file MdT - les enjeux

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il y a 10 ans 11 mois #18673 par Imperator
MdT - les enjeux a été créé par Imperator
D'accord. Je n'ai rien à voir avec la méthode de travail, je n'ai pas le temps de l'écrire de manière construite, mais vu le nombre de fois que je dois faire cette remarque...
Enfin, surtout, c'est un peu mon dada ces derniers temps.

***

Les enjeux

Qu'est-ce que c'est?

On appelle enjeu l'élément qui va donner une raison au lecteur de lire l'histoire au niveau scénaristique.
Note: on peut vouloir lire une histoire uniquement pour le style, même si on y comprend rien ou si le scénario est stupide. Cependant, se reposer entièrement sur son style pour un récit littéraire demande du talent voire du génie.

Il y a usuellement deux types d'enjeux:
- un personnage sympathique ou taré. Le lecteur va "tomber amoureux" du personnage, tout comme on devient ami avec un inconnu qu'on trouve intéressant ou avec une femme/homme qu'on vient de rencontrer. De nombreux "shows" sont entièrement basés sur cet éléments, par exemple: doctor who (le docteur...), mirai nikki (gasai yuno ^^), doctor house (house...)
- un concept/projet. Le lecteur va être intellectuellement intrigué par le potentiel du concept qui lui est présenté (un jour sans fin, l'après troisième guerre nucléaire à bord d'un sous-marin) ou intrigué par un projet, soit une promesse (la réponse au sens de la vie), soit un pari (le tour du monde en 80 jours), soit un défi (réaliser l'impossible, changer le monde, changer sa situation, dépasser les classes sociales, etc...)

Comment les employer?

Avant tout, le titre n'est pas au pluriel par hasard. Même si une histoire peut n'avoir qu'un seul enjeu, la plupart en auront au moins deux, le premier des deux étant souvent donné dans le pitch présentant l'histoire (quatrième de couverture).

Le lecteur a besoin d'un enjeu dans les cinq premières minutes de sa lecture. Idéalement, il devrait saisir un enjeu dans les dix premières secondes. En effet, le lecteur n'est pas patient et ne peut pas savoir si l'histoire qu'il lit est bien ou pas. Il est du devoir de l'écrivain que de prouver au lecteur dès le départ qu'il vaut la peine de lire le récit.

Plus précisément, l'enjeu de départ, celui présenté dès le départ, doit indiquer:
- pourquoi il vaut le coup de lire l'histoire
- à qui l'histoire s'adresse
- de quel type d'histoire il va s'agir

Une fois le premier enjeu posé, l'histoire peut se dérouler avec un lecteur attentif. Comme dit, l'histoire peut se contenter de ce premier enjeu, ou alors en introduire un second.
Ce second enjeu, s'il est employé, a pour objectif de développer l'histoire. La majorité du temps, il va s'agir de l'enjeu qui a motivé l'écriture du texte, l'enjeu de départ ayant uniquement servi à guider le lecteur jusqu'à ce point.

Le second enjeu, ou enjeu clé, peut soit:
- reprendre l'enjeu de départ et lui donner davantage d'envergure
- dévier de l'enjeu de départ de manière logique
- s'opposer à l'enjeu de départ pour créer un contraste (note: Petch avait raison...)

Exemples:
- reprendre l'enjeu de départ: Le seigneur des anneaux. On débute avec un anneau qu'il faut amener à Fondcombe et éviter qu'il tombe entre les mains des Nazgul, et arrivé à cet objectif, on passe à l'enjeu principal, à savoir aller apporter l'anneau dans le pire endroit existant sur terre.
- dévier l'enjeu de départ de manière logique: Les simpsons. Il ne font que ça.
- s'opposer à l'enjeu de départ: higurashi no naku koro ni, où l'on débute avec un anime qui semble être joyeux et enfantin, jusqu'à ce que le sang se mette à couler et que tout le monde ne devienne complètement taré. Un autre exemple classique est le soldat qui doit d'abord combattre ses ennemis, puis finit par les rejoindre.

