L'Utilisation de la Partie Autobiographique dans vos textes
- Zarathoustra
- Auteur du sujet
- Hors Ligne
- Messages : 2081
Pour ma part, pendant longtemps, je n’en mettais jamais. Même pour Alarielle, ce ne sont pas mes pensées, plus des idées qui me venaient en pensant à mon récit. Et même dans certains récit à la première personne, il n’y avait rien de très personnel (du moins consciemment). En fait, je trouve très intéressant l’idée de jouer avec l’idée que les lecteurs puissent se dire que c’est forcément autobiographique. J’aimerai vraiment écrire des textes totalement fictifs mais qui donneraient cette illusion d’autobiographie. C’est un peu l’idée de mes récits à la première personne. Juqu'à peu, en fait, il y avait vraiment le plaisir de créer de toutes pièces les choses.
Pourtant, depuis quelques temps, j’intègre des éléments plus personnels soit directement, soit indirectement, soit d’une situation que je transforme. Le résultat final n’est pas forcément personnel ou intime, mais il est vrai qu’il y a un peu plus de porosité. Par contre, je n'ai jamais utilisé de personnages qui s'inspiraient de personnes que je connaissais.
Mais plus que les éléments autobiographiques, les thèmes que j’aborde me touchent plus, d’ailleurs sans doute pas là où vous imaginez. Généralement, j’introduis des éléments qui paraissent très intimes de manière délibérée pour créer une distance parce que justement cela ne me concerne pas directement. Par exemple, j’ai des enfants mais aucun n’est mort, je n’ai jamais divorcé alors que plusieurs de mes histoires l’évoquent (même si beaucoup de couples autour de moi ont divorcé). Paradoxalement, ce qui est plus intime ces derniers temps nait davantage de ma réflexion sur l’écriture elle-même et de mon rapport avec le lecteur et avec le monde. Quasiment tous mes textes de cette année portent en eux ces thèmes. La seule exception doit être Les Démons.
Et si j’ai autant écrit cette année, c’est certainement parce que ce travail me permet de me découvrir mais aussi d’apprendre de l’autre (et de ce qu’on peut apprendre justement du lecteur). Le Magicien, au départ, devait s’appeler L’Autre. Et c’est vraiment quelque chose qui m’obsède. J’écris de plus en plus en me demandant comment le lecteur percevra le texte. J’ai envie de voir mon texte à travers ses yeux ou d’être dans sa tête là aussi, ce thème se retrouve plus au moins dans Le Magicien, Le Loup-Garrou ou l’Iconoclaste. Comme je suis très analytique, mes textes sont effectivement une façon de mieux comprendre l’autre. On dit que l’écriture a un côté thérapeutique, je suppose que oui. Je me dis que si j’arrivais à écrire en voyant la même chose que ce que verrait le lecteur, alors j’aurai gagné. Notez que je ne cherche pas à ce que le lecteur me comprenne, c’est moi qui veux parvenir à le comprendre. Mon problème est d’ailleurs de chercher à le comprendre alors que je devrai aussi m’interroger sur ce qu’il ressentira… Je me dis que quiconque parvient à se rapprocher de lui de ces deux façons possède les clés pour s’amuser avec le lecteur et lui faire vivre ou partager ce qu’il veut.
Cette dimension m’intéresse aussi parce que j’aime jouer avec lui. Plus je serai intime avec sa mécanique et plus je pourrai également mettre dans mes textes des choses plus personnelles qu’il n’est pas censé voir et surtout vouloir voir…En fait, quelque part, je vois le travail d’écriture comme un travail de séduction… Bien entendu, quand je parle de rapport avec l’autre, il s’agit aussi du rapport avec l’autre sexe. Les personnages féminins sont pour moi l’occasion de chercher à comprendre les femmes mais également mon rapport avec elles. Dans un récit écrit par un homme, je pense qu’il très difficile pour lui de ne pas y glisser son propre désir. Et je ne fais pas exception… Mais comme j’en ai pris conscience, il m’arrive de me moquer de moi, sans doute sans que personne ne le remarque…
Pour revenir à l’autobiographique, l’idée de départ peut l’être également. Je me souviens que Le Magicien est né aussi de mon ressentiment face aux terroristes. Je me suis demandé pourquoi leur monde me paraissait aussi irréel (mais bon, c’est une impression que j’ai souvent, donc oui, plus globalement, ce texte possède une bonne base de rapport intime avec moi) et comment on pouvait être ainsi et attendre ça de la vie… Le texte a très vite dérivé sur autre chose, en l’occurrence sur mon rapport avec le lecteur.
