[Octobre 2008] Les 14 pêchés, Zeus - Mutatis Mutandis
- Vuld Edone
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Tout d'abord merci pour ta critique, Feurnard, qui sur bien des points s'avère d'une finesse appréciable...
Feurnard écrit: C'est un texte satirique dont je peux révéler sans nuire les ressorts qui sont l'un l'application de la bourgeoisie à un panthéon, l'autre le métalangage du texte sur lui-même comme parodie d'un genre antique que je ne connais pas - parlant des dieux seuls ? et parodie des annotations scientifiques (ou sensées être comme telles) qui suivent ces éditions.
C'est en effet le cas.
Pour la question des sources, il ne s'agit pas de textes antiques bien qu'on puisse retrouver quelques échos dégradés de l'oeuvre de Lucien. Il s'agirait plus ici de textes "modernes" partant de Rabelais (et plus avant de la farce médiévale) pour finir à Voltaire (et autres références plus contemporaines) avec pour matière les Dieux de l'Olympe, plongé dans notre monde contemporain...
Feurnard écrit: Non, ici il s'agit de rire.
On est d'accord. Mais, il s'agit ici, bien évidemment du Silène de Rabelais ou du Castigat mores ridendo de Molière.
Feurnard écrit: dès que Zeus prononce le fatidique "OK !!!",
Petite précision, il ne s'agit pas ici de Zeus, mais d'Hermès. Il y a un clin d'oeil évident, j'espère que tous l'auront noté, aux Visiteurs. Mon but a toujours été de mêler culture érudite à une culture populaire, puisque j'affectionne autant l'une que l'autre...
La lecture de ce texte se fait comme lorsqu'on a affaire à un champ miné : au fond, c'est une lecture ludique et il faut s'amuser à rechercher les références cachées! En cela, c'est bien une méta-parodie (parodie du fond, comme de la forme!)
En effet, il y a une volonté de déception : il faut que le texte toujours soit là où on ne voudrait pas qu'il soit. Une phrase est attendue, je ne peux pas décevoir le lecteur, et je la place, même si cela dynamite l'effet comique : j'aime bien les chutes foirées, ce n'est certes plus du premier degré.Feurnard écrit: une phrase au ras du talon : trop prévisible sans doute, c'est néanmoins un élément en faveur du texte.
Il faut que le lecteur finisse pas se dire : "Il ne va pas le faire? Oh si, il va le faire, c'est pas vrai! Il a fait, il n'a vraiment pas honte"... Ce qui explique évidemment "les phrases au ras du talon", aussi bien au niveau du sens, que de la forme...
Le texte est littéralement une "parodie", un texte qui chante à côté, dans le faux.
Feurnard écrit: J'aurais trouvé, d'autres auront d'autres avis, le texte plus intéressant si les dieux avaient conservé un ton soutenu (et des caractéristiques des textes antiques) pour des contenus tout à fait matériels.
Lorsque j'eus décidé de faire une "parodie" (au sens large et non générique), j'avais plusieurs choix (ceux que définit Genette, dans Palimpseste, par ex) : le travestissement burlesque, la parodie (au sens strict, pastiche héroïco-comique) : un style noble avec un contenu vulgaire, ce que tu aurais aimé, genres comiques (comédie, etc.), la satire, etc.
J'ai souhaité tout mélanger : bien que le contenu ne soit pas souvent noble, je ne me suis pas empêché parfois (dans les autres textes, peut-être pas Zeus) de l'utiliser. J'ai souhaité utiliser différents ton (allant du "noble" au vulgaire"), mais il se peut que le résultat soit assez médiocre ou pour le moins "dérangeant".
Pour le coup, au niveau stylistique, mon modèle (que je n'approche que de très loin) serait évidemment Rabelais, dont la richesse du vocabulaire, comme du ton, est impressionnante et mériterait de revenir un peu sur la scène littéraire... bien que le XVIIe siècle et son comportement monarchique envers la langue (qui se fait en parallèle de la montée de l'absolutisme) soit passé par là et fausse déjà (après quelques siècles de suprématie) la donne. Montaigne et Rabelais dans leur idéal stylistique, qui est absolument baroque, sont morts depuis longtemps : la France est devenue classique et le français s'est, dans ce sens, appauvri. J'ai donc la nostalgie d'une langue épaisse et toujours étrange, mais Zeus fait ici l'effet d'un nourrisson : sa langue est somme toute étique et comme tu le disais pour l'histoire, (je le dirai ici pour la langue et le style) le texte perd de sa substance pour ne devenir... qu'une parodie de langage.
