file Petit Tom, récit à propos d'un nain vert

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il y a 7 ans 7 mois #21170 par Leagend7381
Petit Tom, récit à propos d'un nain vert a été créé par Leagend7381
Petit Tom
Récit à propos d'un nain vert

On disait de Petit Tom qu'il savait guérir toutes les blessures, celles du corps tout comme celle de l'esprit.
On disait que son souffle donnait la vie et que son chant séchait les larmes.
On disait que derrière ses pas poussaient les plus belles fleurs du monde.
Son regard évoquait la douceur, son sourire l'allégresse, et de ses cheveux semblait couler le chant des oiseaux.
Petit Tom était un nain vert, et pas n'importe quel nain vert ; son père était le grand Chuchoteur, conseiller des plus sages des grands sages. Le Grand Chuchoteur avait d’ailleurs inspiré bien des contes et des histoires, mais pas celle-ci.
Celle-ci est pour Petit Tom car lui, il sait guérir les cœurs.

Petit Tom avait grandi loin de son père, dans le monde des hommes.
Il faut savoir que les cigognes vertes livreuses de nains verts sont des plus étourdies ; celle qui livra Petit Tom n'en faisait pas exception.
Elle livra l'enfant à l'exact opposé de la maison du Grand Chuchoteur, de l'autre côté de la terre, devant la maison des Auvrillac.
Coïncidence ! Eux aussi attendaient un enfant...

Les Auvrillac ouvrirent la porte et dévisagèrent le nouveau venu.
Étonnant ! Il était petit, avait les cheveux d'un vert profond, semblable à la mousse des arbres, et les yeux plantés comme deux nénuphars au milieu d'un lac éclatant.
Surprenant ! Sur l'étiquette, tenue par une cordelette d’herbes tressées autour de son fragile petit poignet, en caractères d’argent sur une plaquette d’acajou, était marqué "Petit Tom".
Fâcheux ! Petit Tom aurait dû s'appeler "Boucle d'or", ses cheveux auraient dû être longs, blonds et bouclés, et ses yeux d'un bleu profond.
Cette dernière était en fait arrivée dans une autre maisonnette, au fin fond des bois, non loin de chez le Grand Chuchoteur ...
Papa Auvrillac était scandalisé !

« Mais ce n'est pas notre petite ! Où est notre petite ? »

Maman Auvrillac était mitigée.

« C'est peut être une erreur d'usinage. »

Grand'ma Auvrillac était sage...

« Allons voir la Grande Cigogne, elle saura sûrement nous conseiller. »

Et ils allèrent voir la Grande Cigogne.

La Grande Cigogne était d'une humeur furieuse.

« Fichus grévistes, qu’elle maugréait ! Je vous en ferai voir, moi, des associations, des syndicats, des lois, des exigences, des… des… Tenez ! Vous, là-bas, oui, oui, vous ! Venez voir ! Allons, dépêchez-vous ! Voyez, ont-ils à se plaindre ? »

Les Auvrillacs, sans trouver le temps de protester, se retrouvèrent embarqués dans les couloirs de l’usine.

A peine eurent-ils franchis la porte de la grande salle que l’étonnement leur coupa la voix, pour n’en laisser sortir d’un murmure d’émerveillement.
A gauche, la presse à étiquettes, où se versait en bouillonnant l’or, l’argent et divers autres métaux précieux, où tombaient des plaquettes de différents bois et de différentes matières, où dégringolaient des ornements sculptés d’ivoire, de pierreries et de perles mystérieuses. Le tout sortait agencé en magnifiques étiquettes, tantôt belles et épurées, tantôt ornées de magnifiques motifs.
A côté se dressait la tisseuse, immense. Un énorme rouleau rassemblait les plus doux et les plus beaux tissus du monde. Ils passaient ensuite dans le ventre de la machine, et en ressortaient des langes, épais et chauds en hiver, soyeux et légers en été.
Ensuite, à demi encastrée dans un mur, la vannière, une immense bête où tombaient brins de paille, d’osier, de fines branches de saule et de frêne, et d’où ressortaient de magnifiques paniers tressés.
Mais bien plus grande, bien plus magnifique, et bien plus terrifiante que toutes les autres, se dressait la couveuse.
Derrière une vitre y tombait ce qui ressemblait à de gros œufs… et en ressortaient des nourrissons.
Lorsque l’œuf était gris tacheté de bleu, l’enfant sortait blond aux yeux verts.
Lorsqu’il était jaune rayé de marron, l’enfant sortait pâle avec des joues bombées.
Et bien évidemment, lorsqu’il était argenté strié de rose, l’enfant sortait grand avec des pieds fins.
Il était en fait impossible de comprendre la logique qui animait la couveuse. Elle vrombissait, gémissait, soufflait, chuchotait, chantonnait, se balançait, s’endormait, s’éveillait, criait quelque fois ; elle semblait vivre une vie propre, tantôt agitée, tantôt calme.
Alors les cigognes récupéraient le tout, emballaient les nourrissons, les étiquetaient, les déposaient dans le panier, et les transféraient en salle de décollage, deux cent cinquante étages plus au-dessus. Et de là-haut partaient les petits garçons et les petites filles.
Une fois la fabrique visitée, la Grande Cigogne avait totalement oublié la raison initiale de la visite. Elle avait même oublié la présence des Auvrillacs. Elle se retourna et les regarda, surprise.