Une autre base autobiographique pourrait être celui des projections. Parfois, même dans des passages très fictifs, je glisse des situations ou des contextes non pas autobiographiques mais qui me permettent de les vivre. L’écriture peut, d’une certaine manière, permettre de vivre par procuration… Ou d’éviter de les vivre si elles étaient trop extrêmes ou trop douloureuses.
Enfin, je pense que nous avons tous certaines obsessions qui apparaissent dans nos histoires… Je ne vais pas faire la liste de toutes les miennes, mais quand certaines choses ne cessent de réapparaitre un peu malgré soi, je suppose qu’il existe une part d’intimité dans ces obsessions. Bon, par exemple, moi, je mets souvent en scène des rapports violents entre homme et femme. Cela ne m’est jamais arrivé directement ou indirectement. Je connais certaines femmes qui en ont été victimes, mais aucune ne s’est ouverte sur le sujet à moi. J’ignore pourquoi ça me touche… C’est plus une révolte contre cette nature masculine qui fait forcément partie de moi. Une forme d’indignation de la manière dont l’homme ne cesse d’imposer son désir à leur égard, jusqu’à l’imposer violemment, jusqu’à nier qu’elles puissent avoir leur volonté ou ne pas fonctionner comme eux. Il y a dans ce monde effectivement des choses révoltantes à leur égard…
Voilà, de votre côté :
1- comment voyez-vous l’impact de vos obsessions et de vos vies dans ce que vous écrivez ?
2- L’exploitez-vous volontairement ?
3- Vous arrive-t-il de le découvrir rétroactivement ?
4- L’écriture vous permet-elle comme moi de mieux vous connaître ou mieux connaître l’autre ?
5- Vous arrive-t-il d’écrire des choses trop intimes pour qu’elles finissent ici ?
6- Y at-il une part phantasmagorique dans vos textes ?
Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.
- Imperator
- Hors Ligne
- Messages : 751
"Il se leva, alla au travail et, lorsque sonnèrent les dix-sept heures, s'avéra bien incapable de se remémorer ce qu'il avait bien pu faire durant sa journée mais s'en alla malgré tout d'un pas déterminé manger avant que, sur les coups des huit heures, il ne s'endorme jusqu'à ce que la routine se répète au milieu des ombres de ses collaborateurs."
Franchement ennuyeux comme histoire .
Plus sérieusement, j'ai toujours écrit mes meilleurs textes en prenant un concept que je jugeais intéressant (qu'il me concerne ou pas) et en le développant au travers du récit. L'appel aux expériences personnelles est relativement inévitable, mais malgré tout marginal.
Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.
- Vuld Edone
- Hors Ligne
- Messages : 2178
La même chose s'est produite plus tard, alors que je regardais des gens jouer à des jeux vidéo d'horreur. Je me suis dit que si je faisais un jeu dans cette veine, un monstre mangerait le frère du héros et prendrait sa place, puis se montrerait gentil et protecteur avec le héros -- et l'aiderait à défaire d'autres monstres.
Au fond, j'évite le plus possible toute influence personnelle, ce qui ne m'empêche pas de craindre qu'on y voie des expériences personnelles.
Je pense que l'influence la plus massive reste mon intérêt pour la politique américaine. Mais plus je veux intégrer ça à mes textes et moins j'ai envie d'écrire ces textes, donc j'essaie plutôt de l'éviter, autant que possible.
Parce que dans ces cas-là la conclusion m'est toute donnée, et je passe mon temps à rechercher les causes.
Parfois, je me dis que le plus gros de ma vision du monde vient du fait que, petit, on m'a dit que mon grand-frère me protégeait.
Soudain dans Simulation les missiles vont par deux, et je me souviens nettement que c'était plus accidentel -- avant la décision d'isoler le missile, il discutait avec trois-quatre missiles -- plus le destroyer -- et le tir par deux est juste une doctrine. Mais après coup, je me demande s'il n'y a pas un peu de ça.
Après, ce qui est le plus flagrant dans mes textes est que je n'interagis que très peu avec les autres, et cela rend mes personnages très discrets et passifs.
C'est aussi mon problème avec les Anges. Je n'arrive pas à dépeindre des gens qui croient au survivalisme ou juste à la loi du plus fort, quand bien même je sais qu'il y en a. J'ai l'impression à chaque fois de créer une caricature et j'abandonne. Dans l'abstrait, c'est facile de voir leur logique. Au moment de mettre en scène, c'est trop ridicule pour être crédible.
Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.
- Zarathoustra
- Auteur du sujet
- Hors Ligne
- Messages : 2081
Au passage, et si tu t'amusais à écrire à partir de choses plus autobiographique, ne crois-tu pas que cela pourrait remotiver ton écriture?Imperator: Plus sérieusement, j'ai toujours écrit mes meilleurs textes en prenant un concept que je jugeais intéressant (qu'il me concerne ou pas) et en le développant au travers du récit. L'appel aux expériences personnelles est relativement inévitable, mais malgré tout marginal.
