file [Inspiration imagée] Arthur Rackham

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il y a 15 ans 3 mois #15865 par Monthy3
[Inspiration imagée] Arthur Rackham a été créé par Monthy3
Allez, comme cela faisait longtemps, je vous propose une nouvelle inspiration imagée. Rappelons brièvement les règles : il s'agit simplement d'écrire un texte (nouvelle poème, dialogue...) qui vous est venu à la contemplation de cette ou de ces images.

Ces images ? Mais oui, car je vous en propose deux aujourd'hui ! La raison est simple : si les images des précédentes éditions représentaient chacune tel ou tel paysage, j'ai décidé cette fois-ci de vous proposer du figuratif, de l'illustration pour être précis, et se contenter d'une seule image aurait pu réduire un peu trop le champ des possibilités.

Vous pouvez donc vous inspirer de l'une, de l'autre ou, au mieux, des deux à la fois - je les ai sélectionnées dans ce dernier but. ;)

Mais je parle, je parle, et vous attendez les images. Elles sont toutes deux d' Arthur Rackham , un illustrateur que j'affectionne. Les voici :

Pandora


Et l'une des illustrations de l'Anneau de Nibelheim (de Wagner)

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il y a 15 ans 2 mois #16070 par Vuld Edone
Réponse de Vuld Edone sur le sujet Re: [Inspiration imagée] Arthur Rackham
Renard en boîte