« Dites-moi, que faites-vous ici ?! C'est la zone de travail ! Je vous ferai arrêter si vous ne... oh... »

Elle s'était interrompue, la bouche en cœur, devant le sourire de Petit Tom.

« Qu'il est mignon... Comment vous l'avez appelé ?
-Mais ce n'est pas le nôtre, se plaignit le père.
-Ah non ! Une bouille d'amour comme ça, ça ne se refuse pas ! Voyons, enfin, ne voyez-vous pas qu'il est adorable ? Allez, filez, j'ai du travail, moi ! »

Surpris, les Auvrillacs suivirent les sages conseils de la sage cigogne et s'en allèrent. Ils élevèrent alors Petit Tom comme leur propre enfant...

Rapidement, ils eurent quelques difficultés.
D'abord, Petit Tom ne mangeait que du vert ! Des légumes, et des champignons. Le lait lui donnait mal au ventre, et la viande l'horrifiait.
Inquiets, ils retournèrent voir la Grande Cigogne.

« Il aime les légumes ? Vous ne connaissez pas votre chance ! »

Très vite, dès quatre mois, il commença à parler, marcher, courir, grimper, et malheur à ce qui lui passait entre les mains !
Dépassés, ils retournèrent encore voir la Grande cigogne...

« Vous savez, certains enfants n'apprennent jamais à marcher ni à parler, vous voilà rassurés de ce côté-là. »

A un an et demi, Petit Tom cessa de grandir ; il tenait assis sur un bras.
Il faut savoir que les nains verts n'ont rien à voir avec leurs cousins les nains des mines, gros, lourds et bruyants ; eux sont fins, légers et discrets, et ne boivent que de l'eau et du jus de mandragore.
Ses parents, accablés, retournèrent encore voir la Grande Cigogne...

« Mais il est parfait comme ça ! Ni trop grand, ni trop petit. »

Bien sûr, la Grande Cigogne savait qu’il était un nain vert, et quel avenir lui était promis.

Un peu plus tard, Petit Tom se mit à jardiner...
Tous les jours, il ramenait de ses promenades des graines de plantes qu'il croisait sur le chemin. Il les plantait en secret, et elles poussaient durant la nuit.
La maison devint rapidement un véritable potager. En dessous du paillasson germaient des fèves et des fruits secs jusqu’alors inconnus. Dans le couloir qui menait à la cuisine s'alignaient quelques pieds de tomates et de la vanille, qui grimpaient et s'emmêlaient dans les lustres. Autours des portraits familiaux poussaient des pensées et des pervenches. Sur les murs de la cuisine s'étendaient trois vignes d’où tombaient généreusement de grosses grappes de raisin, et d’autres plantes grimpantes. Le lit des parents était orné de lilas et de roses.
Tout ceci était très beau, sentait très bon, et avait très bon goût, mais derrière les plantes, les murs se fissuraient, la fenêtre cassaient, et les gens du village traitaient la famille Auvrillac avec crainte et méfiance. On les disait même sorciers.
Épuisés, les parents allèrent de nouveau voir la Grande Cigogne.

« Quelle nouvelle ! Nous avons un jardinier ! Oh ! Laissez-le faire, le village est si triste sans fleurs ! »

Mais cette fois les Auvrillacs n'en pouvaient plus. Ils décidèrent d'envoyer Petit Tom à l'école, malgré son jeune âge.

Là-bas, tout le monde le dévisageait avec curiosité.
Quelle bête pouvait donc avoir des cheveux pareils ? Quel animal pouvait donc avoir de tels yeux ? Comment pouvait-il donc être si petit ? Qu'était-il, ou plutôt qu'était-ce ?
La curiosité passée, on se moqua de lui.
Les garçons le bousculaient, lui volaient ses affaires.
Les filles le raillaient et s'horrifiaient du vert de ses cheveux.
En classe il rêvassait, souvent repris par sa maîtresse.
Rentrant chez lui, son père le grondait.

