La source, l'homme et le corbeau
- Vuld Edone
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il y a 15 ans 6 mois #15500
par Vuld Edone
La source, l'homme et le corbeau a été créé par Vuld Edone
J'avais écrit ce texte avant le passage de SPIP à Joomla, à peu près en même temps que "La maladie du bonheur". Je voulais écrire une longue fable en réponse au corbeau.
Ca date, la mention à Raoul (de Cambrai, qui fait brûler une église) signifie que je l'étudiais encore (époque du banquet). Je soupçonne certaines rimes d'être uniquement pour la rime, beaucoup d'autres sont des jeux (comme "dément-dément"). Un exercice en somme.
Un problème de versification qu'avait souligné Monthy (les "e" muets, je crois) y est toujours.
Je l'ai gardé si longtemps et je tiens encore à le partager parce qu'il s'agit d'un texte réellement écrit pour les Chroniques, même si le concerné n'y est plus.
_________________________________________________
Le début de la fable
N’est pas très présentable.
Lisez-la jusqu’au bout
Et vous y prendrez goût.
Ci une source belle et claire
Donnait de l’eau à volonté,
Plus qu’un homme n’aurait souhaité
Si pure qu’elle put lui plaire.
Or cet homme vint un jour à passer,
La voyant ne voulut rien ressasser :
Il y but tout son saoul,
Il y trempa sa poigne,
Il n’a temps qu’il s’en oigne,
Il y fit plus que Raoul.
Sa soif s’en alla, la source restait,
Son coeur de cette eau saine se lestait,
Sa raison pardonna qu’il protestait,
Sa raison pourtant jà s’en attristait.
La source vécut avec l’homme,
Car l’homme ne partirait plus.
Disait tels mots doux : « Tu me plus,
» Toi source que la beauté nomme. »
Ce qu’homme a voulu dire,
La raison va maudire.
La source en fontaine regorgeait d’eau
Lorsque vint un oiseau.
La source abreuvait son jeune ruisseau
Quand plana un corbeau
Qui piqua jusqu’aux flots
Pour toucher sa surface,
Puis l’homme faisant face,
Il lui tint ce propos :
« Homme, sois averti, la beauté t’illusionne,
» La source qui coulait en secret t’empoisonne,
» Homme, sois prévenu, car j’ai vu l’avenir,
» Car j’ai lu le passé, de moi vas l’obtenir.
» La source est un miroir
» Où elle ne peut voir
» Que ce qui est elle,
» Pour ce se croit belle.
» Mais laisse-moi parler, alors tu apprendras
» Ce que cette sorcière au futur te tendra.
» Son flot si pur et bon bientôt va se réduire,
» Sa couleur de cristal d’un bleu-vert va s’enduire,
» Du sable coulera dans ta bouche avec l’eau,
» Tes lèvres en souffriront et ta gorge et ta peau,
» Puis tu verras son cours se tasser et flétrir,
» Tu devras tout brasser pour laver ta boisson,
» Algues et mousses tant que tu auras poison,
» Tu perdras ta vigueur à force d’eau pétrir,
» Puis ce poison encor ira jusqu’à tarir,
» La source, cruauté, sera prime à partir,
» Puis tu n’auras plus rien, plus une goutte à boire,
» Et la mort te prendra au fond de ton déboire.
» Homme, si tu m’écoutes,
» Si de moi tu ne doutes,
» Pars maintenant !
» Pars à l’instant ! »
L’homme se mit à réfléchir,
Il songea fort bien à partir,
Car le corbeau avait raison,
Disait vrai, son dire était bon,
Alors lui répondit
Après temps de non-dit :
« Pars ! Fiche-moi le camp ! Je ne veux plus te voir,
» Je ne veux plus t’ouïr, je ne veux rien savoir ! »
Le corbeau d’un rire partit,
Alla percher sur une branche,
Aux mots de l’homme répartit
Après se tut et puis se penche.
La source donna encor beaucoup d’eau,
L’homme y buvait sous les yeux du corbeau.
Puis le cours perdit force,
Si com le sort s’amorce,
L’homme vit le flot se réduire,
D’une couleur bleu-vert reluire,
L’homme en but et sentit le sable
Fin et cassant et détestable
Lui déchirer la peau.
