[Avril 2010] Chimio' 3: C'est.........
- Imperator
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Cette formulation "[...] le lamat, croiseur de [...]" ne sonne-t-elle pas faux à tes oreilles?À la pointe des trois îles fermant la passe mouillait le Lamat, croiseur de la quatrième flotte.
Lui demanda... quoi?Le professeur lui demanda, laconique, en cours de route abandonna, il se mit à ricaner par petites toux dures.
Au passage, cette manière de présenter le dialogue est intéressante, mais extrêmement étrange. Je crains que pour un lecteur un peu inattentif, pris dans la lassitude du décor figé, l'action ne devienne trop floue ou impossible à suivre.
Par la suite, ça redevient plus conventionnel.
***
Je dois dire que je suis étonné de ma lecture. Globalement, j'ai retenu ceci:
- le type n'est pas d'accord, mais en fait il est d'accord
- le navire est irréparable, mais en fait il va être réparé (même si en moins bien)
- tout va de travers mais tout le monde fait comme si ça allait
En somme, j'ai la sensation que tout ce passage sert uniquement à permettre la mise en avant du danger intrinsèque au Dominant, sans vraiment amener plus. On s'identifie clairement au professeur et donc à ce sentiment de rejet du cuirassé.
On a quelques infos de plus sur le commandant et ses humeurs...
Grosso modo, on annonce la fin du cuirassé:
- le commandant va tous les tuer (avec son humeur)
- le cuirassé est condamné
- ton mélancolique...
C'est quand même un rien embrouillé pour dire simplement ça. Bien sûr, le style est joli, mais la manière de mener le dialogue et, de manière générale, à utiliser un objet pour parler d'un autre demanderait de ma part bien plus d'analyse (et donc de temps) que je ne peux en faire (ou en trouver).
Impe.
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- Ignit
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Quelques remarques de forme :
L’aube s’élevait de feu et de flammes, sur les plages retirait ses flots d’embruns, le sable gardait abandonné la forme du reflux, couleur de grisaille à l’ombre des falaises un vent du nord sifflait monotone
J'aurais tendance à dire qu'il manque une virgule avant "un vent du nord". Je sais que je suis assez mal placé pour parler de ça, mais bon.
Sa veste sur les épaules ennuyé par l’odeur du lac le professeur passa la main sur ses cartes,
Idem, je pense qu'il manque quelque chose (une virgule ;p) entre "sa veste sur les épaules" et le passage sur le professeur. Si on se limite à l'analyse grammaticale en faisant abstraction du sens que tu veux donner, "ennuyé" devrait être féminin puisqu'il est placé comme qualificatif de la veste.
Il les ramassa toutes, se les fit trier, les mit dans sa poche. Il se levait. Quand il vit ceux que Gilles lui avait envoyés, ce ricanement retenu défigura sa face, quelques mots crachèrent entre ses lèvres.
Je trouve cela un peu étrange ; pourquoi le verbe lever est-il à l'imparfait alors qu'il semble se dérouler dans la suite d'action qui elle est au passé simple. J'ai peut-être manqué quelque chose mais cela m'a un peu troublé à la lecture.
J'ai aussi du mal avec le "ce" de "ce ricanement" ; le démonstratif doit montrer quelque chose, quelque chose que l'on connaît déjà. Or ce ricanement, je ne le connais, je n'y vois qu'"un ricanement" ; à moins qu'il ait quelque chose de spécifique mais je ne crois pas l'avoir vu mentionné.
Au bout du camp la forêt reprenait, là à une ornière le groupe avait établi son camp.
Je ne comprends pas.
Au niveau de la forme en général, cette disposition, ces petites paragraphes qui s'amoncellent vont parfaitement avec le style du texte. Monotone, presque laconique ; les formulations, le manque de clarté de certaines formules, la manière de rapporter des dialogues sous forme d'énumération d'action "il demanda, il répondit, abandonna, etc." renforce tout cela. C'est assez déroutant au premier abord mais est l'une des forces du texte qui renforce le fond absurde. J'aime beaucoup. Néanmoins, et j'ai peur que le texte perde un peu de cette force avec cette proposition, je suggérerai de sauter rien qu'une ligne quand un "vrai" paragraphe est passé, en cas de changement de lieu, etc..
