Entrevue avec une écrivaine.
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il y a 12 ans 11 mois #17879
par Vuld Edone
Entrevue avec une écrivaine. a été créé par Vuld Edone
Hi'.
Mardi soir, à l'occasion d'une soirée raclette dans un local de société estudiantine je tombai sur une écrivaine, étudiante mais "sage" comme vous le verrez, et j'entrepris de l'interroger sous couvert de la discussion mondaine, dans la cage d'escaliers.
Ce fut donc une entrevue informelle pour laquelle je n'ai pris aucune note et que je rends ici comme je m'en souviens. Et que je sache elle ne m'a pas autorisé à en parler, mais enfin...
L'écrivaine en question a publié cinq ouvrages : deux romans historiques, deux ensembles de poèmes et un roman d'espionnage industriel.
Son premier roman fut historique, sur la quatrième Croisade, avec notamment pour personnage une femme tombée enceinte dont le mari part à la guerre, et qu'elle ne peut pas suivre - suivant une statue de femme dont une main est sur le ventre, et l'autre fait signe.
Le roman d'espionnage était dû quant à lui à sa propre expérience.
En moyenne - et surtout pour les ouvrages historiques - il lui fallait six ans pour écrire un livre, notamment cinq ans de recherches, par exemple sur le dix-huitième et leur correspondance. Cela constituait des classeurs de notes mais, une fois l'information assimilée, l'écriture elle-même "coulait toute seule".
J'ai longuement insisté, pendant qu'un autre convive allait prendre l'air par la fenêtre du premier étage, sur la manière dont elle percevait son lecteur.
Elle pense que c'est la manière dont elle écrit qui a persuadé ses éditeurs de la publier, et non le contenu. Que pour atteindre son lecteur il faut être persuadé soi-même, qu'il faut pleurer soi-même quand on veut faire pleurer le lecteur : et de fait il y a des passages de ses livres qui, quand elle les relit, la font pleurer encore.
Sa littérature préférée étant médiévale - nous avons surtout insisté sur Chrétien de Troies - elle a signalé comment cet auteur, dans le Lancelot avec l'épisode du pont de l'épée, laissait des traces, des mentions de l'Évangile qu'on retrouvait dans tout le texte et qui donnaient un sens particulier. Il y avait aussi l'idée que, pour un seul mot - cette fois l'exemple était une chanson de Brassens - un auteur pouvait passer plus de six ans à le trouver.
Couverture oblige, nous avons aussi parlé de l'édition. Chaque ouvrage a été publié dans une maison différente, jamais en bien grand nombre même si l'un des ouvrages a eu plus de mille ventes, elle le sait car le premier stock s'était épuisé.
Si dans certaines maisons il y a eu des corrections de forme, quelques fautes et elle s'amuse encore au souvenir d'un participe passé pour lequel la correctrice lui avait fait une page de commentaires, experts à l'appui, il n'y a jamais eu de correction de fond. À peine l'éditeur imposait-il le titre et l'image - pour faire vendre.
L'histoire de son premier livre est d'ailleurs amusante. Elle avait un travail à l'époque et n'écrivait que le soir. Après des années de travail elle se retrouvait à un de ces événements du livre où elle avait trouvé quelqu'un dans l'édition, et lui avait demandé s'il pouvait la diriger vers une maison. Cette personne lui demanda quelques pages de son ouvrage et, quelques temps plus tard, la recontacta en affirmant qu'il l'éditerait.
Pour un autre ouvrage, elle l'avait proposé un peu partout sans réponse, et ce ne fut qu'après trois ans qu'elle reçut une réponse, d'une personne qu'elle n'avait jamais contacté, à qui on avait passé le manuscrit parce que la maison concernée avait une autre ligne éditoriale, et qui voulait la publier.
Sa seule expérience de l'édition française - elle est évidemment suisse - s'est mal passée. Elle était venue à Paris avec son manuscrit, s'est faite mal recevoir un peu partout. La maison d'édition qui l'a retenue écoulait mal l'ouvrage en Suisse.