Toutefois, il serait intéressant de réaliser un pêché en pastiche héroïco-comique, comme nous pouvons en avoir avec le Lutrin de Boileau.
Enfin, un texte que j'avais oublié (mea culpa), mais j'espère que certains y auront pensé (je n'en attends pas moins d'Hécate, par exemple ) : il s'agit evidemment du très célèbre (je m'amuse) Virgile Travesti de Scarron. Je ne résiste pas à l'envie de vous en donner un court extrait gentillet : "Des animaux agonisants/Elle consulta les entrailles,/ Qui sentaient bien fort les tripailles,/ Dont le nez elle se boucha/ Et très sottement se fâcha./ Ô vanité des aruspices!" (chant IV)
Feurnard écrit: Je n'avais pas idée qu'on puisse parler de ménestrel pour l'époque antique mais outre que j'ai encore beaucoup à apprendre, ce détail n'a aucun intérêt.
On parlerait plus aisément et avec plus de justesse d'un aède ou d'un rhapsode (je ne rentrerai pas ici dans ce qui les différencie). Toutefois, comme tu as pu le remarquer, le texte ne se passe pas durant l'antiquité mais à notre époque (il n'y avait ni téléphone, ni Carrefour durant l'antiquité).
Feurnard écrit: Le ménestrel est reconnaissable à nos pièces de théâtres de la Renaissance avec leurs longs monologues monoblocs qui servaient pratiquement à eux seuls d'entracte
Tout à fait! Je pense en particulier aux tragédies sénéquiennes de Garnier.
Alors qu'il a tellement envie de parler...Feurnard écrit: le rôle du ménestrel est de se taire
Très juste. Un autre péché si je me souviens bien a une plus grande part théâtrale, mais il s'agit bien ici d'une narration moderne. Pour le nom propre en tant que titre, c'est un procédé souvent utilisé dans les romans antiques (je ne citerai que Daphnis et Chloé), les dialogues de banquet (aussi bien toute l'oeuvre de Platon que de Cicéron, pensons au Lélius). Le titre donc ne doit pas créer une attente, bien que les premières lignes se proposent sous la forme de répliques théâtrales.Feurnard écrit: On pouvait s'attendre avec des titres en noms propres à un schéma de théâtre, or très souvent ces titres amènent une narration moderne (impensable à l'époque antique ?) et des dialogues en tirets
Alors des titres de parties? Non, bien evidemment. Il est possible que cette impression soit renforcée par ma mauvaise mise en page sur le site. Il n'y évidemment aucun titre pour chaque partie narrative, ce que montre bien pour le coup la fin du texte.Feurnard écrit: Alors, titres de parties ? Oui, sauf que des passages entiers vers la fin n'ont pas de titre.
Toutefois, dans le cadre antique (budé), on ne s'étonnerait pas de voir des titres devant chaque paragraphe. Mais il s'agit d'une tradition au plus tôt médiévale qui s'est perpétuée jusqu'à nos jours, si bien que les textes latins et grecs n'avaient pas de titres devant les paragraphes. Ainsi, l'oeuvre de Tite-Live en Budé doit être regardée seulement en latin, où, contrairement à la page française, il n'y a pas de titre!
Il s'agit en réalité de "notes de bas de page" et non de "note de fin de document", en tout cas sous Word!Feurnard écrit: La forme des renvois (que je n'appelle pas "notes de bas de page", je préfère mes éditions qui renvoient à la fin) est elle-même volontairement lourde, inutile et chargée de références absurdes, ce qui fait leur charme. Certes, des notes lapidaires auraient eu un effet mais quand il s'agissait de parodier nos traductions annotées, les renvois se devaient d'être le plus pesant possible.
Tout à fait d'accord, je me moque ici de ces notes prétendument "érudites", tout comme je me moque ailleurs de ma propre culture... (la confiture, n'est-ce pas...).
