file Quand être Concis ou développer une scène ?

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il y a 12 ans 2 mois - il y a 12 ans 2 mois #18274 par Zarathoustra
Quand être Concis ou développer une scène ? a été créé par Zarathoustra
Ecrire ou ne pas écrire une scène ?

La question semble bête et pourtant je me la pause fréquemment.

Derrière cette question, je voudrais connaître votre attitude pour traiter une scène. Foncièrement, on peut toujours écrire une scène en quelques phrases, comme une sorte de résumé. D’ailleurs, c’est souvent un défaut de débutant qui s’empresse d’aller à l’essentiel voire à des dialogues, plutôt que de donner vie à ce qu’il raconte.
Et maintenant, je me demande si ce n’est pas aussi un défaut que de donner vie à trop de choses et qu’il faut savoir limiter certaines scènes à des phrases résumés.

Je me rends compte que pour ma part, j’aime traiter les rencontres et que j’ai beaucoup de mal à donner le résultat final de la rencontre sans lui donner vie. Par exemple, la ou les scènes avec l’Empereur dans le Rêve d’Ether. Ce dernier n’est pas un personnage important dans mon histoire, pourtant, je le fais apparaitre dans plusieurs chapitres. Je pourrais dire « untel l’a vu et il c’est dit ça », mais j’ai envie d’écrire la confrontation.

Même chose dans mon chapitre 10. En me relisant, j’ai été frappé par mon traitement superficiel de la tempête et de la canicule. Je me suis dit que c’était une sorte d’aveu d’impuissance à me les imaginer ou à en faire des morceaux de bravoure. Foncièrement, ils n’ont aucune incidence sur l’histoire, pourtant, au fond de moi, je me suis dit qu’un vrai écrivain se serait donné la peine de les écrire. Du coup, j’ai repris toute ma première partie avec l’idée d’en faire un traitement plus « littéraire ».
A contrario, j’ai beaucoup de mal à ne pas faire de résumé dès qu’arrivent les scènes d’action ou celles où je fais avancer mon histoire. En fait, j’ai toujours l’impression que tout ce qui les rallongerait est profondément accessoire, alors qu’une confrontation avec des personnages les façonnent et ils la porte en eux toute l’histoire.

2eme point : jusqu’où développer/étirer une scène ?
Pour moi, il y a souvent un travail de sculpteur ou de peintre. Je veux dire qu’à un moment, il faut qu’il y ait une sorte d’équilibre entre tout ce qui la compose et il faut que ce qui doit être ressenti le soit suffisamment durablement pour imprégner le lecteur, mais aussi prendre garde à ne pas le distraire inutilement sur des choses plus secondaires. Donc il y a tout un travail d’équilibrage qui me pousse parfois à rallonger des paragraphes jusqu’à ce que ce que je sente que ça fonctionne.
Il y a aussi parfois un travail de fondu entre les phrases qui me parait important. J’essaie qu’on ne voit pas de rupture entre mes idées, que les choses s’enchaînent sans qu’on s’en rende compte (sauf si il y a volonté de rupture). Je recherche en fait une petite musique dans ma tête qui fait que les phrases tournent sans que j’accroche. C’est un peu l’idée de dire plein de choses mais que finalement le lecteur finisse le chapitre sans en avoir eu l’impression. Je vois plus une approche par touche impressionniste que par gros applats pour reprendre l’image du peintre. Et parfois, il faut suffisamment de matière parfois lointainement utile mais dont la vocation est de mettre en lumière ou en valeur une idée.
Si vous voulez mieux comprendre, vous pouvez comparer le chapitre 11 avec mes modifications postées

Mais du coup, je me demande si je n’étire pas trop mes scènes et que du coup le résultat puisse être ennuyant parce que fruit de centres d’intérêts trop personnels et dont le lecteur se moque.


Bref, j’aimerais savoir ce qui détermine votre choix de « traiter » une scène plutôt que de l’évoquer sommairement. Et également ce qui vous fait dire qu’elle est assez développée.