Exemple de l'utilité des enjeux


Si vous n'êtes pas convaincus de l'utilité d'employer les enjeux, permettez-moi de vous donner deux exemples:
- IronSky: Dès le début, on voit un module spatial portant des bannières électorales de Sarah Palin et l'on découvre des nazis sur la lune. Enjeu de promesse et de concept disant clairement à qui le film s'adresse.
Mais à partir d'un certain point, l'enjeu change, le film dévoilant son ambition de critique sociale, ce dans une déviation logique depuis l'enjeu de départ.

- Madoka Magica: Tout va bien dans le meilleur des mondes à l'école d'une petite fille nommée Madoka, jusqu'à ce qu'une fille un rien étrange n'arrive et lui demande:
"Est-ce que tu aimes ta vie, est-ce que ta famille et tes amis te sont précieux? [...] Bien, car si c'est vrai, alors tu ne chercheras pas à changer la vie que tu as ou qui tu es, sans quoi tu perdras tout."
Ce qui dit à qui s'adresse l'anime, fournit à la fois un personnage et une intrigue intellectuelle qui suffit la plupart du temps à garder l'auditeur.
Puis, plus loin dans l'anime, un nouvel enjeu apparaît sous forme de challenge (réaliser l'impossible dans le cas de madoka magica).

Mais je pourrais citer un dernier exemple, plus subtil. Le comte de Monte Cristo.
- enjeu 1: un homme est pris dans un complot, pourras-t'il s'en sortir? Challenge/projet.
- enjeu 2: le héros rencontre le comte de Monte Cristo, un personnage tout ce qu'il y a de plus passionnant.
- enjeu 3: un complot et une vengeance comme on en fait rarement (la parodie des simpsons résume assez bien la taille du truc).

Conclusion

Même si votre histoire est profondément intéressante, voire passionnante, et que vous avez des choses que les gens devraient lire et découvrir, c'est à vous qu'il revient de les aider à prendre conscience de l'intérêt de ladite histoire.

Le terme de "marketing" est devenu profondément péjoratif, tout comme celui de "publicité" et pour de très bonnes raisons. Mais à l'origine et encore en partie aujourd'hui, la "publicité" sert avant tout à informer les gens de ce qui existe et qui pourrait leur être utile.
Faire de la publicité pour son histoire n'est pas seulement utile, c'est une responsabilité de l'auteur. Car le lecteur fait face à des milliers d'histoires et ne peut savoir laquelle choisir.

Dès lors, il est nécessaire de lui fournir une raison de s'accrocher à l'histoire pour pouvoir, au final, découvrir ce que vous désiriez lui faire découvrir. C'est le but de l'enjeu de départ.
Ne pas placer d'enjeu de départ dans son histoire, aussi subtil et discret soit-il, revient à créer une machine fournissant de l'énergie de manière illimitée, de l'enfermer dans son garage sans jamais en parler à personne et de se demander pourquoi personne ne vient l'employer ou pourquoi les gens se plaignent de manquer d'énergie.

En conclusion, expliquez vos enjeux au lecteurs et plus que tout, l'enjeu de départ. Votre histoire ne peut pas devenir intéressante qu'après la fin de l'introduction, mais doit fournir un intérêt à la lecture dès le départ.

Impe.

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il y a 10 ans 10 mois #18681 par Vuld Edone
Réponse de Vuld Edone sur le sujet Re:MdT - les enjeux
L'enjeu... s'il y a bien un sujet que je redoute d'aborder, c'est celui-ci.

Je rappellerai les fondamentaux avant de me lancer :
- Fil rouge : histoire principale
- Fils bleus : événements secondaires
- Fils... euh... verts ? : événements accessoires
L'exemple canonique étant, fil rouge, d'aller tuer le dragon, fil bleu, de gagner la montagne, fil vert, d'acheter un épée. Souvenirs, souvenirs...