Sitôt surgit le corbeau :
« Pauvre homme, pauvre fou, voilà ma prophétie !
» Le sable te meurtrit, voilà sa facétie !
» Et son goût a changé et sa beauté se meurt
» Et elle de partir sans remords ni heurt,
» Elle t’abandonne !
» Elle t’empoisonne !
» Mais écoute-moi bien et tu lui survivras,
» La mégère ne tend que ce que tu prendras.
» Aujourd’hui elle est verte et elle est sablonneuse
» Et rechigne déjà à se faire prêteuse.
» Son cours se couvrira de tous les immondices,
» Son eau se mêlera aux algues violatrices,
» Son goût ne sera plus que du poison vicié,
» Tant que tu en boiras tu sera supplicié.
» Puis elle de tarir, de ne te rien laisser !
» Tu devras t’épuiser à tirer une larme
» A travers boue et sol que traînera son charme,
» Quand tu devais déjà longtemps la nettoyer.
» Puis tu resteras seul face à la terre sèche,
» La soif à tout instant battra tes flancs en brèche.
» Mais homme, écoute-moi,
» Ecoute ton émoi,
» Quitte-la aussi vite
» Avant qu’elle te quitte ! »
Alors l’homme dut bien y repenser,
Peser bien et mal sans rien dispenser :
« Tu peux te taire. » dit-il lors,
Et corbeau : « Tu la verras tors. »
Mais l’homme déjà, avec mult patience,
Filtrait le sable loin de cette audience.
La source ne cessait qu’homme soit contenté
Sous les yeux du corbeau qui n’avait rien tenté.
Or naquit une autre fontaine
D’abord flaques puis ruisselets
Puis marais garnis de galets
Puis forte et puissante et hautaine
Tandis que la source où l’homme vivait
Chaque jour un peu plus se tarissait.
Des algues s’y trouvaient.
Des mousses la couvraient.
Elle avait le goût âcre,
Amer et acariâtre.
L’homme devait laver son eau avant de boire,
Le corbeau revint conter son histoire :
« J’avais raison, tu avais tort
» Mais abandonne avant la mort.
» Je ne veux que ton bien, si tu voulais me croire,
» Ici tu dépéris, pars et tu pourras boire. »
L’homme continuait de nettoyer.
« Pauvre fou, tu tiens tant à la choyer ?!
» Mais veuille m’écouter et tu t’échapperas.
» Ta source est bien amer, tu es dans l’embarras,
» Mais ce n’est rien encor car encor tu en puises,
» Bientôt tu n’auras rien sans que tu ne t’épuises,
» Pour toute eau la vase,
» De la boue rase,
» Puis t’abandonnera cette source de fiel,
» Elle t’aura quitté pour un tout autre ciel
» La source dépérit et t’entraîne avec elle,
» Mais dépars le premier, tu la verras moins belle. »
L’homme soupesa le contre et le pour,
Et il le savait dès le premier jour,
Le corbeau disait vrai,
« Parle, je resterai,
» J’aime cette source pour ce qu’elle est. »
Or la source pleurant tint à l’homme ces mots :
« Mon flot devient turpide,
» Rester serait stupide,
» Ne te perds pas pour moi,
» Par pitié enfuis-toi,
» Je ne veux que ta vie,
» Ton souffle m’a ravie,
» Va retrouver une eau plus claire,
» D’autres sources sauront te plaire,
» J’en vois une à trois pas,
» Va et fuis le trépas. »
Mais l’homme avec le sable
Rendit son eau potable
Et resta en effet.
L’eau s’écoula encor, bientôt ne coula plus,
Des sillons seulement rappelaient l’abondance,
D’autres sources là-bas prenaient en assurance,
De la source à présent ne restaient que des rus.
La main fouille la boue,
Le coeur d’homme se noue,
Surgit un cri perçant
Et corbeau le tançant :
« Homme fou, la raison a-t-elle fui ta tête ?
» Si je suis un corbeau, ne suis-je pas honnête ?
» Tout ce que j’ai prédit n’est-il pas arrivé ?