En effet, il y a un effet de parenthésage, que j'appelle pour ma part "déceptif". Le texte s'auto-gache, c'est un peu comme lorsqu'on raconte une blague et que l'on ne connais pas la fin ou qu'on réfléchit trois heures : l'effet est desamorcé. Ce qui fait que le texte ne peut pas déchaîner l'enthousiasme du lecteur (ni de son auteur d'ailleurs!), j'en suis bien conscient (cela m'afflige mais je ne vois pas comment arranger cela, si toutefois il fallait l'arranger!).Feurnard écrit: Les passages tirent cependant en longueur, à force d'anecdotes et de retards sur la narration. En fait, s'il n'est signalé nulle part, on pourrait parler d'un effet constant de parenthésage {sic}, chaque action étant l'occasion d'une glose pour l'ironie. Ceux qui cherchent une intrigue dont les enjeux sont donnés dès le départ seront déçus, le texte a du mal à nous entraîner et ce n'est qu'à la fin que nous découvrons de quoi il s'agissait.
J'y compte bien !!!Feurnard écrit: A ce titre le ménestrel "a foiré".
Pour prendre un autre exemple dans la grande littérature, c'est ce que fait Voltaire avec son Candide - comme dit Henry James, Candide, entre autres, est un "flat character", un personne plat, sans profondeur, assujetti aux volontés critiques de son auteur philosophe, bref un pantin.Feurnard écrit: beaucoup de ces personnages ne font que passer en coup de vent, je pense tout particulièrement au Destin et ses consorts qui sont pourtant centraux à la fin (jeu de mots) et qui disparaissent sitôt leur travail accompli, de sorte qu'on s'isole vite à la seule constante, Zeus.
Je crois que c'est le propre du genre et cela en plus correspond parfaitement à l'attitude contemporaine du "kleenex", je prends et je te jette.
Et puis, c'est une vaste comédie, où les personnages font un tour sur scène et puis s'en vont!
Dans la suite des péchés, les personnages prennent j'ai l'impression plus de forme et donc de "pertinence", ils auraient presque une "raison d'être".Feurnard écrit: J'aurais apprécié pour les personnages plus de pertinence dans leur intervention, une raison d'être et pas seulement pour la parodie. Héphaïstos donne l'exemple en venant constamment réparer les roues de charriots.
Que vient faire ici Héphaïstos? Serait-ce un exemple de ce que je POURRAIS mettre en scène? car il est pour le coup absent de la nouvelle...
Le lien plus solide avec la matière antique : ce ne sera pas le cas puisque les histoires continuent de se passer dans notre monde contemporain... Les références seront tout aussi nombreuses, peut-être moins centrées sur l'antiquité (je ne me souviens pas des détails).Ferunard écrit: J'aimerais trouver, dans les prochains péchés, une forme plus rigoureuse et un lien plus solide avec la matière antique, après quoi il y a peu à ajouter, dans le fond c'est une parodie assez réussie.
Pour ce qui est d'une forme rigoureuse, tout l'enjeu est là et me pose de sérieux problème... Pour ce qui est des trois futurs péchés, j'ai peur que ce n'en soit pas le cas, mais cela demande confirmation de votre part. Je suis très mauvais juge de mes oeuvres.
Je suis content que dans le fond ma parodie soit réussie! d'autant plus qu'il s'agit d'un texte écrit lorsque j'avais 15 ans et qui n'a été que très très peu retouché depuis!
Merci encore, mon cher Feurnard, de cette profonde critique! J'attends maintenant la critique acerbe des autres lecteurs!
En attendant, je cours me cacher,
Ex imo pectore,
Mutatis Mutandis
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- Vuld Edone
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Toujours est-il que j'étais persuadé qu'il s'agissait de la matière antique.
A beaucoup d'égards, l'idée du texte me plait. Parodier la langue est dans mes cordes, bien que je sois plutôt à la meurtrir. Le mélange m'est également familier et bien entendu je ne peux pas m'empêcher non plus de gloser en pleine narration, à ma manière, chaque détail de mes textes.
Je suis donc assez bien placé pour savoir que ça ne fonctionne pas.
Il existe bien sûr un juste milieu entre les allusions à la Werber (ah ah) et nos allusions obscures. Les Visiteurs sont trop distants de ton texte pour y être reconnus. Ou seraient, restons prudent.
Il ne faut pas s'y tromper. Même si c'est de la parodie, c'est un genre qui comme tout genre et comme tout texte demande de la rigueur. La plus évidente correction à apporter, en imaginant de retravailler ce péché, serait de donner dès le départ l'enjeu du texte. Non seulement n'avons-nous qu'une vague idée du lien entre l'avarice et les événements - qui passent comme passent les personnages - mais même à la fin, je, personnellement, vois mal le lien entre les anciens dieux et l'avarice de Zeus.