Une vieille malle s’ajouta aux pièces du petit musée d’Espan. Le jour de son arrivée, ce musée comptait trente à quarante entrées journalières. Un mois après, plus de deux cents. Le gardien ne pouvait pas passer sans voir quelqu’un devant la vitrine où cette malle, entre autres objets, était exposée. Il n’avait pas non plus passé un jour sans devoir répondre à des questions dessus : d’où elle venait, à qui elle avait servi ou encore ce qu’elle contenait. Et quand il assurait aux visiteurs que la malle ouverte à de multiples reprises était bien vide, le gardien la regardait à son tour comme il le faisait chaque jour depuis son arrivée, avant même l’heure d’ouvrir.
Cette malle, plutôt une simple caisse d’un bois moderne, épaissi aux quatre pieds, n’était que là décorée et bien chichement, à peine une ou deux formes qui n’évoquaient rien. Autrement plate, sans même un crochet, elle était presque hideuse.
La famille Beaumont en avait passé la commande quelques années auparavant, suite à un incendie qui détruisait l’originale vieille de deux siècles, issue d’un atelier de la vallée, et copiée d’un coffre lui bien médiéval, daté d’un millénaire sur une gravure de porche. Les historiens révélaient qu’il ne s’agissait que de la reproduction d’une possession légendaire, attribuée aux mythes de la Frombe. Le maître de la forêt, voulant cesser la guerre, promit aux hommes de leur donner son cœur, fit mourir un nouveau-né dans le coffre et le leur remit fermé avec l’ordre de ne jamais l’ouvrir. Les légendes divergeaient ensuite, sur qui l’ouvrait et comment, et sur ce qu’il advenait des créatures et des hommes.
Voici l’une d’elles : Arthur Crame, déjà bien bâti dans son corps et dans sa vie, préparait son mariage avec la petite Sophie Taquenard. Cette dernière par son éducation s’intéressait à l’art et par cette même éducation, elle avait été poussée à peindre. Ce passe-temps d’enfance était devenu pour elle une obsession dont le mariage devait la délivrer enfin. Elle avait pour Crame abandonné le pinceau, sans grand regret. Leurs rapports avaient été fructueux. À quelques jours de la cérémonie, pour la reposer de ses efforts, son fiancé lui proposa de se rendre au musée. Ils en visitèrent les galeries de tableaux durant des heures, et discutèrent tels deux tourtereaux loin des tracas du monde. Le temps passa et Sophie plus heureuse que jamais se fit passer la bague au doigt.
Deux jours plus tard, elle proposait de retourner au musée d’Espan tant les tableaux lui avaient plu. Les formalités assommantes les chassèrent de chez eux. Ils repassèrent les mêmes portes, revirent les mêmes tableaux avec un intérêt renouvelé, d’autant plus fort que leurs mains serrées portaient chacune un anneau. Enfin ils allaient avec une amie d’enfance, Sarah, dont les cheveux noirs coulaient tout le long de l’échine mais hélas ne flottaient pas. Tous trois passèrent par inadvertance devant la malle exposée. Au passage la mariée s’effondra et resta tétanisée, en position de fœtus, sur le plancher. Il fallut appeler une ambulance.
Deux jours alités ne suffirent pas. Les médecins durent s’y résoudre, le mari aussi. Sophie fut envoyée au centre psychiatrique de Leschamps. Un docteur assez bonhomme, de petites lunettes sur le nez, se permit d’expliquer le cas.
« Votre femme souffre d’une contraction nerveuse généralisée qui l’a plongée dans un état de veille. Son cerveau s’est déréglé et ne cesse d’ordonner à ses muscles de se contracter. L’effort et le manque consécutif d’oxygène l’ont fait s’évanouir. D’ici une semaine, elle sera sur pied. »
« C’est tout ? »
Le docteur regarda ce jeune blanc-bec avec un air de curiosité courroucée. « C’est tout. » Grâce à la neurologie, quelques séances d’électrodes auraient raison de la contraction nerveuse et le corps se relâchant, tout reviendrait à la normale. De tels cas arrivaient mais les rares victimes mouraient sur le coup, faute d’oxygène, et le traitement n’existait que depuis quelques années. La nouvelle Crame avait eu de la chance, il suffirait de la maintenir en vie. Quant aux séquelles, personne ne pouvait rien affirmer.
À l’entrée du centre l’attendait Sarah. Elle fit tout pour cacher son anxiété et comme Arthur baissait la tête, l’amie de sa femme lui proposa de le reconduire à Espan. Ses mots le rassérénèrent assez pour le faire accepter et bien qu’il eût décidé de veiller sur Sophie, empêché en cela par les médecins, Arthur Crame s’effondra sur le siège passager sans un regard au paysage.
Seule dans le grenier, Sophie s’était recroquevillée dans un coin. À part la malle se trouvaient quelques objets épars, médiévaux, voilés par l’ombre. La malle même reposait sur la trappe d’accès. Quelques rais de lumière crevant la vitre vieille et sale de la lucarne tranchaient sur cet unique meuble, puis coulaient sur le plancher nu avant de disparaître. Alors la nuit s’imposait et elle pouvait entendre les araignées parcourir la pièce, tendre leurs toiles. Elle les sentait parfois passer dans ses cheveux. La peur l’empêchait de bouger, même quand la lumière revenait, contre un mur puis descendant, jusqu’à la malle. La peur la tétanisait.
