfes l’avaient détecté et le prenaient maintenant en chasse. Pourtant ses poursuivantes ne semblaient pas l’avoir encore parfaitement localisé. Mais elles s’approchaient, il le sentait. Il décida de se dissimuler derrière un nid de ronces contre un arbre. Les épines s’agrippèrent à sa jambe et sa joue fut griffée. La ronce avait tiré sur plusieurs autres et crée un mouvement de végétation à quelques mètres de sa position. Cette agitation fut confirmée par le bruissement des herbes sèches lorsqu’il s’était assis. Il frissonna à l’idée d’avoir commis un tel désordre pour qui savait lire les signes de la Nature. Il se recroquevilla pour se rapetisser, toujours aux aguets du moindre bruit, du moindre mouvement de végétation. Il n’avait plus qu’à les attendre, flèches à la main, tout près de son cœur qui battait au rythme de la gigue. Il en aperçut une qui se dirigeait droit sur lui, pas à pas, cherchant de ses yeux sa proie. Il s’apprêta à bander son arc. Il crut sa mort proche car un tel geste de défense le signalerait à toutes ses compagnes et il regrettait déjà de ne pas être meilleur archer.
A son grand étonnement, elle bifurqua dans une autre direction sous l’impulsion d’un cri aigu. Elle se mit à courir. D’autre pas résonnèrent plus lourdement. Un léger tumulte s’en suivit. Une explication lui traversa l’esprit : Un de ses camarades venait d’être capturé ! Ses yeux avaient beau fouiller, rien ne lui permettait de confirmer ses soupçons. Et un gros pincement au ventre le saisit. Dans sa concentration pour s’approcher du camp, il avait commis une faute fatale, il avait oublié d’informer les autres éclaireurs… Des bruits de flèches commencèrent à siffler dans l’air. Des voix résonnèrent. La ligne du front l’avait dépassé, il était seul, encore tout près du camp qui commençait lui aussi à s’agiter. Il entendit parler une langue qu’il ignorait de manière autoritaire. Des ordres commençaient à être distribués et le danger allait revenir sur lui.
Il n’avait pas une minute à perdre, il devait informer son capitaine, l’Oeil de Dieu, pour qu’un détachement neutralise l’ennemi, avant qu’il ne prenne précipitamment la fuite. Lentement, le dos courbé au maximum, il reculait en prenant garde à ne pas se trahir. La tension avait été telle que son esprit était complètement vide. Une fois suffisamment éloigné, il se mit à courir, toujours en mesurant ses efforts pour ne pas faire craquer de bois mort ou faire bouger des branches. Il se retournait régulièrement pour observer si personne ne lui poursuivait. Alors devant lui, sorti au milieu de fougères, se dressa soudain l’une de ces créatures qu’il fuyait. Elle avait un rictus arrogant, comme elle savourait à l’avance ce qu’elle s’apprêtait à faire. Il ne la comprenait pas, lui avait peur de mourir, peur de ces lames qu’on disait recouvertes de poison foudroyant, peur de souffrir s’il était blessé et, à dire vrai, peur de tuer. Il n’avait qu’à décocher une flèche pour l’abattre et pourtant, il la regardait s’approcher, prêt à esquiver son geste. Il arma son bras et leva son arc pour la viser. Il ne fallait surtout pas qu’elle l’approche. Surtout pas qu’elle l’approche. Surtout pas… Il avait peur de ces lames qu’elle gardait croiser devant elle comme pour en faire un bouclier.
Elle commença un lent mouvement circulaire autour de lui, toujours en resserrant toujours plus son étau. Elle devinait la panique qui l’empêchait de tirer. Ses yeux flamboyaient. Elle appartenait à un monde étrange, où les anges ne sont qu’illusoire tentation. Des anges qui ricanent quand vient l’heure de mourir. Il ne restait qu’une dizaine de mètres entre eux. Il lâcha la corde. La flèche siffla droit devant lui. Avant même qu’il lâcha la corde, elle fit un bond à terre sur le côté. La flèche impacta le sol sans toucher sa cible. Il ne comprit pas comment il l’avait manquée, elle était si prête, si vulnérable. Elle se rua alors sur lui. Vite, il jeta son arc pour se saisir de son couteau de chasseur. Il ne lui restait plus que ça pour sauver sa peau. Par chance, il était beaucoup plus habile qu’avec son arc. Il s’était déjà battu contre des animaux sauvages que beaucoup auraient fuit. Sans s’en apercevoir, à son tour, il souriait à la voir s’approcher de lui. Légèrement courbé, prêt à bondir à son tour, il tenait son couteau sur le côté, le faisait habilement passer de main en main. Il n’était pas un grand guerrier mais c’était encore avec ce mode de combat qu’il se sentait le plus à l’aise. Ils se tenaient face à face et elle s’approchait inexorablement, avec une lenteur calculée. Un court instant, il ne put s’empêcher de la trouver sauvagement belle. Il n’avait jamais vu un tel corps. Il avait suffi qu’il détourne un bref instant son regard sur les formes rebondissantes qu’offraient son décolleté pour qu’elle plonge sur lui. Surpris par cette soudaine vivacité, il ne put que se jeter à terre pour éviter tout contact avec ces fameuses lames, à peine avait-il touché le sol qu’il projeta de toutes ses forces son couteau du bout de la lame. Ce dernier, après avoir fait un demi-pivot, eut une trajectoire implacable. Elle eut juste le temps de se redresser qu’il se logea en plein dans l’abdomen. Il avait visé juste un peu plus haut, au cœur. Elle le regarda d’un œil noir qui souligna la gravité de sa blessure. Elle n’osa pas retirer le couteau pour ne pas amplifier l’hémorragie. En même temps elle continua de s’approcher de lui, qui n’avait plus d’arme. Elle marchait, droit vers sa future victime, avec une légère rigidité qui trahissait sa souffrance. Et pourtant, elle ne semblait toujours pas avoir peur, elle souriait plus encore face à cette proie maintenant si facile. Petit Louis ne pouvait plus rien faire, son arc était à plus de trois mètres de lui. Alors, il se redressa à son tour. Il se mit à hurler pour se donner du courage et se rua sur elle, avec une flèche à la main comme ultime arme. Et il lui planta droit dans la gorge. Soit à cause de la douleur soit à cause de la surprise, elle n’avait pas eu le temps de réagir. Cette fois-ci, elle resta figée, ses deux mains tenant la fléché logée dans sa carotide, elle continuait juste à le regarder. Elle sembla vouloir dire quelques mots mais seul un gargouillis douloureux à entendre sorti de sa bouche. Il n’osait plus la toucher, il attendait qu’elle tombe. Alors, lentement, le regard toujours brillant, elle s’agenouilla, mit une main à terre, puis la seconde. Elle était à quatre pattes, comme un animal blessé, pourtant, jamais Petit Louis ne sentit à quel point elle était un si être proche de lui. Il ne voyait plus ce corps arrogant, cette chair troublante. Devant lui, il n’avait plus qu’un être qui souffre et qui a peur de mourir. Il ramassa son arc et l’acheva d’une dernière flèche. Lorsque le visage tomba enfin terre, elle souriait encore, emplie d’un contentement amer.
Sa tête tournait. Son cœur battait si fort qu’il en avait du mal à respirer. Il reprit sans s’en rendre compte le chemin de son camp. L’image de l’elfe à terre le hantait, tout comme l’idée d’avoir condamné ses compagnons éclaireur. De manière totalement instinctive, il arriva jusqu’aux premiers postes de l’avant garde. Il était le premier à faire son rapport, ce qui confirmait qu’ils avaient bien été tués par sa faute. Tous le regardaient d’un œil inquiet. Sa joue continuait de saigner sans qu’il ne la remarque. C’était une toute petite griffure de ronce, rien comparé à celles auxquelles il avait miraculeusement échappé. C’était il y avait quelques minutes à peine et tout lui paraissait depuis dérisoire. Il n’avait plus que deux mètre à faire pour rentrer dans la tente de son chef. Pourtant, quelque chose le retenait. Il avait peur d’avouer son erreur.
Devant l’agitation qui commençait à se répandre autour, l’Œil de Dieu sortit lui-même pour voir ce qui la causait et se retrouva pour ainsi dire nez à nez avec lui. A son tour, il comprit la gravité de la situation. Il s’empressa de le faire rentrer pour l’écouter. Son rapport suscita une certaine inquiétude et Thomas de Treillères partageait sa position sur la forte probabilité qu’une armée entière d’Elfes Noirs puisse se cacher dans les environs. La menace était en tout cas suffisante pour en référer au Sénéchal Vautreuil
L’heure était de donner des ordres. Pourtant il n’avait sous son commandement qu’une partie des forces de l’Ordre de Vuldone. Face à l’imminence de la menace des hordes de Nord, les moines avaient concentré une impressionnante armée pour soutenir l’empereur. Bien que le capitaine hésitât un long moment, il finit par prendre seul l’initiative du combat, le risque de voir les furies disparaître en attendant les ordres était trop grand. Il décida d’envoyer toute sa cavalerie pour les retenir au plus vite avant qu’elles ne fuient. Deux unités de chevaliers prendraient position sur les flancs ennemis et créeraient une force de frappe suffisante pour les neutraliser un instant, le reste de l’infanterie suivrait dès que possible pour achever l’encerclement. Bien que le terrain soit très défavorable aux cavaliers, la nature psychopathe de leur adversaire devait les servir : en cas d’échec, cette cavalerie suffirait pour les appâter dans l’étau qu’il préparait.
Pour Petit Louis, son travail était terminé, les vrais soldats entraient en action mais son cœur était lourd, des amis était sans doute mort à sa place et par sa négligence. Il rangea son arc et ses flèches, puis quitta ses compagnons sans mot dire. L’image du sourire de l’elfe gisant à terre était gravée en lui. Alors seulement, il se rappela qu’elle était restée belle jusque dans la mort. Tout autour de lui des hommes s’apprêtaient à combattre une centaine de ces créatures. Il regarda un instant le ciel et s’agenouilla pour prier, lui qui ne croyait à aucun dieu.
*
Le camp des elfes noires s’était soudainement animé. D’abord, le signal d’alerte avait retenti puis une chasse à l’homme s’était organisée. Grienlyce ne savait pas si elle devait considérer ces évènements d’un bon œil. Son unité sortait à peine du rétablissement de l’étrange et long calvaire qu’ils avaient subi grâce aux talents culinaires des bugnes. Elle hésitait à sonner le repli du camp. Comme elle avait déjà donné cet ordre quelques jours avant, suite à une précédente alerte, elle avait voulu évaluer l’importance du danger avant de déclencher un nouveau déménagement.
Pour l’heure, elle attendait de connaître la gravité du danger signalé. Par mesure de sécurité, elle demanda de renforcer les positions de guets. S’il y a avait le moindre doute, elle demanderait à son unité de quitter la place. Les furies ramenèrent un homme, mort malheureusement, un carreau d’arbalète lui ayant traversé son cou. Il était difficile de déterminer qui il était : un chasseur, un braconnier ou un espion ennemi ? Elle voyait mal une armée s’éloigner autant du chemin traversant la forêt. Le principal danger qu’elle craignait était les kobolds qui auraient très bien pu les découvrir avec leur satané tunnel, peut-être y en avait-il encore un dans les environs ? Elle était contrariée de ne pas avoir eu plus d’éléments pour prendre sa décision. Finalement elle ne donna pas d’autres consignes, préférant attendre l’entretien avec sa chef demain matin pour engager de nouvelles manœuvres, surtout que son unité sortait d’une épreuve qui avait failli la dévaster d’une manière beaucoup plus ridicule.
Quasiment simultanément, d’autres cris annoncèrent la présence toute proche d’ennemis. Grienlyce se mordit les lèvres, elle aurait dû écouter son instinct et évacuer le camp. Dolorès, elle, ne lui en aurait jamais voulu, elle était dévouée à ses deux chefs, plus que tout au monde. Elle les avait suivis jusqu’ici, laissant derrière elle ses proches et son pays. Des bruits de sabots à droite, des souffles de chevaux renâclant à gauche, l’ennemi les encerclait !
« Eloignez-vous de la clairière. Que dix d’entre vous s’arment d’arbalètes et prennent position dans des arbres», lança d’une voix déterminée Grienlyce. Une guetteuse vint à elle pour lui faire un bref rapport. Une dizaine d’homme se dirigeait vers elles, vêtus et se mouvant comme des éclaireurs. Des sœurs les avaient pris en chasse.
« Vous, suivez moi, continua la lieutenante en désignant le gros de ses troupes qui commençait à s’agiter. Et prenez vos sabres nous tiendrons le centre. Les autres, prenez vos poignards et harcelez-les. »
De son menton, elle indiqua la direction opposée au ruisseau. A son tour, elle chercha ses propres armes et les enduisit d’un liquide translucide. Elle fit quelque mouvement circulaire pour chasser l’excédent.
« Surtout, déplacez-vous de manière à déstabiliser leurs chevaux au milieu des arbres ! Utiliser les couverts, filer d’arbres en arbres pour éviter leurs flèches ou leurs charges. Je ne veux pas de morts inutiles tant que nous ne savons pas combien ils sont ! »
Bientôt, toutes furent en position, diversement cachées, prêtes à accueillir leur ennemi. Des bruits de sabots s’amplifiaient. D’abord droit devant deux, puis également sur leur gauche. Les guetteuses signalèrent des chevaliers, une vingtaine dans chaque unité. Elles ne pouvaient pas faire grand-chose contre leur armure, mais elles avaient l’habitude de se battre contre eux. Grienlyce donna de nouvelles consignes.
« N’hésitez à plonger sous le cheval puisqu’ils ne pourront pas se déplacer vite. Ou tuer leur monture pour mieux les achever au sol ! S’ils sont suffisamment fous pour venir nous chercher jusqu’au cœur de la forêt alors nous saurons le leur faire payer ! ».
Toutes s’étaient plaquées contre des arbres pour casser l’élan de leur monture au moment de la charge. De toute façon, ils n’étaient qu’une avant-garde, elle savait qu’ils n’étaient là que pour les occuper avant que le gros des forces ne les rejoigne. Alors le vrai combat commencerait avec leur infanterie.
Dolorès souriait. Ces humains ne devaient pas s’attendre à un tel accueil. Elle respira longuement et amplement. Chassant l’appel hystérique qui montait en elle, elle serra fortement le manche de l’arme entre ses mains. Le travail de sape de sa Matriarche pour chasser la perte de leur contrôle au combat fonctionnait pourtant depuis longtemps, mais rien n'y faisait ; à l’approche du combat, l’impulsion meurtrière tapie au plus profond d’elle était toujours prête à refaire surface. Les furies d’Aubemorte prenaient d’habitude des drogues de combat qui inhibaient leurs craintes, aiguisaient leur sens et insensibilisait leur corps. Mais leur matriarche leur avait interdit toute utilisation sans son ordre. A la place, elle leur avait apporté bien autre chose, une surprise pour ces humains qui avaient pu déjà les affronter.
La lame de son sabre droit et court au niveau de sa joue, elle pouvait déjà voir ses compagnes harceler l’ennemi. Elles avaient appris les techniques si particulières de Fayenacre. Le spectacle produit paraissait parfois irréel, comme un ballet macabre. Leurs gestes ne semblaient porter aucun coup, pourtant des jets de sang les ponctuaient régulièrement. Partout, un fracas métallique, des grognements, des cris, des hennissements sauvages emplirent l’espace en un instant.
Maintenant elle riait, un premier chevalier avait été désarçonné, sa lourde armure lui avait été complètement inutile contre la précision de son coup. Les techniques martial de Fayenacre étaient toujours aussi efficaces et déstabilisaient toujours autant leurs ennemis. « Non, pauvres humains, vous ne savez décidément pas qui vous affrontez ! »
Une voix l’avertit d’une menace derrière elle. Un chevalier avait réussi à se redresser et levait son bras pour l’abattre de sa lourde épée. La lame siffla en redescendant mais se logea dans la terre. D’un coup de pied sur les côtes, elle le déséquilibra à nouveau. Cette fois-ci l’armure déjà rougit d’une précédente blessure l’immobilisa complètement. Elle s’approcha de lui et leva le heaume. Elle pouvait voir les yeux de l’humain paniqués devant son impuissance.
