Plans de guerre
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il y a 5 ans 8 mois #21601
par Vuld Edone
Plans de guerre a été créé par Vuld Edone
Hi'.
Alors que je reprends difficilement la plume, je me suis retrouvé face à la situation classique de tous ceux qui planifient un texte au long cours, sagas de cent pages et plus où les ramifications se perdent dans des horizons incertains.
Dans un tel cas, l'option la plus simple est le "freestyle", écriture continue sans planification où la suite est inventée plus ou moins sur l'instant. Par expérience, et avec la volonté d'achever mon texte, j'ai écarté cette option.
Je me suis donc retrouvé devant une page A4 de chapitres vides comme autant de cases qu'il me fallait remplir avant d'espérer aller où que ce soit. C'est l'instant où on se retrouve à écrire, aussi rachitiquement que cela soit, l'entièreté de l'histoire. Et comme de coutume, j'ai bloqué après n'avoir, grâce à mon idée de départ, rempli qu'une demi-douzaine de cases. À titre de repère, je planifie par défaut 26 chapitres, nombre calqué sur les séries télévisées, et je me suis fixé 8 pages par chapitre, par souci d'en arriver au bout un jour. J'ai donc vingt-six cases à remplir et deux cents six pages devant moi.
Ce bloquage sur le plan m'a permis de revenir aux bases.
Mon récit en planification est un récit de guerre, partant de la déclaration de guerre jusqu'à la déclaration de paix, et suivant donc le déroulement des combats.
J'avais donc commencé la planification avec la tendance la plus évidente, et la plus amateure : en planifiant les chapitres selon les combats. Ici il y aurait telle bataille, là tel retournement, là telle charge et ainsi de suite. Pourquoi pas ? Les sagas guerrières avec lesquelles nous avons été nourris semblent construites sur ce modèle, avec une variation de bataille par chapitre / épisode, et votre plan n'a donc à refléter que les obstacles qui se dresseront sur le chemin de votre héros au sourire bright.
Voilà pourquoi je n'ai pu remplir qu'une demi-douzaine de cases. D'une part, cela ne fonctionne que si votre héros est le héros. Autrement dit si le personnage principal est aussi celui qui mène l'action. Mes personnages principaux tendent à être des observateurs jetés au coeur de rouages qui les dépassent, et cette guerre ne devait pas être différente. Je me retrouvais donc à planifier des variations de bataille auxquelles le héros ne participerait pas. D'autre part, cela ne fonctionne que si vous avez un but.
Ce second point est difficile à expliquer. Pour un amateur, le but est clair : telle bataille a lieu pour gagner la guerre, et l'enchaînement des batailles mène à la victoire de l'un, à la défaite de l'autre. Pourquoi chercher plus loin ? Une telle approche permet un joli jeu de sons et lumières, et quelques moments de réflexion ponctuels ou une trame accidentelle, mais n'offre aucune réelle profondeur. Quel est le but de la guerre ? Quel est le but du texte ?
Ce n'est pas la première fois que j'écris un récit de guerre, et que j'ai eu à faire un tel plan. À l'époque, le but de ma guerre était de passer d'une vision enfantine de la guerre, pleine de romantisme et de charges héroïques, à une guerre (médiévale) moderne et totale ; de personnages humanistes, pacifiques et modérés, à des personnages fanatiques et guerriers, usés jusqu'à l'os par le conflit. Le texte devait montrer au lecteur l'escalade, et cette escalade devait mener à la défaite. Voilà le but : l'escalade. Et je n'avais eu aucun mal à partir de là à aligner vingt-six chapitres comme autant d'instants de la guerre pour illustrer cette course à la destruction.