Je m'explique : normalement, le paragraphe annonce un changement de propos, de focalisation, une action importante qui vient de se finir et une autre qui s'amorce, etc. ; ici, comme il y a un nombre incalculable de petits paragraphes, ceux-ci perdent leur valeur de paragraphe. Ces retours à la ligne, je les perçois presque comme un signe de ponctuation, un point plus marqué. Le problème est que la structure ne nous avertit pas quand il y a un changement de lieu, ou autre. Je pense, ici, au passage sur le président. J'ai dû relire deux fois pour être sûr d'avoir bien compris tant cela apparaît comme un décalage qui rompt la lecture. C'est assez gênant. Mais comme je le disais, j'ai aussi peur qu'en rompant cette forme régulière, le texte y perde.
Pas grand chose à dire par rapport au fond, les choses s'installent et se préparent doucettement.
En espérant avoir été ne serait-ce qu'un brin constructif.
Ignit.
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- Vuld Edone
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C'est tiré par les cheveux mais c'est un expédient que j'ai trouvé pour, d'une, rythmer mes descriptions et de deux, éviter de hacher mon texte par la ponctuation (on me le reprochait). De trois, cela me permet de torturer mes phrases en toute quiétude. Le problème est bien sûr que quand ça ne marche pas... eh bien... ça ne marche pas.
Pour le camp c'est une répétition, pour se levait il y a diverses interprétations et non, "le lamat, croiseur de" ne me choque pas.
Une autre technique que je développe, tirée de Tolstoï, est la description du personnage par le trait. Je choisis un trait caractéristique et à chaque apparition de ce personnage, comme un thème, je ressors cette caractéristique. Qui en général lui est unique.
À force, pour moi, c'est répétitif, je n'arrive pas toujours à varier. Et j'ai du mal à motiver le ricanement d'Ertanger, surtout dans ce chapitre. "Ce" ricanement désigne le trait caractéristique, supposant que le lecteur le reconnaisse. C'est un signe de mon ras-le-bol mal maîtrisé.
Si le ricanement était motivé, ce serait justifié. Mais c'est comme Saures, je gâche le personnage. Ce n'est pas dans Chimio' que je travaille dessus.
Arrivé à la fin de la seconde partie de Chimio', j'avais le sentiment que le cuirassé était devenu une sorte de Starship Enterprise invulnérable, et ce que je prévoyais pour la suite n'allait pas arranger les choses. Mon second chapitre de la première partie ne suffisait pas et Monthy l'avait bien souligné, on pense bien que le cuirassé est à la hauteur.
Du coup, toute ma stratégie pour les premiers chapitres, et en fait, pour toute cette dernière partie, passe à dévaloriser le cuirassé. À le saborder par tous les moyens. Ce qui, rassurez-vous, fait partie du message général de l'histoire.
Je ne reviens pas sur le fait que mon monde est contradictoire. Ni sur les traces d'arrière-fond des machines qui contrôlent tout. Ce qui m'a surtout motivé, moi, pour ce chapitre, c'était le soldat-cafetière. Ce soldat que Leberon a vu sur Tiersule, qui fait partie des forces spéciales et qu'il recherche au camp, à Beletars. Ce même soldat qui est à côté d'Arnevin, à la fin du chapitre.
Je voulais aussi un peu développer la relation entre Ertanger et Tristan, même si elle se réduit à rien, et y inclure Londant. C'est important car au troisième chapitre, navré de vous le révéler, Londant va voir Quirinal et lui parle d'une inquiétude. Il ne dira jamais au lecteur de quoi il est vraiment inquiet. En fait, dans l'histoire, il n'est lié qu'à Tristan. J'aimerais qu'au moment où Londant s'inquiète, le lecteur puisse faire le lien.
Bref, on voit comment j'ai pris les critiques, réfléchi à ce que je voulais faire moi, et raccordé le tout avec de la ficelle. Pour le moment, ça tient. Mais ça vaut ce que ça vaut.
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- Mr. Petch
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Seconde impression : j'ai cru percevoir une volonté de ta part d'abandonner, discrètement, l'absence de sentiments que l'on trouve dans les deux autres parties. Il m'a semblé que s'introduisaient avec ce nouveau volet de Chimio' le lyrisme et le sensible. J'en veux pour preuve la phrase même qui débute le texte :
L’aube s’élevait de feu et de flammes, sur les plages retirait ses flots d’embruns, le sable gardait abandonné la forme du reflux, couleur de grisaille à l’ombre des falaises un vent du nord sifflait monotone, la ville d’immeubles bas tassés contre le rivage déchirait dans ses angles la lumière du matin.
Une très belle phrase, d'ailleurs, mais qui vient rompre très brutalement avec la sécheresse martiale du dernier chapitre de Chimio'2. Elle est douce, avec ses allitérations en f, et ce qui change par dessus tout est qu'elle inspire un sentiment chez le lecteur (chez moi, en tout cas). Une impression de calme étouffé qui vient faire écho dans mon imaginaire personnel aux plages en hiver. A ce propos, le contraste est extrêmement étrange entre la violence de la première impression, "de feu et de flammes", et le calme de la suite où il n'y a que des termes qui rappellent une certaine passivité. Est-ce voulu ?
