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Fragments d'Apocalypse - Le garçon de la plage
- Mr. Petch
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- Vuld Edone
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Mais il n'y a pas véritablement de tension dans ce texte. Les commentaires du narrateur appellent la curiosité, que le discours du garçon devrait nourrir et vers le milieu du texte ce n'est plus le cas, à partir du quinzième jour ces événements sont peu à peu oubliés, et plus loin ils seront vraiment effacés. Donc cette tension finit par disparaître. Ce même narrateur provoque comme suspense de savoir qui il est, notamment parce qu'il s'adresse à l'enfant, et on s'attend à quelqu'un qui l'aurait rencontré. Même alors cette question n'est pas importante, n'est pas mise en avant et le retournement final, au final, n'apporte pas grand-chose.
J'ai noté surtout que, lisant l'histoire du garçon de la plage, comme d'habitude d'une part j'étais plus intéressé par son présent et son pélican que par son passé, d'autre part ce passé ne servait qu'à essayer de le comprendre lui.
Le manque de tension n'est pas ce qui m'a le plus dérangé, mais dans les descriptions et leur richesse habituelle de vocabulaire, un manque de cohésion. Il y a plusieurs décors, la mer, le lac, la montagne, la voiture, cette dernière n'étant quasiment jamais développée, mais chaque décor n'a pas vraiment ses propres termes pour le désigner. Et si la montagne reçoit quelques termes propres aux sommets, jamais on ne dissocie vraiment les deux lieux. Au final la montagne n'existe pas et on se retrouve de nouveau sur la plage, et pas au sens où le texte nous enfermerait sur la plage.
Il manque, à mon avis, une construction à travers les termes, pour caractériser la plage non seulement en tant que plage mais en tant qu'ambiance de plage, par deux ou trois traits répétés comme on ferait avec un personnage, et qui lui seraient uniques, à partir desquels tirer toute la description. De même pour la montagne, dont la description est trop éclatée pour permettre de la saisir. Et le lac mériterait ses propres termes. La solution de facilité étant de faire de chacun de ces lieux une personnalité de l'enfant.
La confusion est d'ailleurs assez grande quand tu parles de "pins maritimes", le pin pouvant facilement être un arbre de montagne. Ce détail riche, et qui plait vraiment à la lecture, ne participe pas à la cohésion du récit.
Il y a aussi la grotte, qui d'elle-même ne trouve aucun écho. La grotte elle-même n'existe que le temps d'une fin de paragraphe, et peu importe si c'est son habitat ou encore un rappel des montagnes - et là à nouveau, une confusion dont je ne suis toujours pas sûr que le texte veuille la construire - car elle n'amène rien, ne permet aucune conclusion et ne sera plus jamais reprise. Même à la fin, quand il suit ses propres pas, il n'y reviendra pas.
Les effets dont je parlais au début sont les passages que l'on retient, et j'ai retenu deux passages essentiellement. Le premier est, entre le quinzième et le vingtième jours, la réplique du narrateur. À ce moment seulement le narrateur réagit vraiment à ce que l'enfant dit, et à ce moment seulement on a l'impression d'aller quelque part, qu'il y a un enjeu. C'est peut-être ce qui manque à ce texte, un enjeu - ou alors faire de ce texte une vraie contemplation.
Le second passage est le soir rouge du vingt-septième jour où l'enfant "agit", avec ce mécanisme qui pourrait reproduire un mécanisme de pensée et qui provoque l'emballement. Avec l'avantage aussi que les fusils rappellent "Cécile", en plus des Arkani (le village dans la montagne fait plutôt penser à "Chère Marie"). En tout cas ce moment dans le texte fait s'apercevoir qu'il ne s'y passe en fait rien, et qu'on se contente d'écouter l'enfant parler, et son narrateur.
J'ai remarqué en général, et ce n'est pas un défaut, que les termes vagues avaient ta prédilection. Une phrase l'indique assez bien :
J'ai envie de dire que "mort" n'est pas ambigu, surtout considérant ce qu'il se rappelle, tandis que "vie" est déjà plus difficile à cerner, et "transformation" peut difficilement se lier à quoi que ce soit dans le texte, pour un texte où justement rien ne change.Ce ne sont pas de ces souvenirs dont je veux te parler ; pas des souvenirs de mort qui émergent, mais ceux de vie et de transformation.
C'est aussi assez notable dans le second paragraphe, où "résurgence" et "inconstance" sont à mon avis assez abstraits. Il y aurait eu des termes certainement plus directs. Je ne sais pas si c'est le choix des sons ou le choix délibéré, pour tout ce qui est interprétation, de termes abstraits.
