[Avril 2009] A côté - Feurnard
- Monthy3
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Bon, je ne te cache pas que je me suis bien pris la tête sur le texte, que j'ai par ailleurs trouvé vraiment intéressant et très bien écrit, avec ces répétitions tout au long du texte, la succession de scènes sensées et la douceur, également, de l'écriture. Avant de tenter tant bien que mal de développer une interprétation forcément foireuse, laisse-moi prendre une bouffée d'oxygène :
Le "s" à "quelques" est de trop.La personne ressortit quelques cinq minutes après.
Allez, plongeons désormais dans le texte !
J'ai d'abord envie de dégrossir le tout en résumant le texte en un mot : paradoxal. Il me donne l'impression d'être une condamnation de l'autodétermination, du laisser-aller, en fait de toute la notion de destinée inévitable et ce genre de choses ; et, d'un autre côté, le mini-paragraphe ultime paraît dire le contraire, en affirmant que, de toute façon, le monde autour d'Adrien est intouchable et tourne sans pouvoir être affecté le moins du monde par la volonté de celui-ci.
Ceci écrit, je reprends.
Pendant presque tout le texte, le monde paraît tourner autour d'Adrien, et celui-ci se désintéresse des choses qui ne le concernent pas directement. Ainsi :
Adrien ne relève la présence du papillon que tant qu'il est dans sa proximité ; ensuite, il l'oublie. Idem avec son village : il a beau porter son nom, finalement, à son arrivé à Espan, ce nom n'est plus celui que du seul Adrien. Le village n'existe plus pour lui, ne le concerne plus.Tout comme il vint, le souvenir de ce papillon partait. Au sifflement des freins il s’en souvenait encore mais avec peine, sur le quai il l’aurait oublié tout à fait et n’aurait plus pour se rassurer que cette idée d’avoir emporté avec lui un peu de son village, qui n’existait déjà plus perdu au lointain, tout comme Adrien n’existait pas et le savait.
Par la suite, Adrien ne fait que se laisser entraîner, que subir les événements. On le force quasiment à prendre le bus, on le dépose, des gens viennent le saluer et le conduisent à la salle d'attente... Et puis, nous avons cela :
Cette phrase apparaît d'abord incongrue quant à la situation, mais elle trouve sa justification un peu plus loin :Adrien avait peur, d’une peur irrationnelle, qui lui peignait un visage. Il ne s’était jamais senti autant vivre.
En somme, plus les gens lui parlent et s'intéressent à lui, plus les autres le regardent, donc, plus il se sent exister. Soit. Mais il y a déjà un paradoxe : nous ne parlons ici que d'une illusion. Une illusion qui existe ? En somme, Adrien se sent vivre ici en tant qu'illusion, et ce parce que des personnes interagissent avec lui.Il n’était, après tout, qu’une illusion, et l’illusion ne pouvait exister que par le regard d’un autre.
Si, maintenant, nous adoptons un raisonnement a contrario, nous pourrions supposer que la solitude empêche l'illusion - mais permet-elle en plus la réalité, la vie ? Oublions, c'est une fausse piste et je ne pense pas que la solitude soit réellement le thème essentiel du récit, même si elle est abordée.
Je reprends par un double événement qui m'a surpris : aussi bien les employés à l'extérieur du siège de la société que le secrétaire s'excusent pour des futilités, comme si Adrien était quelqu'un de particulièrement important alors que, finalement, il n'est qu'une personne cherchant du boulot - une situation qui le met plutôt en état de devoir donner que de recevoir...
Peut-être cette importance est-elle due à la liberté de choix qui lui reste encore. Adrien n'est pas encore engagé et il est encore libre de ne pas le faire, là où les autres sont déjà enchaînés. Ou, comme je le crois plutôt, je suis tout simplement à l'ouest et le sens m'échappe. Passons.
Ensuite, il y a l'absurde : la situation de Carval. Tu ne nous en donnes pas les raisons, peut-être parce qu'il ne peut pas en exister, mais c'est un détail. On note que "Tout le monde avait été dépassé", ce qui montre l'impuissance du directeur, et a fortiori de tout un chacun, à maîtriser les événements et le monde. D'ailleurs, il faut absolument opposer ce dépassement, cette croissance irréfrénée, à l'objectif du directeur : rapprocher les gens. Il y a presque une antithèse entre la liberté de la société et la volonté de créer des liens, et on a l'impression que les liens entre personnes, affectifs ou professionnels, sont vus comme une entrave à la liberté. la question se pose alors de savoir de quelle liberté il s'agit et si elle est préférable, mais aussi de savoir si ces liens entre personnes ne sont pas qu'une illusion, ou du moins ne confortent-elles pas l'illusion qui naît et existe par le regard des autres.