Enfin, ce que je dis là sont des banalités.
Attendons les autres.
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- Mutatis Mutandis
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Feurnard écrit: Non seulement n'avons-nous qu'une vague idée du lien entre l'avarice et les événements - qui passent comme passent les personnages - mais même à la fin, je, personnellement, vois mal le lien entre les anciens dieux et l'avarice de Zeus.
Je ne prétendrai pas que le lien est fortement visible, il est très ténu. Toutefois, il apparaît que tous ces événements sont causés par l'avarice de Zeus, qui lui fait prendre la décision de déménager... De là la pendaison de crémaillère et la décision des anciens dieux de revenir sur le devant de la scène. Ainsi, ils sont la directe cause du retour sur l'Olympe.
Les péchés pour moi s'illustre parfaitement dans un éternel recommencement (d'où le retour à l'Olympe), et c'est la partie métaphysique de cette nouvelle : le monde est absurde et on tourne en rond (cf. la fin de la Cantatrice Chauve de Ionesco).
Mais, en effet, attendons l'avis d'autres lecteurs!
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- Gulzan
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Au tout début en lisant l'en-tête et les deux premières répliques, je me suis dis ''Argh c'est une parodie balourde du théâtre classique'' et la réaction a été ''ALT + F4'' (si vous savez pas ce que ça fait, essayez vous serez surpris!).
Bien sur, puisque je suis ici pour commenter, je suis revenu au texte et à ma grande surprise, j'ai aimé. En effet, j'ai trouvé l'entête et le ménestrel chiants mais le reste est ma foi, bien (voir très bien). Certes l'entête est négligeable (mais j'ai eu une réaction allergique au surplus d'information parodique), cependant est très (très) lourd. J'ai la plupart du temps survolé ses interventions, mis à part celle où il narre l'histoire de Perséphone que j'ai trouvée sympa. Pour moi il serait à supprimer, même si alors on perd une grande partie du coté théâtre du texte.
Ensuite, mis à part la forme que je trouve un peut (trop?) éclatée, le fond m'as bien plut. Certains passages/personnages sont franchements très drôles, je pense à Perséphone mais surtout à Hestia et Hermès (quoique le dernier soit des fois trop stéréotypé, j'en veux certaines réplique vers la fin du texte). Comme vous deux, je trouve le lien entre la chute et l'avarice ténu, p-ê les Vieux Dieux pourrait décider de passer à l'attaque après avoir gouté le vin dégueux que Zeus réserve aux invités de troisième classe...Ce serait la goutte (de mauvais vin) qui fait déborder le vase. Enfin, c'est une idée en l'air.
Bref, dans l'ensemble on ressort quand même heureux de la lecture.
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- Mutatis Mutandis
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Je vois que Tyrelongue ne fait pas seulement qu'agacer les Dieux-Spectateurs! Il en serait ravi!!! Quant à le supprimer, comme tu dis, on perd une bonne partie du texte (cet élément détonateur : Tyrelongue est à comparer à Pierre Bellemarre dans ces enquêtes impossibles (?) sur NT1!!!) et des jeux de mots/sens entre le nom des Dieux et ce qu'ils disent.
Je te remercie aussi de cette (excellente?) idée sur le vin de troisième zone et ce jeu de mots... Il ne serait pas étonnant que cette idée et ce jeu de mots (à moins qu'il n'y ait un copyright?) se retrouve un jour dans ce texte, ou, pourquoi pas, un autre!
Je suis après désolé que certains passages, par leur lourdeur souvent (et non pas "toujours"!) voulue, t'aient déplu, ils font, je crois mais peut-être que je me trompe, partie de la parodie, qui doit être poussée au maximum pour aboutir à une parodie de parodie (si cela veut dire quelque chose... )...
Merci encore de t'être donné la peine de revenir après ce "Alt+F4" fatal,
Mutatis Mutandis
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- Gulzan
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Certes l'entête est négligeable (mais j'ai eu une réaction allergique au surplus d'information parodique), cependant les interventions du ménestrel sont très (très) lourdes. J'ai la plupart du temps survolé ses interventions,
Certes, je conçois l'utilité d'un narrateur balourd, mais je pense que si il était un peu lourd et peu plus drôle, je le supporterai mieux...M'enfin c'est vrai que le supprimer c'est un peu trop, je devais dans un état radical hier soir !