- Oui, tu vas mourir, et c’est une pauvre elfine qui va le faire, dit-elle en eldred. Et tu ne seras pas le dernier ! »
Elle leva à son tour la lame de son poignard en bas en le tenant des deux mains. L’homme hurla toute sa peur en voyant s’approcher l’arme. Les plaques de métal qui recouvraient son corps grincèrent désespérément plus fort, ses bras se soulevèrent dans un ultime raidissement pour bloquer ce geste inexorablement fatal, jusqu’à ce que la lame atteigne son but dans un craquement sourd et plonge droit entre les deux yeux. Elle sourit en contemplant le spectacle Dans un soudain silence figé, il avait fini par loucher comiquement à force de fixer la descente du poignard. Déjà le sang recouvrait peu à peu ce regard si ridicule. Elle plaqua son pied contre le casque pour retirer son arme, dans un crissement sec tandis qu’à ce geste, un jet rouge vif jaillit dans sa direction. Autour d’elle, d’autres humains arrivaient, plein de fantassins commençaient leur encerclement.
*
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« Tu vas pouvoir t’en donner à cœur joie à embrocher toutes ces femelles ! Gardes en quelques unes pour les transpercer avec autre chose que ta lance ! »
Il avait lui-même fait l’arrogant en promettant de ne pas trop les amocher. Toutefois, quand leur capitaine était sorti pour leur rappeler leur mission, il s’était repris immédiatement. Un climat plus solennel recouvra le camp pour l’écouter. Il rappela qu’il ne fallait pas se fier aux apparences. Il s’agissait de vraies guerrières et que ceux qui s’en moquaient n’avaient sans doute jamais eu affaire avec elles. Le seul conseil qu’il leur donna fut d’exploiter les penchants psychotiques de leurs adversaires. Il fallait les appâter, les piéger pour exploiter leur sur nombre. « N’oubliez pas qu’elles raffolent du sang ! Tel est le principe de leur culte ! Que plus elles combattront et moins elles seront lucides ! » Il leur demanda de prier une dernière fois. Un profond et digne murmure se souleva de la terre et monta au milieu de cette forêt comme un grondement sourd d’un lointain torrent. Bientôt sa fureur emporterait tous ces homes avec lui, pour que Vuldone grandisse et chasse de leurs terres ces sombres ennemis.
Lorsqu’ils se redressèrent pour prendre leur départ, on entendit les vétérans grogner et exprimer tout leur dégoût de ces créatures. A côté de lui, une voix lui avait donné un dernier conseil
« Il faut les exterminer ! Ouais, mon gars, ne regarde pas leurs nichons, sinon tu ne seras pas prêt d’en faire de beaux rêves, crois-moi ! Assure-toi juste qu’elles soient bien mortes avant de leur tourner le dos ! »
C’étaient les derniers mots d’encouragements de Patchy le Jovial, qui n’était pas du genre à se laisser impressionner. Il les avait combattus lorsque l’empereur avait voulu se venger de l’affront qu’il avait subi au début de son règne, une fois avoir déjoué leur manœuvre pour accuser les Rayonnants. Et jamais il n’aurait pensé en trouver sur leurs propres terres. Les consignes étaient claires, surtout ne pas se contenter de les blesser, ces folles étaient tellement bourrées de drogues qu’elles ne sentaient pas la douleur, il fallait les tuer « quitte à le faire deux fois pour être sûr ! ». Et surtout, il fallait faire gaffe à leurs minauderies. Elles étaient démoniaques, parmi les pires ennemis de Vuldone. Plisse-Langue avait senti une haine profonde montée en lui et avait prié pour que son dieu lui donne la force de vaincre en son nom ces créatures blasphématoires. Mais maintenant qu’il les apercevait, il fut saisi par la beauté et la grâce qu’elles dégageaient. Mais cette tenue décadente lui rappela les mots de Patchy et il pressa les flancs de son cheval pour fondre sur elles. Au moment où il s’apprêtait à baisser sa lance, une elfe jaillit de derrière un arbre et poussa un cri suraigu qui fit se cabrer son cheval. Au moment où elle s’apprêtait à transpercer le torse du cheval, il réussit dans un équilibre précaire à la frapper de sa lance, comme une masse, suffisamment fortement pour la jeter à terre. A deux reprises encore son cheval se redressa d’effroi, ses jambes enserraient de toutes ses forces les flancs pour ne pas chuter. Au moment où il reprit le contrôle, son cheval, en retombant, écrasa violemment de ses sabots la furie, qui s’apprêtait à se redresser; il ne prit pas le temps de regarder son état, il était devenu trop vulnérable en étant ainsi quasi à l’arrêt. Déjà, il voyait un des siens à terres, avec deux furies autour de lui. Il décida de lancer son cheval contre elles, mais il arriva trop tard pour le sauver. Elles s’écartèrent immédiatement pour se protéger avec des arbres.
Il avait hâte que ses frères fantassins arrivent. Il ignorait combien elles étaient, car elles ne cessaient de se déplacer, de tourner et de zigzaguer pour rendre toute charge impossible. Dans ce décor chargé par tant de Nature, de cavité d’arbres, de troncs dressés et bosquets épais, c’étaient elles qui maîtrisaient la mobilité. Régulièrement des carreaux d’arbalètes sifflaient ; à chaque fois, il redoutait que son cheval n’en soit la cible. L’assaut se transformait en carnage. Le capitaine les avait prévenus que leur mission serait ingrate, mais aucun chevalier ne s’était attendu à une telle débâcle. Au lieu de créer un mouvement de panique sur la charge, peu à peu les rôles s’inversaient, c’était lui qui évitait de se trouver en mauvaise posture. La plupart du temps, il se dégageait d’un endroit trop menaçant vers un endroit plus dégagé. Alors, à nouveau il devenait la cible de leurs carreaux d’arbalète. Enfin, il entendit les clameurs des renforts. Il regarda autour de lui, il compta à peine une quinzaine de cavaliers encore sur leur monture. A terre, presque aucune furie ne gisait.
L’infanterie se rua dans les combats qui s’étaient formés ci et là avec les derniers cavaliers. Parmi eux, Patchy le Jovial les regardait. Elles semblaient immuables. Il retrouvait ces mêmes formes généreuses offertes à leurs yeux, ces mêmes sourires mutins mais il voyait surtout cette cruauté sombre qui luisait comme les vagues de la tempête dans leurs yeux. Planter une lame dans un corps aussi offert était chose aisée, mais ce corps se mouvait avec une habileté de félin et savait frapper aussi fort que le cobra. Malgré lui, il sentit du désir monté en lui. Il pensa aux plaisirs qu’il devait y avoir à étreindre cette chair si parfaitement sculptée ; il pensa que seul l’amour d’une telle créature aurait pu le détourner de son dieu ; il pensa combien il lui en arrivait d’en rêver. Alors il se remémora ses anciens frères tombés hier ou hurlant de leurs blessures et que l’on avait fini par abattre à leur tour. Il revit le Gros Brock, un dur parmi les durs, le supplier comme un enfant, avec des larmes de femmes, de l’achever. Il avait pourtant trois fois rien à l’avant bras, et puis une entaille sur les côtes, des blessures qui auraient à peine nécessité qu’on l’emmène à l’infirmerie mais le poison lui dévorait la tête, disait-il, comme l’aurait fait un loup enragé ; il lui brûlait les entrailles ; il lui bloquait son souffle. Il hurlait comme si un démon prenait possession de son corps. Alors Patchy avait prit sa propre épée et la lui avait planté à trois reprises au niveau du cœur, pour être sûr que s’arrêtent les souffrances du Gros Brock, ce dur parmi les durs. Alors seulement, dans le combat qui commençait, il ne vit en face de lui que des soldats, des soldats à tuer pour qu’Eldone l’emporte sur les dieux corrompus des elfes noirs.
Les humains arrivaient de partout dans un large mouvement d’encerclement. Ils étaient eux-mêmes protégés des carreaux qui avaient plu sur les chevaliers par les mêmes arbres qui les avaient tant desservis. Pourtant, il suffisait de passer près d’un feuillage qui abritait dans ses branches l’une d’elle pour que commence un début de carnage. Par deux fois, il vit son voisin tombé avant même d’atteindre une ennemie. Mais enfin il arrivait au cœur du combat, avec un immense avantage numérique pour réduire à néant ces folles furieuses.
Il profita que l’une d’elle était engagée au corps à corps pour planter son épée dans son dos. Eldone n’a que faire de l’honneur face à de telles créatures ! Mais à son tour, il dût faire face à ces yeux noirs et brûlants, comme le volcan. Une nouvelle adversaire avait surgit et courait implacablement droit sur lui. Elle para à deux reprises ses coups comme si elle lisait en lui, comme si elle voulait jauger son adversaire. Elle leva à son tour ses armes, une première fois pour contrer son épée, puis, en même temps qu’elle tendit son corps vers lui pour se désaxer, il eut juste le temps de voir le ballottement de sa poitrine à travers la mince étoffe qui les soutenait qu’il ressentit une vive douleur dans ses côtes. Puis Dolorès ramena sa jambe arrière tout en pivotant sur elle-même pour se retrouver derrière lui. Il était cambré par la douleur. Compte tenu de la violence de son coup et l’effet du poison qui allait bien tôt le dévorer de l’intérieur, elle ne prit pas la peine de l’achever, elle le poussa de son pied à terre. Cela n’avait duré que le temps qu’il oublie qu’elle était un soldat. Cela n’avait duré que le temps qu’il vit en face de lui une femme.
Le combat durait depuis près d’une heure. Patchy le Joviale n’était plus qu’une loque qui poussait des cris, tout comme des dizaines d’autres moines guerriers qu’elles avaient laissés à leur blessure. C’était leur façon de procéder, d’affaiblir leur adversaire par l’impact psychologie de ces cris. De leur faire craindre plus que tout le pouvoir de leur poison. Et cette peur de finir comme les blessés qui jonchaient le sol étaient de plus en plus dans le ventre des soldats. A son tour, il aurait voulu qu’on l’achevât, mais les combats étaient trop à leur comble pour qu’on entende cette dernière prière. Pourtant, autour de lui, les furies avaient beau lutter de tout leur cœur, avec tout leur courage, les humains prenaient le dessus. Ils étaient bien trop nombreux et il leur fallait réaliser des prouesses pour parer chacun de leur coup quand eux ou trois soldats étaient sur elles. L’absence d’armure rendait souvent fatal la moindre erreur, chaque faiblesse. Grienlyce regardait autour d’elles les pertes, des dizaines d’entre elles gisaient déjà à terre. Ses humains étaient bien plus coriaces que ceux qu’elle avait déjà rencontrés. Une lueur sombre brillait dans leurs yeux, comme la folie de Dieu. Décidément les rôles étaient inversés, à elles la Raison et à ses ennemis la Folie ! Tout ceci aurait pu être comique si la survie de son unité n’était pas en jeu.
De son côté, l’œil de Dieu, qui était maintenant arrivé sur les lieux avec le reste de son unité, ne s’attendait pas à un tel carnage. La victoire était sienne mais une telle hécatombe dans ses rangs pour si peu était intolérable. Mais qui pouvaient être ces elfes ? Jamais elles n’auraient dû se battre de la sorte. Elles se jouaient de ses hommes avec une précision peu commune. Elles s’attaquaient prioritairement aux chevaux, leur portant des coups violents au garrot qui les faisaient systématiquement se cambrer violemment, leur cavalier devant alors faire des prouesses pour rester en selle. Et ses hommes n’arrivaient pas à exploiter la fureur aveugle de leur adversaire, quoiqu’ils fissent, elles conservaient leur discipline. Il avait aperçu plusieurs chefs qui régulièrement distribuaient leurs ordres dans le tumulte. Il commençait à regretter son initiative. L’arrivée avec lui de l’infanterie aurait dû briser les lignes ennemies et accélérer l’issue. Mais il sentait ses hommes plein de peur maintenant qu’ils voyaient autour d’eux le ravage des poisons d’Aubemorte. Il en venait même à douter de cette évidence et à oublier le poids du surnombre. En contemplant la fatale sensualité dégagée par leur corps presque dévoilée et leur acharnement désespéré à survivre, il ne pouvait que les admirer. Plus il les regardait et plus il les voyait maintenant en véritables soldats. Il enviait leur grâce, il enviait leur foi à se battre avec tant d’énergie. A aucun moment, il ne voyait des signes de peur en elles, alors que dans les yeux de ses hommes, il ne lisait qu’effroi ou fureur aveugle. L’idée de les laisser en vie germait dans son esprit. D’ailleurs, pour rattraper le gâchis qui se déroulait sous ses yeux, il devait en apprendre plus sur elles.
Grienlyce hésitait aussi à se rendre. Non que la mort l’effrayât mais parce que de leur survie dépendait le succès de la quête Ameryel. Le seul obstacle à sa décision restait à savoir comment avertir sa matriarche. Dolorès ! Seule Dolorès pouvait tenter de le faire. Comme la bécassine, elle seule pouvait encaisser et simuler un coup mortel pour tout autre, tout en supportant la douleur jusqu’à Locelane. Elle retira son arme de sa dernière victime et chercha autour d’elle. Plusieurs larges entailles recouvraient son corps. Mais leur entraînement lui faisait ignorer la douleur. Alors seulement elle entendit le bruit, les hurlements des humains, leur cris pour se donner du courage, tandis que ses sœurs continuaient à se battre dans leur sourde détermination. Enfin elle l’aperçut. Elle aussi avait été touchée à l’épaule. Son bras gauche n’avait plus la même grâce, mais elle continuait à faire danser ses poignards.
« Dolorès, tu préviendras Ameryel ! », lui hurla-t-elle entre deux coups. « Retrouve-la lorsque leur vigilance sera tombée ! Et n’oublie pas les deux Larmes du Géant ! »
L’elfine avait compris ce que cela impliquait. Elle savait surmonter des douleurs comme nul autre ici présent. Elle avait survécu à des séances de torture qui auraient fait succomber ou basculer dans la folie tout autre être vivant. De cette terrible expérience, elle avait acquis une grande connaissance dans l’art de faire souffrir, elle connaissait les limites de chacun, elle exerçait ses talents comme un virtuose qui exécutait une partition. Elle regarda autour d’elle. Une nouvelle fois, elle allait plonger dans la douleur. La douleur. Un mot qui la fascinait et l’attirait. A chaque fois, un processus en elle se mettait en route, et à chaque fois, une part de mystère et de terreur allait l’envahir. Elle allait faire face. Peut-être qu’elle n’esquiverait pas suffisamment son adversaire ? Qu’importe, elle était prête.
Plisse-Langue le Chevalier était nerveux, son armure n’était plus une sécurité. Il était même l’un des derniers à combattre sur son cheval. Il les avait vus, un à un, tomber à terre, alors aussi vulnérables qu’un nourrisson, les elfes n’avaient alors plus qu’à les achever au sol sans aucune résistance, paralysé par le métal sensé les protéger. A ses yeux, elles étaient devenues des démons à abattre. L’une d’elles lui faisait face, d’une arrogance et d’une beauté à lui faire tourner la tête. Mais il ne se laisserait pas déstabiliser par leurs minauderies et leurs tours de passe-passe. Inflexible, il oublierait qu’elles étaient femmes, il oublierait qu’elles n’avaient rien pour se protéger de la vigueur de ses coups amplifiés par la charge de son puissant destrier. Et surtout il n’oublierait pas ses frères déjà tués dans ce combat absurde.
Dolorès se préparait. Il fallait qu’elle devine les intentions de son adversaire. Il fallait que le coup soit porté mais qu’elle ne s’évanouisse pas sous le choc et la douleur. Son souffle était ample et les cris et les râles autour d’elle n’avaient plus de place dans son esprit. Seul le battement de son cœur qui ralentissait et la voix des maîtres de Fayenacre résonnaient dans sa tête. « Le corps est plus fort que l’acier pour qui sait l’accueillir, le corps est plus fort que l’acier… ». Elle récitait cette phrase de plus en plus vite. Et plus elle la répétait et plus ses poumons chassaient tout l’air de son thorax à chacune de ses expirations et les muscles de son ventre se durcissaient à lui en faire mal. « Ce sera toi ! ». Elle le fixait droit dans les yeux. Il allait être son bourreau, elle l’avait choisi.
Plisse-Langue s’élança et comprima les flancs de son cheval pour avoir suffisamment d’élan pour la transpercer mortellement. Elle restait en face de lui sans bouger, le visage complètement fermé sur elle-même, presque impassible. Il était maintenant littéralement sur elle. Quel tour de sorcière allait-elle tenter au dernier moment ? Aucun, il l’avait heurtée de plein fouet. Tout juste eut-il l’impression qu’elle avait pivotée au dernier moment. Avait-elle paniqué juste avant de réaliser l’imminence de sa mort ? En la redressant, sa lance était rouge et le corps de l’elfe gisait par terre, inanimée, une large plaie ensanglantée sur son flanc droit. A peine l’eût-il contemplée que déjà d’autres étaient à portée de sa lance.