Je reprends mon souffle et enchaîne.
Nous y voilà : pour la première fois depuis le début du texte, Adrien agit enfin de lui-même. Il pose une question qui orientera (bien que très partiellement) son avenir. Et, comme par hasard, cette question, cette liberté dont il fait usage crée l'illusion de l'existence. Seulement, n'est-ce vraiment qu'une illusion ? La suite semble l'infirmer.Il se surprit lui-même à demander un temps de réflexion.
Avec la plus parfaite illusion de l’existence
Mais, avant d'y passer, intéressons-nous juste à ces quelques mots :
La réflexion est assortie d'une menace ; en fait, j'ai plus envie d'y lire une crainte. Cette menace ou cette crainte, ce serait celle de - horreur ! - vivre vraiment, d'exister réellement. De sortir du jeu de miroirs dont nous nous berçons tous en prenant en main notre vie. Mais est-ce que cela en vaut la peine et, surtout, est-ce que cela est possible ? Voyons voir ce qu'en pense Adrien.une menace pressentie et vague
En fait, plus sa réflexion allait et plus un refus lui apparaissait possible.
Bon, Adrien n'en pense pas grand-chose, mais il a en tout cas le sentiment d'exister au fur et à mesure que l'idée du refus se précise. Or, qu'est-ce que le refus sinon la tentative (désespérée ?) d'aller à contre-courant de la logique des choses, de l'ordre du monde, cette logique qui l'a conduit jusqu'à Espan pour y trouver un travail qu'il ne trouvera pas ailleurs, cette logique relayée par le conducteur de bus, par les employés, par le secrétaire, et dont le seul élément un peu détonnant est cette personne silencieuse qui lui a souhaité "Bonne chance".Or plus le refus prenait de force, plus se renforçait la croyance d’exister.
De la chance ? Etrange. Il n'en a pas besoin, après tout. Ce poste lui est promis. Adrien se demande même si le directeur refuserait quiconque. Mais la chance, c'est le hasard ; et le hasard, n'est-ce pas par définition insaisissable ? N'est-ce pas le destin, intouchable ? On ne peut aller contre et, finalement, ce "bonne chance" est logique dans le contexte. Il ne détonne pas.
Cette phrase fait suite au passage où il prend sa bière, alors que rien ne l'a poussé naturellement à le faire. C'est un test supposé lui prouver qu'il existe vraiment. ce test est concluant : les gens l'ignorent, et donc ne créent pas d'illusion nommé Baudes.Jusqu’alors, exister ou ne pas exister, cela ne lui changeait rien.
Cependant, cela ne change rien. Le monde vit sans lui et se porte tout aussi bien. Il a beau avoir agi de lui-même, cela n'a affecté... que lui. Qu'il se laisse aller ou qu'il sorte du sentier tracé, il n'influera sur ce qui l'entoure toujours qu'en tant qu'il jouera le rôle qu'on (destin, monde, peu importe) lui a assigné. Pourquoi alors faire l'effort d'exister ?
Car c'est un effort. Et plus qu'un effort : c'est un suicide.
Tout du moins, ce refus constituerait un suicide s'il n'était lui-même prévu dans l'ordre normal des choses, s'il n'était à son tour une illusion. Ce refus, est-ce vraiment un choix de sa part, ou n'est-il encore une fois qu'un pantin manipulé par les mains du destin/monde ? Il en est ici au point de nier son libre-arbitre et l'existence même de celui-ci.Le suicide passait très bien. En même temps, cela ne semblait plus à Adrien un suicide, mais la chose la plus naturelle à faire. L’illusion n’agissait que comme on la voyait agir : il crut comprendre que ce refus même était joué, qu’il n’avait rien décidé par lui-même.
Tout compte fait, n'est-ce pas cette négation-là le vrai suicide ? Se persuader que l'on ne peut rien décider soi-même, c'est se condamner à vivre dans l'acceptation et la résignation permanentes. On peut dire qu'à ce moment-là, à partir de l'instant où il pense ainsi, Adrien a déjà été laissé sur le bas-côté du monde. Il n'est qu'un élément du décor, une marionnette de bois - et plus un être humain.