« Tu as encore sali tes affaires ! Regarde-moi ça ! Ton sac est tout déchiré ! Quelle plaie ! J'aurais dû te ramener chez les cigognes pour de bon ! »

Petit Tom était très malheureux.
Sa mère, comme à son habitude, ne savait que dire, et sa Grand'ma tentait vainement de le consoler. Lors de ses temps libres, il aimait errer seul dans la forêt. Un jour, il y fit une terrible rencontre...

La créature avait un corps presque aussi petit que celui de Petit Tom, mais était noire comme le charbon. Au milieu de son visage se nichaient deux petits yeux brillants et malicieux, deux rubis ardents.
Nullement effrayé, Petit Tom la salua.
Répondant par une grande révérence, le lutin, un descendant direct de la lignée des Gromols (les lutins déchus), lui demanda ce qui causait tant de peine à Petit Tom.
Petit Tom répondit en sanglotant.

« Les grands ne veulent plus de moi. Ils me font du tort, se moquent, et me volent mes affaires. Je ne sais pas pourquoi, je ne leur ai pourtant rien fait. »

Le lutin répondit avec un sourire mauvais.

« Rentre chez toi, Petit Tom, et tu verras, les grands ne te ferons plus jamais aucun tort. Tu pourras à nouveau marcher dans la rue sans craindre les garçons, aller à l'école sans craindre les réprimandes de ta maîtresse, et rester à la maison sans te faire gronder sans cesse. »

Plus heureux que jamais, Petit Tom rentra chez lui.

Pressé d'annoncer la bonne nouvelle à ses parents, il jaillit par la porte, se lança dans le couloir et bondit sur le lit.

« Papa, maman ! J'ai une super nouvelle ! »

Personne ne répondit...

Personne ne bougea...

Aucun son ne se fit entendre...

Ils étaient pourtant bien là, sous lui, mais ils ne bougeaient plus ; durant le retour de Petit Tom, une terrible maladie les avait frappés, eux et tout le village.
Alors Petit Tom se rappela des mots du lutin.

« Les grands ne lui feraient plus de tort. »

Ils resteraient pour toujours dans leur lit, assommés par la maladie...
Qu'avait-il fait ?

Terrifié, il se précipita chez la Grande Cigogne.

« Aidez-moi je vous en supplie ! »

La Grande Cigogne respirait faiblement, ensevelie sous ses couvertures...
Qu'avait-il fait ?

Il quitta le village, à nouveau en pleurs.

Il faut savoir que les fées des bois détestent les lutins verts plus que tout.
Elles les trouvent manipulateurs, menteurs, et mauvais.
Pourtant, Petit Tom avait l'air si triste et si éprouvé que lorsque Sirenelle le vit, elle eut du mal à retenir ses propres larmes.
Elle s'approcha, faisant tous les efforts du monde pour garder une mine dure et hostile.

Il faut alors imaginer ce que c'est qu'une fée des bois qui fait semblant d'être contrariée, car les fées ne savent pas cacher leurs émotions ; le tout donnait un visage indécis où se peignaient tant colère que tristesse, compassion, et sincère amitié.


« Que viens-tu faire dans mes bois ? Tu n’as rien à faire par ici ! »

Petit Tom s'excusa dans un flot ininterrompu de larmes et de confusion.
Touchée, la fée ne put garder plus longtemps son air d'air furieux. Elle explosa en une myriade de questions inquiètes.
Qu'est-ce qui pouvait donc rendre un nain vert si triste ?
Petit Tom expliqua tout, et supplia la fée de l'aider.

« Mais tu es un nain vert, Petit Tom, et les nains verts savent guérir.
-Un nain vert ? Mais non, je suis un petit garçon comme tout le monde. Les nains verts c'est pour les contes de fée ! »

S'il faut savoir autre chose sur les fées, et particulièrement les fées des bois, c'est que, par-dessus tout, elles détestent être contredites...

« Petit sot ! Et je suis quoi, moi ? Un limaçon ? Si je te dis que tu es un nain vert, c'est que tu l'es ! Allez, file, maintenant, j'ai déjà perdu assez de temps avec toi ! »

Après tout, n'avait-elle pas reçu la science des sciences à sa naissance ?
Ni la bénédiction des Doubamajas, les dieux sages ?
Ni l'esprit des rois curieux de jadis ?
Non, mais !
Pour qui se prenait-il, ce sale petit nabot couleur chlorophylle ?
Et elle s'en fut, bougonnant ses jérémiades, laissant Petit Tom tout seul.

Petit Tom entreprit alors de retourner à son village, se demandant comment il pourrait bien les sauver...