» Faut-il que le futur soit toujours ravivé ?
» Elle te tue !
» Elle est perdue !
» Elle avait la fontaine haute et belle et si claire
» Et le contour léger et la forme exemplaire
» Puis le flot s’est réduit plein de sable à foison,
» Puis faut-il rappeler qu’elle fut du poison,
» Puis le cours s’est tari pour sombrer dans la boue.
» Tu sais parfaitement que la source te roue.
» Tu n’obtiens d’elle que des gouttes,
» Et de leur sel tu te dégoûtes
» Et t’évertues à l’exploiter
» Quand rien ne reste à convoiter !
» Tu n’es qu’un malheureux dément
» Et la vérité te dément.
» Mais fais-moi attention, lors tu l’écouteras,
» La source en vérité ne veut que ton trépas.
» En prime elle mourra et toi dans la seconde
» Si tu n’écoutes pas tu rejoindras son onde
» En la terre sèche
» Et sa face rêche.
» J’ai vu partout ailleurs de bien plus belles sources,
» Le monde à l’extérieur ne manque de ressources,
» Tu protestes à repartir ?
» Mais ta raison doit revenir !
» Tu ne peux la sauver, vois déjà l’agonie,
» Quels absurdes propos voudras-tu que je nie ?
» Quelle cause te fait rester ?
» Quelle excuse vas-tu trouver ? »
Le corbeau avait pour lui la raison.
L’homme avait le tort, du moins disait-on.
Alors l’homme : « Parle, je resterai. »
Le corbeau ne tenta pas d’autre essai.
Les sources alentours se mirent à réduire,
A s’enduire de vert puis à s’empoisonner,
De mousses se charger puis leur fond se vider
Puis il ne resta plus une larme pour luire.
Il ne resta bientôt que la source et son homme,
De ce qu’il en restait on fit vite la somme,
Une perle d’eau pleine
Brillait comme une reine
Dans la main de l’humain.
Tout le reste était vain.
La source voyait s’écouler ses larmes,
Contre la mort il n’existait pas d’armes :
« Homme, dis-le moi,
» Dis-moi donc pourquoi. »
L’homme alors murmura à son oreille
Des paroles qui lui firent merveille :
« J’ai vécu, j’en suis aise,
» Dans l’eau et dans la glaise.
» Qu’avais-je à faire d’un autre palais ?
» Tu m’as donné tout ce que je voulais. »
La fontaine était morte à peu près la dernière,
Dans son sol déjà sec ne restait qu’une ornière.
Puis d’autres fontaines
Naquirent par centaines.
La fontaine était morte,
L’homme lui demeurait
Et le corbeau restait
Et penché de la sorte :
« Et toi, corbeau, que fais-tu là ? »
Le corbeau, confus, s’en alla.
****
P.S. : Si vous croyez que j'ai parlé d'amour, vous avez tort.
Ca date, la mention à Raoul (de Cambrai, qui fait brûler une église) signifie que je l'étudiais encore (époque du banquet). Je soupçonne certaines rimes d'être uniquement pour la rime, beaucoup d'autres sont des jeux (comme "dément-dément"). Un exercice en somme.
Un problème de versification qu'avait souligné Monthy (les "e" muets, je crois) y est toujours.
Je l'ai gardé si longtemps et je tiens encore à le partager parce qu'il s'agit d'un texte réellement écrit pour les Chroniques, même si le concerné n'y est plus.
_________________________________________________
Le début de la fable
N’est pas très présentable.
Lisez-la jusqu’au bout
Et vous y prendrez goût.
Ci une source belle et claire
Donnait de l’eau à volonté,
Plus qu’un homme n’aurait souhaité
Si pure qu’elle put lui plaire.
Or cet homme vint un jour à passer,
La voyant ne voulut rien ressasser :
Il y but tout son saoul,
Il y trempa sa poigne,
Il n’a temps qu’il s’en oigne,
Il y fit plus que Raoul.
Sa soif s’en alla, la source restait,
Son coeur de cette eau saine se lestait,
Sa raison pardonna qu’il protestait,
Sa raison pourtant jà s’en attristait.
La source vécut avec l’homme,
Car l’homme ne partirait plus.
