Distant - brouillon
- Vuld Edone
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Mr.Petch avait annoncé un concours en ligne pour une nouvelle fantastique. C'était l'occasion d'en écrire une.
Deux clauses allaient aider ma cause : la première disant que tout participant ne devait pas divulguer même partiellement son texte au public - la second disant qu'il fallait être de France métropolitaine pour participer. Étant exempt de la première je pouvais donc oublier la seconde.
Je me suis donc fait la réflexion qu'il serait sympathique de montrer comment j'écrivais ma nouvelle.
Le premier message est le plan que j'ai écrit le 16 mars (et qui évidemment vous donnera toute l'intrigue, donc...), les messages suivants seront les différentes ébauches et brouillons du texte comme ils viennent, des suites de fragments et d'essai qui feront voir aux intéressés à quoi ressemble le travail du renard quand il s'acharne.
Je mettrai des Notes : en italiques pour signaler ce que les brouillons ne disent pas, selon mon envie - ou pour vous perdre. Libre à vous de commenter sachant que plus vous commenterez plus je mettrai de temps à continuer puisque tenir compte de ce que les gens disent est long.
Là-dessus...
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Distant
Note : Le premier titre hésitait avec "droit au silence", l'intrigue - et le genre - a tranché.
Résumé :
Un jeune homme dans un chalet.
Développement :
Renald est renfermé, son père Charles l’envoie au chalet de l’oncle Denis. Ce chalet est en fait au frère (jamais nommé), et Denis s’en occupe en son absence.
Denis a un rite, partagé par toute la vallée : il pose le soir une assiette avec un pain de blé, offrande faite au renard encontre quoi ils sont prospères.
1. Arrivée du neveu Renald chez l’oncle Denis, il l’attend.
2. Préparatifs avec l’imperméable et la promesse de le voir tous les jours.
3. Montée, le portail (territoire), les vaches.
4. Le chalet, avec la fontaine (devoir sortir) et le fond (animal), assiette vide à la porte.
5. Ellipse au soir, inquiétudes et jumelles, promesses du lendemain (lumière de la torche).
6. Le lendemain à la jumelle, routine du matin, ensuite ?
7. Remontée, première visite. La balle, le bruit animal, les piles, croissants et le pain de blé.
8. À la boulangerie avant le soir, discussion.
9. Le soir à la jumelle, errance, second éclat. Il retire ses jumelles par crainte. Allume toutes les lumières de sa maison.
10. Départ tôt le lendemain. Remarques sur le temps, sur le frère. Empressement appréhensif.
11. Le piège, questions du neveu, quelque chose se prépare, mauvais temps : partir.
12. Début de pluie, appel de la mère, brusquement : brouillard. Plus de bruit.
13. Le brouillard dure. Torche puis vieille lanterne. Lutte pour monter au chalet.
14. Le neveu dehors, perdu loin du chalet, errant. Hébété, sans réponse.
15. Au chalet, le pain de blé ! Les bougies, tout défait, refus de partir.
16. Une fois rentré, appel à la famille, la mère répond, le père parti. Impossible de rien voir.
17. Le père rappelle, rappel de la légende, peurs d’enfance, baïonnette et remontée.
18. Temps fixe, plus de vaches, le fils l’accueille joyeux. Tout est terminé, il veut partir.
Toute la tension repose sur la distance, sur « ce qui peut se passer là-haut ». Normalement le lecteur en sait autant que l’oncle Denis, justement parce que l’oncle nie la raison pour laquelle il fait l’offrande du pain de blé, et cette légende qui a effrayé son enfance. Il découvre, en même temps que le lecteur, les événements de loin, et ne se rappellera qu’à la fin ce qu’ils signifient.
C’est la distance, ce qui se passe de loin, qui doit effrayer. D’une part savoir, par le genre, le danger qui se profile. D’autre part sentir la passivité, l’impossibilité d’intervenir, cet empêchement. Cette distance brisée par le second éclat, puis l’appel de la mère et enfin l’appel du père (qui vend son fils).
L’élément rassurant est le pain de blé, tant que le rituel est répété le fils ne risque rien. Mais le piège est une première rupture et enfin, quand le pain n’est plus mis, c’est la fin. Le reste n’est là que pour préciser ce danger, constant, dont le jeune homme est totalement inconscient : cette « autre logique ».
Le thème du récit est cette autre logique, cette autre manière de penser, de concevoir la réalité. L’idée du possible, l’idée de règles en jeu qui se dessinent, dans la routine, l’idée de règles loin des lois sociales, loin des lois naturelles, l’idée d’une justice différente, unique. Le rituel représente cette autre façon de voir, retransmise par les monologues de l’oncle Denis et l’appel du père.
Je veux jouer absolument sur la distance, sur le non-dit, sur ce que les conventions impliquent inéluctablement :
- la joie du jeune homme à la fin, exemplaire indiquant sa possession.
- l’appel de la mère alors qu’il n’y a pas de signal au chalet.
- le flot de paroles de l’oncle sous-entendu une seule fois à son frère, quand il monte : « Je me souviens dans le temps… hein ? Comme on montait… »
Et découvrir, par intervalles, de loin aux jumelles, de près par visites, ce qu’a fait le jeune homme, ce qui a pu se passer là-haut :
- les bruits d’animaux.
- le piège.
- la balle.
- les vaches.
Enfin indiquer une logique contre toute logique, avec le pain de seigle au pas des portes.
Plan :
Jour 1 :
Réception du neveu, préparatifs, montée, découverte du chalet et ses règles.
Séparément, observation la nuit à la jumelle (partie courte, courte).
Jour 2 :
Montée, la balle, les piles, les bruits de bête, les croissants et le rappel du pain de blé. Passage à la boulangerie, discussion.
Séparément, observation la nuit et second éclat, tout allumer (partie courte, courte).
Jour 3 :
Crainte du mauvais temps, montée nerveuse (oubli des croissants), évocation du frère « … hein ? Comme on montait… », le piège (avec le pain de blé) et les questions du neveu, départ précipité. En bas, la pluie, appel de la mère « Tu veux le joindre ? Mais il n’y a pas de signal… », puis brusquement le brouillard.
Note : Le brouillard n'était pas prévu, au départ ce devait être un violent orage. Puis je me suis rappelé l'importance du brouillard dans mes textes.
Jour 4 :
La lampe puis la vieille lanterne, montée périlleuse dans le brouillard. Découverte du neveu errant, hébété, ramené au chalet. Absence de l’assiette, bougies, désordre, piège refermé. « Le piège s’était refermé. » Refus de partir.