*
Les deux regards se croisèrent. Ni l’un ni l’autre ne l’avaient fait exprès. Mais dans les yeux de son adversaire, chacun pouvait lire les mêmes doutes et les mêmes hésitations, peut-être de l’admiration réciproque. Grienlyce et l’Oeil de Dieu se fixaient ainsi depuis plusieurs secondes. Sans qu’ils fussent présentés l’un à l’autre, ils savaient qu’ils étaient les responsables du carnage et que d’eux seuls dépendaient sa fin. Cet échange avait suffi pour basculer le sort de dizaines de guerriers. Une trêve fut prononcée ou plus exactement, les furies se rendirent et obtinrent tous les égards des humains puissent leur offrir en de pareils circonstances. Bien sûr, elles furent désarmées, mais le capitaine donna l’ordre qu’elles soient bien traitées et respectées. Les humains hurlèrent leur mécontentement de devoir les considérer alors que tant de blessés agonisaient encore. Grienlyce avait promit qu’elles ne rechercheraient pas à fuir.
- Pas avant d’avoir rencontré votre chef, avait-elle juste rajouté avec un sourire ironique, ».
Ce mot de chef était bien choisi ; Michel Vautreuil était chef, pas Thomas de Treillères, toute l’arrogance se trouvait dans ce terme. Il n’en fit rien, sourit-lui même à l’elfe.
- Que peut valoir la parole d’une elfe noire, lui lança-il.
- Mais rien, bien sûr !
Et elle éclata de rire.
Cette répartie eut pour effet de faire partir l’œil droit de Thomas vers le ciel, ce qui entraîna son fou rire, d’abord nerveux et timide, puis généreux, comme si toute l’accumulation de peur et de tension sortait dans ce rire contagieux. Ces hommes se mirent à rire également. Ils savaient que l’humour était la meilleure chose pour désamorcer le trouble de leur capitaine. Ainsi il se moquait de lui-même avec un naturel humble bien qu’un peu gêné.
- Avec ça, je crois difficile de nier que je ne vous ai pas fait de l’œil, sourit-il.
L’orbite reprit son axe normal, le temps de la plaisanterie. Le même rire nerveux reprit les humains. Finalement cet échange contribua à créer un premier lien entre les deux unités et surtout dissipa la grande tension qui subsistait du combat. Les traces psychologiques de la bataille s’estompaient peu à peu. Les hommes découvraient en face d’eux des femmes, belles et sensuelles à enflammer le plus preux d’entre eux, leur peau luisante de sueur, les cheveux rebelles, les yeux vifs et la bouche mutine. Au fond d’eux-mêmes, pourtant, chacun savait qu’elles restaient de redoutables guerrières et, en tant que telles, ce soudain appel des sens qui émanait d’elles ne leur empêchait pas de rester sur leur garde. C’était plus que ça, ils devaient alors lutter contre un désir que la longue abstinence amplifiait. Plusieurs d’entre eux firent mine de les peloter au moment où les regrouper. Alors, certaines se retournaient avec un sourire narquois qui voulait dire : « continue, humain, continue et tu t’y brûleras les doigts ». Et un profond malaise s’abattait sur eux. D’autres se contentaient de se retourner en faisant mine de rugir quand elles sentaient une fanfaronnade qui dissimulait en fait la peur. Alors, les moines se moquaient de ces hommes qui n’étaient que des lâches, car tous savaient au fond d’eux que, si elles s’étaient rendues, malgré toute la ferveur que Vuldone leur avait prodiguée, ils avaient été très inférieurs à elles au combat. Ce n’était que leur nombre qui leur avait apporté la victoire. Une victoire foncièrement amère, quand ils entendaient les hurlements des blessés.
De leur côté, ce marché de dupe ironiquement accepté contribua à baisser leur arrogance. Ces humains n’étaient pas aussi bêtes que les autres. Ils avaient de l’humour et savaient à quoi s’attendre de leur part. Pour monnayer ses égards et faire baisser la tension entre les deux peuples qui regagnait du terrain, Grienlyce proposa de soigner les blessés à l’aide de leur antidote. Treillères hésita, car il se demanda si elle n’était pas en train de le mener en bateau. Ce geste fut fort apprécié par les moines, même si les blessés restaient souvent sous le choc ou faisaient preuve de panique en les voyant s’approcher. Il fallait souvent l’aide d’autres humains pour les tenir au moment d’appliquer les soins. Lorsque arriva le tour de Patchy le Joviale, ce dernier était dans un piteux état, l’étrange infirmière fit signe qu’elle ne pouvait rien pour lui, le poison avait trop pénétré le sang de sa victime. Plisse-Langue qui avait appelé l’elfine pour le sauver, la regardait perplexe devant ce qu’il venait d’entendre.
« Ecoute, petit, écoute la ! Tue-moi, tu entends. TUE-MOI ! » Il avait prononcé ses mots en serrant les dents pour maîtriser son envie de hurler. Ses yeux ne cessaient de s’agiter et son corps tremblait de fièvre tout en étant secoué de spasmes. Puis il poussa un dernier cri quand la lame de l’épée de Plisse-Langue le transperça, tout comme lui-même l’avait fait pour le Gros Block. Lorsqu’il contempla une dernière fois le corps de son vieil ami, il fut soulagé de le voir si paisible, immobile, lui qui n’avait cessé de s’agiter à ses côtés depuis qu’il l’avait retrouvé. Pourtant, son âme était lourde. Et bien qu’on lui eût ordonné de les respecter, il méprisait ses meurtrières cruelles. Ce n’était pas l’utilisation d’un simple antidote qui lui ferait oublier tous les morts autour de lui. Vuldone ne le tolèrera pas longtemps ! Il ne comprenait pas son chef. Et il se doutait que ses supérieurs allaient encore le suspendre. L’Œil de Dieu était coutumier du fait. Mais toujours on le rappelait, car on trouvait toujours de ses hommes prêts à le défendre. Cela sera-t-il le cas lorsque l’Ordre de Vuldone connaîtra son initiative ? Pour l’heure, il espérait que non, qu’on lui montrerait à quel point il avait commis une hérésie. Il fallait réduire à néant ces créatures ! Qu’espérait-il à les sauver ?
Comme elle avait prouvé sa bonne foi au vu des premières guérisons, Grienlyce regagna la tente du capitaine, toujours sous escorte. Ce dernier le regardait d’un œil toujours plein de surprise, comme si il cherchait toujours à comprendre les motivations de cette race si étrange.
- Bon, je vais effectivement vous conduire auprès de notre sénéchal. Je dois avouer que vous avez piqué ma curiosité. Je n’ai pas l’habitude de voir des disciples de votre culte sanguinaire se battre ainsi. Et je suis certain que mon commandant aura mille questions à vous poser sur ce sujet.
- J’aurais moi-même quelques petites questions à lui poser, rajouta Grienlyce.
Décidément, il fallait beaucoup plus qu’une plaisanterie pour faire taire l’arrogance d’une elfe noire.
Thomas appela Petit Louis à lui. Ce dernier portait toujours le poids de sa culpabilité. Même leur victoire ne lui avait apporté un réconfort. Pour lui, il avait failli dans sa mission, il avait enfreint une règle élémentaire. Au fond de lui, il n’avait cessé d’entendre cette même voix mystérieuse qui lui parlait d’une langue si étrange. Elle semblait le désapprouver, à moins qu’elle continuât à l’appeler à lui, car il en était sûr, cette voix était celle du monolithe, les sensations glacées qui recouvraient ses mains à chaque intonation en étaient la preuve. Son cœur battait très fort, dans un rythme chaotique. Le voyant si déconfit, l’œil de Dieu le prit amicalement par l’épaule et lui chuchota à l’oreille : « La voilà, ton opportunité de parler au Comte ! ». Petit Louis regarda une dernière fois ces étranges guerrières et repensa au Monolithe bleu qui avait changé sa vie. Se pouvait-il qu’il y ait un lien entre leur présence et son apparition ?
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- Krycek
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- Messages : 2935
En somme, tes combats et scènes attenantes devraient refléter le point de vue des personnages considérés, dans la forme et le fond.
Ainsi, lorsque Petit Louis rencontre la bête dans les bois, il ne devrait pas avoir le temps de repenser à ses peurs en détail ni aux métaphores connues sur son ennemi. Il le voit, l'identifie. Ils se toisent, son esprit ne pense plus qu'à se défendre. Le combat prend place (long/court suivant la tournure souhaitée). Puis, et seulement à ce moment, viennent les cas de conscience, l'analyse et la compréhension de l'évènement qui vient de prendre place voir l'apprentissage lié et les conclusions tirées.
Je faisais dans mon post (sabré) le parallèle avec des épisodes de Dragon Ball ou Captain Tsubasa dans lesquels un passage qui dure 2 minutes est traité sur 3 volets avec les réflexions profondes et métaphysiques liées au suspense à la japonaise.
Les américains, eux, font des ralentis pour allonger la durée du combat.
La forme des paragraphes devraient de même refléter le passage. La tension avant le combat donne des phrases longues mais sujet/verbe/complément. Le personnage n'a pas en tête les adjectifs et métaphores liées. Il observe uniquement.
Si le combat est court, alors le passage sera court mais sans prévenir le lecteur ("tout se passa en un instant"). Après on peut faire référence à cette durée via l'étonnement du personnage.
Je crois que se centrer sur le personnage, ce qu'il voit et a le temps de ressentir/penser aiderait à un meilleur réalisme. J'ai tendance à écrire mes passages d'action tels que je les filmerais (si j'y connaissais quelque chose). Ainsi la tension d'abord, le calme avant la tempête (même s'il ne dure que 2, 3 secondes), le combat puis la réflexion.
Ainsi fonctionne l'humain avec les réflexes de survie et l'alimentation des muscles en sang plutôt que les zones cérébrales dédiées aux réflexions sentimentales. Pour aller plus loin, David Gemmell reprenait le principe dans ses bouquins où le héros repérait que le visage de l'ennemi devenait plus livide à mesure qu'il se préparait à combattre, son corps préparant ses muscles à donner un coup vif.
De même lorsque l'elfe donne ses ordres, tu en rajoutes pour expliquer au lecteur le but des manoeuvres. Mais ceci est vu en entraînement ou en explication après la bataille avec les troupes... alors pourquoi leur dit-elle cela, sinon pour le lecteur ?
Le chef d'une unité armée donne ses ordres courts et clairs, de même pour les conseils. Au début de la bataille, pas le temps à des explications de fond sur le pourquoi du comment. Ici on s'en approche, quitte à viser plus court :
« Il faut les exterminer ! Ouais, mon gars, ne regarde pas leurs nichons, sinon tu ne seras pas prêt d’en faire de beaux rêves, crois-moi ! Assure-toi juste qu’elles soient bien mortes avant de leur tourner le dos ! »
Et non, le lecteur ne se sentira pas écarté, au contraire, il se rapprochera de l'action pour n'en pas louper une miette. Plutôt que de le "regarder" pour lui expliquer, il vaut mieux que les personnages lui tournent le dos pour le forcer à s'approcher et déduire par lui même les raisons des ordres donnés.
Encore une fois : AMHA.
J'espère approcher le point de vue recherché... et maudit à nouveau ma connexion en carton.
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- Vuld Edone
- Hors Ligne
- Messages : 2178
De fait, chacun a sa vision des combats, et très franchement personne ne sait vraiment - pas même les soldats, ce qui est assez fou - comment ça se passe. On parle même d'un état second et il y a des discussions là-dessus sur les forums de guerre.
Du coup essayer le réalisme est plus ou moins voué à l'échec, surtout pour des combats médiévaux, mais surtout pour des combats médiévaux, et je veux dire vraiment pour des combats médiévaux. L'important est de recréer ta réalité du combat et de l'imposer au lecteur.
Je n'ai pas tout lu, seulement le début du combat entre les chevaliers et les furies. Pour moi le problème reste plus ou moins inchangé.
Au premier paragraphe le combat n'a pas encore commencé. Les furies sont cachées derrière les arbres et l'ennemi se rapproche. Au second paragraphe le combat n'a toujours pas commencé, la seconde phrase ne signifie pas forcément que les humains viennent d'être surpris. Il peut aussi s'agir d'anticipation, et la troisième phrase implique encore de la préparation. Et là soudain troisième paragraphe, le début de la première phrase semble toujours être de la préparation, la fin de cette même phrase m'informe que la bataille est déjà en cours.Toutes s’étaient plaquées contre des arbres pour casser l’élan de leur monture au moment de la charge. De toute façon, ils n’étaient qu’une avant-garde, elle savait qu’ils n’étaient là que pour les occuper avant que le gros des forces ne les rejoigne. Alors le vrai combat commencerait avec leur infanterie.
Dolorès souriait. Ces humains ne devaient pas s’attendre à un tel accueil. Elle respira longuement et amplement. Chassant l’appel hystérique qui montait en elle, elle serra fortement le manche de l’arme entre ses mains. (...)
La lame de son sabre droit et court au niveau de sa joue, elle pouvait déjà voir ses compagnes harceler l’ennemi. Elles avaient appris les techniques si particulières de Fayenacre. Le spectacle produit paraissait parfois irréel, comme un ballet macabre. Leurs gestes ne semblaient porter aucun coup, pourtant des jets de sang les ponctuaient régulièrement. Partout, un fracas métallique, des grognements, des cris, des hennissements sauvages emplirent l’espace en un instant.
Pour moi la transition est toujours trop brusque.
J'ai besoin de voir le premier coup partir, leur réaction immédiate, soudain leurs rangs qui vacillent, qui se reforment, les chevaux qui se cabrent, les sergents qui hurlent... n'importe quoi qui puisse me plonger dans l'événement. Tu l'as complètement passé sous silence et je n'ai qu'une danse de furies. La dernière phrase, justement parce qu'elle est en dernier, ne répond pas à mes attentes.
Il manque aussi un enjeu, pour être franc. Le texte nous dit littéralement "c'est juste l'avant-garde, on va les torcher" et rien ne laisse supposer le contraire. Du coup on va subir une dizaine de paragraphes de pur massacre sans même accentuer le massacre, et j'ai un peu envie de sauter au moment où il y a vraiment un risque. C'est un peu comme si je mettais quatre chars en embuscade contre une compagnie de milice sans arme lourde...
Enfin j'ai toujours, pour ces trois paragraphes, l'impression de décor. Juste avant les éclaireures signalent l'approche des chevaliers : on a leur nombre mais rien de plus, et ils restent immatériels. Le pas lourd des chevaux, leurs colonnes, les lances dressées... il manque tout ce qui rendrait cet ennemi concret.
De même j'ai toujours énormément de mal à visualiser le champ de bataille. Il y a des arbres et j'ai cru comprendre qu'ils se retrouvaient en forêt, mais déjà un cheval en forêt ce n'est pas évident, alors j'essaie d'imaginer des sentiers ou bien des clairières, et j'essaie de situer le camp dans tout ça.
Je te conseille vraiment de reprendre uniquement ce passage du premier contact, pas forcément dans le sens que je propose, mais comme meilleur lieu pour imposer ta propre vision de la bataille et la manière dont le lecteur doit la lire. C'est là, ou à peine avant, qu'il va savoir sur quels éléments porter son attention. Et moi, en l'état, je me contente de regarder Dolorès, avec la bataille en excuse.
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- Zarathoustra
- Auteur du sujet
- Hors Ligne
- Messages : 2081
Pour ma part, j'aime avoir un cadre pour comprendre ce qui va se passer. Avant de voir les arbres, j'ai besoin de voir la forêt, et si on me dit qu'il y a ne forêt, je n'ai pas besoin qu'on me dise qu'il y a des arbres. Une formation que j'ai suivit expliquait que l'être humain se structure soit d'une façon (on voit des arbres et à partir de là on peut imaginer la forêt) soit de l'autre (on voit la forêt avant les arbres). Il n'y a pas de bon ou de mauvais fonctionnement mais les seconds perturbent beaucoup les premiers dans leur façon de présenter, tandis que les seconds peuvent ennuyer les seconds à rentrer trop dans les détails (quitte à ce qu'ils passent à côté de choses importante).Enfin j'ai toujours, pour ces trois paragraphes, l'impression de décor. Juste avant les éclaireures signalent l'approche des chevaliers : on a leur nombre mais rien de plus, et ils restent immatériels. Le pas lourd des chevaux, leurs colonnes, les lances dressées... il manque tout ce qui rendrait cet ennemi concret.
Et ma façon d'écrire résulte de ça parce que j'ai un esprit clairement dans le second groupe. Et j'ai besoin de savoir où on va me mener. Le suspense reste pour ma présent parce que c'est la confrontation de deux plans. En l'occurence, un camp qui sait qu'il se battra très différemment de ce qu'attend l'ennemi, individuellement plus dangeruex, de l'autre une masse qui doit déborder son ennemi et qui est porté par la certitude de faire le bien. Enoncer au départ ce plan ne dit pas qui va gagner mais juste comment il compte gagner.