Il rentra dans sa maison.
Tout était silencieux…
Ses parents étaient toujours dans leur lit, livides.
Il guettait leur respiration.
Prit leur pouls.
Leur tension cardiaque.
Effectua deux radioscopies, trois IRM, des tests biochimiques et des calculs gravitationnels.
Il élabora médicaments, traitements, remèdes.
Il dansa, chanta des incantations, invoqua les esprits, rien ne marchait !
Alors, à bout de force et de courage, il se plongea entre les corps inertes de ses parents.
Il pleura...

« Et tout ce que tu trouves à faire, c’est de pleurer ? le gronda Sirenelle par la fenêtre. Tu sais pourquoi ça ne marche pas ? Parce que c’est la maladie que tu dois soigner, toi, ce n’est pas eux. « 

Petit Tom, surprit, leva un œil vers la fée.
Celle-ci affichait une mine si étrange que malgré lui, Petit Tom ne put s’empêcher de rire. Il pouffa, se retint, ne tenant plus il s’esclaffa. Son rire déborda, submergeant sa tristesse, monta dans les airs, dansa dans les rue, résonna dans le village entier. Un à un, les villageois s’éveillèrent et coururent rejoindre ce rire si doux qui leur faisait tant de bien. Vinrent les musiciens qui accompagnèrent Petit Tom de leurs chants et de leurs accords. Vint l’allégresse qui, au milieu de la foule, faisait frémir de joie et d’excitation.
Tout le village était plus heureux que jamais.
Plus jamais il ne fut ennuyé par ses camarades.
Plus jamais ses parents ne le grondèrent, sauf peut-être lorsqu'il piquait des sucreries en cachette.
Plus jamais une personne du village ne tomba malade, et Petit Tom ne cessa jamais de rire.

On raconte même qu'un jour, il rit tellement fort que son rire se transforma en une nuée de colombes, et qu'il s'envola avec elles - Praty, Scratch et Evana, trois de ces dernières, deviendraient d'ailleurs manageuses et développeuses en précision de livraison cigonyale, évitant ainsi de nombreuses erreurs de livraison grâce à un système d'aéro-localisation avancé, mais c'est encore une autre histoire.

Quand à Petit Tom, on dit qu'il vole encore de maison en maison, livrant aux plus malades et démunis son plus précieux remède : le bonheur.

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il y a 7 ans 7 mois #21171 par Leagend7381
Réponse de Leagend7381 sur le sujet Petit Tom, récit à propos d'un nain vert
Une petite nouvelle déjà terminée que je partage plus pour le plaisir que pour la retravailler, mais vos avis avisés sont toujours les bienvenus ;-)

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il y a 7 ans 7 mois - il y a 7 ans 7 mois #21172 par Vuld Edone
Réponse de Vuld Edone sur le sujet Petit Tom, récit à propos d'un nain vert

... Son regard évoquait la douceur, son sourire l'allégresse, et de ses cheveux semblait couler le chant des oiseaux.

C'est ici où on voit à quel point la forme compte. "Tout comme celles" plutôt que "comme celles" qui aurait été plus sérieux, mais aussi la répétition, etc... La réaction face au fond est "d'accord et il marchait sur l'eau aussi ?!" mais la forme est suffisamment légère pour qu'on l'accepte. Le texte a la forme d'un conte et dans un conte un tel personnage est la norme.

Celle-ci est pour Petit Tom car lui, il sait guérir les cœurs.

Là le conte semble se moquer de lui-même. "Même que lui il sait guérir les coeurs d'abord !" L'insistance serait agaçante, une fois encore, sans cette forme qui touche à la comédie.
Et mine de rien, ça rend Tom sympathique.

Étonnant ! Il était petit, avait les cheveux d'un vert profond, semblable à la mousse des arbres, et les yeux plantés comme deux nénuphars au milieu d'un lac éclatant.

Description impeccable, là encore assez légère pour le style du texte mais très évocatrice. Autant la mousse je l'ai vu partout, autant les nénuphars sont plus rafraîchissants.
Et on a encore la structure tripartite avec variation, niveau forme c'est vraiment agréable.
Idem d'ailleurs pour les sonorités, je le note encore avec, plus loin, "longs, blonds et bouclés, et ses yeux d'un bleu profond", c'en est presque scolaire.

La Grande Cigogne était d'une humeur furieuse.

Première déception, j'aurais voulu un petit développement ici : savoir où vit la Grande Cigogne, à quoi elle ressemble, tout ça.
Honnêtement je m'amuse bien, l'histoire est prenante et j'ai envie d'en savoir plus.

pour n’en laisser sortir d’un murmure d’émerveillement.