Au soir, appel à la famille, la mère répond, père indisponible. Hésitation à observer à la jumelle, craintes imprécises. Nuit à la fenêtre. Une lueur indistincte.
Jour 5 :
Appel du père tôt le matin. Aveu, la légende, peurs d’enfance. Baïonnette, montée rapide. Temps fixe (pas de soleil, pas de nuages), absence des vaches, sur la table un bol de fruits sauvages (et demi-crème fouettée), le neveu l’accueille avec le sourire, joue avec la balle (la met entre les dents ?) Il est prêt à redescendre.
L’oncle est « rassuré ».
1.1 – 3 pages
1.2 – 1 page
2.1 – 3 pages
2.2 – 1 page
3. – 5 pages
4.1 – 3 pages
4.2 – 1 page
5. – 3 pages
1.1.1 – Réception du neveu.
Besoin de changer de logique (malaise de la ville) – Le neveu est sur la défense et curieux (fureteur) – Décrire les lieux ? – Fouille du sac, annonce des visites chaque jour
1.1.2 – Préparatifs et montée.
Imperméable – Curiosité du neveu pour l’assiette vide (accroupi ?) – Départ et coup de téléphone « bah ! Laisse, ça doit être ta mère » - Découverte des alpages et portail (territoire du frère)
1.1.3 – Découverte du chalet.
Vaches – Chalet, intérieur et à l’arrière – absence de signal – la fontaine, obligation de sortir – Assiette au pain de blé
1.2 – Observation.
La nuit tombée, fenêtre et observation – insistance sur l’obscurité – lumière, puis obscurité – Attente, observation – Lumière constante (piles)
2.1.1 – Arrivée au chalet, bruits d’animaux.
C’est le point faible du récit.
Portail ouvert – accueil des vaches – neveu enfermé à l’intérieur – neveu avoue les bruits de bête – potentiellement mention des galons vides
2.1.2 – Promenade aux alentours, noter la balle, croissants et rappel.
2.1.3 – Passage à la boulangerie.
2.2 – Observation, second éclat.
3.1 – Mauvais temps, montée longue, frère, croissants puis nervosité : portail.
3.2 – Vaches dérangées, trop bas, neveu au pas de la porte. Noter le piège.
3.3 – Questions, stratégies d’évitement, piège, mélange avec nuit et départ.
3.4 – Mauvais temps, descente, écart, pluie éclate, en bas appel de la mère.
3.5 – Brouillard. Une page entière sur le brouillard pesant.
Ce passage est le plus difficile et le plus important.
4.1.1 – Décision de monter, lanterne, difficultés.
4.1.2 – Découverte du fils, retour au chalet. Désordre et piège refermé.
4.1.3 – Refus de partir. Au besoin départ hésitant.
4.2 – Appel à la famille, hésitations à observer, nuit à la fenêtre.
5.1 – Constat du temps fixe, appel du père.
5.2 – Aux souvenirs d’enfance, baïonnette et montée rapide.
5.3 – Découverte du chalet puis du fils joyeux.
« On dormait ici moi et mes deux frères, je veux dire ton père, tu vois ? Ouais, là-dedans tous les trois, on s’en fichait, c’était l’époque. Enfin bon, la plupart du temps c’était tout seul, les autres en bas, et on se veillait de loin. »
Neveu = Renald / Père = Charles / Oncle = Denis / Mère = Viviane
Note : L'importance des noms est relative, même si "Renald", "Denis" et "Viviane" sont assez évidents. Le plus important, dans mes textes, est le moment où les personnages sont nommés : ils doivent mériter leur identité.
Ce qui suit est déjà une première ébauche mais intégrée au plan, je n'y peux rien...
Il avait décoré sa porte d’une longue queue faite d’épis / La longue queue faite d’épis battait encore après qu’il ait refermé.
…
Sur la porte gravée grossièrement se dessinait une tête de renard, l’œuvre impatiente d’enfants. Il ouvrait, ils entraient. L’intérieur sentait la terre à plein nez.
Évocation du renard à chaque fois que possible : partout, à tout instant, présence permanente.
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- Vuld Edone
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J'éditerai le message pour les nouveaux fragments, et s'il y a un commentaire je continuerai après ce commentaire. Les Notes : sont toujours en italiques. Je sens qu'il y aura beaucoup de notes, d'ailleurs...
Donc...
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(23 mars 2011)
Son neveu était renfermé. Aussi depuis ce matin Denis arpentait la cour occupé par tant d’images passées, ce petit haut de deux pommes et quelques grains, beaucoup d’intelligence, que sa mémoire en dix ans avait fait mûrir. Renfermé, cela signifiait seulement que son neveu allait le visiter. Il se souvenait de l’enfant qui tirait sur les grappes dans la vigne, du petit que le troupeau effrayait. Le chien de Clos aboyait et son neveu, criant et gémissant, allait se jeter entre ses pieds pour qu’il le protège, comme si la brave bête de Clos aurait jamais fait de mal. Entretemps sa barbe avait poussé, la maison perdait de ses couleurs, ou trop vert ou trop aigri déjà, il ne cherchait pas à savoir, se raccrochait à cette tête de chérubin sur flou de la montagne, aux versants encore sauvages, les seuls à n’avoir pas changé.
La montagne, encore un souvenir à exciter, quand son neveu pointait du doigt les pointes et s’écriait :
« Y a le chalet ! »
Il pouvait lui sourire et répondre d’un ton contrefait : « Mais oui, c’est le chalet ! »
Pour ne pas le détromper, pour que le chalet à mi-hauteur de l’alpage soit toujours pour lui cette roche sombre, si mystérieuse, prise dans les neiges des sommets. Il était revenu plusieurs fois, ils ne s’étaient pas revus. Enfin son neveu se renfermait, aucune explication.
Son neveu s’était renfermé, tout le monde attribuait cela à la ville, à commencer par sa mère, qui avait proposé de lui faire prendre l’air. Charles avait proposé le chalet, son fils accepta, sans mot dire selon Charles, et ils le lui confiaient.
Note : Le texte bloque parce qu'il me faut justifier l'envoi de Renald au chalet, et je ne trouve pas comment le formuler.
Après deux ans de silence Charles l’avait rappelé, six ou sept sonneries de téléphone et quelques minutes à griffonner la date sur un billet, à écouter la voix tendue et fatiguée de Charles débiter les détails. Il avait accepté sans chercher à comprendre, doublement content à la perspective de revoir son frère, et de revoir son neveu.
Note : Je cherche à remotiver le premier paragraphe en détachant les souvenirs du passé au second. Je tâtonne. Mon approche sera finalement de commencer par le chalet.