Enfin il y a le second paragraphe, entre le deuxième et le troisième jour, qui m'a dérangé, avec l'emploi trop fréquent de la relative, et notamment pour la phrase :
Je laisse vérifier si dans ce paragraphe effectivement ce "qui" revient trop souvent, aussi pour la phrase qui précède celle-ci, mais ici son emploi est le plus frappant parce que la subordonnée précède la principale. On a alors l'impression d'un allongement inutile ou injustifié, surtout dans le feu de la lecture.Dans son imaginaire qui ressassait inconsciemment le souvenir d'une eau à la fois plus sauvage et plus paisible dans sa liberté, il lui semblait que ce torrent entre deux rives était prisonnier des roches.
J'ai dû faire le tour, j'ajouterai juste à titre personnel que je refuse d'imaginer les soeurs comme de vraies personnes. Ce qui n'a pas vraiment d'importance, on ne s'attache aucunement à ce passé et on ne se sent jamais vraiment en danger.
Un enjeu. À mon avis il manque un enjeu.
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- Zarathoustra
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Tout d’abord, j’aurais voulu te dire tout le bien que je pense des écrits que j’ai pu lire de toi jusqu’à présent car on cent chez toi un vrai souci d’écriture. Cependant, ce texte me parait de loin le moins bon de tout ceux que j’ai lus. Je pense même qu’il est « mauvais ». Mauvais non pas dans le sens où il ne vaut rien, mais dans le sens où on sent un décalage entre l’ambition affichée et le résultat final. C’est dit brutalement, j’ai hésité à le formuler ainsi mais l’esprit ancestral des Chroniques a toujours été d’être honnête et sincère. Même si ça fait pas plaisir. Encore une fois, je te le dis d’autant plus difficilement que j’ai lu de très bon texte de ta part, certains passages m’ayant vraiment fait penser à un écrivain.
Bon, essayons de m’expliquer.
Tout d’abord, il y a un problème de style. Tu abuses certainement de phrases « passives », des phrases où les verbes ne pèsent rien si bien qu’on glisse sur les phrases sans trouver d’appui. Multiplication de l’emploi du verbe « être », falloir, « il y a » ; sentir ; paraître etc.
C’est génant car tu es souvent abstrait.
Ensuite, tu as certainement des phrases qui sont artificiellement compliqué. On sent que tu as cherché à trouver le rythme des vagues, des flux et reflux. Mais ta ponctuation me parait pas toujours judicieuse, donc dans une phrase compliquée, cela rend la lecture pas toujours aisé.
Conséquence de cette abstraction, de ses formules passives et de structures un peu alambiquées : les phrases se succèdent dans ma tête sans laisser de trace, comme les vagues sur les rochers. Pour aller plus loin, je pense qu’il y a une certaine gratuité dans tes phrases. Il y a une volonté à faire jolie ou poétique sans donner au final du sens.
Exemple :
Et, moi, le garçon de la plage, je suis devenu ce que j'attendais d'être : je me suis libéré des fardeaux et j'ai décidé paisiblement de parler à la mer, à l'oublie du temps, et à l'infini.
J’ai également eu un peu de mal avec les différents points de vue : le « je », le « il » et quand tu t’adresses directement au lecteur (en fait c’est ça qui me parait de trop, qui fait que le texte parait à mon sens prétentieux). C’est quelque chose que j’ai déjà retrouvé et qui fonctionnait mieux dans tes autres textes.
Mais je distingue deux moments dans ton texte. En gros, il y a le premier quart. Là on a tous les défauts qui pénalisent ce début. A cela s’ajoute à mon sens des clichés sur la mer. Ta réflexion/allégorie de la mer sur les souvenirs, sur le sable et le monde gagne en profondeur sur le dernier tiers du texte mais pas sûr que tout soit maîtrisé. Bon, se lancer sur la métaphore de la mer et des vagues, c’est un peu casse figure car nombres de poètes et d’écrivains sont passés par là. Donc forcément, tu places la barre haute (ou du moins, c’est peut-être moi qui la place mais j’ai l’impression que tu avais un certaine ambition malgré tout). Le résultat doit certainement pouvoir être amélioré. On sent qu’il y a un gros travail mais que tout n’est pas maîtrisé. Tu veux sans doute tout dire là où il faudrait choisir. Le résultat m’a donné un sentiment un peu confus, mais également de lire quelque chose de plus profond que ce qu’une lecture unique peut en livrer (et là, c’est ce qui me fait dire que tu as matière à faire mieux).