"qu'un"

A gauche, la presse à étiquettes, où se versait en bouillonnant l’or, l’argent et divers autres métaux précieux, où tombaient des plaquettes de différents bois et de différentes matières, où dégringolaient des ornements sculptés d’ivoire, de pierreries et de perles mystérieuses. Le tout sortait agencé en magnifiques étiquettes, tantôt belles et épurées, tantôt ornées de magnifiques motifs.

Meh. Enchaîner les "où" ne fonctionne pas. On a toujours la structure tripartite, mais la phrase n'avance pas et l'information non plus : "Bobillette-sur-Lac, où vivaient les plus grands héros, champions et parangons, où coulait le vin et la bière, où nettoyer les écuries était un honneur." Même structure, même stagnation mais l'information se renouvelle avec une rupture à la fin (de l'imparfait à l'infinitif) pour souligner la blague.
Ici on a juste une répétition qui piétine et qui donne un effet de lourdeur. Ce qui est étrange puisqu'on passe de la matière brute à une matière raffinée, au produit fini -- je crois. Mais tout cela est indistinct.

Tout ce passage de description, des différentes machines, est en fait la partie maladroite du texte. Le décor n'arrive pas à enchanter. Sans doute pas assez... simple.

Derrière une vitre y tombait ce qui ressemblait à de gros œufs…

C'est un conte, il faut moins de nuance. "Derrière une vitre tombaient de gros oeufs..." On dirait que le texte essaie d'être technique sur une usine à bébés. Wallez.

Il était en fait impossible de comprendre la logique qui animait la couveuse.

Dixit ce que je viens de dire.

... et les transféraient en salle de décollage, deux cent cinquante étages plus au-dessus.

"Plus haut" ou "au-dessus" tout court.
Mais là par contre on retombe dans la forme légère et beaucoup plus engageante. Un simple détail, 250 étages, une exagération comme les contes peuvent se le permettre et qui tout de suite enflamme l'imagination.

Surpris, les Auvrillacs suivirent les sages conseils de la sage cigogne et s'en allèrent.

Et c'est comme ça qu'on fait de l'humour.
J'en ris encore. Le texte explique qu'on va aller voir la Cigogne, qu'elle va tout régler, nous fait un tour de l'usine puis s'amuse avec un peu d'amnésie, toussa toussa et là paf, la Cigogne les renvoie chez eux. C'est excellent.

Ses parents, accablés, retournèrent encore voir la Grande Cigogne...

Je ne vais pas me répéter mais ce texte adore la structure tripartite.

Autours des portraits familiaux...

"Autour"

Rentrant chez lui, son père le grondait.

Je crois me souvenir d'un anglais qui me demandait si cette structure était française. Ma réponse est toujours oui. Même si "Rentré chez lui, son père le grondait" serait plus naturelle. Testé aisément par : "Rentré chez lui ? Son père le grondait" tandis que "Rentrant chez lui ? Son père le grondait" est plus étrange, c'est comme si le père le grondait en chemin.

Sa mère, comme à son habitude, ne savait que dire, et sa Grand'ma tentait vainement de le consoler. Lors de ses temps libres, il aimait errer seul dans la forêt. Un jour, il y fit une terrible rencontre...

Qu'est-ce qu- qu'est-ce qui s'est passé ?
Mauvaise transition. On est en plein événement, il y a une dispute, Tom est malheureux, le père fâché, le reste de la famille hésite et soudain on nous parle de ses temps libres et on change de journée. Mais euh... mais m- mais non. Non. Non.

aller à l'école sans craindre les réprimandes de ta maîtresse

Je supprimerais personnellement "de ta maîtresse", parce que (structure tripartite oblige) on ne nomme ailleurs pas les acteurs, et cette précision (de la maîtresse) rallonge cette proposition par rapport aux autres.

il jaillit par la porte

"Surgit" ? Parce que "jaillir" c'est presque comme si quelque chose l'avait projeté. C'est possible aussi mais on l'utilise plus en cas de combat, "Un ennemi jaillit sur la gauche" pour donner l'impression d'un projectile, d'une menace en approche. "Machin jaillit de sa cachette". Ici il passe une porte.
Bref, c'est de la nuance mais le verbe se justifie mal ici.

Pourtant, Petit Tom avait l'air si triste et si éprouvé que lorsque Sirenelle le vit, elle eut du mal à retenir ses propres larmes.

Autant je n'étais pas dérangé qu'on m'introduise soudain les fées des bois -- le texte m'y a habitué et puis, c'est un conte -- autant là Sirenelle débarque comme ça de nulle part et c'est grmf. On ne sait pas où est Tom (on devine qu'il est dans une forêt), on ne sait pas où est Sirenelle ni qui ni quoi, elle s'invite un peu facilement.
Ca me rappelle les enfants qui racontent les histoires, "Alors c'est un héros il va chercher un trésor mais le troll le capture..." quand où qui quoi comment ?! Autant j'aime bien l'effet produit pour introduire Sirenelle, autant il manque quand même deux-trois choses pour le faire passer. Ne serait-ce qu'introduire le nom propre plus tard, par un habituel "comment k'tu t'appelles ?" Plutôt qu'aussi brusquement.

la fée ne put garder plus longtemps son air d'air furieux.