Dans un autre cas, ma guerre suivait aussi une escalade, mais par défaut. Le but de la guerre était le choc de deux univers, l'un magique et l'autre "physique", deux mondes irréconciliable et la fatalité qui en résulte. Pour cette autre guerre je n'ai jamais su vraiment fixer le plan complet, faute de savoir comment manier, au niveau logique, cette fatalité. Tout le texte transpire le désir, des deux côtés, de faire la paix, et les deux côtés ne cèdent jamais complètement à la résignation. Fallait-il leur offrir une porte de sortie, ou mener la tragédie à son terme.
La clé de ma nouvelle guerre serait différent. Pas d'escalade : le conflit, du début jusqu'à la fin, aurait essentiellement la même intensité. Pas de tragédie : les causes y seraient mesquinement contrôlées et aisément évitables. La guerre, de fait, ne doit même pas être le centre d'intérêt du récit, quand bien même elle serait omniprésente. Ainsi, la traditionnelle première bataille devant introduire le lecteur aux affres de la guerre, malgré ses péripéties, serait entièrement ellipsée. Le but de la guerre, la clé du texte, serait la conviction que l'un des deux camps était le gentil.
Armé de cette simple règle, que chaque chapitre, chaque bataille et chaque événement devait oeuvrer à peser la gentillesse de chaque parti, leurs griefs et motivations et tester, in fine, puisque tout filtre à travers lui, les croyances du héros. Héros qui à son tour, et c'est pour cela que d'observateur il devient acteur et héros, décale le problème pour savoir si, polarisant, au coeur de cette guerre de moralité lui-même était digne de haine ou d'admiration ; armé de cette règle j'ai repris hier mon plan et rempli toutes les cases avec facilité.
Le plan n'est pas achevé pour autant. Chaque chapitre demande à être détaillé, et il faudra préparer nombre de personnages, de lieux, d'objets et de détails exotiques (telles les cités anti-gravitiques). Mais chaque chapitre est à présent calibré pour pousser le lecteur à prendre parti également ou, par défaut, à s'enfermer toujours plus dans la vision d'un personnage zélé.
La page blanche n'existe que lorsqu'on oublie de quoi parle notre texte.
Réduit à une simple suite d'événements, il demande au contraire qu'on oublie de quoi il pourrait parler.
Alors que je reprends difficilement la plume, je me suis retrouvé face à la situation classique de tous ceux qui planifient un texte au long cours, sagas de cent pages et plus où les ramifications se perdent dans des horizons incertains.
Dans un tel cas, l'option la plus simple est le "freestyle", écriture continue sans planification où la suite est inventée plus ou moins sur l'instant. Par expérience, et avec la volonté d'achever mon texte, j'ai écarté cette option.
Je me suis donc retrouvé devant une page A4 de chapitres vides comme autant de cases qu'il me fallait remplir avant d'espérer aller où que ce soit. C'est l'instant où on se retrouve à écrire, aussi rachitiquement que cela soit, l'entièreté de l'histoire. Et comme de coutume, j'ai bloqué après n'avoir, grâce à mon idée de départ, rempli qu'une demi-douzaine de cases. À titre de repère, je planifie par défaut 26 chapitres, nombre calqué sur les séries télévisées, et je me suis fixé 8 pages par chapitre, par souci d'en arriver au bout un jour. J'ai donc vingt-six cases à remplir et deux cents six pages devant moi.
Ce bloquage sur le plan m'a permis de revenir aux bases.
Mon récit en planification est un récit de guerre, partant de la déclaration de guerre jusqu'à la déclaration de paix, et suivant donc le déroulement des combats.
J'avais donc commencé la planification avec la tendance la plus évidente, et la plus amateure : en planifiant les chapitres selon les combats. Ici il y aurait telle bataille, là tel retournement, là telle charge et ainsi de suite. Pourquoi pas ? Les sagas guerrières avec lesquelles nous avons été nourris semblent construites sur ce modèle, avec une variation de bataille par chapitre / épisode, et votre plan n'a donc à refléter que les obstacles qui se dresseront sur le chemin de votre héros au sourire bright.