Vuld Edone évoquait le manque d’enjeu. Je serais assez d’accord. Il y a un enjeu dans le texte, mais il n’est pas là où le lecteur en a envie. On n’arrive pas vraiment à s’intéresser au sort du personnage. Il traverse un drame, mais on s’en moque. On a d’ailleurs l’impression que tu mets une sorte de violence dans ton texte pour dynamiser ton texte mais que cela ne t’intéresse pas. D’ailleurs, je pense que l’équilibre du texte n’est pas logique. Tout ce qui précède l’assassinat a un poids disproportionné. Un tel choc aurait dû au contraire lui faire oublier ce qui précédait or il en résulte de ton texte que tout ce qui précède parait plus important que l’acte lui-même et que ce qui suit.
Tiens une petite remarque. Tu fais parler le pélican, la tortue… Je t’avoue n’avoir pas pu m’empêcher de voir des images de Nemo (le poisson de Pixar pas le personnage Little Nemo ou le capitaine). Bon, j’ignore si c’est volontaire, mais le fait qu’ils parlent m’a paru dans le contexte un peu ridicule (mais j’ignore encore une fois l’environnement du texte). Cela fait partie des idées que je trouve « de trop ». Ils parlent et alors ? Pour dire vraiment quoi ? Dans quel but ? Cela peut donner une touche poétique enfantine, mais je trouve que les thèmes du texte sont trop lourds pour cohabiter avec cette dimension.
Pour conclure, je pense que ce texte a certainement été trop travaillé. Il en résulte une impression de trop plein comme si tu n’avais pas fait le tri de toutes les idées qui se greffaient au fur et à mesure que tu travaillais ton texte. Je pense que l’ensemble gagnerait à être simplifié : certaines phrases mais aussi certaines idées. Et puis il faut travailler sans doute davantage le point de focal. On reste étranger parce qu’on est spectateur passif (et les changements de style accentue cet aspect), mais c’est peut-être encore une fois lié à ma lecture en tant que tout et non dans un ensemble.
Bon, ces impressions sont surtout accentuées parce qu’on sent en face de soi quelqu’un qui cherche, qui travaille et qui veut dépasser le cadre d’un simple récit. C’est parce qu’on sent que tu te lances un défi en écrivant qu’on attend beaucoup, et que s’il y a échec c’est aussi parce que tu as voulu aller plus loin que beaucoup des écrivains amateur que nous sommes. J’espère ne pas t’avoir fait mal et que je suis suffisamment clair pour que cela te soit positif.
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- Mr. Petch
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C'est clairement là le point faible du texte : je ne dirais pas "un enjeu", mais je dirais une "direction". Le texte papillonne d'une idée à l'autre sans trouver forcément une branche sur laquelle se fixer. Plusieurs questions sont donc soulevées : le passé de l'enfant, la plage et ses mystères, le dialogue avec la nature, mais aucune n'arrive vraiment à faire du texte un ensemble.Un enjeu. À mon avis il manque un enjeu.
Au départ, je partais avec une idée relativement simple qui devait justement faire office "d'enjeu" : décrire le conflit qui naît dans l'esprit du garçon entre son passé difficile et violent et l'apaisement qu'il trouve une fois sur la plage, qui est comme une "métamorphose". D'où les deux voix, la première étant là pour ramener sans cesse le passé en mémoire, et la seconde pour l'éloigner.
Au résultat, je pense que cet enjeu n'est pas rendu suffisamment clair dans les premiers paragraphes pour que le lecteur s'y raccroche et ressente les mêmes émotions contradictoires, avec les effets narratifs habituels que j'ai tenté de disperser dans le texte (suspens, rebondissement, etc).
En fait, ce texte est en gestation depuis plusieurs mois mais a été écrit de façon complètement improvisée (et donc pas "trop travaillé" comme tu le penses, Zara) sans la moindre idée de plan, de véritable direction, et sans réécriture. Les éléments sont apparus les uns après les autres, presque comme de l'écriture automatique, ce qui donne lieu à des incohérences. Le meilleur exemple est sûrement la grotte : image très prometteuse au moment où elle apparaît, elle ne donne finalement lieu à rien. Si j'avais à réécrire, je supprimerais ce motif, ou je m'efforcerais de le replacer plus loin. L'autre exemple est l'allusion à la famille. Comme tu le dis, Feurnard, les soeurs n'apparaîssent pas comme des vraies personnes et, quand la scène de la fusillade arrive, le lecteur n'arrive pas à ressentir l'enjeu qu'il y a derrière. (d'ailleurs, Feurnard, j'ai eu le même type de problème avec le motif de "l'élu" dans les Cimes, qui n'est pas suffisamment exploité).