Pourtant, vous avez raison de me dire que c'est redondant quand je le mets en oeuvre.
C'est pourquoi aussi que je pars souvent d'une sensation et que je l'explique après parce que dans ma tête, c'est ce qui se passe (Fufu me l'avait signalé en me disant que je me répétais souvent): je sens l'objet dans ma main puis je le vois et ensuite je cherche comment l'utiliser. Ce qui fait que je me place en tant que spectateur qui analyse ce qui se passe plus qu'il ne fait vivre les scènes. Que j'aime lire des récits où le personnage analyse effectivement ce qui lui arrive plus qu'on me montre leurs actions, car je veux savoir pourquoi il le fait, ce qu'il resent en le faisant parce que je touve ça plus immersif. Se placer dans l'action rend le lecteur spectateur.
Et je comprend d'un coup combien il m'est difficile de rentrer dans votre schéma, c'est quelque chose de viscéralement ancré en moi. Et pourtant, pour faire passer de l'action, c'est vous qui êtes dans le vrai.
Donc mon travail sera de faire coabiter ces deux mouvements: l'interiorité et l'extorité; la vision globale qui permet de comprendre les détails et le détail qui s'organise en un tout.
J'ai essayé d'intégrer ce que vous m'avez dit (en tout cas j'ai essayé de sortir de mon mode de foctionnement (et c'est ma foi très intéressant!)) pour ré-ecrire la partie avec Petit Louis. Si j'ai bien compris, il y a un problème de priorité et de rythme, donc j'ai gardé l'essentiel, j'ai supprimé quelques phrases et en ai déplacé certaines.
Dîtes moi si je vais dans le bon sens pour que je me plonge dans la suite. Ma première phrase d'ailleurs ne me plait plus du tout, et je sais que notre renard y tient tout particulièrement. Du coup, dans cette version, mon elfe a un côté machine, un côté Terminator qui me déplait...
VERSION 2 de la scène avec Petit Louis.
Plongé dans les vertes forêts de Locelane, Petit Louis était toujours à l’affût. Plusieurs traces de pas, de nombreuses empreintes de chevaux laissaient supposer qu’ils approchaient d’une communauté que personne ne connaissait. Il redoubla d’attention tout en gardant le contact avec les autres éclaireurs pour donner l’alerte aux moindres signes suspects. Et c’est ce qu’il percevait à l’instant : un bruit infime, un léger chuchotement qu’il identifia immédiatement comme étant un petit dialogue en elfe. Il se coucha, puis s’avança, pas à pas, évitant toute branche suspecte, profitant du moindre couvert. Il préféra s’arrêter un instant pour se calmer. Il avait peur, peur de toutes les histoires qui ne cessaient de hanter son enfance, peur des exactions de ces elfes noirs qui ignoraient la pitié, peur de mettre les pieds vers un danger tel qu’il n’en avait sans doute jamais approché. Son cœur battait maintenant la chamade. D’un geste nerveux, il essuya une goutte de sueur qui lui chatouillait la tempe.
Pourtant, il ne les comprenait pas. Il ne comprenait pas comment un peuple qui pouvait vénérer la forêt pouvait également dissimuler une telle cruauté. Il y avait là pour lui un paradoxe. La Nature pouvait être impitoyable, mais jamais elle ne l’était gratuitement. Du moins, c’est ce qu’il pensait. Toute son enfance avait été bercée par le chuchotement du vent dans les branches, par le mystère des ombres mouvantes dans la nuit, par la joie de capturer un lapin dans un collet. Ces plaisirs simples avaient fini par l’initier aux secrets les mieux gardés de la forêt. Il pouvait décrypter la moindre empreinte, le moindre sifflement. Là où tout autre entendait bruit confus et cris, il découvrait des dialogues amoureux, des avertissements aux dangers, des signes aussi clairs que les ordres de ses supérieurs.
Sa prudence fut récompensée. A huit pas, une elfe faisait le guet. Sa beauté était encore plus sauvage et troublante qu’il ne l’avait imaginée. Difficile d’imaginer qu’une créature si parfaitement constituée pour l’amour puisse dissimuler autant de noirceur et de cruauté. Difficile d’imaginer qu’un simple bustier de cuir et un pagne orangée fut un uniforme de soldat. Son vie passée dans les bois ne l’avait pas préparé à lutter contre le désir qui grandissait en lui. Vite, il se ressaisit pour prévenir ses compagnons car ils semblaient être hors du champ d’observation de l’elfe. Il les chercha autour de lui, mais à force de suivre ses pistes, il s’était coupé d’eux. Au lieu de dialoguer par geste, il émit un premier sifflement d’oiseaux. Le même cri lui fit échos. Le message était passé. La vigile se redressa d’un coup, en alerte. Il baissa la tête le plus possible et resta immobile le temps que son attention baisse.
Le campement ne devait pas être loin. Une clairière s’ouvrait à son regard à une dizaine de mètre en une trouée lumineuse au milieu des feuillages. Il voyait autour de lui les rayons de soleil percés les feuilles en traits à en devenir opaque au milieu de la douce pénombre des chênes qui dominaient de leur hauteur majestueuse quelques pins aux épines foncées. Un ruisseau ne passait pas très loin et apportait un clapotis rafraichissant à la chaleur moite de la forêt. Derrière les derniers écrans d’arbres, il vit plusieurs furies. Sous des branchages amoncelés, des tentes avaient été disposées de manière à profiter au maximum des troncs qui formaient comme un mur ovale autour d’elles. Il aperçut également quelques guetteuses dans des les plus solides branches des chênes qui surplombaient l’ensemble. Le plus calmement possible, il se retira de sa position, contourna l’ennemi et se glissa dans un buisson en rampant, puis dans un autre jusqu’à l’emplacement du camp. Elles étaient là, semblables à celle qu’il avait déjà vue. Elles étaient une cinquantaine, presque nues et avec un regard fascinant rempli de détermination et d’indifférence, mais avec ce sourire hautain et ironique qui lui glaçait le sang. Il décida de se retirer. A chaque pas, il examinait le sol et anticipait les couverts pour couper la vue de la guetteuse la plus proche. Il se redressa légèrement pour accélérer le pas une fois hors de portée de son regard, quand un léger craquement sur sa gauche le fit frémir. Etait-ce lui qu’il l’avait provoqué ? Non, il lui avait semblé être bien trop étouffé pour cela. Il s’arrêta. Quelque chose se déplaçait près de lui. Plus inquiétant, cela s’était arrêté en même temps que lui. Il filtra chaque bruit pour retrouver confirmation d’une présence. Inconsciemment, il avait coupé sa respiration. Un vent léger fit vibrer chaque feuille, chaque brin d’herbe et rafraichir sur tempes ruisselantes de sueur. D’autres bruits encore plus étouffés lui parvinrent, plus près. On s’approchait discrètement, avec la même vitesse et la même agilité que lui, ou plus précisément à la manière du lynx à l’affut de sa proie.
Quelque chose clochait. Il venait d’entendre quelque chose mais beaucoup plus en arrière et cette fois-ci sur la gauche. Ce n’était plus une source de bruit mais plusieurs autour de lui qui l’encerclaient. Les elfes devaient l’avoir détecté et le prenaient maintenant en chasse. Pourtant ses poursuivantes ne l’avaient encore parfaitement localisé. Il décida de se dissimuler derrière un nid de ronces contre un arbre. Les épines s’agrippèrent à sa jambe et griffèrent sa joue. Ainsi tirée, la ronce créa un mouvement de végétation sur un bon mètre de sa position, qui le fit frissonner de peur. Et il ne put empêcher le bruissement caractéristique des herbes sèches lorsqu’il s’assît. Il se recroquevilla pour se rapetisser, toujours aux aguets du moindre bruit, du moindre mouvement de végétation. Il n’avait plus qu’à les attendre, flèches à la main, tout près de son cœur qui battait au rythme de la gigue. Il en aperçut une qui se dirigeait droit sur lui, pas à pas, cherchant de ses yeux sa proie. Il s’apprêta à bander son arc. Déjà, il regrettait déjà de ne pas être meilleur archer. Il savait sa mort proche car un tel geste de défense le signalerait à toutes ses poursuivantes.
A son grand étonnement, elle bifurqua dans une autre direction sous l’impulsion d’un cri aigu. D’autre pas plus lourds résonnèrent, comme si on courrait. Un léger tumulte s’en suivit. Un de ses camarades venait d’être capturé ! Ses yeux avaient beau fouiller, rien ne lui permettait de confirmer ses soupçons. Il avait trop peur de redresser pour voir plus loin. Des bruits de flèches commencèrent à siffler dans l’air. Des voix résonnèrent. La ligne du front l’avait dépassé, il était seul. Il entendit parler autoritairement une langue qu’il ignorait donner manière. Le danger allait revenir sur lui.
Il n’avait pas une minute à perdre, il devait informer son capitaine, l’Oeil de Dieu, pour que cet ennemi soit neutralisé au plus vite avant qu’il ne prenne précipitamment la fuite. Lentement, le dos courbé au maximum, il reculait en prenant garde à ne pas se trahir. Une fois suffisamment éloigné, il se mit à courir, toujours en mesurant ses efforts pour ne pas faire craquer de bois mort ou faire bouger des branches. Il se retournait régulièrement pour observer si personne ne le poursuivait. Un gros pincement au ventre le saisit. Dans sa concentration pour s’approcher du camp, il avait commis une faute fatale, il avait oublié d’informer les autres éclaireurs…
Alors devant lui, sorti au milieu de fougères, se dressa soudain l’une de ces créatures qu’il fuyait. Elle avait un rictus arrogant, comme si elle savourait à l’avance ce qu’elle s’apprêtait à faire. Il n’avait qu’à décocher une flèche pour l’abattre et pourtant, il la regardait s’approcher, prête à esquiver son geste. Il arma son bras et leva son arc pour la viser. Elle sembla ignorer son geste. Il la regardait, paralysé, resserrer son étau dans un lent mouvement circulaire. Il ne la comprenait pas ; lui avait peur de mourir, peur de ces lames qu’on disait recouvertes de poison foudroyant, peur de souffrir s’il était blessé et elle semblait ignoré cette flèche qu’il n’avait qu’à décocher. Il ne fallait surtout pas qu’elle l’approche. Surtout pas qu’elle l’approche. Surtout pas… Il avait peur de louper sa cible, peur de ces lames qu’elle gardait croiser devant elle comme pour en faire un bouclier dérisoire.
L’elfe devinait la panique qui l’empêchait de tirer. Ses yeux flamboyaient. Elle appartenait à un monde étrange, où les anges ne sont qu’illusoire tentation. Des anges qui ricanent quand vient l’heure de mourir. Il ne restait qu’une poignée de mètres entre eux. Alors elle infléchit ses genoux pour bondir sur lui. Il lâcha la corde. La flèche siffla droit devant lui. Elle impacta le sol sans l’avoir touchée. Elle était si proche, si vulnérable. Elle avait fait une cabriole sur le côté et redressait déjà, prête se ruer sur lui. Vite, il jeta son arc pour se saisir de son couteau de chasseur. Par chance, il était beaucoup plus habile qu’avec son arc. Il s’était déjà battu contre des animaux sauvages que beaucoup auraient fuit. Sans s’en apercevoir, à son tour, il souriait. Ils s’observaient en tournant l’un et l’autre. Légèrement courbé, prêt à bondir à son tour, il tenait son couteau sur le côté, le faisait habilement passer de main en main. Il n’était pas un grand guerrier mais c’était encore avec ce mode de combat qu’il se sentait le plus à l’aise. Ils se tenaient face à face et elle s’approchait inexorablement, avec une lenteur calculée. Un court instant, il détourna son regard sur les formes rebondissantes qu’offrait son décolleté. Alors elle plongea sur lui. Pris de court par cette soudaine vivacité, il ne put que se jeter à terre pour éviter tout contact avec ces fameuses lames. A peine avait-il touché le sol qu’il projeta à son tour de toutes ses forces son couteau du bout de sa pointe. Après avoir fait un demi-pivot, la lame se dirigea droit sur elle. Elle eut juste le temps de se redresser qu’il se logea en plein dans l’abdomen. Il avait visé juste un peu plus haut, au cœur. Elle le regarda d’un œil noir qui souligna la gravité de sa blessure. Elle n’osa pas retirer le couteau pour ne pas amplifier l’hémorragie.
Après avoir marqué un court arrêt, elle continua de s’approcher de Petit Louis qui n’avait plus d’arme. Elle marchait, droit sur lui, avec une légère rigidité qui trahissait sa souffrance. Et pourtant, elle ne semblait toujours pas avoir peur, elle souriait plus encore face à cette proie maintenant si facile. Petit Louis, lui, ne pouvait plus rien faire, son arc était à plus de trois mètres. Alors, il se redressa à son tour. Il se mit à hurler pour se donner du courage en se ruant sur elle, avec une flèche à la main saisi à terre au vol comme ultime arme. Soit à cause de la douleur soit à cause de la surprise, la furie contracta ses muscles sans qu’aucune impulsion ne la dégage de l’assaut. La pointe se planta dans sa gorge. Cette fois-ci, elle resta figée, ses deux mains agrippées à la tige de la flèche logée dans sa carotide. Elle continuait juste à le regarder. Elle sembla vouloir dire quelques mots mais seul un gargouillis douloureux à entendre sorti de sa bouche. Il n’osait plus la toucher, il attendait qu’elle tombe. Alors, lentement, le regard toujours brillant, elle s’agenouilla, mit une main à terre, puis la seconde. Elle était à quatre pattes, comme un animal blessé. Il ne voyait plus ce corps arrogant, cette chair troublante. Devant lui, il n’avait plus qu’un être qui souffre et qui réalisait qu’il allait de mourir. Il ramassa son arc et l’acheva d’une dernière flèche. Lorsque le visage tomba enfin terre, elle souriait encore, avec un contentement amer sur ses lèvres poisseuses du sang noir qui lentement s‘en écoulait.
Son cœur battait si fort qu’il en avait du mal à respirer. Sa tête tournait. Il reprit sans s’en rendre compte le chemin de son camp. Lentement, il réalisait ce qu’il avait fait. La tension avait été telle que son esprit était complètement vide. Seule l’image de l’elfe à terre le hantait, tout comme l’idée d’avoir condamné ses compagnons éclaireur. De manière totalement instinctive, il arriva jusqu’aux premiers postes de l’avant garde. Il était le premier à faire son rapport, ce qui confirmait qu’ils avaient bien été tués par sa faute. Tous le regardaient d’un œil inquiet. Sa joue continuait de saigner sans qu’il ne la remarque. C’était une toute petite griffure de ronce, rien comparé aux blessures auxquelles il avait miraculeusement échappé. C’était il y avait quelques minutes à peine et tout lui paraissait depuis dérisoire. Il n’avait plus que deux mètre à faire pour rentrer dans la tente de son chef. Pourtant, quelque chose le retenait. Il avait peur d’avouer son erreur.
Devant l’agitation qui commençait à se répandre partout autour de la tente, l’Œil de Dieu sortit lui-même pour voir ce qui la causait et se retrouva pour ainsi dire nez à nez avec lui. A son tour, il comprit la gravité de la situation. Il s’empressa de le faire rentrer pour l’écouter. Son rapport suscita une certaine inquiétude et Thomas de Treillères partageait sa position sur la forte probabilité qu’une armée entière d’Elfes Noirs puisse se cacher dans les environs. La menace était en tout cas suffisante pour en référer au Sénéchal Vautreuil. Telles étaient les consignes. Mais le capitaine n’hésita pas long moment pour prendre seul l’initiative du combat, le risque de voir les furies disparaître en attendant les ordres était trop grand. Il décida d’envoyer toute sa cavalerie pour les retenir au plus pour les empêcher de fuir. Deux unités de chevaliers prendraient position sur les flancs ennemis et créeraient une force de frappe suffisante pour les neutraliser un instant, le reste de l’infanterie suivrait dès que possible pour achever l’encerclement. Le terrain allait être très défavorable aux cavaliers mais la nature psychopathe de leur adversaire devait les servir.