Nop, pas de copyright sur l'idée du vin, sent toi libre de l'utiliser.
Tu n'as pas à te désoler , faut dire que j'ai quand même aimé le texte mais peut-être parce qu'il est plus facile de critiquer que de complimenter as tu eus une impression négative de mon commentaire. Aussi il faut dire que je suis moyennement fan de ''parodies de parodies'', à moins d'être en état de désincarnation astrale, ce qui arrive beaucoup moins souvent que je ne le voudrai.
Mais ce Zeus est quand même bon, mine de rien !
Gul' en vacances et si actif.
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- Hécate
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Je m’en vais céder à la facilité du commentaire au fil-de-la-plume-et-de-la-lecture. Commentaire d’une version corrigée par l’auteur lui-même, mais qui ne devrait en rien faire préjudice à votre lecture personnelle de la précédente. [ Et je m'excuse par avance de la tournure que prend ce commentaire en fin de course.......]
D’entrée de jeu, un épitexte aux accents rabelaisiens qui n’est pas pour me déplaire. Ça flatte la culture du littéraire tout en fleurant suffisamment l’arnaque audacieuse pour amuser le moins averti des lecteurs. Car vanité de lecteur ou pas, il est toujours agréable de se plonger dans une lecture érudite et plus encore lorsqu’elle se présente à rebrousse-poils des « conventions » . Un empilement de petites audaces et de gros travestissements, donc. J’aime les mots valises à grosses ficelles, les patronymes douteux, la farcissure de tes notes à l’érudition fallacieuse…
Le « Mayo pommedeterre » tombe néanmoins en plein dans ce qui me gêne dans ton texte. L’évocation de la patate au milieu de la sacro-sainte poussière antique me hérisse. Un peu comme Baudelaire qui fait des rimes en « pelle » et « râteau », un peu comme le chanteur populaire qui fait rimer « homme » avec « géranium ». Soit, l’analogie avec la poésie n’est pas évidente, mais pour le moins, « Mayo pommedeterre » : ça fait tâche. C’est « en-deçà ».
Je sens qu’on va arguer que Rabelais ne s’arrêterait pas à ce genre de considération, que le bas corporel et les réflexions triviales sont dans la plus pure veine de « Pantagruel », mais, moi, ça me dérange : alors que « Goliath Justoromanesque », c’est délicieux ! Ce que j’essaye à grand peine d’exprimer, c’est qu’en certains points du texte, la parodie dérape vers la blague facile. Pris dans sa belle lancée, ton bolide part en « aquaplaning » et se prend un mur... (Métaphore minable, révisions du code obligent) Un manque de cohérence ?
Je me range derrière Feurnard lorsqu’il dit qu’il aurait parfois attendu quelque-chose de plus « soutenu ». A défaut de « soutenu », j’ai envie de dire de « cohérent ». Pour moi, il y a incohérence entre ton « Goliath justoromanesque », la « néo-archéomythologie », la « très sainte et très poussiéreuse Ecole des Chartes »….et le tubercule-mayonnaise.
« Parodie de potache purement formelle ». Si je ne connaissais pas les précédents du texte, je dirais que tu nous donnes là une sympathique clef de lecture. Mais en toute connaissance de cause, je trouve que c’est faire un joli procès au manque de fantaisie chronique des jurys de concours littéraires. Tenons nous en à « parodie ». Voyons avec quelle justesse ton texte parvient à chanter faux.
J’ose à peine glisser un mot au milieu de votre débat enflammé sur le ménestrel. Néanmoins, il me semble que des figures de « conteurs » ne sont pas pour manquer sur la scène tragique de l’antiquité – romaine, du moins, pour ne parler que de ce que je connais. « L’art du conteur c’est d’être le conte incarné ». Pour savoir que Feurnard lui a déjà fait un cuisant procès, je cite néanmoins Sénèque. Thyeste, Phèdre, Les Troyennes…Les intermèdes contés des messagers sont des solos de « Ménestrel » à part entière. Au détail près que ces intermèdes étaient alors chouettement prisés. Et plus c’est long, meilleur c’est. « Effare, Raconte ! ». Ici, c’est pour le moins renversé. Mais je dis ça : je ne dis rien. Juste : l’anachronisme du terme « ménestrel », soit, mais une réalité du théâtre antique. Revisitée à la sauce XVIe. Sujet clos. Revenons en au texte.