En cela, il y a une certaine désinvolture par rapport à d'autres textes que j'ai pu écrire, où le vocabulaire employé obéit à une logique très structurante pour dessiner des oppositions. C'est ce que j'ai tenté ici avec mer/montagne, mais il semble que cela n'ait pas fonctionné.
Il ressort de tout ça que mon plus grand problème à l'heure actuelle est encore la rigueur et la cohérence. Ça peut fonctionner dans certains textes, mais là, vos réactions semblent signifier qu'il manque le liant pour faire prendre la mayonnaise. En fait, pour reprendre une phrase de Zara :
Tu veux sans doute tout dire là où il faudrait choisir.
A la rigueur, le texte gagnerait peut-être à s'allonger pour bien faire comprendre chacun des enjeux et des motifs, trop nombreux sur ce format réduit.
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Maintenant, pour revenir à certaines remarques de Zara sur le détail :
La complexité des phrases et de leur structure est en effet voulu. En fait, paradoxalement, c'est l'état brut dans lequel m'arrivent les phrases quand j'écris, et mon travail de réécriture consiste plutôt à calmer mes ardeurs pour éviter la lourdeur. Mais ici, il me semblait plus judicieux de garder ce style "soutenu" pour donner une dimension plus romantique au tout. De ce point de vue là, j'ai plutôt l'impression que le texte est homogène, mais je comprends que ça puisse paraître lourd.Ensuite, tu as certainement des phrases qui sont artificiellement compliqué. On sent que tu as cherché à trouver le rythme des vagues, des flux et reflux. Mais ta ponctuation me parait pas toujours judicieuse, donc dans une phrase compliquée, cela rend la lecture pas toujours aisé.
Conséquence de cette abstraction, de ses formules passives et de structures un peu alambiquées : les phrases se succèdent dans ma tête sans laisser de trace, comme les vagues sur les rochers. Pour aller plus loin, je pense qu’il y a une certaine gratuité dans tes phrases. Il y a une volonté à faire joli ou poétique sans donner au final du sens.
Là encore, la structure "idéale" des points de vue, mais visiblement pas assez convaincante, était la suivante : d'abord le narrateur 1 (celui du passé) s'adresse au lecteur ; puis il en vient à s'adresser directement au narrateur 2 (qui parle lui à la première personne) ; enfin, dans le dernier paragraphe, on se rend compte qu'ils ne font qu'un. Dans l'ensemble, ce jeu sur le personne n'est pas assez exploitée alors qu'il pourrait peut-être dynamiser le tout, introduire du suspens, comme j'ai essayé par endroit.J’ai également eu un peu de mal avec les différents points de vue : le « je », le « il » et quand tu t’adresses directement au lecteur (en fait c’est ça qui me parait de trop, qui fait que le texte parait à mon sens prétentieux). C’est quelque chose que j’ai déjà retrouvé et qui fonctionnait mieux dans tes autres textes.
Je t’avoue n’avoir pas pu m’empêcher de voir des images de Nemo (le poisson de Pixar pas le personnage Little Nemo ou le capitaine). Bon, j’ignore si c’est volontaire, mais le fait qu’ils parlent m’a paru dans le contexte un peu ridicule (mais j’ignore encore une fois l’environnement du texte). Cela fait partie des idées que je trouve « de trop ». Ils parlent et alors ? Pour dire vraiment quoi ? Dans quel but ? Cela peut donner une touche poétique enfantine, mais je trouve que les thèmes du texte sont trop lourds pour cohabiter avec cette dimension.
C'est peut-être là le point où je serais en désaccord (ce qui ne veut pas dire que cet effet est réussi!) : je tiens beaucoup aux animaux qui parlent, ou plus précisément à la "nature" qui parle (après, ce sont les algues, les pins, le sable). La raison principale qui me tient à coeur est l'étrangeté : ils sont là pour faire comprendre au lecteur que le narrateur 2 n'est plus du tout dans notre monde, qu'il est en train de se métamorphoser. En fait, je vois deux explications :
- sans doute y a-t-il là une question d'imagerie personnelle qui fait résonner des choses différentes chez chacun : j'associe plus volontiers les animaux qui parlent à une forme de mysticisme panthéiste qu'à Disney, où on est davantage dans des animaux anthropomorphes, qui se comportent comme des humains et n'ont plus rien "d'animal". C'est du moins ce que j'ai essayé de reproduire ici.