Pour Petit Louis, son travail était terminé, les vrais soldats entraient en action mais son cœur était lourd, des amis étaient sans doute morts à sa place et par sa négligence. Il rangea son arc et ses flèches, puis quitta la foule autour de lui sans mot dire. Il revit un à un les visages de ses compagnons avec qui ils avaient encore discuté ce matin de chasse ou de pêche. Et l’image du sourire de l’elfe gisant à terre était gravée en lui. Alors seulement, il se rappela qu’elle était restée belle jusque dans la mort. Il revit son bustier de cuir noir dévoiler son ventre d’albâtre, ses cuissardes remontées à mi-cuisse sortir de la large échancrure du pagne, cette chevelure sauvage qui flottait comme des serpents quand elle plongea sur lui. Il la revit accroupie comme offerte juste avant qu’il ne la tue à bout portant. C’était la seconde fois qu’il exécutait ainsi son travail de soldat. Et plus que jamais, il se sentait étranger à ce monde qui se mettait en branle autour de lui. Et sous ses yeux embués, des hommes s’apprêtaient à combattre une centaine de ces créatures. Il regarda un instant le ciel et s’agenouilla pour prier, lui qui ne croyait en aucun dieu.
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- Iggy Grunnson
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Dans l’ensemble je trouve que la scène est plus prenante : notamment la confusion de Petit Louis, qui ne sait pas exactement ce qu’il se passe tandis qu’il est tout près du camp, est bien rendue, et fait naître une vraie incertitude dans l’esprit du lecteur. A la limite, je trouve la dernière version du texte un peu longue et délayent un peu la tension, notamment la phrase :
Qui me semble de trop, mais c’est vraiment subjectif. Le combat proprement dit est bien retranscrit, et j’en retiens deux impressions : tout d’abord, Petit Louis n’est pas un bon soldat et ce sont ses réflexes de chasseurs qui le sauvent. Ce point là contribue à caractériser le personnage d’une façon plus parlante que ne l’aurait fait un long discours.Et il ne put empêcher le bruissement caractéristique des herbes sèches lorsqu’il s’assît
Le deuxième point, c’est la personnalité de la Furie, qui se révèle moins psychotique qu’attendu. A ce titre, sa mort est très significative ; mais la formule « contentement amer » parasite cette impression et redonne une dimension inhumaine à l’elfe. Tout en gardant cette idée, j’aurais mieux vu quelque chose du genre : « Elle souriait toujours, mais ce sourire là n’exprimait plus que l’amertume de la mort. » de façon à souligner l’égalité des adversaires devant la faucheuse.
En balayant le topic, je suis aussi tombé sur ce passage :
Je n'ai pas tout lu, seulement le début du combat entre les chevaliers et les furies. Pour moi le problème reste plus ou moins inchangé.
Toutes s’étaient plaquées contre des arbres pour casser l’élan de leur monture au moment de la charge. De toute façon, ils n’étaient qu’une avant-garde, elle savait qu’ils n’étaient là que pour les occuper avant que le gros des forces ne les rejoigne. Alors le vrai combat commencerait avec leur infanterie.
Dolorès souriait. Ces humains ne devaient pas s’attendre à un tel accueil. Elle respira longuement et amplement. Chassant l’appel hystérique qui montait en elle, elle serra fortement le manche de l’arme entre ses mains. (...)
La lame de son sabre droit et court au niveau de sa joue, elle pouvait déjà voir ses compagnes harceler l’ennemi. Elles avaient appris les techniques si particulières de Fayenacre. Le spectacle produit paraissait parfois irréel, comme un ballet macabre. Leurs gestes ne semblaient porter aucun coup, pourtant des jets de sang les ponctuaient régulièrement. Partout, un fracas métallique, des grognements, des cris, des hennissements sauvages emplirent l’espace en un instant.
Au premier paragraphe le combat n'a pas encore commencé. Les furies sont cachées derrière les arbres et l'ennemi se rapproche. Au second paragraphe le combat n'a toujours pas commencé, la seconde phrase ne signifie pas forcément que les humains viennent d'être surpris. Il peut aussi s'agir d'anticipation, et la troisième phrase implique encore de la préparation. Et là soudain troisième paragraphe, le début de la première phrase semble toujours être de la préparation, la fin de cette même phrase m'informe que la bataille est déjà en cours.
Pour moi la transition est toujours trop brusque.
Je dois dire qu’ici encore je suis assez d’accord avec Feurnard. Pour moi ça tient surtout au fait que pour l’essentiel l’intérêt de la charge réside dans l’impact lui-même : le passage soudain de la tension qui précède le combat au choc et au chaos, accompagné du vacarme des chevaux et des combattants.
Pour donner l'exemple d'un équivalent cinématographique qui devrait parler à tout le monde : dans la plupart des scènes de batailles du seigneur des anneaux, la musique s'arrête brusquement au moment du choc, de façon à en souligner la violence. On peut trouver le procédé un peu facile, mais à mon avis c'est cette transition là (ou cette absence de transition ?) qui manque dans la manière dont tu décris la charge. C'est un peu déstabilisant pour le lecteur, qui a l'impression d'avoir passé son temps à regarder dans une direction et que, lorsqu'il se retourne enfin, c'est pour se rendre compte que la bataille a débuté - sans lui - il y a belle lurette.
Iggy
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- Zarathoustra
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A la limite, je trouve la dernière version du texte un peu longue et délayent un peu la tension, notamment la phrase :
Et il ne put empêcher le bruissement caractéristique des herbes sèches lorsqu’il s’assît
En fait, c'est ridicule de la faire sourire. Elle a eu mal, donc faut que ça se voit. Donc plus de sourire dans la version finale.mais la formule « contentement amer » parasite cette impression et redonne une dimension inhumaine à l’elfe.
Vous avez encore une fois raison. Mais le vrai défit est de trouver des choses à dire d'original en de tel moment, et j'ai tendance à fonctionner par ellypse quand c'est pour aligner des clichés ou des banalités.On peut trouver le procédé un peu facile, mais à mon avis c'est cette transition là (ou cette absence de transition ?) qui manque dans la manière dont tu décris la charge. C'est un peu déstabilisant pour le lecteur, qui a l'impression d'avoir passé son temps à regarder dans une direction et que, lorsqu'il se retourne enfin, c'est pour se rendre compte que la bataille a débuté - sans lui - il y a belle lurette.
Je vais retravailler cette scène principalement en:
1- Travaillant le début en insistant sur la griserie de Petit Louis de suivre les pistes.
2- En séquençant difframment la pousruite
3- En scénarisant davantage le combat de Petit Louis. Peut-être en y gliassant des dialogues entre les deux protagonistes, car la scène peut s'y prèter. Et ça rendrait moins robotique l'attitude de l'elfe.
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- Zarathoustra
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J'ai essayé de travailler davantage des vues d'ensemble (sans doute pas assez, à Fufu de me dire si il visualise mieux) et essayer d'imbriquer un peu plus le décor.
Et j'ai parlé de la charge dont l'absence frustrait tant.
Gloablement, j'ai essayé de mieux séquencer, d'éviter de dire à l'avance ce qui allait se passer.
Je vous propose un découpage pour mieux lire et commenter. Pour tout vous dire, la Partie 1 ne me convient pas, elle est trop saccadée. A force de couper, déplacer, réjouter, elle n'a pas de rythme, de fuidité. Donc pour moi, c'est pas bon. Mais c'est surtout sur la suite que je veux avoir votre avis.
Donc voici la 2eme scène retravaillée. C'est censé être le climax du chapitre. Ca vous parait suffisamment fort ou il vous en manque encore? Je sais, c'est pas super épique, mais j'essaie de suivre aussi ma voie naturelle.
En fait, je veux qu'il y ait une incertitude sur le combat et en même temps qu'on cherche autre chose que le "qui va gagner?". Est-ce que ça prend?
2eme SCENE: Arrivée de la cavalerie puis de l'infanterie et les combats qui s'en suivent
-> Séquence 1
Le camp des elfes noires s’était soudainement animé. D’abord, le signal d’alerte avait retenti puis une chasse à l’homme s’était organisée. Grienlyce ne savait pas si elle devait considérer ces évènements d’un bon œil. Son unité sortait à peine du rétablissement de l’étrange et long calvaire qu’elles avaient subi toute la nuit durant grâce aux talents culinaires des bugnes. Comme elle avait déjà donné cet ordre quelques jours avant, elle hésitait à sonner le repli du camp. Elle avait besoin d’avantages d’éléments avant de déclencher ce nouveau déménagement.
Par mesure de sécurité, elle demanda de renforcer les positions de guets et de prévenir le deuxième camp. Il se tenait à une centaine de mètres et Dolorès la secondait au commandement. S’il y a avait le moindre doute, elle demanderait à ses unité de quitter la place. Les furies ramenèrent un homme, mort malheureusement, un carreau d’arbalète lui ayant traversé son cou. Il était difficile de déterminer qui il était : un braconnier ou un espion ennemi ? Elle voyait mal une armée s’éloigner autant du chemin traversant la forêt. Le principal danger qu’elle avait craint jusqu’à présent était les kobolds qui pouvaient très bien les découvrir avec leur satané tunnel. Elle était contrariée de ne pas avoir eu plus d’éléments pour prendre sa décision. Finalement elle ne donna pas d’autres consignes, préférant attendre le lendemain matin et son entretien avec la matriarche absente pour engager de nouvelles manœuvres, surtout que son unité restait affaiblie.
Quasiment simultanément, d’autres cris annoncèrent la présence toute proche d’ennemis. Grienlyce se mordit les lèvres, elle aurait dû écouter son instinct et évacuer le camp. Dolorès, elle, ne lui en aurait jamais voulu de s’^tre trompée, elle était dévouée à ses deux chefs, plus que tout au monde. Elle les avait suivis jusqu’ici, laissant derrière elle ses proches et son pays.
Une guetteuse vint à elle pour lui faire un bref rapport. Une dizaine d’homme se dirigeait vers elles, vêtus et se mouvant comme des éclaireurs. Des sœurs les avaient pris en chasse.
A son tour, elle chercha ses propres armes et les enduisit d’un liquide translucide. Elle fit quelque mouvement circulaire pour chasser l’excédent qui coulait encore. Elle appela ses soldats. Elle en disposait d’un peu plus de cent soixante.
« Surtout je ne veux pas d’imprudence tant que nous ne savons pas qui ils sont!»
Des bruits de sabots à droite, des souffles de chevaux renâclant à gauche, l’ennemi les encerclait ! Des furies armées d’arbalète prirent position dans les hautes branches des chênes. Bientôt, toutes furent en position, diversement cachées, prêtes à accueillir leur ennemi. Les bruits de sabots s’amplifiaient. D’abord droit devant elles, puis également sur leur gauche. Les guetteuses signalèrent des chevaliers, une vingtaine dans chaque unité. Certes, elles ne pouvaient pas faire grand-chose contre leur armure, mais elles avaient l’habitude de se battre contre eux.
Séquence 2
Toutes s’étaient plaquées contre des arbres de manière à casser l’élan de leur monture au moment de la charge à l’exception d’un noyau dur que Grienlyce gardait autour d’elle en renfort dans leur campement. Il avait également vocation a attiré les regards pour favoriser le lancement de l’opération de harcèlement.
Dolorès souriait. Ces humains ne devaient pas s’attendre à un tel accueil. Venir les déloger avec des chevaux était une bêtise sans nom ! Elle respira longuement et amplement. Chassant l’appel hystérique qui montait en elle, elle serra fortement le manche de l’arme entre ses mains. Le travail de sape de sa Matriarche pour chasser la perte de leur contrôle au combat fonctionnait pourtant depuis longtemps, mais rien n'y faisait ; à l’approche du combat, l’impulsion meurtrière tapie au plus profond d’elle était toujours prête à refaire surface. Les furies d’Aubemorte prenaient d’habitude des drogues de combat qui inhibaient leurs craintes, aiguisaient leur sens et insensibilisait leur corps. Mais leur matriarche leur avait interdit toute utilisation sans son ordre. A la place, elle leur avait apporté bien autre chose, une surprise pour ces humains qui avaient pu déjà les affronter. Devant elle, la première unité de cavaliers se lançait tant bien que mal au milieu du fatras des branches et d’arbres qui disloquait leur formation en ligne.
Séquence 3:
Pas très à l’aise sur son cheval, Petit Louis les guidait à travers le bois là où il avait vu le campement. Devant eux, avant de l’atteindre, il y avait plusieurs rideaux d’arbres qui offraient de splendides cachettes. Il en avait également repéré dans les arbres. Ainsi monté, la forêt lui sembla plus hostile, il devait sans cesse se baisser pour ne pas percuter de branches. Il détestait être à cheval. Bientôt, ils les virent au milieu du camp, prêtes à les accueillir. Alors il quitta ses compagnons pour mener à leur tour les fantassins selon le plan de Treillères. Lorsque le Chevalier Laennec avait aperçu les premières silhouettes des elfes, il se rappela encore des grivoiseries qu’on lui avait lancées au moment d’enfourcher son cheval.
« Tu vas pouvoir t’en donner à cœur joie à embrocher toutes ces femelles ! Gardes en pour les transpercer avec autre chose que ta lance ! »
Laennec avait lui-même fait l’arrogant en promettant de ne pas trop les amocher. Toutefois, quand leur capitaine était sorti pour leur rappeler leur mission, il s’était immédiatement repris. Un climat plus solennel recouvra le camp pour l’écouter. Il avait rappelé qu’ils allaient affronter de véritables guerrières et que ceux qui en doutaient ne reviendraient sans doute pas vivants. Le seul conseil qu’il leur donna fut d’exploiter les penchants psychotiques de leurs adversaires pour casser leurs lignes compactes. Il fallait les appâter, les piéger pour exploiter le surnombre qu’ils avaient.
Alors il leur demanda de prier une dernière fois. Un profond et digne murmure se souleva de la terre et monta au milieu de cette forêt comme un grondement sourd d’un lointain torrent. Bientôt un tourbillon de fureur emporterait tous ces hommes avec lui, pour que Vuldone grandisse ! Une immense vague allait balayer ces créatures de leurs terres vers la mort.
Lorsqu’ils se redressèrent pour prendre le départ, on entendit les vétérans grogner et exprimer tout leur dégoût de ces créatures. Fallait voir leurs minauderies avant de vous bondir dessus ! Pas si facile à exterminer, ces demoiselles, droguées comme elles sont! Et une fois sur vous elles faisaient pleuvoir une pluie de lames ! Avant qu’il ne monte sur son cheval, son ami Plisse-langue avait rajouté un dernier conseil. « Ouais, mon gars, ne regarde pas leurs nichons, sinon tu seras jamais en vie pour en rêver ce soir, crois-moi ! Assure-toi juste qu’elles soient bien mortes avant de leur tourner le dos…Et plutôt deux fois qu’une ! »
Séquence 4
C’étaient les derniers mots d’encouragements de Plisse-Langue le Jovial, pourtant pas du genre à se laisser impressionner. Il les avait combattus lorsque l’empereur avait voulu se venger de l’affront qu’il avait subi au début de son règne, une fois avoir déjoué leur manœuvre pour accuser les Rayonnants. Et jamais il n’aurait pensé en trouver sur leurs propres terres. Elles étaient parmi les pires ennemis de Vuldone.
Au fur et à mesure que sa monture l’emportait, Laennec sentait une profonde haine montée en lui et avait prié pour que son dieu lui donne la force de vaincre en son nom ces créatures blasphématoires. Mais maintenant qu’il les apercevait, il fut saisi par la beauté et la grâce qu’elles dégageaient. Mais leurs tenues décadentes refirent jaillir les mots de Plisse-Langue dans sa tête et il pressa les flancs de son cheval pour fondre sur elles. Les autres cavaliers se préparèrent aussi pour charger. « Pour Vuldone ! ». Une même clameur leur fit écho de l’autre côté. Déjà, des carreaux d’arbalètes pleuvaient sur eux. Quelques chevaux blessés hennirent, ruèrent, tandis que les autres franchissaient des troncs couchés sur le sol ou prenaient leur élan dans un grondement sourd. La terre commençait à vibrer sous le choc des sabots et volait sur leur passage.
Alors que la clarté de la clairière s’agrandissait à chacune des puissantes enjambées de leurs chevaux, des furies jaillirent des arbres pour les lacérer sur leur passage. L’élan de plusieurs chevaliers en fut coupé. Laennec n’arrivait pas à suivre les plus rapides d’entre eux. Il y avait trop de d’obstacles à contourner, de branches à éviter. Au moment où il s’apprêta à son tour à baisser sa lance, une elfe sortit de derrière un arbre et poussa un cri suraigu. Le cheval se cabra. Elle chercha ensuite à transpercer son torse. Encore en équilibre précaire, le cavalier réussit à se servir de sa lance, comme d’un bâton, et frappa suffisamment fort pour la projeter à terre. A deux reprises encore son cheval se redressa d’effroi, ses cuisses enserraient de toutes leurs forces ses flancs pour ne pas chuter. Au moment où il reprit le contrôle, les sabots écrasèrent violemment la furie qui, déjà, s’apprêtait à se redresser. Il ne prit pas le temps de regarder son état, il était devenu trop vulnérable s’il restait ainsi à l’arrêt. Déjà, il voyait un des siens à terres, avec deux guerrières autour de lui. Il décida de lancer son cheval contre elles mais arriva trop tard pour le sauver. Immédiatement, elles s’écartèrent de leur victime pour se protéger avec des arbres.