Dire qu'il y a deux enjeux, l'un d'embrayeur pour l'autre accélérateur, mh non. Il y a plutôt des fils bleus en continuité, formant le fil rouge.
Par exemple, dans SdA le premier enjeu est pour Frodo d'amener l'anneau à Fondcombe. Bon. Sauf que cet enjeu n'existe qu'après bien des pages, et comme je vais me référer au film, après bien des minutes. Le spectateur a été bien patient tout ce temps.
Non, le tout premier enjeu en oubliant la longue introduction est l'arrivée du magicien au village, tout comme dans Bilbo l'arrivée des sept nains... euh ouais. Cela provoque la "curiosité", l'une des trois tensions, sous forme de "mais c'est qui, qu'est-ce qu'il vient faire, etc..." les habitués de la fantasy sachant qu'un magicien dans un village c'est Lina Inverse dans une taverne, prie pour qu'elle soit de bonne humeur.

Plus récemment - c'est-à-dire il y a quelques heures - j'ai pu lire un énième texte de base où que tout le monde est mort... j'ai l'habitude. Ce qui nous intéresse est son introduction.
Le premier paragraphe place le héros en train de creuser seul dans le désert. Rien de plus, description du désert et du gars qui creuse, son matériel, tout ça. Le second paragraphe explique que son équipe l'a lâché et qu'il s'entête. Le troisième paragraphe reprend la description du désert et dévoile enfin la raison qui le fait creuser.
Alors techniquement l'enjeu du texte c'est d'explorer une base où que tout le monde est mort, l'histoire ne commence qu'une fois rentré, c'est-à-dire à la moitié du texte. Si le tout premier enjeu était d'ouvrir la porte, euh, c'est très vite expédié, il faut croire qu'ils avaient laissé les clefs sous le paillasson.
Le premier enjeu est, bien sûr, de trouver la base, mais techniquement on ne sait même pas qu'il y a une base. Et techniquement il y a un enjeu dès le premier paragraphe : il creuse, pourquoi ? Il creuse seul, pourquoi ? Il creuse dans le désert, pourquoi ? Ce sont trois détails qui dès le départ inquiètent le lecteur, tension "curiosité".
On se moque bien de savoir ce qu'il va trouver et, d'ailleurs, jusqu'à ce qu'il trouve quelque chose, le texte pourrait aussi bien décider de prendre une toute autre direction. Au second paragraphe on s'intéresse plus au personnage qu'à sa situation ou ce qu'il trouverait : ce sont ses motivations soudainement qui nous poussent à lire, savoir ce qui le fait creuser.

On peut donc voir le texte comme une succession de tous petits buts locaux, provoqués par ce genre de détail, situation stéréotypique ou anormale ou on "sent que quelque chose ne va pas", "qu'il va se passer un truc", "y a un truc y a un truc !" C'est cette alarme qu'on veut éveiller.
Il m'est déjà arrivé de lire un texte, de dire "ouais j'ai passé un bon moment mais euh ça m'a mené où ?" Il n'y avait pas d'enjeux, juste des successions de tensions, sans rien derrière...
L'enjeu d'un texte est alors beaucoup moins concret qu'on ne le croit. Et du coup les types d'enjeux sont effectivement plus proches de mon expérience. Ce sont souvent (surtout dans les aventures) les personnages bien plus que les retournements de situation qui vont maintenir l'attention du lecteur, ça ou un concept suffisamment accrocheur - mais peu importe le concept, s'il ne se renouvelle pas assez la personne décroche.
Il ne faut pas oublier non plus les très nombreux textes qui ne cherchent qu'à provoquer une émotion, tristesse, joie, peur, colère, etc... Ni les textes dont l'enjeu est complètement ridicule, l'histoire totalement absurde et brouillon et l'écriture vraiment amateure et qui pourtant réussissent à accrocher grâce à une ambiance unique. Ces textes sont (très) rares, mais ils existent.

Dès lors j'ai envie de dire que les personnages, les retournements voire même les émotions ne sont que des outils, et que l'enjeu se réduit vraiment au concept, à l'idée fondamentale qui justifie le texte. Toute la difficulté étant d'expliquer ce qu'est un concept puisque seul l'auteur de l'histoire en a une idée claire.
En tout cas c'est le fil rouge.
Un concept n'est en tout cas pas événementiel. Et c'est sans doute le saint Graal de la MdT que de pouvoir le définir clairement, de pouvoir l'expliquer à un débutant. Parce qu'une fois qu'on a le concept, tout le reste est une question de recettes de cuisine.

Mh.

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