« le Petit Rabelais illustré ou comment parler cette chose qu’est la langue française © »
Je m’enthousiasme d’un rien, mais : j’aime. C’est la force du texte selon moi : il y a des trouvailles. De bonnes idées plus ou moins bien exploitées à certains endroits. Mais incontestablement bonnes, à mon avis.
Une grande purge de la mythologie grecque. J’avoue que le mélange de ce que tu appelles cultures populaire et érudite n’est pas ce qu’il y a de plus digeste pour mon estomac d’antiquisante intégriste, mais autant Téléphone ou les Beatles passent relativement bien, autant « OK ! » me gêne dans le sens ou la référence aux « Visiteurs » n’est pas évidente du tout. Je ne suis pas l’auteur pour dire que c’est – ou non – à supprimer. C’est un choix. Point. Mais détaché des « Visiteurs », ce « Ok » me fait le même effet que la « Mayo pommedeterre » : Appelons ça « l’effet tubercule ».
Pour ce qui est du dynamitage de la trame antique, les dieux offrent cet avantage d’être intemporels. De ce fait, je ne m’agace pas de cette relecture « moderne » et « bourgeoise » du panthéon et je lui trouve même un certain charme. Faire du trivial avec du « sacré », c’est le principe. Là-dessus, tu me donnes même envie de relire Georges Fourest, « La négresse blonde ». En certains point : Georges et toi, même combat« Son ventre réclamait hamburger et coca, le nectar et l’ambroisie du XXIe siècle ; l’explosion du Vésuve l’avait réellement traumatisé, les bordels avaient été couverts de cendre, fini les filles de Pompéi… mais quand même, il aimait bien ce petit village, très sexy, pensa-t-il. »
Je me tais et je poursuis.« _Jour de Dieu ! », rugit la Troyenne,
« Oser me parler conjungo,
A moi, la veuve inconsolable
D’Hector, ce héros des héros,
Près de qui ( ce n’est une fable !)
Tous les héros sont des zéros
Et qu’un jour les marchands de cartes
Nommeront valet de carreau !
« Merdre ! » dirait le père Ubu ! »
- « Non, pas du tout, mon chéri, je n’oserais en aucun cas me moquer d’une personne plus éblouissante dans sa connerie que le soleil dans ses rayons de lumière.
Les répliques au « ras du talon ». Une parmi tant d’autres. L’empilement d’images homériques au rabais ne me gêne en aucun cas. En revanche, jouant la pudibonderie jusqu’au bout « plus éblouissante dans sa connerie », j’ai presque envie de souligner et de mettre « md » en marge. Effet de réel, effet d’oralité…mais on touche aux limites du système. Surtout dans la bouche d’Héra. Je chipote et j’ai sans doute tort. Mais ça me dérange. Et je n’arrive pas à mettre un nom dessus. Effet tubercule, disons.
Ah ! Béni soit Socrate.- « On croit savoir des choses, et puis, à la fin, on sait que l’on ne sait rien du tout.
Hérétique.« Moi et les petits chameaux ou De l’importance des classiques d’après Umberto Eco, chirurgien en histoire de l’art. »
Bon, dans le sac des trouvailles : le plan d’urgence économique d’Héra, les lobbies polythéistes, le défilé parasite des divinités qui jalonnent le texte (même Perséphone la pré-pubère et ses pulsions incontrôlable pour la grosse moto d’Hadès, biker du Tartare et gardien du Caniche mortifère ) ( Encore que : que fais Janus ici ????), quelques sentences bien senties…
Je ne m’appesantis pas plus.
Pour finir sur une note plus générale. Un texte plaisant dans sa forme et dans son projet. Des réelles bonnes idées. Mais un texte qui gagnerait sans doute à être plus court ou moins dense. L’attention du lecteur est capricieuse en fin de course et j’ai tendance à m’essouffler un peu. Monthy connait ( et blâme) ma légendaire paresse. Mais de fait, quinze pages de plaisanteries – même divines ( dans tous les sens du terme) – c’est par trop ambitieux, à mon avis. Il me semble que la première version était plus courte : méprise ?