- mais du coup, j'ai dû être trop influencé par le dernier film de Terrence Malick (Tree of life) où il y a ces scènes mystiques, dont une avec des dinosaures qui est en effet parfaitement ridicule. J'aurais tendance à dire que c'est le problème de ce genre de procédé : quand ça ne fonctionne pas, c'est atroce. Ceci pour dire que je vois bien ce qui ne fonctionne pas dans mes animaux à moi.
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Comme tu te posais la question de ce qui "gravite autour" : ce texte est un de la série des "Fragments d'Apocalypse" (Feurnard va en faire une saga dès que je lui aurais fourni un pitch). Il s'agit d'un ensemble de courts textes qui peuvent se lire indépendamment, mais se font écho les uns aux autres. Chacun de ces textes est un exercice de style où j'expérimente des effets, des idées, des styles différents.
Mr Petch
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- Vuld Edone
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Le passé ne représente pas pour le lecteur un danger, ou quelque chose à éviter, et la narration de l'enfant même ne suggère en rien qu'il veuille l'éviter. Donc la plage n'a pas ce rôle d'oubli.
Plus loin le passé se divise en deux temps, la voiture et le village. Peu importe que la voiture ait lieu à plusieurs moments différents, c'est un même temps pour le lecteur. Aussi, la voiture a son côté mystérieux qui s'attache à une ambiance comparable à la plage, tandis que le village a un côté beaucoup plus terre-à-terre qui brise l'état "spirituel", ce qui peut poser problème notamment ensuite pour faire parler des animaux. Mieux vaut se concentrer uniquement sur la voiture, quitte à placer la voiture dans la montagne, et tout faire tourner autour.
Il faudrait aussi que dans sa narration l'enfant fasse comprendre qu'il fuit le passé - et par "fasse comprendre" je veux bien sûr dire indirectement.
J'ai eu trop souvent la surprise de découvrir que le travail de mes descriptions ne servait à rien. On a beau choisir les termes, les ordonner, placer des oppositions, au final le lecteur ne retient que ce qui lui chante.
J'ai cherché depuis mon arrivée sur les Chroniques ce mystère que sont les "clefs", le déclic qui dit au lecteur où chercher. Le plus simple pour ce texte serait de décrire la plage au début avec des termes montagneux, propres à choquer le lecteur, puis que le commentateur se dédise en un "non, en fait" et décrive avec des termes de plage. Mais là encore, avec ambiguïté, et les pins maritimes se justifieraient alors beaucoup mieux.
Ce serait bien aussi si la description influençait fortement les réactions du personnage. Ce n'est pas possible dans mes textes, où les émotions ne sont théoriquement pas accessibles au lecteur, mais dans les tiens ce serait jouable. À chaque "erreur" de la description, résurgence du souvenir, l'enfant s'effraie, tandis qu'autrement il se calme voire s'oublie. Dans la facilité des choses.
Le commentateur de même, et ce "que dis-tu" en est le meilleur exemple, une véritable réaction au contenu. S'il commence lui-même à dévier, à se laisser prendre à l'instant, le faire réagir violemment, tandis que dans le passé il devient plus calme, enfin, je ne sais pas... peut-être au contraire lui rendre les événements du passé également douloureux, presser sa voix, le rendre nerveux, puis calme quand il s'en éloigne, et soudain affolé ou énervé de s'en être écarté.
Autant de pistes à voir.
En général vraiment je traite l'environnement, le décor, comme un personnage. Un personnage a une fonction et plusieurs traits distinctifs, en général un à trois - un étant plutôt pour les personnages secondaires. C'est assez frappant pour Fahron, je pense, beaucoup moins pour Distant - et c'est l'une des raisons qui m'empêchent de toucher à ce texte, la montagne m'échappe complètement.
Aussi, plutôt que d'éparpiller la description de la plage, même si le vocabulaire est riche, la resserrer vraiment sur un détail ou deux, et s'y tenir fermement. Si c'est en lien avec la faune, c'est encore mieux. Le problème étant évidemment un décor plus sobre, voire artificiel...
Et avant que je ne parte loin dans mes théories... ah mais le jeu des narrateurs nous mène aussi trop loin. Peut-être juste dire qu'il est trop prévisible à la fin, et que le commentateur, trop personnel au début, apparaît comme un personnage concret - comme s'il se trouvait à côté du garçon. Peut-être jouer là-dessus, le proposer d'abord comme quelqu'un qui a connu le garçon, qui l'aurait croisé, ou qui serait sur la plage après le garçon, puis avec le garçon, et ainsi de suite...