Une envie folle la brûlait d’ouvrir la malle.
« Il est vide. »
Arthur insista : « Vous êtes vraiment certain qu’il n’y a rien dedans ? » Le gardien n’en était pas seulement persuadé. Comme il lisait le désarroi sur ce visage, comme il savait ce qui était arrivé à sa femme, il lui proposa de le retrouver après la fermeture, à l’entrée. Il ouvrirait la vitrine et la malle. La perspective sembla dissuader le mari mais à la seule pensée d’être voué à l’impuissance, il accepta.
Il alla retrouver Sarah qui l’attendait à l’extérieur, contre la voiture, et lui expliqua qu’il allait rester pour la fermeture. Elle se montra inquiète, cette inquiétude tout à fait raisonnable et bien concrète : « Prends soin de toi. Tu deviens de plus en plus distant. » Elle avait raison. Pour être aveuglé d’amour, Arthur n’en était pas insensible. Il baissa la tête, coupable, mais persista dans son idée. Il ne s’agissait plus pour lui de savoir ce qui était arrivée à Sophie, mais de sauver Sophie d’un mal qu’il n’identifiait pas.
Le soir venu, les derniers visiteurs quittèrent le perron de pierre. Alors il se précipita à l’entrée où le gardien était apparu. Tous deux laissèrent les portes verrouillées derrière eux et, dans le silence et l’obscurité, ils se rendirent à la vitrine. D’un tour de clé, il en libéra l’accès, de sorte que tous deux se retrouvèrent devant la malle, dans ce faux décor médiéval, tout plaqué de bois. La main d’Arthur toucha le meuble sans trop y croire.
Dedans se trouvait son amour, l’amour d’Arthur Crame, l’amour qu’il lui portait. Tout en même temps, elle reconnaissait parfaitement la malle du musée et elle savait pertinemment qu’il ne se trouvait rien à l’intérieur. Qu’elle était vide. Alors plongée dans une déraison qui la dépassait, elle repoussait à tout prix le besoin absolu de l’ouvrir. Par peur de ne rien y trouver. Par peur d’y trouver quelque chose. Par peur d’y trouver l’amour d’Arthur Crame, et que cet amour s’envole. Par peur de le tuer lui, ou bien elle. Toutes ces peurs la paralysaient, alors même qu’elle voulait ouvrir ce coffre.
Un long grincement du bois autour d’elle la fit fermer les yeux. Elle reconnaissait le bruit du couvercle qu’on ouvrait, elle eut peur de le voir ouvert et refusa de bouger, de longues minutes, jusqu’à ce que le couvercle se referme. Alors trop vite, pressée par un instant qu’elle risquait de perdre, ses deux paupières s’ouvrirent grandes, les yeux écarquillés pour percer la pénombre du soir, et elle regarda la malle inerte, toujours fermée, malgré le grincement qui s’achevait. Son cœur battait. Le même bruit lui revenait maintenant insidieux, un souvenir, un écho dans sa tête. Elle se l’était inventé. Elle gémit.
Arthur Crame rentra chez eux dépité. Il trouva la maison froide, vide, les cartons à peine ouverts, aucun couvert sur la table, il monta rejoindre le lit vide depuis deux nuits. Il s’y coucha habillé, se pelotonna dans les draps pour y mouler Sophie. Et bien que ce n’était pas sa femme, ce modelage dans les draps lui fit plus de bien que tout ce qu’il avait vu au musée. Ses doutes se devinaient facilement. Mais le véritable sentiment qui le dominait, lui, bien plus sournois, était inconnu même du mari.
Au lendemain rien n’avait changé, il rêvait les yeux perdus sur sa bague de marié quand Sarah sonna à la porte. Elle venait le prendre pour se rendre à Leschamps. Lui n’y avait pas songé. Sur la route, son impatience le céda à l’enfermement, il parla avec elle et la remercia, sans savoir de quoi exactement. Comme à son habitude, elle se mit à rire et le traita d’enfant. Ils arrivèrent à temps pour les visites. Derrière une porte qu’ils ne pouvaient pas franchir, tous deux regardèrent la malheureuse en boule sur son lit, la couverture posée sur elle. Même depuis là, ils pouvaient voir l’épaule qui dépassait et sur l’épaule des traces de piqûres. Ce triste état pesa fort sur le mari.
Il voulut rester encore et après quelques mots de soutien, il obtint la solitude que son cœur réclamait, qu’il croyait correspondre tant à son état. Aussitôt un autre médecin parut et ce médecin tout souriant lui devint aussitôt antipathique.
« Vous croyez que c’est lié à la malle ? » demanda celui-ci et aussitôt « Le gardien est un ami. »
Ce gardien aussi lui parut détestable. Il fit bonne figure, voulut bien admettre qu’un coffre ne pouvait pas avoir cet effet et quand tous deux se furent entendus, il lui demanda de laisser sa vie tranquille. Au lieu de quoi le médecin lui dit de se méfier, de persévérer puis : « Ce n’est pas ce que vous vouliez entendre ? » Ils se quittèrent sur ces mots, sur le rire insupportable que lança cet étranger en le laissant, un simple salut de la main pour toute amabilité. Aussitôt après, sans qu’il voie le rapport, Arthur se promettait de se désintéresser de la malle. Il resta encore accroché à la porte, à observer son amour, avant de partir.
Elle l’attendait à l’extérieur.