Disait tels mots doux : « Tu me plus,
» Toi source que la beauté nomme. »
Ce qu’homme a voulu dire,
La raison va maudire.
La source en fontaine regorgeait d’eau
Lorsque vint un oiseau.
La source abreuvait son jeune ruisseau
Quand plana un corbeau
Qui piqua jusqu’aux flots
Pour toucher sa surface,
Puis l’homme faisant face,
Il lui tint ce propos :
« Homme, sois averti, la beauté t’illusionne,
» La source qui coulait en secret t’empoisonne,
» Homme, sois prévenu, car j’ai vu l’avenir,
» Car j’ai lu le passé, de moi vas l’obtenir.
» La source est un miroir
» Où elle ne peut voir
» Que ce qui est elle,
» Pour ce se croit belle.
» Mais laisse-moi parler, alors tu apprendras
» Ce que cette sorcière au futur te tendra.
» Son flot si pur et bon bientôt va se réduire,
» Sa couleur de cristal d’un bleu-vert va s’enduire,
» Du sable coulera dans ta bouche avec l’eau,
» Tes lèvres en souffriront et ta gorge et ta peau,
» Puis tu verras son cours se tasser et flétrir,
» Tu devras tout brasser pour laver ta boisson,
» Algues et mousses tant que tu auras poison,
» Tu perdras ta vigueur à force d’eau pétrir,
» Puis ce poison encor ira jusqu’à tarir,
» La source, cruauté, sera prime à partir,
» Puis tu n’auras plus rien, plus une goutte à boire,
» Et la mort te prendra au fond de ton déboire.
» Homme, si tu m’écoutes,
» Si de moi tu ne doutes,
» Pars maintenant !
» Pars à l’instant ! »
L’homme se mit à réfléchir,
Il songea fort bien à partir,
Car le corbeau avait raison,
Disait vrai, son dire était bon,
Alors lui répondit
Après temps de non-dit :
« Pars ! Fiche-moi le camp ! Je ne veux plus te voir,
» Je ne veux plus t’ouïr, je ne veux rien savoir ! »
Le corbeau d’un rire partit,
Alla percher sur une branche,
Aux mots de l’homme répartit
Après se tut et puis se penche.
La source donna encor beaucoup d’eau,
L’homme y buvait sous les yeux du corbeau.
Puis le cours perdit force,
Si com le sort s’amorce,
L’homme vit le flot se réduire,
D’une couleur bleu-vert reluire,
L’homme en but et sentit le sable
Fin et cassant et détestable
Lui déchirer la peau.
Sitôt surgit le corbeau :
« Pauvre homme, pauvre fou, voilà ma prophétie !
» Le sable te meurtrit, voilà sa facétie !
» Et son goût a changé et sa beauté se meurt
» Et elle de partir sans remords ni heurt,
» Elle t’abandonne !
» Elle t’empoisonne !
» Mais écoute-moi bien et tu lui survivras,
» La mégère ne tend que ce que tu prendras.
» Aujourd’hui elle est verte et elle est sablonneuse
» Et rechigne déjà à se faire prêteuse.
» Son cours se couvrira de tous les immondices,
» Son eau se mêlera aux algues violatrices,
» Son goût ne sera plus que du poison vicié,
» Tant que tu en boiras tu sera supplicié.
» Puis elle de tarir, de ne te rien laisser !
» Tu devras t’épuiser à tirer une larme
» A travers boue et sol que traînera son charme,
» Quand tu devais déjà longtemps la nettoyer.
» Puis tu resteras seul face à la terre sèche,
» La soif à tout instant battra tes flancs en brèche.
» Mais homme, écoute-moi,
» Ecoute ton émoi,
» Quitte-la aussi vite
» Avant qu’elle te quitte ! »
Alors l’homme dut bien y repenser,
Peser bien et mal sans rien dispenser :
« Tu peux te taire. » dit-il lors,
Et corbeau : « Tu la verras tors. »
Mais l’homme déjà, avec mult patience,
Filtrait le sable loin de cette audience.
La source ne cessait qu’homme soit contenté
Sous les yeux du corbeau qui n’avait rien tenté.