Voilà pourquoi je n'ai pu remplir qu'une demi-douzaine de cases. D'une part, cela ne fonctionne que si votre héros est le héros. Autrement dit si le personnage principal est aussi celui qui mène l'action. Mes personnages principaux tendent à être des observateurs jetés au coeur de rouages qui les dépassent, et cette guerre ne devait pas être différente. Je me retrouvais donc à planifier des variations de bataille auxquelles le héros ne participerait pas. D'autre part, cela ne fonctionne que si vous avez un but.
Ce second point est difficile à expliquer. Pour un amateur, le but est clair : telle bataille a lieu pour gagner la guerre, et l'enchaînement des batailles mène à la victoire de l'un, à la défaite de l'autre. Pourquoi chercher plus loin ? Une telle approche permet un joli jeu de sons et lumières, et quelques moments de réflexion ponctuels ou une trame accidentelle, mais n'offre aucune réelle profondeur. Quel est le but de la guerre ? Quel est le but du texte ?
Ce n'est pas la première fois que j'écris un récit de guerre, et que j'ai eu à faire un tel plan. À l'époque, le but de ma guerre était de passer d'une vision enfantine de la guerre, pleine de romantisme et de charges héroïques, à une guerre (médiévale) moderne et totale ; de personnages humanistes, pacifiques et modérés, à des personnages fanatiques et guerriers, usés jusqu'à l'os par le conflit. Le texte devait montrer au lecteur l'escalade, et cette escalade devait mener à la défaite. Voilà le but : l'escalade. Et je n'avais eu aucun mal à partir de là à aligner vingt-six chapitres comme autant d'instants de la guerre pour illustrer cette course à la destruction.
Dans un autre cas, ma guerre suivait aussi une escalade, mais par défaut. Le but de la guerre était le choc de deux univers, l'un magique et l'autre "physique", deux mondes irréconciliable et la fatalité qui en résulte. Pour cette autre guerre je n'ai jamais su vraiment fixer le plan complet, faute de savoir comment manier, au niveau logique, cette fatalité. Tout le texte transpire le désir, des deux côtés, de faire la paix, et les deux côtés ne cèdent jamais complètement à la résignation. Fallait-il leur offrir une porte de sortie, ou mener la tragédie à son terme.
La clé de ma nouvelle guerre serait différent. Pas d'escalade : le conflit, du début jusqu'à la fin, aurait essentiellement la même intensité. Pas de tragédie : les causes y seraient mesquinement contrôlées et aisément évitables. La guerre, de fait, ne doit même pas être le centre d'intérêt du récit, quand bien même elle serait omniprésente. Ainsi, la traditionnelle première bataille devant introduire le lecteur aux affres de la guerre, malgré ses péripéties, serait entièrement ellipsée. Le but de la guerre, la clé du texte, serait la conviction que l'un des deux camps était le gentil.
Armé de cette simple règle, que chaque chapitre, chaque bataille et chaque événement devait oeuvrer à peser la gentillesse de chaque parti, leurs griefs et motivations et tester, in fine, puisque tout filtre à travers lui, les croyances du héros. Héros qui à son tour, et c'est pour cela que d'observateur il devient acteur et héros, décale le problème pour savoir si, polarisant, au coeur de cette guerre de moralité lui-même était digne de haine ou d'admiration ; armé de cette règle j'ai repris hier mon plan et rempli toutes les cases avec facilité.
Le plan n'est pas achevé pour autant. Chaque chapitre demande à être détaillé, et il faudra préparer nombre de personnages, de lieux, d'objets et de détails exotiques (telles les cités anti-gravitiques). Mais chaque chapitre est à présent calibré pour pousser le lecteur à prendre parti également ou, par défaut, à s'enfermer toujours plus dans la vision d'un personnage zélé.
La page blanche n'existe que lorsqu'on oublie de quoi parle notre texte.