Séquence 5
La lame de son sabre droit et court au niveau de sa joue, Dolorés pouvait déjà voir ses compagnes harceler l’ennemi. Partout, un fracas métallique, des grognements, des cris, des hennissements sauvages emplirent l’espace en un instant. A son tour, elle rentra dans la ronde. Maintenant elle riait, un premier chevalier avait été désarçonné, sa lourde armure lui avait été complètement inutile contre la précision de son coup. Les techniques martiales qu’elles avaient extorques de Fayenacre déstabilisaient toujours autant leurs ennemis. « Non, pauvres humains, vous ne savez décidément pas qui vous affrontez ! »
Une voix l’avertit d’une menace derrière elle. Un chevalier avait réussi à se redresser de sol et levait son bras pour l’abattre de sa lourde épée. La lame siffla en redescendant mais se logea dans la terre. D’un coup de pied sur les côtes, elle le déséquilibra à nouveau. Cette fois-ci l’armure déjà rougit d’une précédente blessure l’immobilisa complètement. Elle s’approcha de lui et leva le heaume. Elle pouvait voir les yeux de l’humain paniqués devant son impuissance.
- Oui, tu vas mourir, et c’est une pauvre elfine qui va le faire, dit-elle en eldred. Et tu ne seras pas le dernier ! »
Elle leva à son tour son poignard, en le tenant des deux mains, la lame en bas. L’homme hurla toute sa peur en voyant s’approcher l’arme. Les plaques de métal qui recouvraient son corps grincèrent désespérément plus fort, ses bras se soulevèrent dans un ultime raidissement pour bloquer ce geste inexorablement fatal, jusqu’à ce que la lame atteignît son but dans un craquement sourd et plonge droit entre les deux yeux. Elle sourit en contemplant le spectacle A force de fixer la descente du poignard, il avait fini par loucher comiquement. Déjà le sang recouvrait peu à peu ce regard si ridicule. Elle plaqua son pied contre le casque pour retirer son arme, dans un crissement sec tandis qu’un jet rouge vif jaillit dans sa direction et éclaboussa son mollet en appui. Autour d’elle, d’autres humains arrivaient, une centaine de fantassins commençaient leur encerclement.
Séquence 6
Laennec avait hâte que ses frères fantassins arrivent. Il ignorait combien elles étaient, car elles ne cessaient de se déplacer, de tourner et de zigzaguer pour rendre toute charge impossible. Dans ce décor chargé par tant de nature, de cavité d’arbres, de troncs dressés ou couchés et de bosquets épais, c’étaient elles qui maîtrisaient la mobilité. Régulièrement des carreaux d’arbalètes sifflaient ; à chaque fois, il redoutait que son cheval n’en fût la cible.
Le capitaine les avait prévenus que leur mission serait ingrate, mais aucun chevalier ne s’était attendu à une telle débâcle. Au lieu de créer un mouvement de panique sur la charge, peu à peu les rôles s’inversaient, c’était lui qui évitait de se trouver en mauvaise posture. La plupart du temps, il se dégageait d’un endroit trop menaçant vers un endroit plus dégagé. Alors, à nouveau il devenait la cible de leurs carreaux d’arbalète. Enfin, il entendit les clameurs des renforts. Il regarda autour de lui, il compta à peine une quinzaine de cavaliers encore sur leur monture. A terre, presque aucunes furies ne gisaient.
Parmi les fantassins qui arrivaient, Plisse-Langue retrouvait ces fameuses elfes noires. Elles lui semblaient immuables. Il eut l’impression qu’il allait se battre contre les mêmes créatures qui les avaient repoussés en Aubemorte. Il retrouvait ces mêmes formes généreuses offertes à leurs yeux, ces mêmes sourires mutins mais il voyait surtout cette cruauté sombre qui luisait comme les vagues de la tempête dans leurs yeux. Planter une lame dans un corps aussi offert paraissait chose tellement aisée, mais ce corps se mouvait avec une habileté de félin et savait frapper aussi fort que le cobra. Malgré lui, tout comme la première fois, il sentit du désir monté en lui. Il pensait aux plaisirs qu’il devait y avoir à étreindre cette chair si parfaitement sculptée ; il pensait que seul l’amour d’une telle créature aurait pu le détourner de son dieu si elle n’avait pas été aussi subversive; il pensait à ses rêves fous qui peuplaient parfois ses nuits et qui le perturbaient si fort au matin. Alors il se remémora ses anciens frères tombés hier ou hurlant de leurs blessures et que l’on avait fini par abattre à leur tour pour abréger leur souffrance. Il revit son ami Lattrel, dit Latrine, un dur parmi les durs, le supplier comme un enfant de l’achever, avec des larmes de femmes. Il avait pourtant trois fois rien à l’avant bras, et puis une belle entaille sur les côtes, des blessures qui auraient à peine nécessité qu’on l’emmenât à l’infirmerie mais le poison lui dévorait la tête, disait-il, comme l’aurait fait un loup enragé ; il lui brûlait les entrailles ; il lui bloquait son souffle. Il hurlait comme si un démon prenait possession de son corps. Alors Plisse-Langue avait prit sa propre épée et la lui avait planté à trois reprises au niveau du cœur, pour être sûr que s’arrêtent les souffrances de son ami Lattrel, ce dur parmi les durs. Alors seulement, dans le combat qui commençait, il ne vit en face de lui que des soldats, des soldats à tuer pour qu’Eldone l’emporte sur les dieux corrompus des elfes noirs.
Les humains arrivaient de partout dans un large mouvement d’encerclement. Ils étaient eux-mêmes protégés des carreaux qui avaient plu sur les chevaliers par les mêmes arbres qui les avaient tant desservis. Pourtant, il suffisait de passer près d’un feuillage qui abritait dans ses branches l’une d’elles pour que commence un début de carnage. Par deux fois, il vit son voisin tombé avant même d’atteindre une ennemie. Mais enfin il arrivait au cœur du combat, avec un immense avantage numérique pour réduire à néant ces folles furieuses.
Séquence 7
Il profita que l’une d’elle était engagée au corps à corps pour planter son épée dans son dos. Eldone n’avait que faire de l’honneur face à de telles créatures ! Il enjamba un cheval mort, à peine franchi qu’il retombait dessus. Deux des siens reculaient sous les attaques de leurs adversaires. Il plongea dans ses jambes pour la faire chuter. Les lames empoisonnées le frôlèrent mais deux épées transpercèrent l’elfe à terre. Les humains prenaient tout particulièrement garde au champ d’action des poignards des furies. Ils reculaient au moindre doute, attendant le soutien d’un des leurs pour mieux les contrer. Partout on se bousculait, on se cognait contre des branches, trébuchait contre des racines. Si les furies s’étaient jouées des cavaliers, elles luttaient maintenant fréquemment contre plusieurs adversaires à la fois. Leurs traits se creusaient et leur donnaient une expression plus dure.
Plisse-langue se dégagea du corps inerte, qui était tombé sur lui et voulut s’emparer des poignards de l’elfe. Leur poids parfaitement équilibré donnait une impression de puissance. Il fait à peine un geste dans le vide qu’il dût faire face à lui à ces yeux noirs et brûlants, comme le volcan. Une nouvelle adversaire avait surgit et courait implacablement droit sur lui. Dolorès para à deux reprises ses coups comme si elle lisait en lui, comme si elle voulait jauger ce nouvel adversaire. Elle leva à son tour ses armes, une première fois pour contrer son épée, puis, en même temps qu’elle tendit son corps vers lui pour se désaxer, elle plongea la lame dans son flanc. Il réussit in extremis à se dégager pour que sa côte de maille bloque le tranchant. Son pied vola pour heurter de plein fouet l’elfe qui s’était déséquilibrée. Elle-même fit un saut en arrière sous le choc. Son pagne se souleva et découvrit une croupe gourmande et ferme, qu’il contempla dans un éclair. Tandis que l’étoffe redescendait, il ressentit une vive douleur dans la cuisse, puis au ventre, qui lui arracha deux grognements essoufflés. Dolorès s’était propulsée à l’aide de l’arbre qui avait bloqué sa chute. Elle ramena sa jambe arrière pour cisailler celles de l’humain. Il gisait maintenant à terre, cambré par la douleur. Compte tenu de la violence des coups et l’effet du poison qui dévorerait bientôt de l’intérieur, elle ne prit pas la peine de l’achever. Cela n’avait duré que le temps qu’il oublie qu’elle était un soldat. Cela n’avait duré que le temps qu’il vit en face de lui une femme.
Plisse-Langue voulut se redresser mais le poison commençait déjà à se diffuser dans son corps. Alors, il poussa les mêmes hurlements, que la dizaine d’autres moines guerriers qu’elles avaient laissés au sol en vie. C’était leur façon de procéder. Ces cris tourmentaient leurs ennemis et obnubilaient leur esprit du pouvoir de leur poison. Et cette peur de finir comme les blessés qui jonchaient le sol étaient de plus en plus dans le ventre des soldats. A son tour, il aurait voulu qu’on l’achevât, mais les combats étaient trop à leur comble pour qu’on entende cette dernière prière.
Séquence 8
Pourtant, autour de lui, les furies avaient beau lutter de tout leur cœur, avec tout leur courage, les humains prenaient le dessus. Ils étaient bien trop nombreux et il leur fallait réaliser des prouesses pour parer chacun de leur coup quand elles luttaient en même temps contre deux ou trois soldats. Et elles, elles étaient condamnées à parer chaque coup, quand une simple côte de maille pouvait parfois leur laisser un peu de répit. Grienlyce regardait autour d’elles les pertes, des dizaines d’entre elles gisaient déjà à terre. Ses humains étaient bien plus coriaces que ceux qu’elle avait déjà rencontrés. Une lueur sombre brillait dans leurs yeux, comme la folie de Dieu. Décidément les rôles étaient inversés, à elles la Raison et à ses ennemis la Folie ! Tout ceci aurait pu être comique si la survie de son unité n’était pas en jeu.
De son côté, l’œil de Dieu, qui était maintenant arrivé sur les lieux avec l’arrière de son unité, ne s’était pas attendu pas à un tel carnage. Mais qui pouvaient être ces elfes ? Jamais elles n’auraient dû se battre de la sorte. Elles se jouaient de ses hommes avec une précision peu commune. Elles s’étaient attaquées prioritairement aux chevaux et quand son infanterie s’étaient ruée sur elles, elles les avaient forcés à se battre là où elles l’avaient voulu. Ses hommes n’arrivaient pas à exploiter la fureur aveugle de leur adversaire. Quoiqu’ils fissent, elles conservaient leur discipline. Il avait aperçu plusieurs chefs qui régulièrement distribuaient leurs ordres dans le tumulte. Il commençait à regretter son initiative. L’arrivée avec lui de l’infanterie aurait dû briser les lignes ennemies bien plus rapidement. Mais il sentait ses hommes plein de peur maintenant qu’ils voyaient autour d’eux le ravage des poisons d’Aubemorte. Elles n’avaient pas ces élans incontrôlés auxquels il s’était attendu et son plan n’avait pas fonctionné. Il en oublia un instant l’évidence du surnombre. La victoire était sienne mais une telle hécatombe dans ses rangs pour si peu était intolérable. En contemplant la fatale sensualité dégagée par leur corps presque dévoilée et leur acharnement désespéré à survivre, il ne pouvait que les admirer. Plus il les regardait et plus il les voyait maintenant en véritables soldats. Il enviait leur grâce, il enviait leur foi à se battre avec tant d’énergie. A aucun moment, il ne voyait des signes de peur en elles, alors qu’au fond des yeux de ses hommes, il ne lisait qu’effroi ou fureur aveugle. L’idée de les laisser en vie germait dans son esprit. D’ailleurs, pour rattraper le gâchis qui se déroulait sous ses yeux, il devait en apprendre plus sur elles.
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- Vuld Edone
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Enfin bon.
En général c'est bien meilleur, au niveau du combat pur, on visualise beaucoup mieux.
Deux passages dans la séquence 1 m'ont posé problème :
Ici tu donnes un événement, et à ce point on se trouve donc "après" l'événement : le camp s'est animé. Mais à la phrase suivante tu reviens sur les deux phases de cette animation, et ce "d'abord" m'a fait l'effet d'un retour dans le temps. On veut savoir le pourquoi de cette animation, ce qu'elle va donner ; pas de quoi elle se compose.Le camp des elfes noires s’était soudainement animé. D’abord, le signal d’alerte avait retenti puis une chasse à l’homme s’était organisée.
Il suffirait de très peu pour briser l'effet : "Le camp des elfes noires s'était soudain animé. Au signal d'alerte la chasse à l'homme s'organisait." Entre nous, je suis sceptique quant à l'emploi de "soudain" avec un plus-que-parfait... Je mettrais "Le camp s'anima. Au signal d'alerte les elfes noires se lançaient en chasse." Et c'est bête à dire mais je préfère "se lançaient" et un imparfait à "partirent" et un passé simple uniquement pour que le lecteur se focalise sur les elfes noires, plutôt que sur l'action elle-même...
Elle, elle, elle, elle... Je ne vois pas ce que le paragraphe gagne à une telle répétition. Il n'était même pas utile de la faire appeler ses soldats. Elle est la cheffe, il ne serait pas étonnant que ceux-ci viennent à elle. En renard, je m'amuserais même à mélanger "elle" et "elles", les soldats, mais encore faut-il que cela fasse sens.A son tour, elle chercha ses propres armes et les enduisit d’un liquide translucide. Elle fit quelque mouvement circulaire pour chasser l’excédent qui coulait encore. Elle appela ses soldats. Elle en disposait d’un peu plus de cent soixante.
Quoi qu'il en soit, c'est du détail. La séquence 1 propose toujours beaucoup de commentaires qui tuent l'action mais c'est, à mon avis, uniquement parce qu'ils ne sont pas assez intégrés à l'anticipation du combat - ils ne sont pas intégrés à la narration, ils n'ont pas encore trouvé leur place.
Le début du dernier paragraphe de la séquence 1 est suffisant pour placer l'action. Rien que cela me permet de comprendre ce qui se passe, et fait ressentir le danger. La dernière phrase de la séquence deux est également amplement suffisante pour faire ressentir la charge, et même si je saute toujours les commentaires - sans doute parce que je les connais déjà - je suis "pris" par la bataille.
Autant qu'un renard puisse l'être.
La transition de la séquence 3 m'a d'autant plus surprise qu'elle est bien pensée, à l'instant même du choc on nous reporte en arrière, et notre curiosité de lecteur "mais comment s'est passé le choc" est attisé.
Ce qui me fait penser aussi que, dans les séquences 1 et 2, on a l'impression d'avoir la focalisation de Dolorès, que les événements nous viennent à travers elle. Or parfois la narration nous donne des informations omniscientes, ou de façon omnisciente, et cela rend le texte un peu artificiel.
J'ai remarqué aussi que tu mettais parfois des points d'exclamation sans forcément être convaincu. Je pense à "l'ennemi les encerclait !" Pourquoi s'exclamer là ? Peut-être retranscrire le sentiment des furies, je suppose... Pour ma part j'ai eu l'impression que le narrateur me secouait comme un prunier avec un sourire d'enfant.
De tout cela je retiens une chose : il te suffit d'une phrase pour rendre la bataille vivante. Tu n'as pas besoin de plus. Une phrase bien placée fera le travail.
J'ai encore lu la séquence 4 pour me persuader que l'action ne te posait pas de problème. Le combat est plutôt calme avec toi, tu décomposes et tu expliques chaque mouvement. On ne "voit" pas autant que dans d'autres récits mais cela n'empêche pas le combat d'être prenant, et donne plus de place aux commentaires qui s'insèrent plus naturellement.
C'est peut-être un mauvais conseil mais le meilleur moment pour les commentaires serait justement à l'instant où on attendrait une action, ou plutôt où on devinerait l'action à venir, que le commentaire couperait en donnant l'état d'esprit du combattant ou son avis sur la situation... Le lecteur acceptera, à mon avis, plus volontiers de lire ces commentaires qu'entre deux combats où il trouvera juste que cela ralentit l'action. D'autant plus que le commentaire peut expliquer pourquoi l'action suivante n'est pas forcément celle qu'il attendait, augmentant d'autant le suspense.
Il m'arrive pour ma part d'insérer une brève description entre deux actions justement pour cet effet d'attente où la description peut modifier la perception de ce qui se déroule à l'instant, et c'est un bon moyen de décrire sans que le lecteur ne décroche - même si, très souvent, cela facilite la confusion.
