file Lettre d'un maréchal.

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il y a 12 ans 1 mois #17963 par Vuld Edone
Lettre d'un maréchal. a été créé par Vuld Edone
Hi'.

Durant le semestre d'automne 2011, j'ai participé à un séminaire un peu particulier, entre littérature et histoire, et qui avait la forme d'un jeu de rôle.
Mon personnage, Lucien-Pierre-Louis Destouff de Vovelle-Furet, délégué de la sénéchaussée de Toulon en Provence - mais natif de Draguignan - et colonel d'infanterie du régiment d'Anjou, a participé à l'Assemblée Constituante de 1791 (on a débordé sur 1792-93) et l'écriture de la Constitution.
L'expérience a été... éprouvante. En décembre, je promettais à mon professeur une ultime lettre que j'aurai mis jusqu'à ce soir à écrire, et je me suis soudain dit que celle-là, j'allais la partager avec vous. J'ai de fait toute une correspondance, et des discours mais celle-là les résume toutes.

Il n'y a pas grand-chose à dire sur la forme, et pas grand-chose sur le fond... c'est uniquement pour vous faire partager.
Ah oui, et ça fait quatre pages.
****

Lettre du maréchal Destouff à l'abbé Rousselot,
À propos de la Constitution

J'ai effectivement lu et avec attention le brouillon de monsieur le Duchet quand il s'essaie à résumer les événements de sept ans. Sept, oui, car dans nos départements nous avions pris deux ans d'avance sur tout le monde , et tenté de prévenir corps et âme cette ineptie de l'historien que vous admirez : une "constitution nouvelle". Du reste vous voyez bien que Pelletier est dans son tort, puisqu'il critique le gouvernement transitoire, la Commune de Paris et Danton. Au lieu que, patriote, je vous invite à admirer leurs accomplissements.

N'est-ce pas Paris qui donna sa Révolution à la France ? Et la France l'en remercie.

C'est avec raison que notre gouvernement suspendit l'Assemblée, devenue à son tour vieillotte et suspecte, et dont le seul acte d'une quelconque portée fut d'élire un Conseil, lequel mit fin à ses errances. Durant tout le temps qu'on lui laissa, l'Assemblée Constituante traita de tout sauf de constitution ; j'arrivais au milieu de cela avec l'espoir que les gens agiraient par raison, qu'on appelle aussi nécessité ; j'avais tort. Non, la France n'a pas de Constitution, car le Conseil Exécutif est la meilleure chose qui soit arrivée depuis le Jeu de Paumes, et certainement la Constitution n'oserait pas nous en priver à présent. Il serait plutôt temps que l'exécutif légifère et que cinq hommes accomplissent ce que mille deux cents ont échoué à nous rendre, c'est-à-dire nos droits.

J'entre donc en matière, et pour vous répondre sans risquer la même errance dans les mille facéties de représentants qui ne représentaient rien, je ne vous parlerai que de la Loi et du Roi, et comment en possédant les deux nous avons troqué l'un contre l'autre.

Encore, dans un troc ou un marché de foire, aux portes d'un moulin ou d'une cathédrale, nos gens se vendent du blé ou du temps de façon raisonnable ; tandis que l'Assemblée n'était qu'un grand auditoire de sourds. Personne n'y entendait rien, à cause du vacarme, de l'acoustique et de l'ignorance, alors chacun avait pris l'habitude de ne pas écouter. Vous verrez, quand j'y viendrai, à quel point les gens étaient confondus ; mais laissez-moi vous en donner le meilleur exemple, puisqu'il touche directement à la Constitution ainsi qu'à votre protégé Pelletier, et apprenez en quelles circonstances il a fait briller la vanité de nos gens.