Il suffisait d’avoir l’œil pour le repérer pris dans les pentes le chalet à mi-hauteur des alpages, il le recouvrait du pouce comme il faisait plus jeune, pour en deviner la distance. Au-dessus brillait la robe enneigée des sommets, une série de crocs éternels pour le vallon tandis que la vallée ne voyait que les pans mis à nu, trop raides pour abriter un village de plus parmi le papillonnement des lampadaires la nuit
Note : "l'enchaînement" des lampadaires...
(24 mars 2011)
À l’écart des alpages sur la mi-hauteur de roches se détachait le toit, tout de tôles ondulées, puis les parois du chalet prises dans les pentes de ce côté du val, à peu de pas des pics, une à deux minutes du pan opposé ouvert sur la vallée. Les sommets enneigés brillaient séries de crocs éternels pour ce côté tandis que l’autre face, trop raide, privait les villes en bas de maisons supplémentaires avec lesquelles répéter, en écho, sur les autres flancs de montagne l’enchaînement des lampadaires. Les bosquets à la grimpée se muaient en bois, en forêts dans le fond du val, alors que les hameaux au contraire, troquant les gueules à gaz contre les vieilles cheminées, allaient se raréfiant sur les routes, puis les chemins, puis les sentiers. Du village la piste large, faite de pierraille, et entrecoupée par les gouttières grimpait les moutonnements du terrain entre tous ces champs épars, ces pâturages d’herbes hautes, jusqu’à la ferme familiale.
La route sinuait entre les piquets de barrière comme autrefois entre les arbres, les conifères aux épines sombres, aspect de gravier, qui tapissaient désormais l’extrême bord du versant. Dans les prairies mises à nu se découpaient les câbles de fer ou électriques, les bassines et quelques troupeaux épars. Il trouvait ça dommage, de les laisser en bas piétiner loin des alpages, il en parlait parfois au village, tranquillement, puis comme les autres il se faisait à l’idée. Surtout cela ne le dérangeait pas, les bêtes étaient tranquilles et lui, ce jour-là, ne se préoccupait plus que de la venue de son neveu.
Son neveu s’était renfermé. Aussi depuis ce matin Denis arpentait sa cour animé par cette idée et tout ce qu’elle évoquait, les images passées de ce petit être fin, plein d’intelligence, deux pommes et quelques grains que sa mémoire en dix ans avait fait mûrir. Il aurait grandi, ce petit tirant sur les grappes dans la vigne, l’enfant que des vaches en ruminant pouvaient effrayer. Le chien de Clos aboyait et son neveu, criant et gémissant, allait se terrer entre ses jambes pour qu’il le protège, comme si la brave bête de Clos aurait jamais fait de mal. Sa barbe avait poussé, la maison perdait de ses couleurs, il tirait le poil occupé à le revoir, trop vert ou trop aigri, cette figure lointaine sur flou de la montagne, aux versants encore sauvages, les seuls à n’avoir pas changé.
Chaque fois qu’une rumeur venait du chemin il s’interrompait pour aller voir, sans trop savoir quoi chercher, regardait d’abord les dolines en contrebas puis autour laissait son regard chercher le chalet, sorte d’assurance qu’il viendrait, il se remit à parler à mi-voix, baissait d’un ton au moindre bruit.
« Peut-être. » Puis : « Peut-être pas. » Puis : « Faudra voir. Il va rester quoi, un jour, une semaine. Et s’il veut pas ? Tant pis, j’irai. » Il revenait à ses bottes, au pas de la porte près de l’assiette. « Je les ai pas brossées pour rien. Y a pas de raison. Renfermé, ça ! On va se dire quoi. » Puis : « Faudra voir. »
« Eh ! Qu’est-ce que ça importe, au fond ! Ce que ça importe. » Il posa le râteau pour revenir à ses bottes, les brosser, s’assit au pas de la porte près de l’assiette. « Il me reconnaîtra pas. » Avant d’avoir fini de brosser, il passait à l’autre botte. « Forcé. »
« Et puis quoi ! » Il s’arrêta encore. «
Note : Tous les dialogues me paraissent théâtraux, je bloque donc sur ce qu'il pourrait dire.
À noter ce qui a été maintenu ou changé, notamment "terrer" pour "jeter".
(06 Avril 2011)
Note : Quelques changements mineurs aux premiers paragraphes et surtout le dialogue. Tournant d'abord autour d'un "quand vont-ils arriver", j'ai découvert qu'il était beaucoup plus simple de débuter par "ils arrivent", meilleure transition et meilleure motivation.
À l’écart des alpages sur la mi-hauteur rocheuse se détachait le toit (...) puis les parois du chalet prises dans les pentes de ce côté-ci du val, très près des pics là-bas à l’autre pan ouvert sur la vallée. (...) privait les villes en bas de nouvelles rues aux maisons imbriquées avec lesquelles répéter, en écho (...) Partant du village la piste large, faite de pierraille
[...]
Il aurait grandi, ce petit tirant dans la vigne les grappes, l’enfant que des vaches en ruminant pouvaient effrayer.
[...]
Chaque fois qu’une rumeur venait du chemin il s’interrompait pour aller voir, sans trop savoir quoi chercher, regardait d’abord les dolines en contrebas puis autour laissait son regard retrouver le chalet, sorte d’assurance qu’il viendrait, il se remit à parler à mi-voix, baissait d’un ton au moindre bruit.
« Cette fois c’est eux ! » Puis : « Ce moteur, c’est forcément eux ! Quand même, ça tire dans les épingles, ça grogne dans les pentes. Nerveux ! C’est bien Charles là au volant ? » Et il cherchait au bruit où pouvait en être la voiture derrière les courbes du relief. Puis revenant vers ses bottes, toutes cirées, au pas de sa porte où se trouvait l’assiette : « Charles, ça va, mais le petit ? Il va sourire, j’aurai l’air bête, on verra bien ! Mais qu’est-ce qu’ils font ? » Tout se taisait autour de lui, alors qu’il revenait à la route. « Ils se sont arrêtés ? J’ai dû me tromper, encore une fois. Ou bien ils se sont arrêtés. Comment savoir ? Peut-être devant la mare, le petit aura voulu voir quelque chose ! Il est toujours curieux, il a ce flair, ça ne se perd pas ! Alors ils tournent près de la mare, aux ombres des arbres, ils vont bien finir par repartir ! Allez, va, j’ai dû me tromper. »
En bas de la route sous les arcs des herbages claqua une rumeur à peine audible, puis le grondement du moteur reprit, remonta longuement la pente sur toute la largeur, à la prochaine boucle la voiture se montra, une couleur vive entre les champs, à se rapprocher encore en faisant tonner les essieux à chaque gouttière, ses vitesses en peine comme la pente s’accentuait. À proximité elle se dévoila toute entière, de ces petites urbaines trop bruyantes, beaucoup de renâclements pour peu d’efforts. Il ne vit qu’une personne à bord, au volant un jeune homme qu’il devina être son neveu. Denis se mordit la lèvre, ennuyé, il fit signe à grands gestes pour l’attirer dans la cour, le guider jusqu’aux côtés du vieux tracteur et sa rouille. L’oncle se croyait fâché, il se croirait brusque, il se prit à sourire en voyant sortir son neveu, alla lui tendre la main, joyeux, comme exalté.