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il y a 12 ans 1 mois #18332 par Monthy3
Réponse de Monthy3 sur le sujet Re:Quand être Concis ou développer une scène ?
Que voilà une (des) question(s) pertinente(s) et, de toute évidence, complètement désarmante(s) ! Je vais tenter ma chance, en espérant que l'on m'emboîte le pas. :)

Une première réponse façon tarte à la crème serait : développer les scènes que l'on maîtrise et rester concis sur celles que l'on maîtrise moins, dans l'optique affichée de mettre en évidence ses qualités et dissimuler ses défauts. Ce n'est évidemment pas une réponse satisfaisante dans la mesure où elle nie à mon sens l'art de la narration.

Autre possibilité, qui rejoint un peu la précédente mais dont l'objectif est plus louable : développer les scènes que l'on aime écrire et rester concis sur celles qui nous ennuient. J'ai un peu l'impression que c'est dans cette position que tu te situes, Zara, quand tu dis que tu as envie d'écrire la rencontre : c'est cela qui t'intéresse par dessus-tout. La tempête, elle, t'ennuie.

Dernière réponse que j'envisage, et celle qui, finalement, n'en est pas une : il faut parvenir à donner au récit un rythme. Certes, mais comment faire ?

En ce qui me concerne, j'ai une forte tendance à la concision, quelle que soit la scène : je n'arrive tout simplement pas à développer une scène pendant des heures / des lignes. Du coup, comme pour toi et ta tempête, c'est un peu par impuissance que j'abdique. D'un autre côté, je me dis que ce n'est pas plus mal. J'ai plus de difficulté à imaginer un récit raté parce que trop vif qu'un récit raté parce que soporifique !

Après, il y a concision et concision, et j'ai bien l'impression que tu évoques le cas extrême, où nous ne parlons plus de concision mais carrément de squelette (exemple : dialogues sur dialogues). Là, de toute façon, il y a toutes les chances d'en être à un loupé franc et sincère et de devoir tout reprendre, avec comme solution toute trouvée le fait de passer au discours indirect.

En tout cas, je suis amusé par ce que tu dis sur les rencontres, qui "façonnent" les personnages. C'était exactement mon sentiment sur l'Echiquier, à la différence près que j'essayais de les façonner spécialement par les dialogues. Un procédé qui montrait tout de même des limites.
Du coup, je suis revenu sur ma position et j'en suis arrivé à la conclusion suivante, guère révolutionnaire : toutes les scènes permettent de mettre en valeur un personnage, scènes d'action comprises. C'est même justement lorsque les personnages agissent, bougent, avancent que leur personnalité se révèle le mieux. Les échanges et descriptions statiques me semblent tout de suite plus artificiels.

J'y reviens plus bas, pour passer à ta seconde question.

Jusqu'où développer une scène, donc ? Jusqu'à ce que cela "fonctionne", dis-tu, et c'est vrai - mais quand cela "fonctionne"-t-il ? Pour abonder dans ton sens, je dirais que l'avantage du roman est justement que tout n'a pas à être utile. Des digressions sont possibles, à condition qu'elles ne brisent ni le rythme, ni la cohérence du récit. De plus, il ne faut pas que l'utile étouffe l'inutile.
J'entends bien que cela peut être un procédé de style que de jouer à noyer le poisson, à dissimuler des détails clefs dans des longs paragraphes a priori purement "non utilitaires". Seulement, le lecteur n'est pas un détective et a autre chose à faire que de scruter chaque mot de chaque paragraphe ! Mais je crois que je m'éloigne du sujet. :dry:

Or donc, je crois qu'il faut se faire plaisir, mais pas trop. Tu parles de centres d'intérêt trop personnels : c'est le piège-type, je pense. On écrit certainement pour soi ; mais à partir du moment où l'on confie le texte au lecteur, il faut que les thèmes lui parlent également. Ce peut bien sûr être le cas de tes centres d'intérêt, bien sûr ; mais il faut les aborder de façon suffisamment subtile pour qu'il n'ait pas l'impression que la réflexion lui est imposée, ni, plus grave, que l'opinion définitive lui est assenée (s'il ne la partage pas, c'est fichu !). Cela dit, je m'égare encore - c'est une manie ! :?