C'est, en vérité, sur les conseils de monsieur Pelletier-Dit-Duchey que la Constitution a pu être rédigée, et c'est son œuvre. Or, entre deux votes, il va imposer des motions supplémentaires qui prendront la forme des articles 9 à 12 du Titre III, permettant de soumettre la Loi au suffrage des citoyens. Je l'arrête alors qu'il regagne son siège, et lui demande si la Constitution peut y être soumise également. Il suppose que oui, et se dépêche, alors que la séance touche à sa fin, d'en avertir le reste de l'Assemblée. Que monsieur Pelletier n'ait pas su répondre, assurément, si son referendum portait ou non sur la Constitution, était déjà inquiétant. Mais voici ce que, pour résoudre le problème, il fut décidé de faire : on vota et on refusa la motion suivante, qui disait que "le referendum porte sur la Constitution". Et avec ce refus, on pensait avoir réglé la question.

Encore aujourd'hui, je ne reviens pas de cette naïveté, et j'en rirais volontiers si elle n'avait pas causé nombre de morts . Je me dépêchais, dans la nuit même, d'écrire une lettre au président de l'Assemblée, le citoyen Riqueti, pour lui rappeler l'article V de la Déclaration des Droits de l'Homme :

« (...) Tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être empêché (...) »

Or en refusant la motion, nous n'avions rien changé à la Loi, qui ne défendant toujours rien maintenait le droit de referendum sur la Constitution, de sorte que si j'avais arrêté monsieur Pelletier dans la rue et que je lui avais posé la même question, il aurait été forcé de me donner la même réponse. Et vous me direz que ces gens, parmi eux notre historien le premier, avaient conscience des lois qu'ils votaient ? Quand ils ne comprenaient pas même la manière dont on concevait lesdites lois. Voilà entre quelles mains la France remettait son sort.

Je m'étais pour ma part décidé à lire la Loi , et je découvrais alors une telle confusion de décrets, d'édits, de proclamations, d'avis, d'ordonnances que ma confiance fut ébranlée. Les plus doctes de nos juristes s'y perdaient, moi-même je ne m'y retrouvais pas et ceux-là qui, chaque jour, empilaient règlement sur règlement se prenaient à se contredire sans même le savoir.

Voici ce que j'en ai conclu. Vous me traiterez de protestant, mais croyez que la Bible est bien écrite et que nos prêtres la comprennent; et il n'est pas bon que le coupable soit son propre juge; tandis que, si nous voulions que le Peuple légifère, il fallait qu'il comprenne la Loi, et il fallait donc la lui rendre accessible. Aussi décidais-je que la Loi devait être la plus simple possible, et qu'elle devait être organisée rigoureusement. J'observais que les lois découlaient les unes des autres, et que toutes provenaient de la Déclaration des Droits de l'Homme. Puis j'observais cette même Déclaration et constatais que seuls les trois premiers articles donnaient des droits. Dès le quatrième et à partir de là, tous les articles suivants veillaient à limiter et contraindre les droits donnés, selon la nécessité et les circonstances.

On m'a reproché, dans la proposition de Constitution que je présentais, que celle-ci était trop courte et trop générale, et ne résolvait pas tout. Mais si la Constitution est longue et précise, alors elle n'est plus compréhensible pour le citoyen ; et les circonstances changeant, elle entraverait la France au moment de s'adapter à ces changements. Il ne devait y avoir, dans la Constitution, que le stricte nécessaire résumé absolument pour que chacun s'y reconnaisse et en reconnaisse l'intelligence.

Je crois encore, je suis convaincu qu'une loi simple et accessible est gage de réussite pour un gouvernement ; que la Loi n'a à être détaillée que localement, quand la nécessité l'exige, et que la Loi générale subordonnant la particulière, il soit facile de l'évaluer et de s'y soumettre.

Las. Ce qui m'avait semblé évident, à moi, après tout le temps passé à tenter de me retrouver dans le dédale de nos législations successives, était étranger au reste de l'Assemblée comme aux gens de nos départements. Ils auraient, s'ils avaient pu – et ils ont pu – régler les problèmes du jour dans le texte fondateur, si bien qu'on aurait inscrit côte à côte la Souveraineté et l'interdiction de voter armé , comme si les deux étaient d'égale importance. Si vous voulez ma pleine et entière confidence, je trouve que notre manière d'ordonner la Loi est archaïque et qu'elle a pour beaucoup contribué à la dérive des mœurs et de la France, au point que même la Loi fondamentale s'était perdue, corrompue, détournée et enlaidie pour justifier un régime qu'on appelle monarchie absolue, et contre lequel la Révolution aurait dû être la Fronde du peuple.