Quant à l'épisode du billet de 10, cette phrase me semble primordiale :
Que "savaient" les ouvriers ? Le verbe, rapproché du verbe "s'amusaient", pourrait renvoyer à l'insouciance. Les ouvriers ne se posent pas la question de saoir s'ils vivent ou non ; ils vivent, tout simplement. Il n'est pas question de faire un choix. Ce billet, ils le prennent parce qu'ils veulent jouer, pas parce qu'ils y sont obligés.Les ouvriers, qui savaient, s’amusaient à le prendre, mais jamais les visiteurs.
D'un autre côté, cette insouciance semble entretenir une forme d'illusion : l'illusion de vivre. Et peut-être les ouvriers se confortent-ils dans cette illusion qui, somme toute, est plutôt agréable, plutôt que d'essayer de s'en émanciper. N'est-ce pas déjà abdiquer là où Adrien et d'autres cherchent encore à lutter ? Si, peut-être. Mais, encore une fois, la lutte en vaut-elle la peine, et peut-elle être victorieuse ?
En somme, je ne sais pas vraiment si la position des ouvriers est positive ou non, ici.
Puis nous arrivons à la fin, à ce "oui" qui est un "oui".
Adrien finit par abdiquer complètement. Lui si persuadé de répondre "non" a cédé au "oui" en même temps qu'il s'est assuré d'être une illusion. Lorsqu'il répond d'abord "oui, j'y ai réfléchi", on ne peut que s'attendre à ce qu'il termine par un "non". S'il a réfléchi, alors il a choisi de prendre du recul et de cesser de subir les événements. Le problème est que, pour lui, le "oui" équivaut finalement au "non" : l'un comme l'autre ne font que conforter l'illusion de l'existence. Dès lors, pourquoi se rebeller encore contre le cycle duquel il est captif ?Il fallait se mettre à sa place, à la place d’une illusion. Il fallait changer d’ordre, admettre que le monde ne tournait plus autour de lui-même, ni autour de l’autre – les malheurs de Dorsenne ne le touchaient pas véritablement – mais voletait à côté de lui, entre lui et Dorsenne, un papillon de nuit.
Peu importe Dorsenne, dépassé par sa société. Peu importe Adrien lui-même, entraîné par les événements. Ni l'un ni l'autre n'ont la moindre influence sur leur avenir, sur ce monde qui tourne et les aspire comme un irrésistible trou noir.
>>> Bon, Feurnard, je suis désolé : c'est très long, très confus, et je crains fort qu'il n'y ait pas grand-chose à retirer de ce commentaire. De mon côté, j'attendrai avec une avidité certaine quelques éclairages sur les moments-clefs (ou qui m'apparaissaient comme tels) que j'ai relevés en citations.
En tout cas, il était aussi plaisant de lire le texte que de se prendre la tête dessus (même pour accoucher de conclusions à côté de la plaque), et je t'en remercie.
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- Vuld Edone
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Si tu me dis qu'il était plaisant de le lire, j'aurai atteint mes objectifs. Si tu me dis en plus qu'il était plaisant d'y réfléchir, sachant que pour moi tes conclusions sont exactes (fidèles à ce que j'attendais de toi), alors comment le dire...
...
J'ai du mal à y croire.
Je le dis, j'adhère à tes interprétations. Le fil conducteur, ce que tu mets en avant, est la liberté ou pour moi, la "volonté".
Je dis toujours "oui" et "non", il aurait fallu constamment montrer les contradictions mais d'une certaine manière tu le fais et d'autre part ton questionnement est tout aussi riche.
Deux remarques, l'une sur la Carval, l'autre sur les pensées d'Adrien.
Pour la Carval, les raisons existent, je ne les donne pas parce que ce serait écrire un autre texte. De plus, la Carval est faite pour être absurde... disons plutôt pour être impossible. La Carval est une utopie.
Pour les pensées d'Adrien, j'évite le plus possible la psychologie de mes personnages. Avec Adrien c'est d'autant plus particulier que je ne suis pas sûr qu'il puisse penser. Par contre ils réfléchissent, et souvent, leurs actions ne s'expliquent que par l'ellipses de réflexions très lourdes.
Mieux vaut au fond qu'ils réfléchissent en actes.
Tu as relevé deux moments-clefs essentiels : quand il prend peur et quand il agit, pour la première fois. D'ailleurs, une fois qu'il a agi, je trouve que le texte tire en longueur et qu'entre cette action et sa décision, je tourne un peu à vide.