Renald avait l’air sec et distant de la jeunesse aux abois, un regard bas, de biais, la chemise déboutonnée qui laissait voir le torse, à la mode des villes, le pantalon épais. Il ne restait rien de l’enfant qu’un nez fin, au trait insaisissable, sans quoi un début de barbe taillait ses joues, sa chevelure sur la frange, en même temps claire et sombre, se débattait. Il se laissa serrer la main sans mot dire.
« Tu te souviens de moi ? C’est que j’ai grandi, un vieux gars ! Et plus grand que toi, dis donc, et plus solide ! Ah ça ! Il te faudrait une bonne potée avant de partir ! Dis voir, où est Charles ? Bah, laisse ! On ne va pas s’embêter ! Montre plutôt voir avec quoi tu pars. »
Tout en disant il alla au coffre l’ouvrir, fouilla dedans tandis que le jeune homme, à côté, toujours silencieux le regardait faire, tout le poids de son attention sur l’arrière du véhicule. Déjà l’oncle tirait son sac, un ancien de montagne aux bords solides, à moitié rempli de vêtements et de petits plats, une lampe pendue à côté qui balançait, des paquets de mouchoirs, une sorte de trousse à croix rouge, de la lotion encore, bien d’autres affaires sans emploi. En tirant du haut la petite veste de pluie il ne put s’empêcher de s’exclamer, de la trouver ridicule, et de chercher s’il n’aurait pas mieux. Il laissa derrière lui son neveu explorer la cour, passa la porte jusque dans le couloir d’entrée où étaient accrochés les imperméables. Le plus solide aux teintes des montagnes avait également le plus d’âge, il le tira de son crochet. En rouvrant la porte la longue queue d’épis clouée dessus balança, son neveu se trouvait devant accroupi sur l’assiette que l’oncle enjamba.
« Tiens ! C’est qu’il devrait pleuvoir, mieux vaut ne pas se faire surprendre ! Non mais regarde ce sac de couchage ! Heureusement que c’est la saison chaude. Et cette lampe, et ces plats ! Si c’est Charles qui t’as mis ça, j’aurai deux mots à lui dire ! Attends, on va le refaire ce sac, c’est pas possible. Il n’a pas pu tout oublier ! Enfile ces bottes pour commencer, avec tes chaussures tu vas te faire mal. »
Note : Deux raisons pour arrêter là. D'une part le prochain paragraphe doit décrire le chalet et son accès, transition difficile à partir de ce point. D'autre part ces préparatifs du sac et de l'imperméable ne me satisfont pas. Le passage va donc très probablement changer.
(14 Avril 2011)
Ce disant il ouvrit le coffre, plié dedans ses paroles vibraient, attrapa les sangles du sac avec sa cage tordue par les années, un sursaut se fit dans sa voix alors que ses doigts touchaient la lampe pendante par le cordon. Le jeune homme à l’écart laissait faire, son attention détachée sur l’arrière du véhicule, dans des détails quelconques, le châssis rayé par la montée, le pare-choc tacheté de terre jusqu’au joint de la portière, tandis que son oncle pestait. Un sac de couchage roulé roulait à ses pieds, une veste de pluie assez fine pour le faire tonner, les mouchoirs et la trousse de soins, de la lotion solaire lui arracha un silence, les plats tout faits se déversaient empaquetés avec les paquets de vêtements, aux sandales il n’y tint plus. Un mot grondait à ses lèvres, désabusé, il montrait ce tas d’affaires à son neveu, grogna vraiment avant de traverser à grands pas sa cour jusqu’à l’entrée, enjamba l’assiette et fit claquer le battant.
Une fois entré ses deux bras se soulevèrent, une main tenait la veste et l’agitait dépouille de sa colère, il serra les dents pour ne rien dire, alors que l’envie l’en mordait, du même pas à taper les semelles il descendit les marches de la cave, frappé par la fraîcheur des pierres, fouilla dans la semi obscurité. Un amoncellement d’existence se disputait la place avec les étagères de pommes, des amas de boîtes et de pots près des tonneaux vides dont l’odeur stagnait, au fond sous le râtelier se trouvaient les bottes, aux crochets des imperméables, le meilleur le plus âgé, aux couleurs de roche. Il le prenait, à côté enfermé dans sa housse se trouvait l’arme de service, sans un regard pour elle l’oncle remontait, se chargea encore de bonnes chaussures avant de sortir. Sur sa porte la longue queue faite d’épis clouée battit, son neveu se tenait accroupi devant l’assiette que l’oncle enjamba.
« Tiens, mais si c’est possible ! » Et il retournait au sac y enfoncer l’imperméable. « Comment Charles a pu, mais ça m’échappe ! Te trimballer des sandales ! Ah ça ! Et t’as laissé faire… regarde voir, mais il est là-bas, le chalet ! Là-haut ! » Il le disait un peu plus calme, heureux de voir le jeune homme lever la tête, d’un doigt mesurer la distance. « Juste là, à la fin du plateau, fidèle au poste, on mettra quoi, bien quatre heures pour l’atteindre ! Et puis des sandales, mais tu verras, enfin, tu verras pourquoi ça m’fait rire ! Allez, enfile ça, si c’est trop serré tu dis, sinon, on y va ! »
Son malaise ne s’était pas tout à fait éteint, il laissa le sac refait auprès de Renald retourner lui-même à ses bottes les enfiler, s’acharner sur les lacets, puis sur un scrupule il rentra encore chercher des piles pour la lampe. Le visage bas, de biais l’attendait à la marche d’entrée, ils partaient enfin. Après la route une clôture les séparait de sentiers creusés à force de sabots, à grimper déjà raides jusqu’à la première hauteur.
Note : Le paragraphe continue mais ici une brève réécriture pour remplacer la marche "solide" de Renald, qui arrivait trop tôt, par le coup de téléphone.