Or naquit une autre fontaine
D’abord flaques puis ruisselets
Puis marais garnis de galets
Puis forte et puissante et hautaine
Tandis que la source où l’homme vivait
Chaque jour un peu plus se tarissait.
Des algues s’y trouvaient.
Des mousses la couvraient.
Elle avait le goût âcre,
Amer et acariâtre.
L’homme devait laver son eau avant de boire,
Le corbeau revint conter son histoire :
« J’avais raison, tu avais tort
» Mais abandonne avant la mort.
» Je ne veux que ton bien, si tu voulais me croire,
» Ici tu dépéris, pars et tu pourras boire. »
L’homme continuait de nettoyer.
« Pauvre fou, tu tiens tant à la choyer ?!
» Mais veuille m’écouter et tu t’échapperas.
» Ta source est bien amer, tu es dans l’embarras,
» Mais ce n’est rien encor car encor tu en puises,
» Bientôt tu n’auras rien sans que tu ne t’épuises,
» Pour toute eau la vase,
» De la boue rase,
» Puis t’abandonnera cette source de fiel,
» Elle t’aura quitté pour un tout autre ciel
» La source dépérit et t’entraîne avec elle,
» Mais dépars le premier, tu la verras moins belle. »
L’homme soupesa le contre et le pour,
Et il le savait dès le premier jour,
Le corbeau disait vrai,
« Parle, je resterai,
» J’aime cette source pour ce qu’elle est. »
Or la source pleurant tint à l’homme ces mots :
« Mon flot devient turpide,
» Rester serait stupide,
» Ne te perds pas pour moi,
» Par pitié enfuis-toi,
» Je ne veux que ta vie,
» Ton souffle m’a ravie,
» Va retrouver une eau plus claire,
» D’autres sources sauront te plaire,
» J’en vois une à trois pas,
» Va et fuis le trépas. »
Mais l’homme avec le sable
Rendit son eau potable
Et resta en effet.
L’eau s’écoula encor, bientôt ne coula plus,
Des sillons seulement rappelaient l’abondance,
D’autres sources là-bas prenaient en assurance,
De la source à présent ne restaient que des rus.
La main fouille la boue,
Le coeur d’homme se noue,
Surgit un cri perçant
Et corbeau le tançant :
« Homme fou, la raison a-t-elle fui ta tête ?
» Si je suis un corbeau, ne suis-je pas honnête ?
» Tout ce que j’ai prédit n’est-il pas arrivé ?
» Faut-il que le futur soit toujours ravivé ?
» Elle te tue !
» Elle est perdue !
» Elle avait la fontaine haute et belle et si claire
» Et le contour léger et la forme exemplaire
» Puis le flot s’est réduit plein de sable à foison,
» Puis faut-il rappeler qu’elle fut du poison,
» Puis le cours s’est tari pour sombrer dans la boue.
» Tu sais parfaitement que la source te roue.
» Tu n’obtiens d’elle que des gouttes,
» Et de leur sel tu te dégoûtes
» Et t’évertues à l’exploiter
» Quand rien ne reste à convoiter !
» Tu n’es qu’un malheureux dément
» Et la vérité te dément.
» Mais fais-moi attention, lors tu l’écouteras,
» La source en vérité ne veut que ton trépas.
» En prime elle mourra et toi dans la seconde
» Si tu n’écoutes pas tu rejoindras son onde
» En la terre sèche
» Et sa face rêche.
» J’ai vu partout ailleurs de bien plus belles sources,
» Le monde à l’extérieur ne manque de ressources,
» Tu protestes à repartir ?
» Mais ta raison doit revenir !
» Tu ne peux la sauver, vois déjà l’agonie,
» Quels absurdes propos voudras-tu que je nie ?
» Quelle cause te fait rester ?
» Quelle excuse vas-tu trouver ? »
Le corbeau avait pour lui la raison.
L’homme avait le tort, du moins disait-on.
Alors l’homme : « Parle, je resterai. »
Le corbeau ne tenta pas d’autre essai.
Les sources alentours se mirent à réduire,
A s’enduire de vert puis à s’empoisonner,
De mousses se charger puis leur fond se vider
Puis il ne resta plus une larme pour luire.