Un troisième moment-clef, pour moi, avant les deux autres, est quand on le fait monter dans le bus. Pour moi, la première rupture se produisait là. Mais je comprends pourquoi elle n'a pas marqué.
D'une certaine manière, pour moi, la peur que ressent Adrien nait dès le moment où on veut le faire monter dans le bus.
Tu as indiqué la question de la "volonté", j'aimerais maintenant souligner l'interprétation littérale.
En effet, tu prends toujours l'illusion comme une sorte d'image, une expression figurée. J'ai vraiment pensé Adrien comme une illusion, au sens propre. Et tout le problème est d'exister.
C'est un problème qui n'intéresse que les renards, et de fait, on en revient à parler de "volonté". Mais pour moi, il s'agissait vraiment d'imaginer comment faire exister une illusion, au point que cette illusion agisse par elle-même.
Une problématique plus esthétique, je suppose.
Il y a à ce propos une remarque que j'aimerais faire.
Adrien était soumis au "oui". La grande question du texte était effectivement d'acquérir sa volonté propre, de pouvoir dire "non". Ce que je voudrais faire remarquer, c'est "pouvoir dire non", d'accord, mais ce n'est pas "vouloir dire non".
Il est possible qu'Adrien ne puisse pas vouloir et qu'alors sa lutte entre oui et non, entre volonté et obéissance, tombe entièrement sous un niveau supérieur d'asservissement (au monde ou à l'illusionniste).
Mais il est possible aussi que ce à quoi il obéit et ce qu'il veut se rejoignent. À ce moment, en disant "oui" à Dorsenne, ce peut être son choix comme sa soumission.
Cette remarque n'est pas apparente dans le texte, je le sais. On a l'impression qu'Adrien veut dire non. Et effectivement, à mon avis, il le veut. La raison pour laquelle il dirait "oui" serait toute autre et cette raison, je la garde pour moi.
J'ai vraiment besoin de savoir si la prise de tête était plaisante. Ca me semble impossible, à mon avis tu t'es forcé, mais dans le cas contraire je serais enfin parvenu à ébrécher le mur dans lequel je donnais depuis des années.
Et je le répète, tes conclusions ne sont pas seulement une interprétation possible, et que j'approuve, mais l'interprétation que j'aurais privilégiée. Tu poses les questions qui m'intéressent, et pour lesquelles je n'ai pas de réponse.
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- Monthy3
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Incroyable, peut-être, mais vrai.Si tu me dis qu'il était plaisant de le lire, j'aurai atteint mes objectifs. Si tu me dis en plus qu'il était plaisant d'y réfléchir, sachant que pour moi tes conclusions sont exactes (fidèles à ce que j'attendais de toi), alors comment le dire...
...
J'ai du mal à y croire.
Bon, en tout cas, je suis soulagé de n'avoir pas plongé à côté de la piscine cette fois-ci et de ne pas m'être rétamé comme il faut sur le rebord. Cela change.
Parfaitement. Et j'applique également ce qui pourrait être une maxime dans l'Echiquier s'agissant des sentiments des personnages. Mieux vaut qu'ils les montrent en acte plutôt qu'en descriptions introspectives.Mieux vaut au fond qu'ils réfléchissent en actes.
Effectivement. En fait, pour moi, illusion et réalité sont identiques. J'ai pris Adrien comme un être humain, mais mes remarques seraient exactement les mêmes s'il n'en était pas un. C'est d'ailleurs flagrant lorsque tu écris quelque part qu'il n'existe que par le regard des autres.Mais pour moi, il s'agissait vraiment d'imaginer comment faire exister une illusion, au point que cette illusion agisse par elle-même.
Une problématique plus esthétique, je suppose.
Ouaip, je n'y ai pas pensé alors que c'était une remarque importante et que j'aurais dû faire. Le problème (ou l'avantage) est qu'il est impossible de donner une réponse nette à cela, de trancher entre choix et soumission.Mais il est possible aussi que ce à quoi il obéit et ce qu'il veut se rejoignent. À ce moment, en disant "oui" à Dorsenne, ce peut être son choix comme sa soumission.