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il y a 5 ans 7 mois - il y a 5 ans 7 mois #21603
par Zarathoustra
Réponse de Zarathoustra sur le sujet Plans de guerre
ça fait du bien de te lire! Même si ce n'est pas un vrai texte (quoi que!).
En te lisant, moi, j'ai eu l'idée suivante pour un texte (pas un roman mais une nouvelle). Ecrire une bataille où on lutterait contre le lecteur. Et effectivement, à la fin, l'enjeu serait de savoir qui aura été le gentil...
Je ne sais pas si c'est possible à écrire, mais ça me changerait de la énième réécriture des 3 Noms d'Alarielle...
Par contre, 26 chapitres, c'est très ambitieux, non? Surtout 8 pages. Je me suis rendu compte dernièrement que c'est un maxi. J'ai eu tendance à écrire des chapitre de 10/12 pages, mais à la lecture, la plupart du temps, c'est indigeste. Je pense que 6/8 pages, c'est bien, Quand je parle de page, je parle avec un police de 10 sans interligne, donc assez compact.
En te lisant, moi, j'ai eu l'idée suivante pour un texte (pas un roman mais une nouvelle). Ecrire une bataille où on lutterait contre le lecteur. Et effectivement, à la fin, l'enjeu serait de savoir qui aura été le gentil...
Je ne sais pas si c'est possible à écrire, mais ça me changerait de la énième réécriture des 3 Noms d'Alarielle...
Par contre, 26 chapitres, c'est très ambitieux, non? Surtout 8 pages. Je me suis rendu compte dernièrement que c'est un maxi. J'ai eu tendance à écrire des chapitre de 10/12 pages, mais à la lecture, la plupart du temps, c'est indigeste. Je pense que 6/8 pages, c'est bien, Quand je parle de page, je parle avec un police de 10 sans interligne, donc assez compact.
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il y a 5 ans 7 mois #21605
par Vuld Edone
Réponse de Vuld Edone sur le sujet Plans de guerre
Ce sera vingt-six chapitres ou rien. De mémoire ce sont 206 pages, ce qui, à l'écriture kilométrique, est tout à fait raisonnable. Et s'il y a plus je me le mets.
Je suis bien plus inquiet du style et des personnages que de la taille du texte. Dès qu'on a la clé, c'est comme pour remplir un plan : les pages s'alignent toutes seules.
Batailler avec le lecteur est rude. Il faut d'abord le pousser à se battre, lui donner un casus belli. Il faut ensuite lui donner les moyens, définir les modalités du duel -- sans lui dire explicitement qu'il est entré en guerre. Et il y aurait enfin le combat lui-même, suivant ces règles établies et en donnant au lecteur la manoeuvre pour lutter.
Le choix le plus simple et le plus risqué serait de le faire lutter contre le texte lui-même, en créant des passages obscurs qu'il puisse briser, risqué puisque rebutant. Sans casus belli, comme dit, il ne se prêtera pas à l'aventure.
Et surtout, il faut au lecteur le moyen de répliquer.
Je suis bien plus inquiet du style et des personnages que de la taille du texte. Dès qu'on a la clé, c'est comme pour remplir un plan : les pages s'alignent toutes seules.
Batailler avec le lecteur est rude. Il faut d'abord le pousser à se battre, lui donner un casus belli. Il faut ensuite lui donner les moyens, définir les modalités du duel -- sans lui dire explicitement qu'il est entré en guerre. Et il y aurait enfin le combat lui-même, suivant ces règles établies et en donnant au lecteur la manoeuvre pour lutter.
Le choix le plus simple et le plus risqué serait de le faire lutter contre le texte lui-même, en créant des passages obscurs qu'il puisse briser, risqué puisque rebutant. Sans casus belli, comme dit, il ne se prêtera pas à l'aventure.
Et surtout, il faut au lecteur le moyen de répliquer.
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Modérateurs: San, Kundïn, Zarathoustra