Ils passaient les fils de fer quand venant de la ferme une sonnerie de téléphone les fit se retourner. Une inquiétude passa sur son visage, vite chassée : « Bah ! Ce doit être ta mère, on va pas se déranger ! Allez ! » Et de reprendre le pas, après la première hauteur le paysage se dévoila vaste, fait de hauteurs successives et de creusées, entre champs de roches ou de terre, encore avec l’illusion de replat.
Ils grimpaient pourtant, passant par les pâturages ils longeaient de vastes espaces déserts parfois varié d’un monticule à la frange noire, puis ils passèrent un abri de bois qui servait contre les tempêtes. Une nouvelle hauteur dépassée leur cacha le val, devant eux s’ouvraient des parois de roches où le sentier serpentait, allait plonger dans des gouffres et entre les formations de roches par plaques pleines de crevasses, prises encore dans la végétation. Il se retournait pour voir si son neveu suivait, agréablement surpris de le voir suivre solide malgré l’effort, comment il prenait appui le talon levé, pliait les jambes au besoin pour gravir à petits bonds les coins escarpés, il en tirait de la fierté.
Note :Le paragraphe continue, difficulté à rendre une marche qui pourrait être sauvage. Un bon marcheur, justement, ne suit pas l'exemple des animaux, et marche régulièrement, posément. Je voulais une marche plus "vulpienne".
Tous ses bons mots cependant se perdaient et lorsqu’ils atteignirent le portail, le jeune n’avait pas dit un mot.
À ce coin le sentier longeait la paroi séparé du vide par un piton bas, après quoi les pentes allaient s’évasant et presque nues de végétation. Dans ce passage un vieux portail en fer pris par les ronces tenait dans la rouille de ses gonds.
« À partir de là tout le terrain est à mon frère ! Pas Charles, hein, on se comprend ! Voilà, d’ici jusqu’au milieu des alpages un vaste territoire qui vaut c’que ça vaut, on a jamais vendu, qui achèterait de toute façon ! Le chalet est là-haut, derrière ces rochers, on va devoir monter encore. »
Par-dessus les plus hautes roches des buissons naissaient épais, des taillis plats chargés de toiles un peu avant le replat. L’espace encaissé les empêchait de voir d’un côté les sommets, de l’autre la vallée, depuis le portail le sentier se brisait en deux, l’un grimpant contre la pente, l’autre s’enfonçant pour se perdre en aval, comme dans un gouffre sans fin. Plus loin arrivés en contrebas des taillis le chemin s’encastrait encore plus étroit, assez pour qu’ils ne voient pas à deux mètres le prochain détour et malgré le vide ouvert sur leur côté, rien n’était visible que de la roche. Soudain les cailloux laissaient place à l’herbe, plus de voie tracée sinon l’élan vers la hauteur, deux étages encaissés parsemés de fleurs – il disait, parmi elles une plante rare – tandis qu’au fond naissaient les pics éclatants des montagnes.
Quelques mètres plus loin les cloches les accueillirent, une dizaine de vaches couchées sur la pente à chasser les mouches, peu enclines à tourner la tête. Elles ruminaient seules en liberté, regroupées dans ce seul coin par la force des lieux, leur arrivée ne suffit pas à les déranger. Déjà les souvenirs revenaient à Denis, de l’enfant effrayé, quand il vit son neveu le précéder d’un pas égal, passer entre toutes ses bêtes sans même un regard, jusqu’à ce que l’une devant lui se dresse et, alors qu’il se figeait, reste debout à le fixer, puis à secouer la tête dans le vide en faisant sonner sa tête de bronze. Alors seulement Renald reprit son pas, insensible à ce qui s’était passé, laissant l’oncle caresser la brave bête. Il lui parlait comme à une amie, soufflait à l’oreille que le petit avait changé, mais qu’au fond il était resté le même, tous les espoirs que son âge avec le temps avait forgés, et de laisser la bovine hocher la tête pour en chasser les insectes.
Note : Coupure ici, on note que le texte fait une considération plus générale et de fait il manque un enchaînement pour la suite. Heureusement la bovine qui chasse les insectes m'a fait conserver le passage.
De là le toit du chalet se détachait concret soudain, tout de tôles au milieu du terrain sauvage, puis à mesure qu’ils grimpaient les façades leur apparurent au bois délavé par le temps, puis la porte et au-devant, sur pilotis, l’abri boueux où pouvaient se réfugier les vaches, dans un maigres espace. Au dos du chalet se trouvait le vide, au-devant l’alpage s’étendait assez vaste, plusieurs crêtes grasses à l’aspect d’abandon avant la falaise. Il désignait du doigt un passage incertain, un ancien col, comme son neveu se dirigeait vers la porte, l’oncle lui emboîta le pas. Aucune fenêtre mais la porte elle-même, faite de deux volets, s’ouvrait en un petit cadre creux. Sur le côté comme gravée par des mains d’enfants, à gros traits, était dessinée une tête de renard ou de loup. Renald poussait le loquet, entrait accueilli aussitôt par l’odeur de terre sèche.
D’un bout à l’autre le chalet ne comptait qu’une seule pièce, au plus près une cuisinière à plaque et un poêle, contre le mur des étagères à tiroirs et au fond occupant un tiers de l’espace un grand matelas carré, de mousse rongée, servait de lit. À l’opposé de la porte un trou dans la paroi ouvrait sur un grenier étroit, étendu sur toute la longueur du chalet, empli de tous les déchets trop lourds pour être ramenés en bas. Denis entré après lui tirait d’un tiroir des sachets de thé, en même temps lui présentait les lieux.
« Voilà, c’est le chalet ! Y a que ça !
Note : "Y a que ça !" a été remplacé par "Décevant de près, hein ?", en rapport au titre.
« Voilà, c’est le chalet ! Décevant de près, hein ? Même pas une table, même pas une chaise, va ! Et on passait nos nuits là, mes frères et moi, à tour de rôle à garder l’alpage, un là-haut et les autres en bas, à se veiller de loin, on guignait voir s’il y avait de la lumière. On s’en fichait, c’était l’époque ! On a mis, quoi, un peu moins de cinq heures à arriver ? Et j’suis ton plus proche voisin. Allez ! J’vais te montrer tout ce qu’on peut faire ! »
Tout aussitôt délaissant les sachets il tira d’entre la cuisinière et la porte deux galons vides pour sortir avec, suivi peu après, il allait s’éloignant du chalet à moins de vingt mètres. Là brutalement l’herbe faisant illusion, le replat se brisait en pente profonde, dont ils tenaient l’amont, en bas l’herbe toujours foisonnante entourait un point d’eau tenu par des murets de pierre, dont le neveu ne trouvait pas la source. Ils descendirent jusque-là et l’oncle sans hésiter enfila un galon au petit tuyau de métal d’où l’eau s’écoulait en un faible gargouillement. Après quelques minutes toujours causant Denis échangeait les galons, celui rempli tira dans sa poigne, il le tendit à son neveu pour qu’il le pèse, sans réaction. Enfin les deux galons remplis ils remontèrent jusqu’au chalet, l’eau balançant en grand vacarme dans le silence de l’alpage.