Je confirme, vraiment. Ce n'est pas pour rien si j'y ai passé du temps. Et l'une des raisons du plaisir que j'ai pris est peut-être un peu paradoxale : contrairement à nombre de tes autres textes, celui-ci n'a guère d'intérêt si l'on ne se focalise que sur l'histoire elle-même, sans chercher au-delà. Ce n'est pas le cas de récits tels que Les Larmes, qui sont déjà intéressants (et suffisants ? Pour certains lecteurs, en tout cas) dans l'histoire qu'ils développent.J'ai vraiment besoin de savoir si la prise de tête était plaisante. Ca me semble impossible, à mon avis tu t'es forcé, mais dans le cas contraire je serais enfin parvenu à ébrécher le mur dans lequel je donnais depuis des années.
Je ne dis pas que c'est la seule raison, mais je pense que cela a joué.
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- Krycek
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J'ai apprécié lire ce texte, il y avait une légèreté, une brillance inhérente à tout ce qui touche à l'utopie qui m'a plu. Une facilité dans la lecture, dans les images qui serait peut-être même dangereuse pour la survie du style des renards.
Par contre, le sujet de dire "non" par pouvoir et non par vouloir m'a semblé quelque peu dépassé, dans le sens déjà étudié et utilisé. Bien sûr, cela ne t'empêche pas de le faire, sinon il y a longtemps que personne n'écrirait plus, mais sache que cela m'a semblé bizarre de ta part d'aborder cette opposition... alors j'ai cherché plus loin, notamment autour de ce papillon qui semble être la charnière du texte... et je me suis perdu.
Alors bien sûr on peut me taxer de mauvaise volonté... oui. En fait plus je te lis plus je construit des questions sur toi et une possible interview afin de mieux connaître pourquoi (tant de haine ? ) ce genre de textes uniquement (sans aucun à priori).
J'ai néanmoins remarqué que tu utilises encore une fois la structure des questions/réponses sur une seule ligne dans tes dialogues (comme dans la maladie du bonheur) afin de ne conserver que des réponses positives dans les débuts de ligne ce qui donne, je dois le dire, un effet intéressant.
...
Je suis ennuyé, ne sachant pas constuire cette critique. Je préfèrerais néanmoins répondre sur un point que tu voudrais étudier.
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- Vuld Edone
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Je n'aurai mis que trois heures à formuler ma réponse, Krycek.
En t'attaquant au papillon, tu as touché la part la plus insaisissable de l'histoire.
Mais j'aimerais, auparavant, insister, beaucoup, sur la liberté. Oui, le texte parle de liberté et je le répète, Monthy, tu ne t'es trompé sur rien. Il fallait poser ces questions, le texte les pose et c'est important car ces questions nous concernent nous, elles sont pour nous pertinentes.
Ce qui va suivre l'est beaucoup moins.
Laisse-moi faire cette construction. Le texte "À côté" parle d'existence. C'est donc un "je suis" à additionner au titre : "Je suis à côté !" La fin du texte s'en rapproche.
Justement, rapprocher les gens, c'est ce que veut la Carval.
Essaie de t'imaginer ce texte comme un gigantesque dialogue dont les paroles ne seraient pas écrites : un dialogue de silence.
Rappelle-toi quand adrien "est surpris" de s'entendre répondre. Songe à la solitude "ensemble" et à l'attention des passants. Le billet de dix en est un peu la mise en abyme. Au second passage du papillon, intéresse-toi à la fin du paragraphe.
Surtout, lorsqu'Adrien serre la main de Dorsenne sans répondre, le papillon se fait particulièrement entendre (je brouille d'ailleurs les référents).
Je ne voudrais pas que tu déchiffres ce dialogue. Il n'est fait que pour des renards qui se posent des questions de renard
Par contre, pourrais-tu imaginer, d'une part, le dialogue que tu écrirais par-dessus cette histoire, entre Adrien et le papillon ? et d'autre part, la forme que tu utiliserais pour le faire repérer au lecteur - sans les faire parler directement ?
Ce texte prépare le retour des Larmes, et les Larmes sont un gigantesque dialogue. Il vaut donc mieux, pour le bien du lecteur, que je sache le signaler.
Le plus important chez moi, tu l'avais dit un fois Krycek - mais à force on triche, on finit par se connaître - c'est l'absence, y compris de paroles.
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- Zarathoustra
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- Mishima, parce qu'il a écrit une scène où son personnage est réveillé de manière inattendu dans un train. Lui, c'est une odeur d'arbre fleuri. Cette idée m'avait toujours impressionné par sa puissance toute simple. Ici, c'est un papillon mais il y a un certain parallèle, qui ne va pas très loin.