À quelles autorités faudrait-il faire appel, pour rappeler que le Peuple et la France existaient avant la Révolution ? Que nous avions déjà une Constitution, quand bien même celle-ci n'était pas écrite ainsi que le voulaient les mœurs de l'époque, et néanmoins chacun la connaissait en son for intérieur. J'ai fouillé nos lois à la recherche de cette Loi fondamentale, sans en trouver d'autres traces que des lois particulières décrites à l'occasion. L'œuvre de l'Assemblée Constituante n'aurait dû être rien d'autre que de la rendre explicite, au lieu de s'inventer un nouveau peuple par-dessus le peuple de France, et une nouvelle Loi par-dessus la Loi de France. L'Assemblée dès lors ne pouvait plus qu'échouer. Or, vous le savez, au moment de se constituer ou, comme on dit aujourd'hui, de se "donner un contrat", le français ont décidé qu'ils voulaient un roi.

Tous ceux-là qui se sont réclamés de Rousseau, et qui aujourd'hui ne vénèrent plus que son nom, ont oublié que Rousseau lui-même réclamait un roi pour la France : que les autres gouvernements sont pour les nations pauvres et faibles, tandis que la monarchie sert les nations grandes et puissantes. Il n'est pas bon de connaître Rousseau mieux que ses partisans , et il ne sert plus à rien de citer le nom d'autres philosophes, comme l'autorité de Diderot quand il rappelle :

« Le prince tient de ses sujets mêmes l'autorité qu'il a sur eux ; et cette autorité est bornée par les lois de la nature et de l'État. »

Et plus avant, que le roi n'a son royaume qu'en usufruit, de sorte que la monarchie absolue n'est qu'une forme corrompue de la monarchie, laquelle quand elle est respectée profite à tous ; au lieu que la décadence nous l'a abîmée, tout comme elle a abîmé les nobles et le Clergé.

Qu'on comprenne bien, ici, ma position, que j'exprimais dans une supplique adressée à monsieur de Picquigny, lorsque celui-ci avait encore le droit de parler et une raison de le faire. Dans les derniers moments de l'Assemblée, face aux décisions prises de plus en plus étonnantes et qui allaient forcer le futur Conseil à sa décision de la suspendre, le cardinal s'exclama soudain : "Écoutez les provinces !" Ce fut la seule influence que j'eus jamais sur la Révolution, et cet appel comme tous les autres ne fut pas entendu. Je lui avais commenté ces mots de Burke :

« Le peuple d’Angleterre ne singera pas des modes dont il n’a pas essayé ; et il ne retournera pas à celles qu’il a trouvé malheureuses à l’épreuve. Il regarde l’hérédité légale de la succession au trône comme un des droits de la nation, et non pas comme un de ses griefs ; comme un avantage, et non pas comme un désavantage ; comme un soutien de sa liberté, et non pas comme un moyen de servitude. Il regarde l’ensemble de son gouvernement, tel qu’il est, comme une valeur inestimable ; et il est persuadé que la succession paisible à la couronne, et un des gages de la stabilité et de la perpétuité de toutes les parties de notre constitution. »

Ce que je lui disais alors, je vous le redis sans rien arranger : que le peuple de France, si on lui laisse le choix, ne répètera pas plus les causes de son malheur qu'il ne s'essaiera à des modes dont il ne sait rien ; que les français, attachés à leurs coutumes qui ne sont pas les dérives malheureuses que la Révolution a corrigées mais les mœurs fondamentales de nos gens, iront toujours en faveur de la constitution. Burke était un terrien en quête de noblesse ; j'étais un noble en quête de terres, aussi je partageais le souci des uns comme des autres, et reconnaissais que la monarchie, comme tout ce que le temps avait gâté, devait à son tour être corrigé par nos soins.