Une fois en amont Renald s’écarta, à nouveau désintéressé par les discours de son oncle il fit quelques pas vers la hauteur puis tira son téléphone, un appareil neuf autant qu’il pouvait en juger, et se mit à pianoter.
« C’est pas la peine ! Y a pas de réseau ici. Pourtant la vallée est juste là, tu vois ! » Il alla vers lui désigner une sorte de promontoire au-dessus du vide, à quelques minutes de marche. « On va là-bas, on verra tout, le fleuve et les maisonnées ! Tu peux aller essayer, pendant que je prépare le thé, tu verras ! Pas le moindre signal ! Déjà à l’époque on s’en plaignait, tu crois à ça ? » Et comme son neveu s’éloignait pour les pics : « La vue est prenante, t’y laisse pas prendre ! Y a que ça qui intéresse les promeneurs, le paysage ! Le petit à Charles, il voit quand même plus loin. Sûr ! »
Note : Nouvelle hésitation parce que la séparation des deux personnages n'était pas planifiée - mais riche d'intérêt, donc exploitée. Je ne savais pas comment enchaîner, parce que le paragraphe pour préparer le thé est assez peu motivé - sans le pain, il était inutile (même si réaliste).
Bientôt Renald disparaissait entre le relief, il rentra faire chauffer une plaque, vida dans la casserole un peu d’eau. La bombonne sous la cuisinière, presque vide, crachotait, les flammes irrégulières gonflaient dans un crépitement. Il s’aperçut qu’il s’était comme assoupi à regarder l’eau stagner, le jeu de chaleur s’opérer lorsque les premières vapeurs s’élevèrent, il n’avait pas préparé de tasse, se dépêcha d’en sortir pour les nettoyer avec la manche. Puis sans s’occuper de l’eau qui bouillait il alla fouiller dans les tiroirs, un peu précipitamment, à déranger les paquets de pâtes et les tubes de lait, se mit à ruminer un instant avant de sortir quelques paquets, puis de fouiller encore jusqu’à ce que sa main s’empare d’un cornet de papier chiffonné, roulé sur lui-même, qui contenait une moitié de pain. Sa trouvaille faite, contenté sous barbe il revint à la plaque sifflante pour l’éteindre, versa l’eau dans les tasses où les sachets trempèrent, après quoi les vivres dérangés retournèrent dans les tiroirs qu’il referma pour ne garder que le pain.
Celui-ci avait gardé sa fraîcheur, une fois sorti sa mie dégagea un léger arôme de silo, les grains durs craquelaient entre ses doigts, il en arracha une pièce et la reniflant un instant, à peu près satisfait, il alla la déposer sur l’assiette, rangea le reste dans le cornet avant de regarder aux alentours son neveu qui ne revenait pas. Denis fit quelques pas, d’abord regardant du côté des pics avant de remarquer les habits sombres de l’autre côté, près de l’arbre. Il lui trouva du flair, de s’être intéressé au seul arbre des lieux, les branchages asséchés par la hauteur, entre ses racines les creux défaits d’une fosse, qui arrivait à se dresser là malgré tout. Il fit signe à Renald de le rejoindre, enjamba le pas de la porte et au jeune homme qui l’interrogeait du regard :
« Laisse, va ! Ce pain, c’est pour les bêtes ! Les vaches, elles, elles y touchent pas ! » Puis enchaînant : « Allez, t’as tout, dans cinq minutes je redescends, et toi, t’as qu’à voir ! Tu peux pas t’perdre, pour rentrer c’est toujours en bas ! Et tiens, c’est des piles pour la nuit, et y a des bougies dans les tiroirs. J’passerai chaque jour te ravitailler, pas de caprice, rien que du nécessaire ! » Il continua : « Dans deux jours, t’auras de l’ennui jusque-là ! Va pas déranger les vaches pour t’amuser, c’est qu’elles peuvent avoir sale caractère ! Sinon y a pas un chat, on verra quand t’en auras marre. » Et encore : « J’termine ma tasse et j’y vais ! »
Il cherchait sur le visage de son neveu une expression, une réponse et n’en trouvait pas, lui n’avait pas même touché à la coupe fumante, il regardait de côté, un air que l’oncle jugea de songeur, puis de supposer que sa présence lui pesait. Comme il se levait enfin pour partir Renald le regarda passer, il voulut reconnaître dans ces yeux les yeux de l’enfant pour l’interrogation profonde qu’ils marquaient, une question muette qu’il refusait de poser, par retenue ou parce que vraiment il refusait de se la poser, à défaut de savoir l’oncle lui dit encore un mot encourageant en lui tapant l’épaule. Il lui répéta pour les piles, pour les bougies et pour le pain, tandis qu’il s’éloigna, ne put s’empêcher de se retourner dans l’espoir que le neveu serait à la porte, à le suivre du regard. Il était là en effet, à l’observer gagner de la distance, toujours plus caché par le relief à mesure que l’oncle redescendait la pente, le jeune homme l’observait appuyé à moitié dans l’encadrement de la porte, d’un regard pesant, qui inquiéta Denis.
« Qu’est-ce qui lui trotte par la tête ? C’est l’idée que je revienne, demain ? » Il parlait à voix haute, en passant entre les vaches. « Ou bien quoi, il m’en veut, mais il était pas comme ça en bas ! Bah ! Le petit est grand, il sait ce qu’il veut ! Ou bien c’est le séjour qui l’intimide, ça doit être ça ! »
Note : Fin des trois premières pages et transition vers la nuit. Le regard inquisiteur (mais pas assez "fureteur", peut-être une évolution à construire ici) de l'enfant est sans doute le seul élément fantastique actuellement. L'insistance sur l'assiette doit paraître trop forcé et manquant d'intérêt, et l'arbre tombe vraiment de nulle part - d'autant qu'il n'a pour ainsi dire pas d'importance, il s'agissait juste d'évoquer la "fosse" comme terrier.