Il ne resta bientôt que la source et son homme,
De ce qu’il en restait on fit vite la somme,
Une perle d’eau pleine
Brillait comme une reine
Dans la main de l’humain.
Tout le reste était vain.
La source voyait s’écouler ses larmes,
Contre la mort il n’existait pas d’armes :
« Homme, dis-le moi,
» Dis-moi donc pourquoi. »
L’homme alors murmura à son oreille
Des paroles qui lui firent merveille :
« J’ai vécu, j’en suis aise,
» Dans l’eau et dans la glaise.
» Qu’avais-je à faire d’un autre palais ?
» Tu m’as donné tout ce que je voulais. »
La fontaine était morte à peu près la dernière,
Dans son sol déjà sec ne restait qu’une ornière.
Puis d’autres fontaines
Naquirent par centaines.
La fontaine était morte,
L’homme lui demeurait
Et le corbeau restait
Et penché de la sorte :
« Et toi, corbeau, que fais-tu là ? »
Le corbeau, confus, s’en alla.
****
P.S. : Si vous croyez que j'ai parlé d'amour, vous avez tort.
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- dude
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il y a 15 ans 6 mois #15501
par dude
Tu m'intrigues là.
Et bien je crois surtout, pour ma part, qu'il me manque trop de clés pour décrypter ton texte. Plusieurs pistes sont envisageables mais toutes paraissent incertaines quant à cerner tes intentions. Surtout que les références en début de texte ne m'éclairent pas vraiment à ce sujet.
Après, sur la forme, le soin apporté au choix des mots est indéniables. Quant aux règles de versifications et de métriques, je ne m'y connaîs trop peu (pour ne pas dire pas) pour me prononcer. Tout au plus,j'ai trouvé certaines sonorités plutôt disgrâcieuses, comme ici par exemple:
"Pour ce se croit belle."
C'est un texte qui colle parfaitement au thème de l'eau, tu ne trouves pas?
Réponse de dude sur le sujet Re: La source, l'homme et le corbeau
Feurnard écrit: Je l'ai gardé si longtemps et je tiens encore à le partager parce qu'il s'agit d'un texte réellement écrit pour les Chroniques, même si le concerné n'y est plus.
Tu m'intrigues là.
Feurnard écrit: P.S. : Si vous croyez que j'ai parlé d'amour, vous avez tort.
Et bien je crois surtout, pour ma part, qu'il me manque trop de clés pour décrypter ton texte. Plusieurs pistes sont envisageables mais toutes paraissent incertaines quant à cerner tes intentions. Surtout que les références en début de texte ne m'éclairent pas vraiment à ce sujet.
Après, sur la forme, le soin apporté au choix des mots est indéniables. Quant aux règles de versifications et de métriques, je ne m'y connaîs trop peu (pour ne pas dire pas) pour me prononcer. Tout au plus,j'ai trouvé certaines sonorités plutôt disgrâcieuses, comme ici par exemple:
"Pour ce se croit belle."
C'est un texte qui colle parfaitement au thème de l'eau, tu ne trouves pas?
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- Vuld Edone
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il y a 15 ans 6 mois #15503
par Vuld Edone
Réponse de Vuld Edone sur le sujet Re: La source, l'homme et le corbeau
Ah, le bon vieux temps des textes cryptés jusqu'à la moelle, quasi-consoeurs d'Enigma. J'ai effectivement songé, à la relecture, qu'il y avait beaucoup d'eau.
J'ai vu aussi de nombreux passages où je plaindrais un narrateur. Ah, le bon vieux temps des structures désarticulées au point de ressembler au jeu du mikado. "Ce-se" est sans aucun doute un jeu de ma part.
Tout comme un texte de Camus prend tout son sens dans l'après-guerre, cette fable doit se comprendre dans le semestre de silence des Chroniques.
La source est les Chroniques. Le corbeau est le membre à qui j'adressais cette fable (elle était dans les tubes, prête pour une MàJ qui ne vint pas). Je suis bien sûr l'homme - c'aurait pu être un renard.