En définitive, je pense que c'est essentiellement une question de mesure et de ressenti. Autrement dit, il n'existe pas de réponse miracle (merci Monthy ! :silly: ). Personnellement, j'essaie de ne pas gloser des heures et des heures sur le même sujet, de ne pas me lancer dans de longues explications ou de longues tirades philosophiques. Je pense de toute manière que tout ce que l'on désire dire, voire démontrer, on doit pouvoir le faire par l'enchaînement des événements, par l'histoire même. Il doit toujours y avoir un entraînement, une action : les descriptions doivent être actives, les analyses psychologiques et philosophiques doivent être actives. :)

Des morceaux de bravoure, parce que l'auteur est particulièrement emballé par une description ou une analyse, pourquoi pas ! Mais à condition de ne pas les laisser déborder et briser l'action, briser le rythme du récit, au risque de perdre le lecteur.

J'ai beaucoup écrit, assez peu je le crains sur le sujet que tu nous proposes Zara..., et je vais même, audace parmi les audaces, détourner vite fait celui-ci pour faire part de mon désarroi quant à la psychologie des personnages. Je reste légèrement dans le thème cependant : quand doit-on empêcher nos personnages de se faire des nœuds au cerveau ? Quand rester concis, quand développer la psychologie (tu vois, je suis bien dedans ! B) ), les sentiments intérieurs ? Je pose cette question parce que j'ai relativement tendance, je crois, à en faire trop, justement. A analyser, à chercher à expliquer ce qui se passe dans leur tête, les questions qu'ils se posent, etc.
Avez-vous des solutions pour réussir ce savant dosage ?

Voilà, je crois en avoir bel et bien fini. Je n'ai plus l'habitude d'écrire ainsi, donc soyez tolérants sur les hors-sujets / entremêlements / insanités de ce message ! :huh:

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il y a 12 ans 1 mois #18333 par Vuld Edone
Réponse de Vuld Edone sur le sujet Re:Quand être Concis ou développer une scène ?
Ce qui me donne envie d'enchaîner sur une considération on ne peut plus générale.

En fait je saisis l'occasion pour parler des conseils que je donne aux débutants, et notamment quand je leur dis de développer une scène.
Je passe sur le cas du très jeune auteur, exemple de l'écolier et son cowboy braqueur de train qui ramène son butin et "l'ogre était assis sur un fauteuil"... non, on va parler du moins jeune auteur dont le problème est surtout d'installer une "atmosphère".

Après toutes ces années, je travaille encore et toujours avec la théorie du "fil rouge". Je rappelle brièvement, histoire principale (fil rouge), histoires secondaires (fils bleus) et scènes accessoires (euh...) formant une corde tressée.
La question fondamentale que je vais poser à l'auteur sera donc, en général, "de quoi parle ton histoire ?" Pour déterminer le fil rouge, le coeur, le noyau de l'histoire, sachant qu'en théorie il ne peut y en avoir qu'un.

Cette théorie avait donné lieu à la notion de "transition", le passage entre deux scènes qui consistait à lier l'une à l'autre. Et je passe effectivement du temps à expliquer aux débutants qu'un "pendant ce temps, à Trombourd-les-Bains" ou "Mardi, 12:40" ne sont pas de bonnes transitions.
Avec la "transition" s'est développée une autre notion, celle de "préparation" ou "d'annonce". L'idée était que, les scènes étant liées, une scène devait être préparée à l'avance, annoncée au lecteur. Un exemple parmi tant d'autres : après trois chapitres de romance, au quatrième chapitre soudain l'amoureuse découvre qu'elle était victime d'un sortilège. Comme ça. Parce que.
C'est aussi de là que vient le fameux "après c'est trop tard".
Un premier cas dans lequel je vais demander à l'auteur de développer est donc simplement pour lier les scènes entre elles, ce qui revient pour moi à "leur donner leur place dans le texte". Et cela peut impacter l'ensemble du texte.
Ainsi, avec un héros tombé d'une comète, soudain il découvre une prophétie impliquant un personnage apparu au même chapitre et qui sera forcément son amour secret. Bon. J'ai dit à cet auteur "d'accord, mais fais apparaître ce personnage bien plus tôt" - en fait je lui ai dit de le placer enfant à côté du cratère - "et annonce la prophétie à travers les événements passés" - notamment avec des leçons de magie, mais bref.