Pour le raisonner autrement qu’en terme de longueur : un texte qui gagnerait à « mieux exploiter » ses idées. A partir un peu moins dans tous les sens. Je pense que tu peux gagner en « effficacité ». Lis Georges Fourest. ( Ou pas.)
Voilà, à tantôt.
Désolée pour cet empilement de réflexions verbeuses et tordues. Comme le dit si bien Mutatis, une manière de se moquer d'une culture-confiture qui n'aura bientôt plus droit de siéger.
"Avant le déluge, débranchez les cerveaux !"
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- Mutatis Mutandis
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Je noterai cependant une certaine aversion envers le tubercule, ce petit machin qui visiblement a encore du mal à entrer dans les moeurs françaises, c'est à faire perdre la tête à Louis XVI... s'il ne l'avait pas déjà perdue! Bref, comme je disais en privé, cet acharnement envers la tuberculeuse pomme de terre, qui nous rattache à nos racines, m'a laissé le regret d'avoir cultivé mon jardin, sur l'injonction de François-Marie, alias Voltaire, pour les intimes!
Mais trève de plaisanterie et répondons à cet aimable (oui oui) critique...
Mayo Pommedeterre est une private joke (désolé les gars...), faisant référence à une personne qui fut jadis importante dans ma vie intellectuelle! Mais rebaptisons-là Mayo Tubercule (l'ancien nom il est vrai me mettait mal-à-l'aise, celui-ci fait plus chic, plus savant).
Hécate écrit: Ce que j’essaye à grand peine d’exprimer, c’est qu’en certains points du texte, la parodie dérape vers la blague facile. Pris dans sa belle lancée, ton bolide part en « aquaplaning » et se prend un mur... (Métaphore minable, révisions du code obligent)
Oui, je n'ai jamais été doué en conduite, certaines personnes proche de moi pourront le confirmer! Il est très difficile de ne pas se laisser aller vers le mur et se le prendre, la blague facile - que d'autres nommes la perche - on aime bien la saisir!
Hécate écrit: Je me range derrière Feurnard lorsqu’il dit qu’il aurait parfois attendu quelque-chose de plus « soutenu ». A défaut de « soutenu », j’ai envie de dire de « cohérent ». Pour moi, il y a incohérence entre ton « Goliath justoromanesque », la « néo-archéomythologie », la « très sainte et très poussiéreuse Ecole des Chartes »….et le tubercule-mayonnaise.
Cohérent/Soutenu, il ne me semblait pas que cela voulait dire la même chose, ni que les deux mots entretenait un rapport sémantique nuancé...
Je ne saurais rien dire sur l'incohérence entre "GJ", "n-a" et "tsetpEC" et la mayonnaise... Evidemment, comme tu t'en doutes, je parlerais bien de Rabelais, mais brisons-là, je n'ai sincèrement aucun avis valable sur la question...
Hécate écrit: « Parodie de potache purement formelle ». Si je ne connaissais pas les précédents du texte, je dirais que tu nous donnes là une sympathique clef de lecture. Mais en toute connaissance de cause, je trouve que c’est faire un joli procès au manque de fantaisie chronique des jurys de concours littéraires. Tenons nous en à « parodie ».
Tu as de la chance de connaître la vie cachée de mon texte. Pour expliciter aux autres chroniqueurs, c'est une des critiques qui a été formulée lorsque j'ai proposé le présent texte au Concours du Jeune Ecrivain. Une année, je me suis fait descendre "parodie de potache purement formelle", "vous devriez relire Rabelais, Marivaux, Voltaire" (justement qui devrait les relire?) , l'année suivante c'était une critique élogieuse. Bref, j'en ai un peu perdu mon latin et j'ai arrêté de participer à ce concours (pas seulement pour cette raison!). Il est évident que ce texte ne laisse (presque) pas indifférent, ce dont je me félicite.
J'ai intégré cette critique en la faisant, dans ma tête, changé de sens (celui de l'insulte) vers un renvoi littéraire plus élogieux (je me dénigre parfois, mais surtout lorsque je n'ai rien à faire d'autre... et je suis quelqu'un de très occupé ) : je parle évidemment de cette autre "parodie de potache" qu'est Ubu Roi et que jusqu'à présent j'avais laissé dans l'ombre.
Moi aussi j'aurais bien aimé commencé un récit par "merdre!", mais bon, la place était prise!