Louis XVI, traître envers la nation, au moment où nous votions la seconde partie de la Constitution, se tourna vers moi. Il me suppliait de donner un vote symbolique pour le défendre, alors que mon vote et celui de mes compagnons ne valait déjà plus rien. Je n'avais pas vu alors, sur son visage, les germes de son intention, cette seconde fuite qui le condamnait pour de bon et ferait le plaisir des médisants. En voulant trop défendre la monarchie, il la perdit tout à fait. Ce jour-là, poussé bien plus par les circonstances que par une quelconque prémonition, je cessais de le défendre, puis je cessais de voter.

Mais Louis XVI était roi, et non la royauté. Charles VI fut fou, Henri III et Henri IV assassinés, Jean II fut emprisonné deux fois et malgré cela la France est restée monarchique. Nous avons eu de longues régences, dont celle de Philippe d'Orléans qui nous donna le papier-monnaie , digne prédécesseur de l'assignat. Louis XVIII, avec ses prétentions et son absolutisme, s'il se présentait à nos portes, nous le recevrions au bout du fusil. Nous ne voulons ni d'un traître, ni d'un despote. Mais pour un peuple régicide, et qui ne lui a pas trouvé de successeur, il ne faut pas s'étonner que les malheurs, la misère, la guerre et la terreur le saisisse. Je quittai l'Assemblée avec l'intention de sauver la France, et je m'y emploie encore songeant qu'à mon retour la France sera encore là. Car tant qu'il y aura la France il y aura un peuple, et aucune oppression ne saurait épuiser sa patience.

Si j'ai fait la louange du Conseil transitionnel, et si j'ai montré les tares de l'Assemblée constituante, je n'ai rien dit de ma plus grande déception.

Dès les premiers votes auxquels j'assistais, malgré toutes les bonnes paroles, toutes les idées, tous les sermons, tous les discours, chacun avait son avis déjà fait, une position inébranlable, et je me souviens avoir applaudi – j'ai été le seul à le faire à ce moment-là – lorsque les jacobins se sont enfin décidés à voter différemment entre eux. Tandis que je m'épuisais à discuter, philosopher, et à peser les avis, chacun devant moi répétait ses intentions en bloc, sans jamais en dévier, et ne songeait à aucun compromis. Ainsi se sont condamnés le clergé, la noblesse, le roi et le peuple, entêtés jusqu'au bout à défendre leurs intérêts épars en oubliant que se jouait le destin de la France.

La Provence, à travers sa Constitution, cultivait le compromis, et avant qu'on ne lui supprime sa Constitution, puis qu'on supprime la Provence, ce compromis avait été maintenu. La France a un peuple, Paris une foule ; on décida d'ignorer les intérêts d'autrui pour faire valoir les siens seuls, par la force du nombre plutôt que par la raison, à marchander le sort de millions sur un calcul de quelques voix. Nous étions face à un problème, nous étions mille deux cents pour le résoudre. Pourquoi n'avons-nous pas tenté de trouver une solution ? Au lieu de laisser la politique décider pour nous, broyer nos efforts et ne satisfaire personne, au point de réduire deux années de labeurs à l'état d'un jeu infantile, réglant la vitesse des chevaux, avant que le Conseil ne vienne y mettre bon ordre ? Nous avions l'occasion de nous montrer supérieurs aux détenteurs du pouvoir. Nous aurions pu profiter de ce court instant, dans la Révolution, où tout nous était encore possible, pour révolutionner la politique. Au lieu de quoi, telles les grenouilles qui voulaient un roi, nous avons répété les erreurs de l'ancien régime. C'est là une leçon bien amère, dont je me serais passé : le peuple a le gouvernement qu'il mérite.

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il y a 12 ans 1 mois #17974 par Mr. Petch
Réponse de Mr. Petch sur le sujet Re:Lettre d'un maréchal.
Amusant et intéressant exercice...

Autant que je puisse en juger, le style m'a l'air plutôt crédible d'un point de vue historique. Ça se relâche par endroit, mais je suis épaté de voir à quel point tu maîtrise la rhétorique révolutionnaire et ses références (Rousseau vs Diderot) ou encore son usage immodéré des citations et des affirmations grandiloquentes. Il manque peut-être un peu de latin, mais ton personnage n'étant pas juriste, ça peut se justifier. Et ce qui est amusant, c'est que ça met en lumière ce que ton style propre peut avoir de grandiloquent et de presque châtié, justement, car je cois reconnaître au détour de quelques phrases des façons de faire du renard, comme là :

Las. Ce qui m'avait semblé évident, à moi, après tout le temps passé à tenter de me retrouver dans le dédale de nos législations successives, était étranger au reste de l'Assemblée comme aux gens de nos départements.