Il s'agissait vraiment de l'état d'esprit juste avant ou durant ces six mois de black-out, qui ironiquement coïncidaient avec la mort ou le silence de pas mal d'autres sites que je connaissais.
Maintenant c'est du Feurnard, et je regrette de ne m'être pas contredit plus que tant dans ce texte - mais j'étais engagé.
J'ai vu aussi de nombreux passages où je plaindrais un narrateur. Ah, le bon vieux temps des structures désarticulées au point de ressembler au jeu du mikado. "Ce-se" est sans aucun doute un jeu de ma part.
Tout comme un texte de Camus prend tout son sens dans l'après-guerre, cette fable doit se comprendre dans le semestre de silence des Chroniques.
La source est les Chroniques. Le corbeau est le membre à qui j'adressais cette fable (elle était dans les tubes, prête pour une MàJ qui ne vint pas). Je suis bien sûr l'homme - c'aurait pu être un renard.
Il s'agissait vraiment de l'état d'esprit juste avant ou durant ces six mois de black-out, qui ironiquement coïncidaient avec la mort ou le silence de pas mal d'autres sites que je connaissais.
Maintenant c'est du Feurnard, et je regrette de ne m'être pas contredit plus que tant dans ce texte - mais j'étais engagé.
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- dude
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il y a 15 ans 6 mois #15505
par dude
Réponse de dude sur le sujet Re: La source, l'homme et le corbeau
Merci d'avoir pris le temps d'éclairer ma lanterne (et pas la mienne seulement, je parie).
Encore une illustration du formidable potentiel des Chroniques qui, même moribondes, suscitent encore l'inspiration chez certains de ses membres!
Encore une illustration du formidable potentiel des Chroniques qui, même moribondes, suscitent encore l'inspiration chez certains de ses membres!
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- Monthy3
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il y a 15 ans 6 mois #15512
par Monthy3
Réponse de Monthy3 sur le sujet Re: La source, l'homme et le corbeau
Bon, une fois n'est pas coutume avec toi, Feurnard, j'émets de larges réserves sur la forme. Les vers ne sont pas réguliers, mais ce ne serait pas si gênant si le rythme, lui, suivait. Or, là, il est pour le moins chaotique.
Par ailleurs, j'ai l'impression que bon nombre de tournures/rimes ont vraiment été adoptées par facilité, avec parfois des suppressions de sujet ou un sens sacrifié à la forme. En tant que puriste (bon, et un peu borné aussi, force m'est de le reconnaître), j'ai lutté pour terminer la fable.
Ah, si, j'ai beaucoup aimé les archaïsmes (si c'en sont, et non juste des jeux de te part) tels que les "jà" ou les tournures avec "ce".
Comment, une fable ? Mais... où est donc la morale, dans ce cas ? Bon, j'exagère, elle est présente. Elle n'est simplement pas explicitée en début ou en fin de texte. J'ignore si elle doit nécessairement l'être d'ailleurs. Elle l'est dans La Fontaine, certes, mais quid d'Esope ? Bref, je soulève ici un point qui n'a aucun intérêt. Passons.
Quant au fond, je crois bien que j'ai ressenti un sentiment similaire à un moment donné, cette envie de rester ici malgré l'endormissement et le tarissement des membres/textes/commentaires. En tout cas, de ce point de vue-là, et avec ton commentaire, la fable est bien menée et prend tout son sens.
Après tout, les chroniques sont certainement l'endroit le plus douillet et le plus agréable que j'ai pu découvrir sur la toile. Alors, en dépit des périodes de vaches maigres et du découragement qui m'accable parfois, je m'y accroche comme une bernique à son rocher .
Comme ton homme (qui aurait dû être un renard, tu me déçois de ce point de vue ) à sa source.
Par ailleurs, j'ai l'impression que bon nombre de tournures/rimes ont vraiment été adoptées par facilité, avec parfois des suppressions de sujet ou un sens sacrifié à la forme. En tant que puriste (bon, et un peu borné aussi, force m'est de le reconnaître), j'ai lutté pour terminer la fable.
Ah, si, j'ai beaucoup aimé les archaïsmes (si c'en sont, et non juste des jeux de te part) tels que les "jà" ou les tournures avec "ce".