Je n'ai jamais réussi à détourner la conversation sur les problèmes formels, la planification des textes ou sa manière d'écrire... interrompu, aussi, par l'humidité. Son discours sur la littérature, si je peux me permettre, se résume aux émotions, ressentir pour faire ressentir, avec cette anecdote des retours de lecteurs qui lui disent ouvrir le livre le soir, sur leur couverture, et s'y plonger.
La conclusion la plus rapide a été qu'on ne pouvait pas vivre du livre - qu'elle n'en vivait pas - et que le seul moyen pour en vivre était de vendre du livre au kilomètre, ce qu'elle rejetait absolument.
Voilà, pas grand-chose mais que je voulais partager, si aussi à l'occasion vous étiez tombé sur un écrivain lui arracher quelques confessions dans un lieu improbable et sans pouvoir lui avouer votre passion de scribouillard.
Mardi soir, à l'occasion d'une soirée raclette dans un local de société estudiantine je tombai sur une écrivaine, étudiante mais "sage" comme vous le verrez, et j'entrepris de l'interroger sous couvert de la discussion mondaine, dans la cage d'escaliers.
Ce fut donc une entrevue informelle pour laquelle je n'ai pris aucune note et que je rends ici comme je m'en souviens. Et que je sache elle ne m'a pas autorisé à en parler, mais enfin...
L'écrivaine en question a publié cinq ouvrages : deux romans historiques, deux ensembles de poèmes et un roman d'espionnage industriel.
Son premier roman fut historique, sur la quatrième Croisade, avec notamment pour personnage une femme tombée enceinte dont le mari part à la guerre, et qu'elle ne peut pas suivre - suivant une statue de femme dont une main est sur le ventre, et l'autre fait signe.
Le roman d'espionnage était dû quant à lui à sa propre expérience.
En moyenne - et surtout pour les ouvrages historiques - il lui fallait six ans pour écrire un livre, notamment cinq ans de recherches, par exemple sur le dix-huitième et leur correspondance. Cela constituait des classeurs de notes mais, une fois l'information assimilée, l'écriture elle-même "coulait toute seule".
J'ai longuement insisté, pendant qu'un autre convive allait prendre l'air par la fenêtre du premier étage, sur la manière dont elle percevait son lecteur.
Elle pense que c'est la manière dont elle écrit qui a persuadé ses éditeurs de la publier, et non le contenu. Que pour atteindre son lecteur il faut être persuadé soi-même, qu'il faut pleurer soi-même quand on veut faire pleurer le lecteur : et de fait il y a des passages de ses livres qui, quand elle les relit, la font pleurer encore.
Sa littérature préférée étant médiévale - nous avons surtout insisté sur Chrétien de Troies - elle a signalé comment cet auteur, dans le Lancelot avec l'épisode du pont de l'épée, laissait des traces, des mentions de l'Évangile qu'on retrouvait dans tout le texte et qui donnaient un sens particulier. Il y avait aussi l'idée que, pour un seul mot - cette fois l'exemple était une chanson de Brassens - un auteur pouvait passer plus de six ans à le trouver.
Couverture oblige, nous avons aussi parlé de l'édition. Chaque ouvrage a été publié dans une maison différente, jamais en bien grand nombre même si l'un des ouvrages a eu plus de mille ventes, elle le sait car le premier stock s'était épuisé.
Si dans certaines maisons il y a eu des corrections de forme, quelques fautes et elle s'amuse encore au souvenir d'un participe passé pour lequel la correctrice lui avait fait une page de commentaires, experts à l'appui, il n'y a jamais eu de correction de fond. À peine l'éditeur imposait-il le titre et l'image - pour faire vendre.
L'histoire de son premier livre est d'ailleurs amusante. Elle avait un travail à l'époque et n'écrivait que le soir. Après des années de travail elle se retrouvait à un de ces événements du livre où elle avait trouvé quelqu'un dans l'édition, et lui avait demandé s'il pouvait la diriger vers une maison. Cette personne lui demanda quelques pages de son ouvrage et, quelques temps plus tard, la recontacta en affirmant qu'il l'éditerait.