Cette théorie avait aussi donné lieu à une règle, la vieille "importance/insistance" ou, succinctement, plus c'est important plus il faut insister dessus. Aujourd'hui je le formule plus en termes de "si tu l'as écrit c'est que ça en valait la peine, alors mets-y de la peine ou ne l'écris pas".
Le cas le plus fréquent est une scène qui n'a absolument rien à voir avec l'intrigue. Ce genre de chose arrive fréquemment, par exemple les héros jeunes entre deux sauvetages du monde se retrouvent avec une romance ou une brute d'école sur les bras. Point intéressant, je ne dis quasiment jamais à l'auteur de couper, mais toujours de développer - pour faire apparaître le lien avec l'histoire.
Un bon exemple est un texte de zombis où l'auteur avait multiplié les groupes de survivants, donc les personnages, de telle sorte que passant d'un groupe à l'autre il s'éparpillait et n'avançait nulle part. Bon, dans ce cas-là je lui ai dit de supprimer des groupes ou de regrouper mais l'idée aurait été de donner à chaque groupe sa raison d'être.
Un cas moins fréquent mais pour lequel la règle a été conçue est celui où la scène a tout à voir avec l'intrigue, mais l'auteur la brosse en une phrase. Là, on retombe dans le cas de la transition, de la préparation, de l'annonce.
Mais il arrive que le problème soit vraiment un brossage trop hâtif de la scène. Par exemple, après un combat, les personnages se retrouvent et dialoguent immédiatement sur ce qu'ils vont faire. C'est comme si le combat n'avait jamais eu lieu, rien sur les blessures, rien sur leur état, leurs gestes, quelques lignes de dialogue et au revoir. Alors que bon, c'est un moment de décision dans le texte.

On en arrive donc à l'atmosphère.

Je me souviens d'un texte où un personnage courait dans une forêt, en direction d'un laboratoire abandonné. La description se résumait à "il court, soudain un mur, c'était le laboratoire".
J'avais, à l'époque, discuté en MP avec l'auteur après mon commentaire, et à l'occasion je lui avais expliqué comment j'aurais écrit la scène. Pour moi, c'était une histoire de suspense, fondée sur l'idée de courage, de "se prouver à soi-même". Je notais la course, la forêt, le mur et ce thème dominant - le coeur de l'histoire.
Et là on voit comment le développement se serait fait : la forêt comme élément de peur, permettant de cacher le laboratoire (feuillages) et de rendre la course difficile (racines) tandis que la course est l'expression de ce courage. Respiration, aveuglement, tout ça... Je lui avais fait observer pareillement que l'intérieur du laboratoire n'était que des tables avec des fioles, ça n'avait aucun rapport avec "se prouver à soi-même". Là encore, de la poussière, le craquement du plancher, des fioles de toutes formes dont certaines brisées, ainsi de suite.

Donc la question du développement n'est pas difficile. Tout le temps. La question difficile est, quand s'arrêter. Ce n'est pas un problème de débutant, la norme est à n'écrire que l'essentiel, le moindre effort.
Et c'est tant mieux, c'est même un des plaisirs de lire les débutants.
Pour moi, la concision revient à couper une scène, à supprimer un élément. Un bon exemple peut être le texte amateur duquel je m'étais inspiré pour écrire Tlön. Dans ce texte il y avait des tourelles automatiques et des robots, mais en fait on pouvait très bien s'en passer. C'est typiquement des détails que je conseille de supprimer, moins pour gagner en place que parce qu'on peut s'en passer.

Mais à terme, quand il s'agit de textes amateurs, le plus important est le potentiel du texte, l'idée qu'il y a un potentiel, le trouver et trouver comment l'exploiter. Donc la question de la concision ne se pose quasiment pas.

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Modérateurs: SanKundïnZarathoustra
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