(03 Mai 2011)
La nuit tombait, la nuit tomba, la nuit était tombée.
La nuit montait, la nuit monta, la nuit était montée. Sous les premiers nuages amoncelés aux franges des sommets le chalet se détacha simple angle du toit parmi les pentes, tapi pareil au val dans l’obscurité, une bâtisse à la tôle terne, à l’abandon.
Dans la nuit montée les montagnes parurent une montagne, dans la roche les sentiers confondus à la même épaisseur que la distance rendait impénétrable, tapi pareil au val
Un cri de bête se mêla aux insectes, la nuit muette mua les montagnes en montagne, (masse) spectre d’ombre tapi pareil au val sans détail le même espace inerte, à l’abandon.
Un cri de bête descendit jusqu’au val par les sentiers indistincts un fragment de silence dans les ténèbres se figeait,
Le chalet reparut couvert par les étoiles
Noir sur noir le chalet lui échappa silhouette de sa mémoire dans la distance muette à part un bruit de bête bref rien ne filtrait,
La vallée devait miroiter de lumières,
Note : La transition m'a posé problème, avec l'idée que le lecteur allait quitter Denis en plein dialogue et se retrouver soudain de nuit. Qui plus est je voulais absolument un paragraphe entier sans mention de Denis en observation, uniquement la description de la nuit et du chalet. Entre autres.
Du côté de la vallée montait un semblant de lueur à l’imitation des étoiles, une frange pâle arrachait aux abords des sommets leurs reflets de crevasses, les griffures de la roche plus sombres dans la nuit tailladaient au silence des montagnes leurs contours sauvages. La vallée s’illuminait, le silence du val à part un cri de bête bref se tapissait noir sur noir en silhouettes indistinctes, indistinctes, insaisissables, souvenirs de leurs emplacements rendus fuyants par les ténèbres où la mémoire se perdait, les premiers nuages à leur tour troublaient tous les repères, seuls les abords à la vallée ces hauteurs des pics raides se noircissaient de traits, l’angle du toit rendu obscur par la pénombre laissait deviner le chalet. Autrefois le toit de tôles miroitait, les lueurs de la vallée l’empêchaient, l’isolaient plus encore, dans la distance, un lieu à l’abandon.
Il retira ses jumelles un instant, épuisé d’attendre, se passa la main sur le visage avant de reprendre sa veille. Dans le grossissement les détails se perdaient, deux fois filtrés par les verres de sa lourde paire et par la vitre de la fenêtre, qu’il gardait fermée, reculé dans la pièce, la lampe éteinte, lui-même une ombre, il pesta à la recherche de cet angle de toit qu’une seconde de pause avait laissé filer. La fatigue le minait, il s’agrippa aux jumelles, les doigts pressés dessus tendit un peu la jambe de son tabouret, serrait un côté de sa mâchoire.
Note : Le texte continue. Le premier dialogue de Denis a été beaucoup travaillé, sur l'instant, et c'est l'habitude qui ne m'a pas fait conserver tous les différents états. Notamment quand il cherche à deviner ce qui se passe là-haut (motivation de ce passage), j'ai cherché la forme la plus succincte possible.
« Il doit dormir, j’ai l’air bête. » Et par gestes plus brusques, de chercher l’angle du toit. « Allez va, je me fais des idées. Il dort, il s’ennuie, c’est tout comme. Ou bien il est sorti, voilà tout. Au moins, je pourrais allumer ! » Ses yeux clignèrent, il se figeait, le contour retrouvé. « Non, la porte est fermée, je pourrais presque voir la porte. Et même, s’il arrive quelque chose ? Comment savoir ? Comment savoir ce qui se passe là-haut ? Et s’il arrive quelque chose, je suis en bas, je peux faire quoi. »
Contre les catelles les pieds du tabouret grincèrent, il s’était tiré en avant à l’infime étoile qui venait d’apparaître, une étincelle dans les ténèbres, faible à travers les verres grossissants, il reconnut la lumière crue d’une lampe par la porte du chalet, qui fouillait à l’intérieur, faiblissant quand le faisceau s’éloignait de l’entrée, puis plus forte, par tremblements. Presque une minute durant, tantôt stable et tantôt agitée, le feu de la lampe dura puis s’éteignit. Il resta aveugle à observer ce coin d’ombre où la tache blanche imprimée dans sa rétine flottait en spectre. Sa langue collait au palais, la main passa sur son visage, il reprit la pose, très vite. Dans le silence il pouvait entendre la queue d’épis gratter et frotter à sa porte d’entrée.
Note : Le texte continue. À ce point de transition j'ai eu beaucoup de difficultés, il s'agissait de maintenir la tension mais pour le paragraphe suivant plus rien n'allait se produire - c'est le défi même de retranscrire l'attente. Au second paragraphe je cède même et dis "un rien s'était ajouté", par facilité.
Entre ses lèvres quelques mots passèrent, sans souffle. Les contours ne revenaient pas, dans la distance le chalet s’était dérobé à son regard, rien ne restait que la silhouette nocturne. Il fixait, figé, au même endroit le lieu où cette lueur l’avait surpris, les paupières clignèrent, clignèrent encore, il retenait ce point le plus longtemps possible dans le trouble de sa vision épuisée, le grossissement de l’obscurité. Il se forçait. Son corps toujours penché en avant pesait sur sa jambe, il la sentit qui pesait, tendue, se mettre à trembler. Il la tendait, un peu plus, les ongles raclant ses jumelles pour ne pas perdre cet emplacement. Dans la distance sembla se détacher quelque chose, il n’y avait rien, un vertige le prit qui l’obligea à se détacher enfin, le temps de souffler, de se reprendre, pour aussitôt relever les jumelles dans l’épaisseur de la montagne.
Déjà l’angle du toit reparaissait, assombri, il chercha au-dessous à deviner les murs, la porte, tout autour la courbe du terrain familière. Puis il abaissa les jumelles pour regarder par lui-même ce petit point lointain qu’il savait être à mi-hauteur des alpages, par lui-même chercha ce qui avait changé. Un rien s’était ajouté à ce que la nuit lui cachait, un rien impossible à observer, si loin, l’événement de cette lumière vacillante, et de se rendre compte enfin qu’il attendait de la voir reparaître, le détendit.