Une simple remarque, "tu" peut désigner beaucoup de personnes différentes, et c'est peut-être là-dessus qu'il faudrait jouer le plus.
Il n'en reste que la conclusion finale ne devrait pas être un classique "lui c'est moi", le final devrait être sur son passé. C'est l'enjeu et c'est là-dessus que tout se joue, la chute devrait être donc la dernière pièce du puzzle, avec laquelle relire l'ensemble du texte sous un jour nouveau. J'attendais personnellement qu'il ramène un cadavre sur la berge... ou qu'il ait cessé de vivre lui-même, notamment parce qu'il a un fragment de souvenir d'avant l'Apocalypse, ce qui de mon point de vue est une hérésie, mais enfin.
Non, en fait les descriptions ne posent pas problème. Si le lecteur a son "orientation", un enjeu clairement pour moi, alors les descriptions sont adaptées. Et les descriptions ont toujours été un point fort chez toi.
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- Zarathoustra
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La différence entre la littérature et le cinéma, c'est qu'on n'a pas les mêmes moyens. Là où des inserts brutale et hachés et courts avec des casures musicales peuvent préparer le spectateur, l'écrivain doit trouver ses armes. Le problème que j'ai, c'est que l'arrivée de cette scène ne me marque pas parce que ce qui précède n'a aucune tension pour me préparer et me donner envie de savoir.
En fait, ton début nous met aussi dans une sorte d'état méditatif qui nous fait accepter par avance tout ce que tu veux, dans le sens où finalement on s'en fout un peu. Cela revient au manque d'enjeu au départ. Le drame n'est en quelque sorte pas préparé. Et encore, je pense que cette scène est plus un procédé pour toi pour réveiller l'attention et qu'elle ne t'intéresse pas (ou du moins que ton intérêt d'écrire s'est déplacé (ou distrait) sur tout le reste) parce que tu sais que la mort d'une mère en tant que tel est suffisamment forte pour saisir le lecteur. Du coup, tu utilises un gros appat. Pour ma part, elle aurait dû être un climax, ce qu'elle n'est pas. Effectivement, ça réveile notre intérêt mais comme l'aurait fait n'importe scène de violence. Or elle se doit d'être beaucoup plus que ça puisqu'elle en dit long sur ce qui a construit l'enfant. Ou du moins elle devrait en dire plus.
Ca revient au même, il manque à ce texte du recul. Quand on retravaille un texte, on a parfois le nez collé sur la feuille et on ne le voit plus. Je pense qu'il y a aurait un gros travail d'épuration sur plein de petits mots (que moi aussi j'ai besoin de glisser et qui ne sont finalement pas nécessaires) et de certaines insertions qui distraient le lecteur parce que sans doute un peu vaine (le syndrome Terence Malik). Ta difficulté est de conserver ta matière et le flux de tes phrases avec ce travail d'épuration. Au court du processus, on sent que tu t'es laissé distraire par la matière que tu pouvais créer. En ce sens, soit tu n'es pas allé assez loin, soit tu t'es parfois fait plaisir en oubliant le lecteur.En fait, ce texte est en gestation depuis plusieurs mois mais a été écrit de façon complètement improvisée (et donc pas "trop travaillé" comme tu le penses, Zara) sans la moindre idée de plan, de véritable direction, et sans réécriture.
Moi ça m'a paru un peu comme étant une idée en trop. Mais j'ignore si l'Apocalypse y a déjà eu recours. Tu veux dire te mélanger beaucoup de choses. Et en plus tu utilises plein de procédés. On a plus l'impression d'assister à un feu d'artifices de procédés qu'à une vraie scène. N'oublie pas que lorsque tu utilises un procédé, tu sollicites tout particulièrement le lecteur, ce qui veut dire que tu vas le distraire sur ce que tu vas dire après ou que tu lui demande en même temps de réfléchir à ce qui s'est passé avant.La raison principale qui me tient à coeur est l'étrangeté : ils sont là pour faire comprendre au lecteur que le narrateur 2 n'est plus du tout dans notre monde, qu'il est en train de se métamorphoser.
C'est aussi une des raisons qui fait que la scène de la fusillade et de la mort de la mère n'a pas l'impact souhaité, on est déjà trop distrait.