... ok

Effectua deux radioscopies, trois IRM, des tests biochimiques et des calculs gravitationnels.

Je comprends la blague mais l'anachronisme est trop brutal. Et... entre nous le moment est touchant. Donc même si je ne dédaigne pas d'en rire, un petit moment émotion pourrait être laissé tel quel.

Praty, Scratch et Evana, trois de ces dernières, deviendraient d'ailleurs manageuses et développeuses en précision de livraison cigonyale, évitant ainsi de nombreuses erreurs de livraison grâce à un système d'aéro-localisation avancé, mais c'est encore une autre histoire.

Idem, l'anachronisme est un peu inutile, mais enfin.

La fin est un peu meh, l'enfant se met à rire, oublie Sirenelle "qui passait par là par hasard" et tout le monde guérit parce que.
Bon en même temps on savait qu'il y arriverait et la manière importe peu, mais c'est juste retarder le résultat inutilement, en disant "guéris pas le malade, guéris la maladie"... je euh bon okay non mais euh bon. Bon.
J'aurais préféré quelque chose de plus consistant comme "anfètcécélarm" ou ben "sékantilsexkuz", une petite chose simple mais enfin un enfant qui rit comme un fou au milieu des malades, euh... non. Juste, non.

Au final ?
-> La description de l'usine est à refaire. Trop technique, trop inutile, il n'y a pas le côté "Willie Wonka".
-> Deux mauvaises transitions avec la dispute familiale et la rencontre avec Sirenelle.
-> La fin est... meh.
Pour le reste c'est impeccable, un conte comique où je me suis bien amusé.

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il y a 7 ans 7 mois #21200 par Leagend7381
Réponse de Leagend7381 sur le sujet Petit Tom, récit à propos d'un nain vert
Merci beaucoup de ta réponse :)

Je constate que plusieurs défauts que tu as souligné me faisaient grincer des dents, notamment cette fin. Autant je préfère garder le rire parce je voulais garder l'idée que face au malheur le meilleur remède est de rester heureux (j'ai écrit ce conte en apprenant la maladie grave d'une personne assez proche), autant que Sirenelle arrive et que, pouf, Tom "décide" de se moquer d'elle et soigne ainsi la terrible maladie...

Pour les transitions, je les retravaillerais, c'est vrais qu'après coup elles sont un peut abruptes.

Pour ce qui est des anachronismes, je dois avouer que j'aime beaucoup casser le récit et faire buter le lecteur, mais il est vrais que celui des radioscopies et IRM casse une scène touchante, l'un des moments du récit à, justement ne pas casser.

L'usine. C'est vrais que le côté technique pourrais être un peut écarté, mais d'un autre côté le charme de Charlie et la Chocolaterie c'est bien son côté technique, mais un côté technique merveilleux. Je pense retravailler ce passage, mais j'aime bien cette idée d'usine à bébé, à la fois poétique et intriguant (ainsi que le plaisir d'amener à une réflexion éthique sur les bébés éprouvette)

En tout cas merci infiniment pour ces conseils que je trouve très précis et avisés, et je dois avouer que je suis agréablement surprit que le résultat soit si plaisant

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il y a 7 ans 7 mois #21221 par Leagend7381
Réponse de Leagend7381 sur le sujet Petit Tom, récit à propos d'un nain vert
Edit : après avoir relu ton commentaire, je me suis posé quelques questions sur la différence entre la rencontre avec le lutin et celle avec la fée.

Dans les deux cas, le personnage arrive complètement a l'improviste, il apparait simplement dans l'histoire sans que l'on décrive la rencontre. Dans les deux cas le lecteur connais le nom où la lignée de la créature sans qu'elle ne se soit présentée d'elle même. Alors qu'est-ce qui fait que dans le cas de Sirenelle ce soit dérangeant, et pas dans le cas du lutin.

Est-ce à cause d'une différence dans la manière d'amener la créature, du point de vue littéraire, ou est-ce une différence dans le rôle de la créature, considérant que Sirenelle est "gentille" et donc que l'on veut un peut plus de précision concernant le personnage ?

Peut être que mon interrogation est "capilo-tractée", comme dirais ma prof de lettres, mais l'interrogation persiste.