Une fois encore, le voyage de retour le poussa à parler. Peu à peu il admettait ses erreurs, admettait qu’il agissait en étourdi, il voulait croire que tout cela n’était qu’une simple maladie vite soignée. Inévitablement, cela lui fit dire : « Il ne peut rien y avoir dans ce coffre. » Sarah fit mine de ne pas l’avoir noté. Il comprenait qu’elle aussi souffrait et s’étant montré suffisamment égoïste, il se préoccupa d’elle. Peu à peu la douleur de cette situation difficile s’évada de lui, disparut à mesure des kilomètres, si bien qu’arrivé chez lui, bien qu’abattu, il ne pensait plus au présent mais à l’avenir, non plus qu’elle était hospitalisée mais qu’elle se rétablirait, qu’elle peindrait de nouveau, que tout irait bien.
De cette même assurance, il invita l’amie de sa femme à dîner chez lui, sur excuse qu’elle l’aide à déballer encore des affaires. Il voulut en faire une surprise pour sa femme, quand elle rentrerait. Et Sarah y vit un moyen de rendre des couleurs au mari de son amie. Ils rangèrent bien peu d’affaires, mangèrent assez bien et vers onze heures, quand la fatigue les surprit, elle repartit avec un sourire pour lui donner du courage.
Elle comprit seulement alors que la lucarne était une fenêtre à une infinie distance, que cette distance déformait, que la moitié du grenier n’existait pas mais répliquait l’autre moitié en une finitude et qu’elle n’était pas enfermée dans un lieu inconnu, mais reposait depuis trois jours dans la vitrine du musée. L’idée lui vint de chercher la vitrine mais son corps refusa tout geste. La peur la clouait sur place, la peur qu’à la moindre concession elle se jette sur la malle pour l’ouvrir. Pourtant elle l’avait déjà ouverte.
Elle avait peint les rares motifs des quatre pieds, alors que ceux-ci n’étaient pas encore assemblés au reste de la malle, voilà quelques années de cela. Le coffre une fois terminé, elle avait eu tout le loisir d’en observer l’intérieur. Il ne s’y trouvait rien, absolument rien. Sa raison le lui disait, ses sentiments aussi, sa peur elle-même en grande partie lui révélait ce vide et s’en nourrissait. Enfin ce fut Arthur qui le lui dit.
« Ce coffre est vide et tu le sais. »
Elle pleura en le voyant. Les larmes roulèrent sur son visage figé. Arthur portait le vêtement de ville et ne paraissait aucunement touché. Il lui parlait sans vraiment la voir.
« Tu as subi une contraction nerveuse. Ton esprit a construit ce petit espace à partir du dernier souvenir enregistré. Ensuite, les peurs qui te travaillent depuis notre rencontre s’y sont exprimées, sous la forme de cette malle. »
« Arthur… » Gémit-elle seulement, sans savoir si ses lèvres ont bougé. Son mari eut l’air de l’avoir entendue.
« Des peurs refoulées depuis ta plus tendre enfance, sur la vie, sur l’amour, si je suis celui que tu aimes, si je t’aime, ont provoqué un choc physique. »
« J’ai peur… »
« Sophie, cela fait quatre jours, non trois, que tu es ici. Et malgré le traitement ton état ne s’améliore pas. Il n’y a rien dans ce coffre, rien, tu le sais, je le sais. »
« Tais-toi ! » Elle avait tiré la tête des épaules, de ses mains, elle avait tiré la tête dans un douloureux effort qui la faisait tordre ses lèvres de douleur. Un médecin vit ce mouvement du corps et aussitôt, il ordonna plus d’électrodes. L’espoir renaissait dans le corps médical. Soudain son corps se délassa, tous les muscles se détendirent, elle reposa inerte sur la table, dans ses vêtements de quatre jours. Sophie Crame ne se réveilla pas pour autant mais à présent, elle dormait d’un rêve épuisé et les médecins ne trouvaient pas de séquelles. Quelqu’un s’empressa de saisir le téléphone.
Ce fut Arthur qui répondit, malgré son air ébréché. Il avait bu, en compagnie de Sarah, toute la soirée. Ils avaient eu tous les deux la même idée en tête, oppressante, comme dans un cauchemar. Toute la soirée ils s’y étaient préparé et en même temps cherchaient le moyen de l’éviter, acteurs passifs de leur tourment. Le téléphone les séparait enfin. Elle sourit d’un sourire désabusé tandis que le visage d’Arthur s’illuminait. Il l’aimait, après tout.
« Tais-toi ! »
Elle s’était effondrée sans force sur le plancher de bois de la vitrine. Le plancher n’offrait presque pas d’espace pour se mouvoir. Aussitôt foudroyantes toutes ses pensées se concentrèrent sur un seul besoin suprême et tout son corps tendit à le réaliser. Elle sentit ses membres agir comme des membres étrangers, soudain délassés, la porter jusqu’au coffre. Elle s’affala sur le couvercle mais sa peur fut la plus forte.
« Ne l’ouvre pas Sophie ! » hurla son mari épouvanté « C’est fini, tu es sauvée, Sophie, je t’aime ! Il n’y a rien dans ce coffre, je t’en prie, je t’aime ! »
Sophie pleurait dans une sorte d’allégresse qu’elle n’aurait pas su peindre. Elle se rendit compte de son état, son pauvre état de petite fille, d’un âge qu’elle n’avait plus, et innocente, et découverte, et elle sut ce qui avait fait battre son cœur. Elle arracha l’anneau de son doigt, ne dit rien, ne fit que ce geste et sentant trop vivement qu’elle avait tort, au détriment de cette terreur qui l’avait préservée jusque-là, elle l’ouvrit.
Dedans, il y avait…