Donc ma seconde conclusion est, tu n'as aucun problème à faire du combat, et ça n'a pas à être épique. Tu en ferais peut-être même un peu trop, aux objectifs du texte ce n'est pas si utile.
Mais Vuldone ?
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- Zarathoustra
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etIl suffirait de très peu pour briser l'effet : "Le camp des elfes noires s'était soudain animé. Au signal d'alerte la chasse à l'homme s'organisait
Je l'ai dit, cette séquence est nulle. Elle ne finctionne plus parce que je lui ai vidé sa substance à force de déplacer des choses et à vouloir y mettre ce que je n'arrivais plus à mettre ailleurs. En relisant avant de proposer mes corrections, j'avais l'impression de lire une succession de phrases sans rapport entre elles et/ou sans intérêt.Elle, elle, elle, elle... Je ne vois pas ce que le paragraphe gagne à une telle répétition. Il n'était même pas utile de la faire appeler ses soldats.
Donc soit j'arrive à leur redonner un intérêt soit elles sauteront (mais ça fait toujours mal, donc je préfère laisser décanter et qu'une étincelle me permette de reconstruire la séquence (peut-être autour du poison).
Là aussi, en reliant, j'ai été frappé comme toi. Mon crayon à tout de suite biffer ce points d'exclamation qui n'était qu'un vestige inutile de ma dase de départ de travail. Et elle datait d'un temps où j'en abusais (portée par le lyrisme à la Céline ou de MaiakovskiJ'ai remarqué aussi que tu mettais parfois des points d'exclamation sans forcément être convaincu. Je pense à "l'ennemi les encerclait !" Pourquoi s'exclamer là ?
Cela vient du fait que j'avais compris que mon texte était trop collé aux yeux de mes personnages et qu'il vous manquait un peu de hauteur pour voir l'ensemble. Il est donc posible qu'en voulant élargir la vision de la scène j'"omnisciente" l'elfe?Or parfois la narration nous donne des informations omniscientes, ou de façon omnisciente, et cela rend le texte un peu artificiel.
Ca, c'est ce que je croyais avant vos réactions. C'est un équilibre plus subtile. Le problème, c'est que ces phrases de bataille "vivante" , je les trouves affreusement cliché dans mon texte (à moins que tu ne fasses pas réference aux mêmes). Les sabots qui lève la terre... Le fracas des armes... Je pense qu'il ne doit pas y avoir un seul texte de combat qui ne les emploie pas! Idéalement, j'aimerais trouvé des images et du vocabulaire pas si galvaudés, parce que là... franchement, j'ai trouvé du tout fait.De tout cela je retiens une chose : il te suffit d'une phrase pour rendre la bataille vivante. Tu n'as pas besoin de plus. Une phrase bien placée fera le travail
Le séquence 4 est plus une mise en bouche. La vraie séquence serait la 7. Mais la lisant à la lumière de ton commentaire, je comprends que j'ai échoué. C'est un combat "calme" de plus.J'ai encore lu la séquence 4 pour me persuader que l'action ne te posait pas de problème. Le combat est plutôt calme avec toi, tu décomposes et tu expliques chaque mouvement. On ne "voit" pas autant que dans d'autres récits mais cela n'empêche pas le combat d'être prenant, et donne plus de place aux commentaires qui s'insèrent plus naturellement.
A la limite, la séquence 5 est la plus tonique (je lai encore retravaillé pour simplifier quelques phrases, pour renforcer le rythme).
Mais la 7 ne fonctionne pas à hauteur de ce que je souhaite. Je veux une sorte de crescendo entre la 4, la 5 puis la 7. Et pour ne pas lasser, il ne faut pas que la 4 soit trop forte. En tout cas, c'est ce que je me dis. D'un autre côte, comme le chapitre commence à être long, je ne veux pas non plus partir sur plusieurs pages pour un duel. Mais le combat 7 manque de la petite étincelle qui marquerait l'esprit.
Et je veux que le duel entre Petit Louis et son adversaire dans la première partie soit l'autre moment fort, c'est pourquoi je vais renforcer sa durer. Le but sera aussi de montrer que c'est dur de tuer quelqu'un quand on est normal comme lui.
Donc c'est pas encore enthousismant... Le pire c'est que tu as raison. A l'intérieur des autres chapitres, c'est sûr que celui-là sera le plus rythmé. Mais si on le prend tout seul, il continue de faire eau tiède.En général c'est bien meilleur, au niveau du combat pur, on visualise beaucoup mieux.
Je capitalise au niveau plus global du reécit sur le fait que les furies sont un élément important du récit, donc que le lecteur sera plus inquiet de leur sort si tenté qu'elles lui inspirent de la sympathie. Et Petit Louis aussi est un acteur important, donc il y a la rencontre de deux protagonistes clés. Et la fin du chapitre permet de chose: que Petit Louis bascule vraiment dans "son" histoire en provoquant la rencontre qu'il attendait tant; et la capture des furies empêche une rencontre attendue, celle de leur mystérieuse chef qui dévoilait son vrai rôle.
Donc je pense avoir un certain suspense au-delà la scénarisation du chapitre. Mais je me dis que le lecteur commencera le chapitre avec des attentes fortes, donc il faut que j'arrive à le combler.
Quoi, le nom ne te plait pas? Au début, j'étais partie sur Feurnor, mais j'ai eu un vieux doute sur les noms du SdA. Mon texte s'amuse avec les noms de notre communauté (parce que j'ai toujours du mal à trouver des noms). Donc Feurnor, c'était un clin d'euil à Feurnard. Du coup j'ai changé en Vuldone. C'est toi qui a la plus beau rôle: un Dieu! Les autres n'ont droit qu'à des personnages tertiaires, des forteresses ou des Comtés. Le monde s'appel Jourzancyen, ça vous dit rien?Mais Vuldone ?
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- Zarathoustra
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Et puis ça peut être intéressant de voir coment un auteur tatonne laborieusement sur un texte. J'ai essayé de travailler diffréemment le combat. Un peu plus sec, et j'ai essayé d'humaniser l'elfe (je pense récuperé pour elle un personnage qui sera déjà apparue avant). Sans votre aide, je ne pense pas pouvoir faire mieux en matière d'action.
Mes principales interrogations sont sur le rythme, sur la longueur des scènes et l'intérêt que suscite cette partie de mon chapitre, sachant qu'il s'agit de la plus longue séquence. N'a-t-on pas envie de sauter des praragraphes? Cela vous parait-il vivant et immersif?
SCENE DEPART AVEC PETIT LOUIS
Les frondaisons des arbres laissaient peu de places au-dessus de la tête des éclaireurs pour découvrir le calme ballet des nuages clairsemés, dans un azur illuminé. Chacun avançaient dans leur périmètre, échangeait par geste les signes qu’ils arrachaient à la forêt qui les entourait. De leur investigation dépendait le succès d’Œil de Dieu. Ils venaient de franchir une crête et, maintenant, ils voyaient l’étendue moutonneuse et verte dans laquelle ils allaient replonger. Dans le ciel qui s’ouvrait enfin à leurs yeux, le soleil, à son zénith, faisait scintiller le tapi de feuilles qui s’étalait droit devant eux à perte de vue. Deux massifs à la roche gris clair apportaient leurs notes claires. Derrière eux, la grande route de Locelane découpait en deux les vastes étendues de feuilles, comme une rivière. Petit Louis piaffait déjà de reprendre son travail. Ils avaient tous été persuadés qu’ils auraient trouvé le camp elfes noirs ici, derrière cette longue pente, car la crête offrait des postes de guet idéaux. Lui s’était montré plus sceptique, ce choix lui paraissait à la fois trop évident et trop près de la grande route qui coupait en deux la forêt. A leur place, il se serait mis beaucoup plus bas, sans doute autour des rochers qu’on devinait plus au sud.
Quelques lieues plus loin, plusieurs traces de pas et de nombreuses empreintes de chevaux laissaient supposer qu’ils approchaient d’un groupe de cavaliers et de fantassins comme devait l’être composée l’armée elfes noirs. Ses intuitions étaient les bonnes. Il redoubla d’attention tout en gardant le contact avec les autres éclaireurs pour donner l’alerte aux moindres signes suspects. Et c’est ce qu’il percevait à l’instant : un bruit infime, un léger chuchotement qu’il identifia immédiatement comme étant un petit dialogue dans une langue étrangère. Il se coucha, puis s’avança, pas à pas, évitant toute branche suspecte, profitant du moindre couvert. Il préféra s’arrêter un instant pour se calmer. Il avait peur, peur de toutes les histoires qui ne cessaient de hanter son enfance, peur des exactions de ces elfes noirs qui ignoraient la pitié, peur de mettre les pieds vers un danger tel qu’il n’en avait sans doute jamais approché. Pourtant, il ne les comprenait pas. Il ne comprenait pas comment un peuple qui pouvait vénérer la forêt pouvait également dissimuler une telle cruauté. Il y avait là pour lui un paradoxe. La Nature pouvait être impitoyable, mais jamais elle ne sévissait gratuitement. Du moins, c’est ce qu’il pensait.Son cœur battait maintenant la chamade. D’un geste nerveux, il essuya une goutte de sueur qui lui chatouillait la tempe.
Puis, cette peur devint excitation. Une branche cassée par ci, une feuille retournée par là, il avait enfin trouvé une succession d’empreintes qui lui donnait une direction plus claire. Il jubilait. La Nature lui donnait les clés de sa mission sur un plateau. Alors il plongea plus encore dans cette nature pour se fondre en elle. Il se sentait bien, il était dans son élément, loin de la discipline qu’on lui imposait, loin des rituels religieux auxquels il se pliait plus ou moins. Il ne faisait qu’un avec la forêt. Toute son enfance avait été bercée par le chuchotement du vent dans les branches, par le mystère des ombres mouvantes dans la nuit, par la joie de capturer un lapin dans un collet. Ces plaisirs simples avaient fini par l’initier aux secrets les mieux gardés de la forêt. Il pouvait décrypter la moindre empreinte, le moindre sifflement. Là où tout autre entendait bruit confus et cris, il découvrait des dialogues amoureux, des avertissements aux dangers, des signes aussi clairs que les ordres de ses supérieurs.
Qu’un grand danger ne soit pas loin lui paraissait soudain abstrait. Il était grisé par son instinct de chasseur. L’espace de quelques secondes, les elfes noirs qu’il pistait ne furent qu’un gibier comme les autres. Comme tel, il devait s’infiltrer au plus près de lui sans être vu. Voir et ne pas être vu, la pierre angulaire de tout. Il rampa sur quelques mètres. Près d’un tronc, un pied avaient fraîchement écrasées plusieurs herbes, qui hésitaient encore à se redresser. Sa vue était encore bouchée par un écran de fougères. Il était tout excité par ce qui pourrait se dévoiler à lui.
Sa prudence fut récompensée. A une vingtaine de pas, une elfe faisait le guet. Sa beauté était encore plus sauvage et troublante qu’il ne l’avait imaginée. Difficile d’imaginer qu’une créature si parfaitement constituée pour l’amour puisse dissimuler autant de noirceur et de cruauté. Difficile d’imaginer qu’un simple bustier de cuir et un pagne orangé fussent un uniforme de soldat. Vite, il se ressaisit pour prévenir ses compagnons hors du champ d’observation de l’elfe. Il les chercha autour de lui, mais à force de suivre ses pistes, il s’était coupé d’eux. Au lieu de dialoguer par gestes, il émit un premier sifflement d’oiseaux. Le même cri lui fit échos. Le message était passé. A ces appels, la vigile se redressa d’un coup, en alerte. Il baissa la tête le plus possible et resta immobile le temps que son attention baisse.
Le campement ne devait pas être loin. Une clairière s’ouvrait à son regard à une dizaine de mètres en une trouée lumineuse au milieu des feuillages. Il voyait autour de lui les rayons de soleil percés les feuilles en traits à en devenir opaque au milieu de la douce pénombre des chênes. Leurs branches dominaient de leur hauteur majestueuse quelques pins aux épines foncées. Un ruisseau ne passait pas très loin et apportait un clapotis rafraichissant à la chaleur moite de la forêt. Alors, dans ce paysage qu’il aimait tant, derrière les derniers écrans d’arbres, il vit plusieurs furies. Sous des branchages amoncelés, des tentes avaient été disposées de manière à profiter au maximum du camouflage naturel des arbres qui formaient comme un mur ovale autour de la clairière. Il aperçut également quelques guetteuses dans les plus solides branches des chênes qui surplombaient l’ensemble. Le plus calmement possible, il se retira de sa position, contourna l’ennemi et se glissa dans un buisson en rampant, puis dans un autre jusqu’à l’emplacement du camp. Elles étaient là, semblables à celle qu’il avait déjà vue. Elles devaient être une cinquantaine, presque nues et avec un regard fascinant rempli de détermination et d’indifférence, mais avec ce sourire hautain et ironique qui lui glaça le sang. Sa vie passée dans les bois ne l’avait pas préparé à lutter contre les étranges pulsions, qui grandissaient en lui, stimulées par l’excitation du danger. Par prudence, il doubla ce chiffre dans sa tête et décida de se retirer.
A chaque pas, il examinait le sol et anticipait les couverts pour couper la vue de la guetteuse la plus proche. Une fois hors de portée de son regard, il se redressa légèrement pour accélérer le pas quand un léger craquement sur sa gauche le fit frémir. Etait-ce lui qu’il l’avait provoqué ? Non, il lui avait semblé bien trop étouffé. Il s’arrêta. Quelque chose se déplaçait près de lui. Plus inquiétant, cela s’était arrêté en même temps que lui. Il filtra chaque bruit pour retrouver confirmation d’une présence. Inconsciemment, il avait coupé sa respiration. Il décida de se dissimuler derrière un nid de ronces contre un arbre. En posant son pied, il tira sur l’une d’elles. Une onde agita la broussaille sur un bon mètre. Il frissonna. Tous ses sens étaient aux aguets pour savoir s’il s’était fait repérer. Un vent léger rafraîchit ses tempes ruisselantes de sueur et fit vibrer chaque feuille, chaque brin d’herbe. D’autres bruits encore plus étouffés lui parvinrent, plus près. On s’approchait discrètement, avec la même vitesse et la même agilité que lui, ou plus précisément à la manière du lynx à l’affut de sa proie.
Quelque chose clochait. Il venait d’entendre non pas une source de bruit mais plusieurs autour de lui et qui l’encerclaient, beaucoup plus en arrière et aussi sur la gauche. Les elfes devaient l’avoir détecté et le prenaient maintenant en chasse. Pourtant ses poursuivantes ne l’avaient encore parfaitement localisé. Il se recroquevilla pour se rapetisser, toujours aux aguets du moindre bruit, du moindre mouvement de végétation. Il n’avait plus qu’à les attendre, flèches à la main, tout près de son cœur qui battait la chamade. Il en aperçut une qui se dirigeait dans sa direction, pas à pas, cherchant de ses yeux sa proie. Il s’apprêta à bander son arc. Déjà, il regrettait déjà de ne pas être meilleur archer. Il savait qu’un tel geste le signalerait à toutes ses poursuivantes et l’entraînerait certainement vers la mort.
A son grand étonnement, elle bifurqua dans une autre direction sous l’impulsion d’un cri aigu. Tout autour de lui, d’autre pas plus lourds résonnèrent, comme si on courrait. Plein de tumulte suivit. Un doute s’installa en lui. Ses camarades venaient d’être capturés ou pire encore ! Ses yeux avaient beau fouiller, rien ne lui permettait de confirmer ses soupçons. Il avait trop peur de redresser pour voir plus loin. Des bruits de flèches commencèrent à siffler dans l’air. Des voix résonnèrent. La ligne du front l’avait dépassé, il était seul. A nouveau, il entendit parler autoritairement une langue qu’il ignorait. Le danger allait revenir sur lui.