- Kafka: là, c'est beaucoup plus fort. On a un personnage assez kafkaien, on ne sait pas s'il agit par sa volonté ou contre sa volonté. Et puis, le monde est présenté dans sa mécanique vide et les rencontres sont également absurdes: tout le monde le salue, s'excuse etc. Il y a un grand sens de l'absurde (je trouve) dans ton texte. S'il faut retenir qu'une réference, c'est bien celle-là.
- Camus: parce que le thème est existentiel. On a une sorte de personnage fantomatique comme celui de l'etranger, qui ne vit pour ainsi dire pas et qui, pour donner sens à sa vie, doit se révolter (dire non).
- Descartes parce que le texte pose également la question de l'illusion de l'existence. Est-on seulement sûr de vivre etest-ce que ce qui est autour de nous existe ou alors tout n'est illusion? Est-ce que je ne rêve pas tout ce qui m'arrive?
Voilà, vous avez vu toute cette confiture? Mais c'est a première fois où je sens autant d'échos dans un de tes textes. Tu t'es eloigné de ce que tu livrais d'habitude et le résultat est plus agréable à lire; Et puis, tu as fait également des tentative stylistiquement et ryhtliquement très réusiies (les "Voila ce..."; les phrases qui s'inversnt...).
Maintenant, si on plonge dans le exte, on voit très vite que tu insistes fortement sur certains mots:
- Exister/existence, on compte pas, c'est presque toutes les 2 phrases. C'est limite trop.
- Attente/attaendre
- Réflechir/Reflexion
- Billet (de monnaie/ de train), là ce serait plus une coincidence..
Et puis il y a des actions qui se répètent:
- On monte, on descend (du train, de la socété)
- Refuser (1 poignée de main, un refus, du travail)
- On serre les mains (3x)
- On s'excuse
- On souhaite bonne chance
- On analyse les détails
Et bien sûr le papillon qui apparait 3 fois/
Si on devait résumer un peu le texte, Adrien n'existe pas, c'est une sorte de fantôme, et il vit dans un monde d'illusion puisque le village dans lequel il vit n'existe pas ou plus, les autres autour de lui sont parfois pareils. La société Corval également etc. Le dilemne de cette illusion est d'exister ou continuer à n'être qu'une illusion. Pour un "vivant", prouver qu'on existe signifie prendre le travail qu'on lui propose puisqu'il lui permet de prendre pied dans la réalité. Donc exister = oui.
Pourtant, il se passe le contraire, dire oui = mourir en quelque sorte. Pour exister, Adrien resent qu'il doit dire non. C'est là où je trouve du Camus dans le texte. Il trouve sa liberté dans la révolte. Non = exister. Exister pour rester une illusion? C'est tout Feuranrd dans ces inversion qui met en anime le lecteur.
Maintenant le papillon. J'ai toujours été supris par son apparition. On a l'impression qu'il s'échappe d'Adrien lui-même. Et le texte crée une opposition dès le début sur lui. Le texte commence au matin, et le papillon est de nuit. Il est ainsi mis en valeur. D'autant pus que ce début nous avertit de quelque chose: le voyage est un allée simple. Avec "obligation de réussir ou de disparaitre".
Maintenant, je prends en compte ce que tu dis sur le papillon. On peut supposer qu'il est là lorsque le directeur a soif puisqu'on apporte 3 verres. Qui est le 3eme si ce n'est pas le papillon?
Lors du dialogue final, on a l'impression que Adrien cesse complètement d'exister, qu'il n'est plusqu'une enveloppe corporelle. D'ailleurs, on ne sait plus trop qui parle. On sait qu'il y a le directeur parce qu'une intervention le précise, mais les réponses sont donnés par un "interlocuteur". On retrouve également ton gôut sur la difficulté de communiquer. L'un secomporte comme l'autre le souhaite en disant "oui" et l'autre entend ce que son vis-àvis veut dire "non". Mais qui a dit oui finalement? Ne serait-ce pas le papillon?
Maintenant quelques questions:
- le billet de 10 que seuls les ouvriers prennent?
- Quel sens à ce voyage?
- Qui est Dorsenne? Et que représente la Corval? La salle d'attente?
Avant de donner une tentative de réponse, j'aimerais savoir si ces questions sont légitimes. Car comme tout peut être symbole dans m Petch, on suppose que dans Feurnard également...