Comment, une fable ? Mais... où est donc la morale, dans ce cas ? Bon, j'exagère, elle est présente. Elle n'est simplement pas explicitée en début ou en fin de texte. J'ignore si elle doit nécessairement l'être d'ailleurs. Elle l'est dans La Fontaine, certes, mais quid d'Esope ? Bref, je soulève ici un point qui n'a aucun intérêt. Passons.
Quant au fond, je crois bien que j'ai ressenti un sentiment similaire à un moment donné, cette envie de rester ici malgré l'endormissement et le tarissement des membres/textes/commentaires. En tout cas, de ce point de vue-là, et avec ton commentaire, la fable est bien menée et prend tout son sens.
Après tout, les chroniques sont certainement l'endroit le plus douillet et le plus agréable que j'ai pu découvrir sur la toile. Alors, en dépit des périodes de vaches maigres et du découragement qui m'accable parfois, je m'y accroche comme une bernique à son rocher .
Comme ton homme (qui aurait dû être un renard, tu me déçois de ce point de vue ) à sa source.
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il y a 15 ans 6 mois #15514
par Vuld Edone
Réponse de Vuld Edone sur le sujet Re: La source, l'homme et le corbeau
Il aurait dû y avoir une morale explicite pour être une fable. Tout comme le texte aurait dû être court.
Je regrette l'absence de renard, mais en même temps, je comprends mon choix. Une façon de dire que c'était moi, pas mes personnages.
Le banquet était pire mais oui, sa forme est une catastrophe. Ce sont les potentiels vers dépourvus de sens qui m'inquiètent. S'il y en a, c'est grave.
En tout cas, après ce texte, j'ai décidé de ne plus toucher à la versification. À part pour jouer dans mon coin.
Quant au fond... eh bien, la fable parle pour moi.
Je regrette l'absence de renard, mais en même temps, je comprends mon choix. Une façon de dire que c'était moi, pas mes personnages.
Le banquet était pire mais oui, sa forme est une catastrophe. Ce sont les potentiels vers dépourvus de sens qui m'inquiètent. S'il y en a, c'est grave.
En tout cas, après ce texte, j'ai décidé de ne plus toucher à la versification. À part pour jouer dans mon coin.
Quant au fond... eh bien, la fable parle pour moi.
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- Krycek
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il y a 15 ans 4 mois #15679
par Krycek
Réponse de Krycek sur le sujet Re: La source, l'homme et le corbeau
J'ai apprécié ce texte à la lecture, et je dois en convenir tu m'as impressioné quant à la forme. Oh je ne parle pas des vers, misréable néophyte que je suis, mais bien du champà lexical, des verbes utilisés... je me croyais presque à lire Le trône de fer ou une des nombreuses poésies de Tolkien (en espérant que tu ne prennes pas ça mal).
Quoiqu'il en soit, si j'ai pensé à l'amour à un moment, ton post-scriptum a fini de me convaincre.
Cette fable mériterai sa place sur le site (s'il on peut parler de mérite pour un site qui vivote). Quoiqu'il en soit j'ai aussi remarqué dans ce texte une "parabole" si je puis dire, de la grenouille que l'on met dans l'eau bouillante et qui se sauve, de sa soeur que l'on met dans l'eau froide à chauffer tranquillement et qui meurt ébouillantée.
Maintenant, en rapprochant le texte aux Chroniques, je comprends mieux pourquoi je ne m'offusquai pas de l'attitude de l'homme...
Très bon, vraiment !
Quoiqu'il en soit, si j'ai pensé à l'amour à un moment, ton post-scriptum a fini de me convaincre.
Cette fable mériterai sa place sur le site (s'il on peut parler de mérite pour un site qui vivote). Quoiqu'il en soit j'ai aussi remarqué dans ce texte une "parabole" si je puis dire, de la grenouille que l'on met dans l'eau bouillante et qui se sauve, de sa soeur que l'on met dans l'eau froide à chauffer tranquillement et qui meurt ébouillantée.
Maintenant, en rapprochant le texte aux Chroniques, je comprends mieux pourquoi je ne m'offusquai pas de l'attitude de l'homme...
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