Puis, l'invasion des sentiments contamine la suite du texte, avec une autre jolie fin de paragraphe :
entre ces deux murs étroits le sable presque blanc étincelait et la forêt épaisse tremblait au vent du nord.
Je continue donc sur les sentiments que m'inspire le texte (c'est d'ailleurs peut-être pour ça que je l'ai davantage apprécié que les parties d'avant). C'est une aube, et pourtant, je ne peux pas m'empêcher de penser à un crépuscule, notamment à cause de cette phrase :
Cette jeunesse autour de lui, joyeuse, se composait surtout de soldats.
Avec cette phrase complètement isolée des autres, j'y vois immédiatement une allusion à la caducité d'Ertanger face à la jeunesse et par conséquent à celle du Dominant, puisque c'est un peu tout le thème de l'histoire. Du coup, l'aube du début continue à me perturber... Bon, c'est un détail.
Tiens, une parenthèse : j'aime beaucoup les noms de tes personnages, qui ont une espèce de sonorité indéfinissables entre le français et l'allemand. Est-ce que le nom du personnage a pour toi une importance sur le caractère que tu lui donnes, ou bien le critère est-il autre ? Fin de la parenthèse.
Le premier à soupirer fut Larsens, qui s’arrêta à un pas du visage d’Ertanger, nerveux comme un buffle
Là, la comparaison avec l'animal m'a un peu surprise, je n'en ai pas bien compris le sens.
Le mât s’élevait au-dessus des flots, dressé jusqu’à frôler le ciel sans l’atteindre. Les surfaces de miroirs mats se découpaient dans la colline. Le mât radar isolé en bout de digue observa le véhicule du lieutenant officier de magasins s’éloigner.
Un autre étonnement, la répétition de "mat", trois fois, dont deux sens différents. Mais là, pour le coup, j'aurais tendance à trouver ça agréable à l'oeil comme à l'oreille.
*
J'en viens maintenant à ce que tu appelles la "technique" des rythmes par analogies de sens. Au début, c'est ce qui m'a le plus perturbé. Ca n'a pas géné la lecture car c'est suffisamment discret, mais ça m'a dérangé en certains endroits.
Certains endroits seulement, ce qui veut dire que parfois, la tentative d'originalité stylistique était la bienvenue. Ici par exemple, j'ai ressenti un vrai rythme :
Jusqu’à ce qu’il les atteigne les immeubles avaient couvert en grande partie de leur ombre le professeur, dans son véhicule il aurait pu croire le ciel nuageux.
Grammaticalement, la phrase est très maline, puisque "le professeur" est à la fois l'objet du verbe "couvrir" et le sujet du verbe "croire". La virgule offre une alternative valable entre un sage "le professeur qui, dans son véhicule, aurait..." et un sec "le professeur. Dans son véhicule, il aurait...". L'alternative étant ici valable, pour moi du moins, parce qu'elle est agréable à entendre et que le cerveau du lecteur reconstitue instinctivement le sens, comme quand on ne voit que les consonnes d'un mot et qu'on est tout de même cpbl de le lire.
Maintenant, tu flirtes parfois avec le maladroit. Ce qui est un risque apprendre, je l'admets.
Là, par exemple, j'ai un peu plus mal ; peut-être parce que le "sans chercher" implique une coupure trop brutale, là où "dans son véhicule" assurait une unité de lieu.« Pas question » trancha Arnevin, sans chercher à s’expliquer il rejeta toute nouvelle modification du bâtiment.
Le professeur pesta, pris entre deux idées le véhicule n’attendait plus que lui pour le ramener à un hôtel ou au continent, deux perspectives tentantes que sa main fouillant repoussait encore de quelques minutes.
Même chose ici, je suis un peu plus sceptique, quoique en y réfléchissant bien, ça passe un peu mieux.
En tout cas, je ne peux que t'encourager à éprouver ta méthode nouvelle, je suis toujours enthousiaste face aux originalités stylistiques. Mais n'oublie pas l'importance du sens : il faut que l'emploi de tel ou tel forme puisse se justifier, avoir une place au sein du texte. J'ai peur de ne rien t'apprendre en te disant ça.