Mais Louis XVI était roi, et non la royauté. Charles VI fut fou, Henri III et Henri IV assassinés, Jean II fut emprisonné deux fois et malgré cela la France est restée monarchique.

(j'aime beaucoup celle-ci)

La Provence, à travers sa Constitution, cultivait le compromis, et avant qu'on ne lui supprime sa Constitution, puis qu'on supprime la Provence, ce compromis avait été maintenu.


L'incise "puis qu'on supprime la Provence", me fait penser à d'autres passages de tes propres textes, par la mise à distance ironique, notamment.

L'expérience a été... éprouvante.


Ce n'est guère gentil de ne pas nous en dire plus... Parce qu'à vrai dire, ça m'intéresse, cette histoire de seminaire littéraro-historique. Tu peux nous dire en deux mots en quoi ça consistait ?

Mr Petch

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il y a 12 ans 1 mois #17975 par San
Réponse de San sur le sujet Re:Lettre d'un maréchal.
Je vais faire un HS total, mais pourquoi ce texte dans Travaux d'écriture et pas dans la Bibliothèque? Si c'est juste pour le partager?

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il y a 12 ans 1 mois - il y a 12 ans 1 mois #17976 par Vuld Edone
Réponse de Vuld Edone sur le sujet Re:Lettre d'un maréchal.
Parce que je vois ce texte comme un exercice scolaire, pas un travail littéraire.
Maintenant, je vais essayer d'expliquer en quoi c'était éprouvant.

Le principe du séminaire est un jeu de rôle ( Reacting to the Past ).
Pour nous c'était la Révolution française, de la fuite de Varennes à la rédaction finale de la Constitution de 1791. Avec à côté Rousseau et Burke.

Pour ce jeu de rôle nous avions eu quatre cours, deux généraux sur la période précédant Varennes et un cours pour chaque auteur.
On nous a ensuite donné nos feuilles de route, et de la documentation, avant de jouer le reste du semestre, à raison de deux séances par semaine.
La documentation était misérable. Totalement inadaptée et totalement insuffisante.

Pour la création du personnage, je devais créer un provincial du sud. On ne me disait rien de plus. J'ai mis deux heures pour choisir la Provence, et deux semaines pour obtenir de Vovelle-Furet.
Il m'a fallu parcourir la liste des députés de Provence ; le cahier de doléances de la sénéchaussée de Draguignan ; la carte de Draguignan de l'époque ; un résumé historique de la Provence en 1789 ; l'étude sur la fin de la constitution provençale par Ribbe. Juste pour le personnage.

J'étais le premier discours ; on m'en a donné le sujet une semaine avant l'échéance.
La seule documentation était la constitution civile du clergé (le sujet). Rien d'autre.
En une semaine j'ai dû retrouver le discours de Talleyrand, la lettre de Gobel, Charrier et Expilly au Pape ainsi que la défense de Le Quier, le tout en assimilant Rousseau, Burke et Diderot.
Et c'est là que je commence à rire jaune.
Sur trente étudiants, quatre devaient discourir sur ce sujet. Ces quatre là s'étaient contentés de Rousseau, un peu d'Encyclopédie et de la constitution même. Personne, absolument personne ne comprenait un traître mot de ce que je disais.

Pour donner l'ampleur du désastre, au final on a voté pour ajouter à la constitution civile du clergé, autrement maintenue telle quelle, la séparation de l'Église et de l'État. Une pure contradiction.
Et pour donner une idée de mon exaspération, à mon prochain discours sur la langue française je déchirais ledit discours devant la classe.