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- Krycek
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Je rajouterai une question, mon éternelle question à tes textes :
Pourquoi ? Dans quel objectif ? D'où naît l'idée ? Dans quel but ?
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- Zarathoustra
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- Vuld Edone
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Fondamentalement, il faut bien comprendre ceci : tout ce que j'ai voulu communiquer à mon lecteur, est uniquement ce que Monthy3 a lu. Il n'aurait, pour être fidèle au texte, pas fallu aller plus loin.
Plus loin, tout perd en pertinence, au sens où ces questions ne nous concernent plus. Ou plutôt, ne vous concernent plus.
Ainsi, effectivement, tout doit se résumer à savoir si nous sommes libres ou s'il faut se soumettre au destin, etc...
Mon intérêt à moi, c'est la relation entre l'illusion et l'illusionniste. C'est normal, au moins pour une raison : cette relation est la même qu'entre nous auteur et notre personnage.
Mais je m'intéresse à cette relation pour une toute autre raison. Il s'agit d'une relation de dépendance absolue, extrême, que même le rapport de maître à esclave ne peut pas exprimer.
Ce qui m'intéresse, c'est le niveau de fidélité, de sacrifice envers l'illusionniste, auquel est prête l'illusion. Et dans ce texte, c'est la réciproque qui me titillait, le souci de l'illusionniste envers ce qu'il sait pertinemment ne pas exister.
En général, tous mes personnages ont plus ou moins une relation comparable avec un autre de mes personnages. Ce que j'essaie de cerner, c'est ça.
Et la réalité de cette relation, car dans ce texte, j'admets qu'elle n'existe pas.
Mais pour répondre aux questions de Zara' :
- La Carval est une illusion : elle est, comme Adrien, menacée de disparaître. Mais elle est une illusion (rapprocher les gens) qui existe, un rêve devenu réalité.
- Ce qui prouve que la Carval est devenue réalité, c'est le billet de dix. Il existe réellement des conditions où les gens ne prennent pas le billet. Ce sont ces conditions qui permettent et justifient l'existence de la Carval.
- Dorsenne se caractérise par deux traits : il est dépassé et il est las. Dépassé, cela ne concerne pas ce texte - c'est qu'il ne voulait pas voir son rêve devenir réalité. Las, c'est parce qu'il doit lutter constamment pour maintenir ce rêve dans la réalité.
- Le voyage en train est le passage de l'illusion au réel, la séparation d'avec l'illusion. Le voyage en train est destructeur, il ne laisse qu'une parcelle d'Adrien quand ce dernier arrive sur le quai.
- Il ne me vient rien d'important à dire sur la salle d'attente, quoiqu'elle ait son intérêt.
Donc en général oui, ces questions sont légitimes. Encore faudrait-il les traduire en dialogue.
J'essaierai d'améliorer les répétitions, même si désormais je m'en permets beaucoup plus - pour la clarté, au détriment de l'ornement.
Et après avoir mis treize heures à répondre, je suis navré de ne pas m'attaquer au reste.
Ah si, à propos du troisième verre : il est pour le secrétaire.
EDIT : J'oubliais, oui, il s'agit d'une coïncidence.
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- Zarathoustra
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C'est impossible parce que tu fonctionnes par symbole que tu le veuilles ou non. Un personnage n'est pas une illusion. Le tien est une illusion donc n'est pas un personnage mais un symbole.Il n'aurait, pour être fidèle au texte, pas fallu aller plus loin.
Plus loin, tout perd en pertinence, au sens où ces questions ne nous concernent plus. Ou plutôt, ne vous concernent plus.
Voilà ce que je voyais. Pour moi, le papillon, c'était un peu l'esprit qui quittait le corps. Et le voyage du train un voyage vers les esprits et le reste, Dorsenne, le Créateur. La salle d'attente, le purgatoire. Bref, un texte très judéo-chretien. Adrian est donc entre vie et mort et doit faire un choix entre devenir un mort ou redevenir un vivant.
Donc si tu souhaites ne pas voir ce type d'interrogation, tu dois rendre tes textes plus réalistes. Tes personnages ne vivet pour ainsi dire pas, ils sont des fonctions, des théories. Ce n'est pas dérangeant, c'est même ce qui pousse à la réflexion. On se dit que l'on ne lit pas une histoire normale et qu'il faut aller plus loin, donc ne change pas. D'autant plus que l'exercice se prête très bien au format de la nouvelle.