Pour un autre ouvrage, elle l'avait proposé un peu partout sans réponse, et ce ne fut qu'après trois ans qu'elle reçut une réponse, d'une personne qu'elle n'avait jamais contacté, à qui on avait passé le manuscrit parce que la maison concernée avait une autre ligne éditoriale, et qui voulait la publier.
Sa seule expérience de l'édition française - elle est évidemment suisse - s'est mal passée. Elle était venue à Paris avec son manuscrit, s'est faite mal recevoir un peu partout. La maison d'édition qui l'a retenue écoulait mal l'ouvrage en Suisse.
Je n'ai jamais réussi à détourner la conversation sur les problèmes formels, la planification des textes ou sa manière d'écrire... interrompu, aussi, par l'humidité. Son discours sur la littérature, si je peux me permettre, se résume aux émotions, ressentir pour faire ressentir, avec cette anecdote des retours de lecteurs qui lui disent ouvrir le livre le soir, sur leur couverture, et s'y plonger.
La conclusion la plus rapide a été qu'on ne pouvait pas vivre du livre - qu'elle n'en vivait pas - et que le seul moyen pour en vivre était de vendre du livre au kilomètre, ce qu'elle rejetait absolument.
Voilà, pas grand-chose mais que je voulais partager, si aussi à l'occasion vous étiez tombé sur un écrivain lui arracher quelques confessions dans un lieu improbable et sans pouvoir lui avouer votre passion de scribouillard.
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- San
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il y a 12 ans 11 mois #17880
par San
Réponse de San sur le sujet Re:Entrevue avec une écrivaine.
Est-ce que ça veut dire que la bonne démarche est d'écrire pour nous avant d'écrire pour les autres?Que pour atteindre son lecteur il faut être persuadé soi-même, qu'il faut pleurer soi-même quand on veut faire pleurer le lecteur : et de fait il y a des passages de ses livres qui, quand elle les relit, la font pleurer encore.
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- Krycek
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il y a 12 ans 11 mois #17881
par Krycek
Réponse de Krycek sur le sujet Re:Entrevue avec une écrivaine.
San, je partage énormément ce point de vue. Je crois que je prends énormément de plaisir à créer le monde, le background, la trame et l'enchaînement (logique et scientifique de mon histoire)... et ça me suffit.
Vuld, c'est là un beau cadeau que d'avoir partagé cette entrevue. Merci ! Et bonne idée que de proposer cette vue sur les édités à nous autres mortels.
Ce qui me fait penser que nous avons Iggy dans ce cas ici, mais aussi Elise T. Myron si je ne me trompe pas ainsi que Monthy3 (à moins que ce n'était qu'une recherche de publication). De bons sujets pour de futures interviews ?
Vuld, c'est là un beau cadeau que d'avoir partagé cette entrevue. Merci ! Et bonne idée que de proposer cette vue sur les édités à nous autres mortels.
Ce qui me fait penser que nous avons Iggy dans ce cas ici, mais aussi Elise T. Myron si je ne me trompe pas ainsi que Monthy3 (à moins que ce n'était qu'une recherche de publication). De bons sujets pour de futures interviews ?
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- Vuld Edone
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il y a 12 ans 11 mois #17882
par Vuld Edone
Réponse de Vuld Edone sur le sujet Re:Entrevue avec une écrivaine.
Euh non Sàn, j'écris pour moi avant d'écrire pour les autres - voire j'écris pour moi tout court - et ça ne fonctionne pas. À mon avis cela veut plutôt dire qu'il faut avoir une bonne compétence sociale, ou simplement être sensible.
Quant aux entrevues... quand ça se fait, comme ça se fait, si ça se fait.
Quant aux entrevues... quand ça se fait, comme ça se fait, si ça se fait.
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Modérateurs: San, Kundïn, Zarathoustra