Pour ce qui est de l'étrangeté, elle n'est à mon sens pas assez présente. Certainement la longueur actuel te desert. Tu utilise fianement un sprint pour le lecteur là où on aurait besoin d'un marathon pour s'imprégner de quelques éléments pour accepter tes "fantaisies" suivantes (le mot n'est pas heureux mais bon, c'est un peu l'idée).
Maintenant tu parles d'une sorte d'apocalypse dans ton projet global, que "le monde est en train de se métamorphoser", donc il est possible qu'un lecteur comme Vuld eldone soit mieux préparé que moi et surtout plus imprégné.
Pour finir sur les animaux, je trouve qu'on ne resent pas assez sa présence. Le tien parle mais il séche l'enfant (comme le ferait un personnage de Disney or ce n'est pas ton but), cette scène me parait donc pas adéquat avec ton projet). Pour avoir nager au moment où l'un de ses oiseaux s'est posé sur l'eau près de moi, c'est vraiment saisissant. On sent que c'est un animal sauvage et on se sent vulnérable (surtout quand on n'a plus pied et qu'on est en maillot de bain quand on voit son bec pointu et finalement crochu et qu'on devine ses griffes ). Dude avait fait apparaitre un loup dans un de ses récits et j'avais resenti sa "présence" dans son texte (c'était de mémoire dans les derniers chapitre de Morslieb) comme cette oiseau qui flottait àcôté de moi, ce qui n'est pas le cas de ton pélican. D'ailleurs moi, ça me fait penser que c'était pas un pélican mais un goéland...
Donc maintenant que tu m'as dit que tu nous avais livré ton premier jet, je pense que tu vas vraiment commencer le travail d'écrivain (et si c'est ton premier jet, on peut dire que tu as de grosses qualités et des facilités que je n'ai pas). Et un texte aussi ambitieux, à mon sens, se doit d'être parfait pour fonctionner. Enfin, je veux dire qu'il mérite une phase de ré-ecriture.
Petite question: tu n'as pas voulu reravailler ton texte. Est-ce parce que tu n'arrivais pas à l'améliorer ou est-ce parce que tu n'arrivais pas à sentir comment il fonctionnerait dans la tête du lecteur?
En tout cas, c'est vraiment un travail excitant qui t'attend (et je trouverais passionnant de voir comment tu vas le retravailler).
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- Mr. Petch
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Je reprends quelques unes des pistes :
Le commentateur de même, et ce "que dis-tu" en est le meilleur exemple, une véritable réaction au contenu. S'il commence lui-même à dévier, à se laisser prendre à l'instant, le faire réagir violemment, tandis que dans le passé il devient plus calme, enfin, je ne sais pas... peut-être au contraire lui rendre les événements du passé également douloureux, presser sa voix, le rendre nerveux, puis calme quand il s'en éloigne, et soudain affolé ou énervé de s'en être écarté.
Mieux structurer le "dialogue" entre le narrateur et le commentateur, c'est ce qui me semble le plus urgent et le moins investi ici. L'idée m'est venu en cours d'écriture, elle est en grande partie improvisée, mais la développer serait judicieux.
Idem pour le rôle du commentateur, qui doit être clarifié. J'aimais bien l'idée qu'il soit une "voix intérieure" du narrateur, en quelque sorte son "moi" après la transformation, qui commente sa transformation.
Plus loin le passé se divise en deux temps, la voiture et le village. Peu importe que la voiture ait lieu à plusieurs moments différents, c'est un même temps pour le lecteur. Aussi, la voiture a son côté mystérieux qui s'attache à une ambiance comparable à la plage, tandis que le village a un côté beaucoup plus terre-à-terre qui brise l'état "spirituel", ce qui peut poser problème notamment ensuite pour faire parler des animaux. Mieux vaut se concentrer uniquement sur la voiture, quitte à placer la voiture dans la montagne, et tout faire tourner autour.
Il faudrait aussi que dans sa narration l'enfant fasse comprendre qu'il fuit le passé - et par "fasse comprendre" je veux bien sûr dire indirectement.
L'idée de la voiture est bonne, la ville demande en effet des développements trop lointains et trop concrets. Faire comprendre la fuite du passé va être un défi difficile.
J'ai cherché depuis mon arrivée sur les Chroniques ce mystère que sont les "clefs", le déclic qui dit au lecteur où chercher. Le plus simple pour ce texte serait de décrire la plage au début avec des termes montagneux, propres à choquer le lecteur, puis que le commentateur se dédise en un "non, en fait" et décrive avec des termes de plage. Mais là encore, avec ambiguïté, et les pins maritimes se justifieraient alors beaucoup mieux.