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il y a 7 ans 7 mois #21222 par Vuld Edone
Réponse de Vuld Edone sur le sujet Petit Tom, récit à propos d'un nain vert
La question est légitime, et la réponse est bien la manière d'amener la créature.
Le lutin est "introduit", la fée ne l'est pas.

Un test en sciences du langage est celui de la "paire adjacente". L'idée est de prendre une phrase et d'en changer un seul élément, et de regarder ce qui se passe :

C'était une voiture jaune. / C'était une jaune voiture.

On a seulement changé l'adjectif de place, et soudainement la phrase n'est plus "française".

Si on applique la même méthode (au-delà de la phrase, sur un passage) à l'introduction de personnages, on a :

Philippe ne serait jamais prêt pour son match de pétanque. De rage, il jeta le cochonnet.
Les gogols étaient des créatures d'un autre temps, à ne pas confondre avec les soufflemirs à poil ras. Ils voyaient les humains comme des jouets, mais en même temps ils se voyaient eux-mêmes comme des jouets aussi, et puisque Philippe avait l'air triste, ce gogol-ci décida de l'aider.

Qu'on modifie comme suit :

Philippe ne serait jamais prêt pour son match de pétanque. De rage, il jeta le cochonnet, puis écarquilla les yeux.
Les gogols étaient des créatures d'un autre temps, à ne pas confondre avec les soufflemirs à poil ras. Ils voyaient les humains...

Je n'ai rajouté qu'une seule proposition mais la différence est notable.
Dans le premier cas, Philippe jette le cochonnet. Le lecteur peut s'intéresser au résultat de ce jet, mais il est plus pertinent de n'y voir qu'une expression de rage et on est donc plus intéressé par ce que Philippe va faire. Soudain on nous parle d'un gogol, et euh ça n'a aucun rapport avec Philippe. On peut reconstruire, évidemment, que le cochonnet a roulé aux pieds du gogol qui l'a ramassé et tout ça, mais c'est au lecteur de tout reconstruire comme un brave, le texte ne l'aide en rien.
Dans le second cas, Philippe écarquille les yeux. Le lecteur va presque nécessairement se demander pourquoi. Cela crée une attente, et il y a mille possibilités : le cochonnet a atterri où il voulait ; il vient de réaliser quelque chose ; il a une crise cardiaque... Donc dès qu'on parle, soudain, d'un gogol, immédiatement le lien se fait : c'est nécessairement que Philippe voit un gogol. Le gogol répond à l'attente du lecteur.
Là encore cette attente se teste, mais c'est un peu long comme démonstration. Je montrerai juste que :

Philippe ne serait jamais prêt pour son match de pétanque. De rage, il jeta le cochonnet, puis écarquilla les yeux.
Les gogols étaient des créatures d'un autre temps, à ne pas confondre avec les soufflemirs à poil ras. Il y avait exactement autant de chances d'en croiser un que de voir un cochonnet de pétanque tomber pile à l'équilibre sur le bâtonnet.

Philippe ne rencontre plus de gogol, c'était juste une manière de dire à quel point ce qui est vraiment arrivé, le cochonnet atterrissant sur le bâtonnet, est impossible. Note qu'à ce stade, objectivement, le gogol est toujours possible -- ce peut être le cochonnet qui sert d'image pour dire à quel point rencontrer un gogol est improbable -- mais comme on parlait de cochonnet avant avec Philippe, le rapport est plus fort qu'entre Philippe et un gogol. Mais ce n'est qu'une note accessoire.
L'important à observer est que le lecteur est forcé de réviser l'interprétation qu'il a faite avec "les gogols étaient..." Il avait une attente (pourquoi Philippe écarquille les yeux), puis une première interprétation (il a vu un gogol), interprétation contredite par le texte (c'était juste une image) et suivie d'une seconde interprétation (son cochonnet est tombé à l'équilibre sur le bâtonnet). Et oui, ne viens pas me demander ce qu'un bâtonnet vient faire à la pétanque, j'invente.
Comme dit, c'est une longue démonstration parce que :

Philippe ne serait jamais prêt pour son match de pétanque. De rage, il jeta le cochonnet, puis écarquilla les yeux.
Le soleil comptait plus d'atomes que toutes les plages de la Terre n'avaient de grains de sable. Il y avait exactement autant de chances d'en calculer le nombre que de voir un cochonnet de pétanque...

Le lecteur ne se dit pas qu'un soleil est apparu devant Philippe... mais il peut interpréter que Philippe vient de se faire cette réflexion improbable sur le soleil. Il y a toujours une interprétation révisée par celle du cochonnet.