Il n’avait pas une minute à perdre, il devait informer son capitaine, l’Oeil de Dieu, pour que cet ennemi soit neutralisé au plus vite avant qu’il ne prenne précipitamment la fuite. Il ne put empêcher le bruissement caractéristique des herbes sèches lorsqu’il se redressa. Lentement, le dos courbé au maximum, il reculait en prenant garde à ne pas se trahir. Alors, une fois suffisamment éloigné, il se mit à courir, toujours en mesurant ses efforts pour ne pas faire craquer de bois mort ou faire bouger des branches. Il se retournait régulièrement pour observer si personne ne le poursuivait. Un gros pincement au ventre le saisit. Dans sa concentration pour s’approcher du camp, il avait commis une faute fatale, il avait oublié d’informer les autres éclaireurs…
Alors devant lui, sortie au milieu de magnifiques fougères, se dressa soudain l’une de ces créatures qu’il fuyait. Elle avait un rictus arrogant, comme si elle savourait à l’avance ce qu’elle s’apprêtait à faire. Il n’avait qu’à décocher une flèche pour l’abattre et pourtant, il la regardait s’approcher, prête à esquiver son geste. Il arma son bras et leva son arc pour la viser. Elle sembla ignorer son geste. Il la regardait, paralysé, resserrer son étau dans un lent mouvement circulaire. Il ne la comprenait pas. Lui avait peur de mourir, peur de ces lames qu’on disait recouvertes de poison foudroyant, peur de souffrir s’il était blessé, alors qu’elle semblait ignorer cette flèche qu’il n’avait qu’à décocher. Il ne fallait surtout pas qu’elle l’approche. Surtout pas qu’elle l’approche. Surtout pas… Il appréhendait tellement de manquer sa cible, que ces lames qu’elle gardait croiser devant elle comme pour en faire un bouclier dérisoire ne s’abattent alors sur lui...
L’elfe devinait la panique qui l’empêchait de tirer. Ses yeux flamboyaient. Elle appartenait à un monde étrange, où les anges ne sont qu’illusoires tentations. Des anges qui ricanent quand vient l’heure de mourir. Il ne restait qu’une poignée de mètres entre eux. Alors elle infléchit ses genoux pour bondir sur lui. Il lâcha la corde. La flèche siffla droit devant lui. Elle traversa l’air et impacta le sol, au loin, sans la toucher. Elle était pourtant si proche, si vulnérable. Comment avait-il pu la manquer ? Elle avait fait une cabriole sur le côté et se redressait déjà, prête se ruer sur lui. Vite, il jeta son arc pour se saisir de son couteau de chasseur. Par chance, il était beaucoup plus habile qu’avec son arc. Il s’était déjà battu contre des animaux sauvages que beaucoup auraient fuis. Face à face, légèrement courbés et prêts à bondir, ils s’observaient en tournant l’un et l’autre. Quant à elle, la guerrière s’approchait inexorablement, avec une lenteur calculée.
- Tu n’as pas saisi ta chance, fit l’elfe avec un fort accent. Dommage pour toi…
Lui tenait son couteau sur le côté, le faisant habilement passer de main en main. Il n’était pas un grand guerrier mais c’était encore avec ce mode de combat qu’il se sentait le plus à l’aise. Sans s’en apercevoir, à son tour, il souriait.
- Je n’ai jamais eu de chance et pourtant je suis toujours en vie !
Même au combat, le corps de l’elfe conservait sa suave arrogance. Régulièrement, les formes rebondissantes qu’offrait son décolleté détournait fugacement le regard de Petit Louis des lames contre lesquels Pisse-Langue l’avait tant mis en garde. Elle en profita pour prendre l’initiative et plongea sur lui. Pris de court, il ne put que se jeter à terre afin d’éviter tout contact avec les poignards A peine eut-il touché le sol qu’il projeta de toutes ses forces le couteau du bout de sa pointe. La lame fit un demi-pivot et fonça droit sur elle. Elle eut à peine le temps de se redresser que la pointe, profondément, s’enfonça en plein dans l’abdomen. Il avait visé juste un peu plus haut, en plein cœur. Elle stoppa nette sous le choc. Pour ne pas amplifier l’hémorragie, elle laissa le couteau planté en elle et reprit son approche, droit sur Petit Louis qui n’avait plus d’arme, avec une légère rigidité qui trahissait une vive souffrance.
Et pourtant, elle ne semblait toujours pas avoir peur, elle souriait plus encore face à cette proie maintenant si facile. Petit Louis, lui, ne pouvait plus rien faire, son arc était à plus de trois mètres. Alors, il se redressa à son tour. Il se mit à hurler pour se donner du courage en se ruant sur elle, avec une flèche à la main volé au sol comme ultime arme. Elle balaya d’un large revers de lame la menace pendant qu’elle arma son deuxième poignard pour le plonger en plein cœur. La douleur contacta légèrement son geste, suffisamment pour que l’humain réussisse à bloquer à temps de sa main libre son poignet et provoquer leur déséquilibre. Dans leur chute, il sentit contre lui le manche du couteau. L’elfe se recroquevilla de douleur sous le choc et chercha à le frapper à l’aveugle. Alors, il sauta sur elle pour lui arracher son arme du corps. Elle hurla jusqu’à en avoir des larmes. Elle le projeta de toutes ses forces contre un arbre en pliant ses jambes sous lui. Tandis que l’effort lui arrachait des grognements plaintifs, elle se dégagea en roulant à terre. La plaie saignait maintenant abondamment. Elle resta pliée en deux, grimaçante. Déjà débout, Petit Louis en profita pour examiner rapidement ses blessures. Par deux fois, l’humain avait senti le contact des lames sur son corps. Il chercha à se rassurer en se disant que le poison ne pouvait se propager dans son sang avec de telles égratignures. A nouveau, ils se faisaient face, mais l’équilibre des forces avait changé. Elle peinait à bouger, à armer son bras, seule la longueur de ses deux lames lui conférait un avantage.
- La chance tourne, on dirait…
- Pas si sûr, fit-elle en désignant du menton les deux entailles sur ses flanc. Et la chance ne tourne jamais, on l’arrache alors à la vie !
Sur ces paroles, elle jeta toutes ses forces dans un dernier assaut. A son tour, Petit Louis plongea sur elle et réussit à faire voler l’un de ses poignards sous le choc des deux lames. Il était maintenant contre elle et bloquait son autre bras vers le sol, en même temps qu’elle repoussait, terriblement affaiblie, la menace du couteau. Il sentait frémir son corps chaud et une odeur de chèvrefeuille se dégageait de sa chevelure. Son visage fulminait d’être si impuissante face à ce médiocre guerrier. Il la sentait inexorablement céder sous sa force. Il ressentit même un début de honte à la dominer de la sorte. Mais elle se dégagea de lui à l’aide d’un puissant coup de genou dans l’entre-jambe, qui le plia en deux. L’elfe leva alors ses deux mains pour plonger son long poignard dans son dos. Au même moment, Petit Louis redressait brusquement son bras et réussit à lui planter son couteau dans la gorge. Cette fois-ci, elle resta figée, les deux mains agrippées au manche qui dépassait de sa carotide. Elle continuait juste à le regarder. Elle sembla vouloir dire quelques mots mais seul un gargouillis douloureux à entendre sorti de sa bouche déjà pleine de sang. Il n’osait plus la toucher, il attendait qu’elle tombe. Alors, lentement, le regard toujours brillant, elle s’agenouilla, mit une main à terre, puis la seconde. Elle était à quatre pattes, comme un animal blessé. Il ne voyait plus ce corps arrogant, cette chair troublante. Devant lui, il n’y avait plus qu’un être qui souffre et qui réalise qu’il va mourir. Il ramassa son arc et l’acheva d’une dernière flèche. Lorsqu’elle tomba enfin à terre, elle semblait perdue. Un drôle de sourire lui donnait un visage d’enfant martyr. Mais le sang qui sortit, noir, de sa bouche le recouvra de son voile de mort.
Le cœur de Petit Louis battait si fort qu’il en avait du mal à respirer. Ses tempes vibraient comme si elles martelaient son crâne. Il reprit sans s’en rendre compte le chemin de son camp. La tension avait été telle que seule l’image de l’elfe à terre le hantait, tout comme l’idée d’avoir condamné ses compagnons éclaireur. Lentement, il réalisait ce qu’il avait fait. De manière totalement instinctive, il arriva jusqu’aux premiers postes de l’avant garde. Il était bien le premier à faire son rapport, ce qui confirma qu’ils avaient bien été tués par sa faute. Tous le regardaient d’un œil inquiet. La griffure de la ronce sur sa joue continuait de saigner sans qu’il ne la remarque. C’était une toute petite griffure de ronce, rien comparé aux blessures auxquelles il avait miraculeusement échappé. C’était il y avait quelques minutes à peine, et tout lui paraissait depuis dérisoire. Il n’avait plus que deux mètre à faire pour rentrer dans la tente de son chef. Mais, là, quelque chose le retenait. Il avait peur d’avouer son erreur.
Devant l’agitation qui commençait à se répandre autour de la tente, l’Œil de Dieu sortit lui-même pour voir ce qui la causait et se retrouva, pour ainsi dire, nez à nez avec lui. A son tour, il comprit la gravité de la situation. Il s’empressa de le faire rentrer pour l’écouter. Son rapport suscita une certaine inquiétude et Thomas de Treillères partagea sa position sur la forte probabilité qu’une armée entière d’Elfes Noirs puisse se cacher dans les environs. La menace était en tout cas suffisante pour en référer au Sénéchal Vautreuil. Telles étaient les consignes. Mais le capitaine n’hésita pas longtemps pour prendre seul l’initiative du combat, le risque de voir les furies disparaître en attendant les ordres était trop grand. Il disposait de trois cents hommes et d’une cinquantaine de cavalier. Face à une centaine d’ennemies, même surentraînées, il était raisonnable de penser que le combat serait gagné d’avance. Mais la nature psychopathe et les légendes qui couraient à leur sujet incitaient à la prudence. Ces folles étaient tellement bourrées de drogues qu’elles ne sentaient pas la douleur et devenaient complètement imprévisibles. Il les avait déjà combattus, il fallait disloquer leurs lignes pour les isoler et profiter du surnombre. Il décida d’envoyer toute sa cavalerie pour les retenir au plus vite et les empêcher de fuir. Deux unités de chevaliers prendraient position sur les flancs ennemis et créeraient une force de frappe suffisante pour les neutraliser un instant, le reste de l’infanterie suivrait dès que possible pour achever l’encerclement. Le terrain allait être très défavorable aux cavaliers mais l’état de transe de leur adversaire devait les servir.
Pour Petit Louis, son travail était terminé, les vrais soldats entraient en action mais son cœur était lourd, des amis étaient sans doute morts à sa place et par sa négligence. Il quitta la foule autour de lui sans mot dire, puis rangea son arc et ses flèches. Il nettoya ses plaies et revit un à un les visages de ses compagnons avec qui ils avaient encore discuté ce matin de chasse ou de pêche. Et l’image du sourire de l’elfe gisant à terre était toujours gravée en lui. Alors seulement, il se rappela qu’elle était restée belle jusque dans la mort. Il revit son bustier de cuir noir dévoiler son ventre d’albâtre, ses cuissardes remontées à mi-cuisse sortir de la large échancrure du pagne, cette chevelure sauvage qui flottait comme des serpents quand elle avait plongé sur lui. Il la revit, accroupie, comme offerte à lui, juste avant qu’il ne la tue à bout portant. Et plus que jamais, il se sentait étranger à ce monde qui se mettait en branle autour de lui. Pourtant, on vint à nouveau le chercher pour qu’ils mènent ces hommes au combat. Et sous ses yeux embués, tous les hommes s’apprêtaient à combattre une centaine de ces créatures. Il regarda un instant le ciel et s’agenouilla pour prier, lui qui ne croyait en aucun dieu.
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- Iggy Grunnson
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- Messages : 418
- j’aime beaucoup le premier paragraphe, qui a le mérite de donner le cadre de l’action. Il reste une ou deux répétitions (« feuilles », « clair ») mais dans l’ensemble je trouve que ça fonctionne très bien en termes d’introduction. On a moins le sentiment de se trouver dans une forêt générique que précédemment, le théâtre des hostilités étant posé d’emblée. L’infiltration est elle aussi bien menée. Le seul truc qui m’a chiffonné : Petit Louis entend un chuchotement (sous-entendu, l’ennemi est tous près) mais il semble ne pas en tenir compte véritablement, puisqu’il repart sur des empreintes du passage des elfes. A mon idée, tu peux abandonner carrément le passage sur le dialogue elfe sans rien perdre de la scène.
Le duel proprement dit, maintenant. C’est du tout bon pour moi, à quelques réserves près : quand l’elfe est blessée pour la première fois, je trouve un peu rapide la manière dont elle repart à l’attaque. Pourquoi ne pas insister sur son arrogance avec une phrase du genre :« comment oses-tu me blesser, vermine ? » qui permettrait de faire respirer un peu la scène ?
Le combat lui-même est bien mené, l’enchaînement des actions est clair. Mention spéciale pour le trouble qui gagne Petit Louis lorsqu’il se trouve directement au corps à corps avec son adversaire, et qui contribue à donner au passage une identité propre. Simplement, je trouve que Petit Louis est un peu rapide en besogne au moment d’achever la furie, ce qui a tendance à affaiblir dans l’esprit du lecteur les scrupules qu’il a pu avoir à tuer. Je pense que tu devrais mettre en avant son hésitation, ou au contraire mettre en évidence le fait qu’il se met dans son rôle de chasseur pour « déshumaniser » sa victime et l’achever sans remords.
Ah oui, et j’ai beaucoup aimé « Un drôle de sourire lui donnait un visage d’enfant martyr » qui est à mon sens beaucoup plus convaincant que le sourire amer de la version précédente. Quant à l’épilogue, même si je l’ai lu un peu en vitesse, je trouve que les quelques phrases de conclusion sont particulièrement fortes et introduisent déjà le rapprochement à venir entre elfes et chevaliers. Chapeau, pour le texte et aussi pour la persévérance dont tu fais preuve !
Iggy
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- Zarathoustra
- Auteur du sujet
- Hors Ligne
- Messages : 2081
Pour moi, la présence des elfes lui donne la confirmation qu'il est sur la bonne voie et qu'il se rapproche du camp. Or c'est le camp qu'il recherche. Donc il faut sans doute clarifier.Petit Louis entend un chuchotement (sous-entendu, l’ennemi est tous près) mais il semble ne pas en tenir compte véritablement, puisqu’il repart sur des empreintes du passage des elfes.
J'ai dû effacer une phrase... Il ne reste plus que ça:quand l’elfe est blessée pour la première fois, je trouve un peu rapide la manière dont elle repart à l’attaque.
Tu as raison, elle doit marquer un temps d'arrêt.avec une légère rigidité qui trahissait une vive souffrance.
Le problème, c'est que c'est une image que j'emploie dans un autre chapitre, je crois...Ah oui, et j’ai beaucoup aimé « Un drôle de sourire lui donnait un visage d’enfant martyr »
Ce que je souhaite, c'est qu'au contraire qu'il la tue ni en tant que soldats ni en tant que séductrice qui étaient les deux images qu'il avait d'elle mais en tant qu'être vivant "humaine", comme lui. Il la tue aussi un peu comme un chasseur qui abat un animal qui souffre trop. Mais en relisant à la lumière de tes propos, il fait son geste trop mécaniquement par rapport à l'émotion censée le marquer.Simplement, je trouve que Petit Louis est un peu rapide en besogne au moment d’achever la furie, ce qui a tendance à affaiblir dans l’esprit du lecteur les scrupules qu’il a pu avoir à tuer. Je pense que tu devrais mettre en avant son hésitation, ou au contraire mettre en évidence le fait qu’il se met dans son rôle de chasseur pour « déshumaniser » sa victime et l’achever sans remords.
Je verais bienfinalement une phrase du style: "Alors, au moment où il banda l'arc, il revit cet autre visage de la veille, affreusement mutilé, qui l'avait supplié de l'achever. Un profond dégoût s'empara de lui et ferma les yeux au moment où il libéra la corde de sa tension. La flèche eut à peine le temps de siffler. Un bruit sourd au sol confirma que, cette fois-ci, il l'avait touchée pour de bon."
Et je pourras également lui faire reprendre son arme et qu'il soit saisi par l'horreur du sang qui partout se répand...
Ca me parait excessif comme propos Par contre, tu souligne un point également qui me tracassait, cette notion de respiration du texte. J'ai mis un peu de dialogue, mais effectivement il manque une pause. Peut-être repartir sur une petite description de l'espace dans lequel ils se battent? Mais je veux pas faire retomber le soufflet.Pourquoi ne pas insister sur son arrogance avec une phrase du genre :« comment oses-tu me blesser, vermine ? » qui permettrait de faire respirer un peu la scène ?
C'est en fait très intéressant de chercher à repousser mon degré de satisfaction sur ce type de scène et mon penchant à l'ellypse... Et il faut me mettre vraiment dans la peau du lecteur. Et je me rends compte à quel point écrire de telles scènes est une question de dosage, d'équilibre... Et à quel point j'étais loin de tout ça quand j'essayais d'en écrire. Mais il me manque ta maestria visuel, il n'y pas d'images fortes qui marquent durablement dans mon combat. C'est encore trop impresionniste parce que je suis moins visuel que toi.Chapeau, pour le texte et aussi pour la persévérance dont tu fais preuve !
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