Je retiens l'idée des "clefs" sémantiques, que j'aime bien utiliser, et le pin maritime avait en effet ce rôle d'ambiguité. Au moins, ça, je sais comment l'utiliser .
Il n'en reste que la conclusion finale ne devrait pas être un classique "lui c'est moi", le final devrait être sur son passé. C'est l'enjeu et c'est là-dessus que tout se joue, la chute devrait être donc la dernière pièce du puzzle, avec laquelle relire l'ensemble du texte sous un jour nouveau. J'attendais personnellement qu'il ramène un cadavre sur la berge... ou qu'il ait cessé de vivre lui-même, notamment parce qu'il a un fragment de souvenir d'avant l'Apocalypse, ce qui de mon point de vue est une hérésie, mais enfin.
Le souvenir d'avant l'Apocalypse, ou plutôt le fait que ce souvenir soir effectivement "raconter" (au sens de mis en texte) m'a aussi posé problème car il m'oblige à sortir de l'univers que je veux normalement clos sur lui-même. Il faudrait travailler ce souvenir pour qu'il soit singulièrement différent du reste du texte, qu'on sente son étrangeté.
Et le final peut en effet être relié à cette "hérésie", comme tu l'appelles, dans le sens où le garçon peut s'échapper du monde de l'Apocalypse justement grâce à la pregnance de ce souvenir. C'est à voir.
En fait, ton début nous met aussi dans une sorte d'état méditatif qui nous fait accepter par avance tout ce que tu veux, dans le sens où finalement on s'en fout un peu. Cela revient au manque d'enjeu au départ. Le drame n'est en quelque sorte pas préparé. Et encore, je pense que cette scène est plus un procédé pour toi pour réveiller l'attention et qu'elle ne t'intéresse pas (ou du moins que ton intérêt d'écrire s'est déplacé (ou distrait) sur tout le reste) parce que tu sais que la mort d'une mère en tant que tel est suffisamment forte pour saisir le lecteur. Du coup, tu utilises un gros appat. Pour ma part, elle aurait dû être un climax, ce qu'elle n'est pas. Effectivement, ça réveile notre intérêt mais comme l'aurait fait n'importe scène de violence. Or elle se doit d'être beaucoup plus que ça puisqu'elle en dit long sur ce qui a construit l'enfant. Ou du moins elle devrait en dire plus.
La scène se veut en effet centrale pour comprendre l'esprit du garçon. Je vais essayer de construire un climax jusqu'à elle, de la rendre vraiment violente pour le lecteur, et pas seulement dans les mots.
Moi ça m'a paru un peu comme étant une idée en trop. Mais j'ignore si l'Apocalypse y a déjà eu recours. Tu veux dire te mélanger beaucoup de choses. Et en plus tu utilises plein de procédés. On a plus l'impression d'assister à un feu d'artifices de procédés qu'à une vraie scène. N'oublie pas que lorsque tu utilises un procédé, tu sollicites tout particulièrement le lecteur, ce qui veut dire que tu vas le distraire sur ce que tu vas dire après ou que tu lui demande en même temps de réfléchir à ce qui s'est passé avant.
Je retiens l'idée de réduire la masse de procédés. Simplifier le texte et ses enjeux. J'aimais bien l'idée des animaux qui parlent, donc essayer de concentrer sur eux l'étrangeté :
Pour finir sur les animaux, je trouve qu'on ne resent pas assez sa présence. Le tien parle mais il séche l'enfant (comme le ferait un personnage de Disney or ce n'est pas ton but), cette scène me parait donc pas adéquat avec ton projet). Pour avoir nager au moment où l'un de ses oiseaux s'est posé sur l'eau près de moi, c'est vraiment saisissant.
Petite question: tu n'as pas voulu reravailler ton texte. Est-ce parce que tu n'arrivais pas à l'améliorer ou est-ce parce que tu n'arrivais pas à sentir comment il fonctionnerait dans la tête du lecteur?
Très honnêtement, ce n'est ni pour l'un, ni pour l'autre, c'est par facilité. J'ai beaucoup de mal à retravailler mes textes, à voir comment les modifier vraiment, et j'ai trop tendance à considérer le premier jet comme l'état final, ne serait-ce que parce que je ne mets pas beaucoup d'ambitions dans mes textes (et parce que j'ai arrêté d'écrire pendant plusieurs années, et que j'ai oublié le côté laborieux de la chose). Chacun ses méthodes, certes, mais je vais au moins tenter le coup de la réécriture avec celui-ci, ça me fera une nouvelle expérience d'écriture.
Mr Petch
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