*
Je termine avec un petit jeu des références qui, contrairement à ce que pourrait penser des gens mal intentionnés, n'a pas comme seul but d'étaler ma culture. En lisant ce texte, j'ai immédiatement pensé au Rivages de Syrtes de Gracq, non pas tant pour le style mais pour l'ambiance "attente de la guerre". Je ne sais pas si cela fait partie de tes "sources". Ce qui me fait penser, avec tes essais formelles : est-ce que tu n'aurais pas derrière la tête de te frotter à une science-fiction "formelle", dans le sens "privilégier la forme sur le fond", comme tu le soulignais à propos de Fragments d'Apocalypse ? Mêler les codes du roman de genre (le vocabulaire technique exotique, l'importance de la science, les questions géopolitiques) et une recherche formelle très poussée ? Tu me repondras peut-être que c'est ce que tu as toujours essayé de faire, y compris quand tu t'attaques à la fantasy. Ou alors tu me répondras que ma question est idiote...
Bon, dans tous les cas, je suis curieux de lire la suite de Chimio' : ce premier chapitre ressemblait à une mise en bouche avant le déclenchement des hostilités...
Mr Petch
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- Vuld Edone
- Hors Ligne
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Beaucoup de noms de mes personnages sont des noms anglais ou allemands, souvent inventés, que j'ai ensuite "francisé". Ertanger s'appelait au départ "Hertzanger". Il y a une motivation au départ, surtout pour "Londant" mais comme tout appellatif, à force de l'employer, il a perdu sa motivation première.
Je serais bien incapable aujourd'hui de donner l'origine. Le seul qui échappe à la règle est "Rougevin" (qui a lu "Jus d'orange" ?), peut-être "Rhages" aussi mais ce dernier est tellement secondaire...
À propos du buffle il s'agit de la technique "Tolstoï", le buffle étant le trait de Larsens. Après douze chapitres et un personnage bâclé, il n'est pas étonnant qu'il soit peu pertinent.
Je prends note pour la technique de concaténation, il reste beaucoup à faire pour la rendre valide.
Restent le lyrisme et la forme.
Pour la nuance, un rivage "déchiré" n'est jamais bon sous ma plume et le Liscord se trouve au nord. La nuance faite, je sais que la contamination des sentiments était voulue dans le texte, je n'arriverais juste pas à expliquer exactement pourquoi.
L'opposition de la raison au sentiment est un thème du texte, l'une des justifications du titre. Les sentiments sont dévalorisés, rendus artificiels, prédits et instrumentalisés. C'était un rôle du cuirassé que de ramener un sentiment "véritable", quoi que cela puisse signifier, dans le monde. L'équipage, coupé des machines, devait retrouver une certaine liberté à cet égard.
C'était la fonction qu'aurait dû remplir la seconde partie et qui n'a absolument pas joué son rôle, de sorte que j'ai précipité ici ce qui aurait dû être préparé - et justifié - sur douze chapitres. En même temps, c'est tout ce qui touche au cuirassé - et tout ce que le cuirassé touche par la suite - qui aurait dû être imprégné de sentiments, quand bien même ce n'est que de la nostalgie.
L'autre possibilité étant que j'exprimais mon propre sentiment, à l'approche de la fin, et que je voulais me permettre un écart au vu de l'échec de fond.
Le Rivage des Syrtes est une référence majeure du texte, le concept même de la frontière en est issu. Je n'aurais sans doute jamais débuté le texte sans l'avoir lu, pas vraiment en réaction. Gracqu avait prévu d'écrire une bataille finale dont son texte s'est finalement, et avec bonheur, passé. Aussi, j'aime énormément la manière dont ses personnages gèrent les sentiments, sans exagération, comme ils se comprennent à mi-mot.
Chimio' en est comme un enfant bâtard. Pour l'anecdote les titres de la première partie reprennent chacun les premiers mots des douze dernières répliques de son ouvrage.
À partir de là, je n'aime pas la science-fiction. Je ne considère pas vraiment Chimio' comme de la science-fiction mais comme une fantasy dans un monde moderne. Du reste mes situations et mes personnages seraient tout à fait interchangeables avec un monde médiéval, et cette permutation lui donnerait même plus de sens. C'est en cela aussi que je pouvais me permettre de dire que nous n'étions pas si éloignés de mes barbares.
J'ai toujours privilégié la forme, cela se sent, mais pour une fois j'avais aussi une ambition de fond avec une histoire que je considérais, avant le troisième chapitre, comme solide et qui m'était importante. D'ailleurs l'envie de la réécrire me poursuit, même si j'ai déjà planifié mes prochains travaux.
Quand j'arriverai au bout du dernier chapitre, j'écrirai un à propos qui expliquera un peu tout ce que je n'ai pas pu faire et ce qu'il faudrait changer.
D'ici là je ferai en sorte de maintenir l'histoire à flots.
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