En fait, moi, si cela devait être le cas, j'aurai assumé totalement l'idée mais en l’adoptant totalement, de manière effectivement à dépersonnaliser. Il suffit par exemple de changer le sexe d'un personnage ou l'écart d'âge ou de prêter des personnalité très différentes. Dans la mesure où l'objectif est de se démarquer délibérément, je pense qu'il est assez aisé d'éviter des dérives personnelles.Je me rappelle avoir hésité à écrire Keidran parce que Keidran a un frère, que j'ai un frère et que je voulais éviter absolument toute interférence avec mon expérience personnelle. Raison aussi pour laquelle le frère n'a quasiment pas été mentionné.
Ce qui est effectivement plus pernicieux, c'est quand le subconscient s'en mêle, souvent de manière détournée ou analogique, comme tes deux missiles. Il y a parfois des choses qui se glissent effectivement malgré nous... .
Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.
- Iggy Grunnson
- Hors Ligne
- Messages : 418
Comme je le disais donc, je travaille pas mal à l'instinct au moment de la planification, notamment en ce qui concerne les choix de mes personnages. La conséquence c'est que je finis souvent par aborder les mêmes terrains, et qu'ils reflètent bien souvent une part de ma personnalité.
En l’occurrence, en écrivant "lorsque les brumes se dissipent", je me suis rendu compte à mi-parcours que le problème du narrateur n'est pas tellement qu'il est un lâche, mais bien qu'il ne se soucie pas suffisamment des autres. Il est assez indifférent au destin des autres et se contente de tracer sa voie - ce qu'il réussit fort bien au demeurant. La dernière partie de l'histoire (son retour au pays natal) traite de son douloureux apprentissage de l'empathie.
Et le plus marrant dans tout ça : ça n'est pas une première. En fait Amphitryon Jones, le héros qui m'accompagne depuis plus de 10 ans de récits, est exactement dans la même situation. Il est tellement obnubilé par son rôle de héros solitaire qu'il lui faut apprendre, là aussi au travers d'un chemin de croix, à partager un peu des émotions que ressentent ses proches et à mesurer les conséquences de ses propres actes sur leur vie.
Et même (ta-ta-tsaan): c'est presque le sujet de ma toute première histoire postée sur les chroniques, "la confrérie du nouvel ordre". Le groupe de héros échoue faute de s'être suffisamment soucié du sort des modestes villageois qu'ils sont sensés protégés.
Cette question récurrente trouve un écho important chez moi, dans la mesure où moi-même j'ai l'impression d'avoir eu à faire (et de faire aujourd'hui encore) un gros travail pour mieux écouter les autres et tenir compte de leur sensibilité, alors que ma nature me pousse à filer droit très égoïstement - pas par méchanceté mais simplement par manque d'attention.
Donc pour répondre à tes questions :
1 - Oui, il y a bien un impact, je ne sais pas si l'on peut dire de mes obsessions, mais en tout cas une projection d'une partie de ma personnalité dans mes histoires.
2 & 3 - C'est plutôt rétroactif, je ne fais pas ça consciemment au départ même si par la suite je peux en jouer.
4 - complètement - je ne disais pas autre chose sur le sujet de Vuld;
5 - Non
6 - Pas vraiment il me semble
Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.
- Imperator
- Hors Ligne
- Messages : 751
Je n'écris plus parce que je n'ai plus le temps. Ce n'est pas un manque de motivation, c'est qu'écrire demande un temps de cerveau disponible plus important que ce que je peux fournir en ce moment.
Et à ma connaissance, les expériences de la vie réelle sont bien trop irréalistes et font trop appel au deus ex machina pour faire de bonnes histoires.
Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.
- Vuld Edone
- Hors Ligne
- Messages : 2178
Je suis obligé de confirmer ce point. S'il fallait écrire sur la réalité on tomberait sans arrêt dans l'absurde. Il y a des limites à la suspension de l'incrédulité, ce qui peut aussi expliquer en partie pourquoi la réalité dépasse la fiction.Et à ma connaissance, les expériences de la vie réelle sont bien trop irréalistes et font trop appel au deus ex machina pour faire de bonnes histoires.
Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.
- Zarathoustra
- Auteur du sujet
- Hors Ligne
- Messages : 2081
Je ne comprends pas ta réponse... Quel est le rapport avec une inspiration autobiographique?Je suis obligé de confirmer ce point. S'il fallait écrire sur la réalité on tomberait sans arrêt dans l'absurde. Il y a des limites à la suspension de l'incrédulité, ce qui peut aussi expliquer en partie pourquoi la réalité dépasse la fiction.
Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.