Donc le problème du séminaire était double.
Le premier problème était le manque constant d'informations. On ne savait pas quoi chercher, ni où chercher. Et avec deux séances par semaine, nous n'avions que trois à quatre jours pour nous préparer sur des sujets dont, la seconde d'avant, nous n'avions même pas conscience qu'ils avaient pu exister.
Le second problème était le manque constant d'intérêt. En général trois à quatre élèves par sujet, une pléthore de sujets divers. Face à la difficulté de s'informer, tout le monde se renfermait sur les lectures obligatoires. Sans information pour jouer, on ne jouait pas, tout simplement. On prenait plus de soin à se faire des bonnets phrygiens avec des serviettes qu'à comprendre les enjeux de la régence.
Il fallait s'en tenir à un seul sujet, la Constitution, et il fallait fournir beaucoup, beaucoup plus d'informations.

Voilà pourquoi le séminaire a été éprouvant.
Quant aux détails du déroulement... je parlerai juste de l'évaluation. On nous demandait un discours et deux articles de journal - dans mon cas, des lettres. Le professeur évaluait les connaissances (avec notes de bas de page et bibliographie) ainsi que l'argumentation.
J'ai rédigé deux discours, un article et une quinzaine de lettres adressées à différents étudiants, dont une véritable correspondance avec de Lafayette.

Ce qui me fait penser :
****

Renart, Roënel et les gelines

Par où vont les gelines
Vont les deux malandrins
Renart et Ysengrin
Leur offrir leurs canines.

Alors elles mutines
Allèrent au mâtin
Trouver Roënel le chien
Aux déesses babines.

« Protège-nous Roënel ! »
Et il dit solennel
Qu’il les protègerait.

Renart lors interpelle :
« Roënel, vos dents sont belles ! »
Et le chien fut défait.

Pour avoir eu l’ivoire
Qui provoqua l’émoi
Ou de telles histoires
On veut abattre un roi.
****

Lettre du colonel Destouff à monsieur Danton,
Au sujet de la Constitution

Monsieur au coeur ardent,
Je vous fais une lettre,
Que vous lirez peut-être,
Si vous avez le temps.

Je viens pour promouvoir
La loi de notre terre
Pour éviter la guerre
Avant qu’il soit trop tard.

Monsieur le disputant,
Je voudrais bien le faire,
Je suis à ce parterre
Pour mes constituants.

Quand vous seriez fâché
Sur la moindre méprise,
Le détail n’a de prise
Qu’au dernier mot lâché.

Depuis que l’homme est né
Libre comme son père,
Les droits sont entre frères
Ceux légués aux enfants.

La France a tant souffert
Que le devoir incombe
À la foule du monde
De traiter ses affaires.

La féodalité,
Cause de nos réclames,
A pris jusqu'à son âme
À notre cher passé.

Alors main dans la main
Je dis, monsieur Danton
À la Constitution,
Offrez un lendemain.

Je donnerais ma vie
Pour la cause de France
Pour ma chère Provence
Où m'attendent mes gens.

Acceptez de la lire
Si elle peut vous plaire
Vingt millions sur ces terres
Ne pourront qu'applaudir.

S'il advenait pourtant
Des mots contraires aux vôtres,
Reprochez-nous les nôtres
Et soyez conciliant.

Si vous me dédaignez,
Prévenez vos gens d'armes,
Et moi mes gens en larmes,
Qu'il faut se retirer.

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il y a 12 ans 1 mois #17992 par Demosthene
Réponse de Demosthene sur le sujet Re:Lettre d'un maréchal.
Je suis bien loin de pouvoir juger des thèmes historiques abordées, de savoir si oui ou non tu colles à l'histoire ou t'en écartes, voir même s'il y a d'amusantes allusions historiques à repérer, mais j'aime beaucoup le ton du texte. Qu'il nous eut été présenté comme extrait retrouvé d'une correspondance réel, je n'y aurais rien trouvé à redire.
L'exercice est intéressant.

Pour ce qui est de l'intérêt du séminaire, et du fait qu'il fut éprouvant, je comprends tout à fait ton point de vue, pour l'avoir partagé lors de simulations et autres jeux de rôles dont les principaux supports comportaient eux plus de chiffres que de mots, mais qui n'en demandaient pas moins de recherche et d'implication. C'est ce en quoi il est bien plus agréable de "jouer" avec des passionnés qu'avec des étudiants.

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