Les répétition, ici, sont un composante même du style. Peut-être que exister/existece devient trop appuyé. Mais là aussi, on sent que ces mots sont importants donc je ne pense pas que tu aies à changer.J'essaierai d'améliorer les répétitions, même si désormais je m'en permets beaucoup plus - pour la clarté, au détriment de l'ornement.
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- Vuld Edone
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J'aimerais apporter seulement une nuance : quand on en est au purgatoire, je veux croire que la question de la vie et de la mort est réglée depuis longtemps. Adrien est bien confronté à un choix, mais j'aimerais t'en proposer un autre : reconnaître son créateur.
Le lien entre la volonté et cette reconnaissance n'est pas évidente, mais c'est en partie ce pas que je fais dans le texte. Si tu envisages la question sous cet angle, l'histoire devrait t'être un peu plus familière.
Tu devrais te retrouver sur les traces de Monthy, avec d'autres mots pour les mêmes questions.
Il reste les répétitions. Elles appartiennent au style, d'accord, mais il s'agit surtout de béquilles. Il doit y avoir moyen de faire mieux.
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- Zarathoustra
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Donc on a bien un cadre très "religieux".Adrien est bien confronté à un choix, mais j'aimerais t'en proposer un autre : reconnaître son créateur.
Au fait, Kafka, ça te dérange?
Tes problématiques sont certes différentes (quoi que, en fait pas spécialement), mais je trouve que le reste colle pas mal.
Finalement, le fait que tu emploies régulèrement la même expression (par exemple, serrer la main), le met en valeur. Donc lui donne un sens différent, plus lourd. Si pour toi, c'est juste une coincidence que tout le monde lui serre la main, alors c'est très malheureux. Si tu veux au contaire mettre du sens, c'est très bien. En l'occurence, ça donne un côté absurde mais également censé très kafkaien. Dans Kafka, ce sont les femmes qui succombent souvent à ses "héros". Et oui, il y a du sexe dans Kafka...Il reste les répétitions. Elles appartiennent au style, d'accord, mais il s'agit surtout de béquilles. Il doit y avoir moyen de faire mieux.
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- Vuld Edone
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Je préfèrerais que mes termes aient de l'importance par eux-mêmes plutôt que par leur répétition. Par exemple, que le contexte justifie qu'on s'y intéresse.
C'est un peu ce que j'ai essayé avec "salon de plantes grimpantes". Une description assez surprenante (qui ne signifie d'ailleurs rien) mais complètement isolée. La mettre en valeur, sans avoir à répéter vingt fois qu'il y a des plantes dans la salle d'attente... voilà ce que je voudrais.
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- Zarathoustra
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Dans le contexte, c'est une erreur. Si tu ne veux qu'elle signifie rien, ne mets pas d'éléments surprenants, parce que moi aussi je me suis posé des questions sur ces fameuses plantes.Une description assez surprenante (qui ne signifie d'ailleurs rien) mais complètement isolée.
On peut effectivement dire qu'il est un peu pessimiste... C'est plus sur l'absurdité de ton monde. Tu sais, il a fait des histoires de chateau qui plus on s'approche plus il s'éloigne; des procès dont on ignore l'objet de la condamnation... Le tien n'est pas pessimiste (ni optimiste), c'est autre chose qui t'intéresse. Mais il y a beaucoup d'absurdité dans ton monde (tout ce qui a trait à Corval, à la réaction des personnages, à la passivité d'Adrien). Il me semble (il ya très lontemps que je ne l'ai pas lu) qu'il arrive fréquemment que les perso de Kafka veulent faire ou dire des choses et font ou disent à la fin le contraire. Vous êtes philosophiquement opposés mais proches sur ces questions. En fait, j'ignore si de ton côté tu utilises le 2nd degré, auquel cas, votre humour serait assez proche. Je trouve que ton texte pourrait en posséder beaucoup, mais je sais également que tu es très serieux avec l'écriture.Kafka me dérange au sens où il est décrit comme un auteur très négatif. Je le connais très mal, je n'en ai donc que des échos.
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- Vuld Edone
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Par contre, je sais avoir voulu décrire une forêt, un lieu privilégié de contact entre réel et... "illusion". Contact qui existe dans la verticalité des plantes "grimpantes". Comparable aux locus amoenus de la tradition médiévale.
Encore faut-il que le texte le dise.
Mais ce seront des discussions pour d'autres textes.
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- Zarathoustra
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