Après tant de votes, je supprimerai le "OK!"... qui ne fait rien gagner à l'histoire... et coupons un peu l'herbe sous les pieds à "l'effet tubercule"!
J'avoue (mea plurima culpa) ne pas connaître G. Fourest, qui justement cite le "merdre", en effet, je sens que je vais aimer prendre les armes à ses côtés!
Hécate écrit: En revanche, jouant la pudibonderie jusqu’au bout « plus éblouissante dans sa connerie », j’ai presque envie de souligner et de mettre « md » en marge. Effet de réel, effet d’oralité…mais on touche aux limites du système.
Ah! une lettres classiques réactionnaires... je les croyais en voie de disparition! Heureusement que ce texte est sur le net, sur la marge on ne peut pas écrire!
Je défendrai mordicus mon "plus éblouissante dans sa connerie" qui caractérise une grande partie de nos hommes politiques (mais je ne ferai pas ici, ni ailleurs de la politique)...
Dear Hécate, que penser des chansons de Brassens? Eh oui, car quand on est con, on est con...
Hecate écrit: Ah ! Béni soit Socrate.
Dans le genre... La formulation de cette phrase (de Zeus) me laisse toujours un sourire aux lèvres. Qu'est-ce que je peux écrire comme platitude parfois!
Eh bien, il fait une petite apparition... et nous avoue qu'il ne sait d'où donner de la tête! Qu'il est drôle!Hécate écrit: Encore que : que fais Janus ici ????
Hécate écrit: Mais un texte qui gagnerait sans doute à être plus court ou moins dense. L’attention du lecteur est capricieuse en fin de course et j’ai tendance à m’essouffler un peu. (...) Mais de fait, quinze pages de plaisanteries – même divines ( dans tous les sens du terme) – c’est par trop ambitieux, à mon avis. Il me semble que la première version était plus courte : méprise ?
Ambitieux n'est pas le bon terme. Et il y a en effet méprise, la version forum et ta version corrigée font le même nombre de pages!
Il est vrai que ça frise l'indigestion.
Toutefois, je voudrais faire en sorte que les 14 péchés forment un livre... et non pas 14 pages en tout... Donc, un peu de volume...
Pour comparer avec Pratchett, même si ses romans sont courts, il est vrai que parfois j'aimerais qu'ils le soient plus.
Cela veut-il dire que la parodie ne saurait être lisible que dans la brièveté? Je ne sais. C'est à réfléchir avec sincérité et calme et détachement...
Hécate écrit: Pour le raisonner autrement qu’en terme de longueur : un texte qui gagnerait à « mieux exploiter » ses idées. A partir un peu moins dans tous les sens. Je pense que tu peux gagner en « effficacité ».
Difficult and how?
Au fond, je ne pars pas dans tous les sens. Imaginez si j'avais mené de front deux ou trois intrigues?!
Gagner en efficacité, je voudrais bien... toutefois, comment faire? Je ne pense pas que la brièveté soit une solution... recentrer l'histoire la rendrait plus sérieuse... (et donc moins drôle?).
Là encore, peut-être me faudra-t-il des années avant de trouver la solution... et peut-être qu'au 46e péché... lol!
Hécate écrit: Désolée pour cet empilement de réflexions verbeuses et tordues. Comme le dit si bien Mutatis, une manière de se moquer d'une culture-confiture qui n'aura bientôt plus droit de siéger.
Absolument pas verbeuses et tordues, bien au contraire... Je te remercie ex imo pectore, Hécate!
Pour ce qui est de cette culture-confiture qui n'aura bientôt plus le droit de siéger, j'avais au fond de moi l'envie que ces textes sur les péchés olympiens donnent l'envie aux lecteurs de jouer eux aussi avec la culture et qu'ils puissent voir à quel point ce qui est sérieux et presque sacré peut être extrêmement drôle... Tout dépend du point de vue, et j'aime bien regarder l'histoire par le petit bout de la lorgnette!
Je ne sais si Zeus a atteint son objectif... mais si cela donne envie d'en savoir plus sur les folies des dieux, des hommes et de la littérature, alors, oui, je pourrai mourir en paix.
Sur cette note d'optimisme, ma chère Hécate, mes très Chroniqueurs, je vous souhaite une excellente soirée, en compagnie d'un livre (évidemment!)
Je cours me cacher,
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Bonnes lectures à ceux qui liront Zeus,
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