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il y a 15 ans 2 mois #16126 par Monthy3
Réponse de Monthy3 sur le sujet Re: [Inspiration imagée] Arthur Rackham
Un conte

« Il était une fois deux seigneurs qui se partageaient la domination d’un lointain pays. L’un avait trois filles et l’autre trois fils. Désireux d’éviter toute guerre, ils résolurent d’unir leurs enfants aînés respectifs afin que l’heureux couple règne par la suite en maître sur le pays.
Les enfants n’y étaient pas opposés car la fille aînée aimait le fils aîné et le fils aîné aimait la fille aînée. Ils se fiancèrent donc pour éprouver la solidité de leur amour. Le fils aîné était un artiste, un rêveur. La fille aînée était une pétillante nixe.
Hélas, si le fils aîné persista dans ses sentiments, la fille aînée se lassa peu à peu de son amant et il s’avéra bientôt que tout mariage serait impossible ou malheureux. Mais les seigneurs aimaient leurs enfants et acceptèrent l’inconstance de la fille aînée. Ils résolurent alors d’essayer de trouver d’autres affinités entre leurs autres enfants. Or tous les fils appréciaient la fille aînée.
Le deuxième fils emmena la fille aînée à la chasse. Il était fougueux et bravache, plein de panache et d’énergie, et elle l’aima pour cela. Elle oublia peu à peu le fils aîné jusqu’à ne plus se souvenir de son nom et, bientôt, les seigneurs parlèrent mariage. La fille aînée et le deuxième fils se fiancèrent donc pour éprouver la solidité de leur amour. Mais la fille aînée se lassa peu à peu de son amant et il s’avéra bientôt que tout mariage serait impossible ou malheureux.
Alors le fils cadet emmena la fille aînée à la mer. Il était rude et exalté, plein de rêves et de bons mots, et elle l’aima pour cela. Elle oublia peu à peu le fils second jusqu’à ne plus se souvenir de son nom et, bientôt, les seigneurs parlèrent mariage. La fille aînée et le fils second se fiancèrent donc pour éprouver la solidité de leur amour. Mais la fille aînée se lassa peu à peu de son amant et il s’avéra bientôt que tout mariage serait impossible ou malheureux.
Il apparaissait donc que la fille aînée du seigneur ne trouverait pas son bonheur dans la famille de l’autre seigneur et elle partit dans le royaume voisin chercher le véritable amour. Les seigneurs essayèrent donc de marier le fils aîné.
La deuxième fille emmena le fils aîné autour du monde. Elle était intrépide et glorieuse, pleine de vigueur et de chaleur. Mais il ne l’aima pas, car toujours il rêvait de la fille aînée qui, partie à l’étranger, n’en demeurait pas moins présente à tout moment dans son cœur et dans ses songes.
Alors la fille cadette emmena le fils aîné danser. Elle était timide et triste, pleine de douceur et de mélancolie. Mais il ne l’aima pas, car toujours il rêvait de la fille aînée qui, partie à l’étranger, n’en demeurait pas moins présente à tout moment dans son cœur et dans ses songes.
Il apparaissait donc que le fils aîné du seigneur ne trouverait pas son bonheur chez une personne autre que la fille aînée de l’autre seigneur. En désespoir de cause, les seigneurs essayèrent de marier leurs autres enfants. Et ce fut dans de grandes pompes que la deuxième fille épousa le deuxième fils, et dans de grandes liesses que la fille cadette épousa le fils cadet, et tous vécurent heureux en gouvernant ensemble le pays.

Mais qu’advint-il de nos aînés ?
Ma foi, je ne sais pas ce que devient la fille aînée. Peut-être cherche-t-elle encore l’amour, peut-être l’a-t-elle déjà trouvé parmi les innombrables rencontres qu’elle a pu faire au cours de sa quête. Les seigneurs attendent son retour et imaginent déjà son beau visage épanoui par son interminable périple.
Je sais en revanche ce que devient le fils aîné. Il souffre et rêve, sans cesse, ce visage épanoui le hantant jour et nuit. Il versifie, il chantonne, il pleure parfois, il a souri hier. Ses traits sont un peu tirés, sa peau trop pâle. Il se rappelle. Il ne peut pas s’en empêcher. Les seigneurs attendent son retour.

Le plus heureux des deux a été le fils aîné. Le plus heureux des deux est la fille aînée. Maintenant, dis-moi : qui sera le plus heureux ? »

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Modérateurs: SanKundïnZarathoustra
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