Ce qui se passe dans ton texte est que le lutin est introduit par "Un jour, il y fit une terrible rencontre" qui crée l'attente de la rencontre, on se demande qui. Le lutin répond à l'attente, tout va bien. Pour la fée, par contre, on nous dit juste que "Il quitta le village", et là n'importe quoi peut arriver, mais on s'attend à encore parler de Tom, de ce qu'il va faire et tout ça. On nous parle donc de la fée pour pas de raison.
Note qu'à la seconde apparition de Sirenelle, à la fin, le texte cherche à créer la surprise. Cette surprise répond immédiatement à l'attente du lecteur (comment Tom a s'en sortir) et cette fois c'est purement une question de fond, à savoir qu'est-ce que Sirenelle fiche là, mais c'est une question accessoire, personne ne s'en soucie vraiment.

Je n'ai pas vraiment le temps de formaliser ça mais ton texte crée des attentes que la suite de ton texte remplit ou déçoit, tout en créant de nouvelles attentes (à peu près) que la suite d'après remplit ou déçoit, et ainsi de suite.
"Introduire" un élément, c'est faire en sorte que l'élément réponde à une attente du lecteur, c'est créer cette attente, créer les conditions dans lesquelles l'élément sera bien accueilli.

Si j'ai le temps je referai une Chronique d'Écriture là-dessus, mais je préviens par avance ça implique un système logique.

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il y a 7 ans 7 mois #21224 par Leagend7381
Réponse de Leagend7381 sur le sujet Petit Tom, récit à propos d'un nain vert
Je t'avoue que j'ai dû relire à deux fois ton exemple du cochonnet et du bâtonnet, mais je pense avoir mieux compris le réel fonctionnement d'une transition. L'idée n'est pas forcément de faire un "glissement", un "fondu littéraire", ni de justifier ce qui vas arriver, mais juste de préparer le lecteur à l'introduction d'un nouvel élément. Un météore en provenance de la planète Mars pourrait très bien tomber en plein milieu de mon histoire et fendre la Terre en deux si je réussissait à préparer le lecteur à une telle éventualité.

Finalement, la transition permet de briser les "rails" du texte en permettant au lecteur de passer d'une voie à l'autre sans qu'il ne déraille, une sorte d'aiguillage, dans la métaphore d'une voie ferrée.

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il y a 7 ans 6 mois #21225 par Vuld Edone
Réponse de Vuld Edone sur le sujet Petit Tom, récit à propos d'un nain vert
Exactement, tu peux effectivement faire tomber un météore, tant que c'est bien introduit, ça passe.

Je ne sais pas si c'est utile mais j'aimerais différencier "transition" et "introduction".
-> La transition est juste le passage entre deux éléments d'un texte. L'archétype est le changement de lieu ou de temps, du type "deux jours plus tard" ou "pendant ce temps-là, ailleurs".
-> L'introduction (meh) est la préparation en amont d'un élément. L'archétype est la personne au teint livide, étrangement séduisante, qui invite le personnage à aller dans une ruelle sombre. Ça prépare légèrement quelque chose.
L'idée de l'introduction est que l'élément n'est pas introduit quand il est écrit noir sur blanc, mais beaucoup plus tôt, sous le tapis. Mettons que le héros doive rencontrer Gustave, le vendeur de serpents, il se peut qu'au chapitre précédent quelqu'un lui dise "ce qu'il te manque, c'est du courage". Gustave lui apportera ce courage, on a donc déjà introduit Gustave. On l'a préparé à ce point en avance.
La règle du pouce est que tout élément doit toujours être introduit en amont, avant d'apparaître explicitement.

Donc yup, vois ça comme un aiguillage. Perso' je comparerais ça au "tu dois dire à ta copine que tu ne l'aimes plus mais tu ne sais pas comment amener ça", l'introduction est touuuus les préparatifs que tu vas faire en amont pour atténuer le choc.

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il y a 7 ans 6 mois #21238 par Zarathoustra
Réponse de Zarathoustra sur le sujet Petit Tom, récit à propos d'un nain vert
Ca fait plusieurs fois que j'essaie de trouver un truc intéressant à dire sur ce texte qui n'ait pas été souligné par le renard et je n'y arrive pas.
Donc je vais faire court. J'ai assez aimé, mais il me manque quelque chose. J'ai mémoire que tes autres textes m'avaient plus séduit (dommage que tu ne les poursuives pas :( ) . En fait, passé la première moitié avec l'effet de surprise d'avoir un tel récit, j'ai un peu moins été intéressé.
Mais tu montres un vrai potentiel (j'ai souvenir que tu es jeune) très prometteur. Je ne peux que t'encourager à continuer d'écrire. Et je trouve également tes interventions plus générales vraiment intéressantes et déjà très argumentés.

Dans le genre féerique, il y a ici les textes d'Illarion avec les épopées de Finebune la petite fée qui pourraient te servir de modèle.

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