« Je me fais des idées. Il aura eu soif, ou faim, ou ce que je sais ! Les vaches l’auront dérangé. De la lumière, et alors, de la lumière il en a tout le temps eu, en bas ! Et moi qui guette, mais j’ai l’air bête ! » Les jumelles fouillaient l’arête du toit. « Il dort. Cette fois il dort. Pas de raison. Sans doute le matelas. Je le verrai demain, de toute façon. Et puis s’il rallume, ça ne signifie rien. Rien. Je partirai tôt demain. Je lui dirai, j’ai vu la lumière. Ce sera une anecdote, il sourira. Il me trouvera naïf. Il me dira. »
Note : Le texte continue. La fin du dialogue, quoique facile, m'a posé problème surtout pour la coupure brusque du "il me dira" que le lecteur ne verra probablement pas, et pour permettre la transition.
Je ne sais plus si, à l'origine, dans ces passages, Denis devait être plus silencieux...
La lumière s’était rallumée, Denis abaissa les mains, regarda le carré infime de lumière avant de le grossir, l’index chercha la mollette pour régler le flou, il crut presque voir le découpage de la petite fenêtre dans la porte, la porte elle-même, malgré l’aveuglement que provoquait la lumière, un feu cru et stable, il crut en distinguer l’intérieur. L’envie le tenaillait d’allumer à son tour, l’oncle se tourna vers l’interrupteur, hésita, revint au chalet où la lueur durait, il observa les alentours. Dans la profondeur nocturne ce carré presque une braise rougissait, il aurait cru un frémissement de brindilles à chaud, à force de perdurer la lueur s’intégrait aux tréfonds de l’obscurité, gagnait en vie ce qu’elle perdait en réalité, il pesta un peu de ne pas pouvoir découvrir ce qui se faisait derrière, resta encore à l’observer.
Sa propre fatigue le faisait balancer, de se sermonner que son neveu dormait, il s’en voulait, détournait les yeux dans la pièce où les meubles luisaient, pour se reposer, secouait la tête avant de revenir à l’infime carré de lumière, certain de s’être trompé. La lumière bougeait, faiblement, elle bougeait à l’intérieur du chalet, rien de plus qu’un léger balancement de la lampe, trop faible pour vouloir y croire, ce mouvement de la lumière pouvait encore s’expliquer, il cherchait à l’expliquer, en même temps se persuadait qu’elle était fixe, la lampe posée quelque part, près de son neveu endormi, sans un mot, se tendait. En même temps l’évidence le frappa que la lumière allait durer, il mit quelques minutes à s’en persuader, se leva presque pour allumer de son côté aussitôt retenu, se rassit. Au-dehors les bruissements de la nuit accompagnaient sa veille, les rumeurs dérangeantes de la montagne au sein desquelles cette lueur impersonnelle persistait.
Note : Les deux paragraphes qui suivent ont été détachés et réécrits. On notera notamment le refus de la "force invincible", pourtant naturel en fantastique.
il mit quelques minutes encore à s’en persuader. Le besoin d’allumer plus fort encore le poussa presque à se lever, une force invincible le retint, il scruta au-dehors les ténèbres avant de se rasseoir, aux bruissements de la nuit l’oncle
Bientôt l’évidence le frappa, que la lumière allait durer, il mit encore quelques minutes à s’en persuader, enfoncé dans le noir auparavant ce lieu de la montagne resterait éclairé, de supposer qu’il s’agissait d’une manie d’en bas, il songea à aller se coucher. Son corps détendu se mit à balancer, la fatigue rendait ses gestes hasardeux, il secoua la tête pour ne pas céder, regarda autour de lui la cuisine aux contours luisants, alors bougonnant l’oncle repoussa le tabouret, alla tirer une chaise jusqu’à lui pour en tourner le dossier devant et s’appuyer,
(04 Mai 2011)
Le portail était ouvert, dans l’ombre du piton le battant surplombait les ronces, surplombait le sentier raide, de l’autre côté les pentes de roches allaient en s’évasant. Il arriva à sa hauteur, le tira malgré la rouille des gonds, le fit jouer un peu. Cela arrivait, parfois, quand on le fermait mal, la pente tirait vers elle le battant, ou bien il suffisait d’une bête pour le déranger. Il pensait encore, en le passant, ce pouvait être son neveu qui avait voulu redescendre, qui aurait changé d’avis. À peine de l’autre côté Denis s’arrêta, les mains aux cuisses, à souffler, à se reprendre, de jeter un coup d’œil au chemin étroit sur les pentes, sous les taillis plats. À cette heure la rosée s’effaçait, le soleil montant roulait sur les montagnes. Il s’essuya le front, regarda encore le portail, vérifia que cette fois il l’avait bien refermé.
En aval les roches se fissuraient, une infinité de failles où trébucher, il les savait froides sous leur couvert que la lueur du jour gagnait à peine, ce recoin de montagne éclairé une heure par jour sous les nuages et presque nu du moindre brin d’herbe, le sentier qui allait s’y perdre n’aboutissait nulle part, sur les pics trop raides de la vallée. Les taillis reparurent au détour lui couvrant la vue du premier replat, il passait déjà, songeait à son neveu. Il avait parlé pour deux durant tout le trajet, à l’approche du chalet son ton avait baissé, à peine les lèvres remuaient sous barbe, le front plissé par la marche il enjambait les étages de la montée, jusqu’à ce que le replat apparaisse gorgé de lumière, l’herbe flottante sans mouvement, encore assoupie, les fleurs ponctuaient ça et là sa marche tandis qu’il gagnait les hauteurs, ses bottes arrachaient à la terre un léger bruit de succion.
Bientôt le bruit des cloches l’accueilli
Bientôt les bruits de cloches l’accueillirent, le troupeau le vit venir de loin, les bêtes couchées plongeaient la tête dans la foule d’herbage sans plus se préoccuper, levaient la tête quand l’oncle passait tout près, son visage reflété dans leurs yeux noirs. Il les interpellait, des mots aimables, il s’étonnait d’en voir si peu, trouvait les autres un peu plus haut dispersées par petits groupes jusqu’aux abords du chalet, à quelques pas de l’abri dont la terre n’arrivait pas à sécher. Ses semelles butaient sur les creux que les sabots occasionnaient dans la terre, sur toutes les petites fosses, il les grondait à l’occasion.
« Vous faites quoi là ! Hein ? » À l’une il gratta l’oreille. « Y a rien pour vous ici, ‘faut redescendre. Alors, quoi. Vous attendez l’orage. C’est dans l’air, ça vient à son rythme. Qu’est-ce que tu as ? Allez, calme, calme, retournez en bas. Faut pas guetter, ça viendra quand ça viendra. »
Tout en parlant il abandonnait la dernière vache, l’écouta mugir dans son dos un court instant, se déranger pour lui répondre, la cloche fit plus de bruit qu’elle. Elles se levaient cependant, l’une pour fouiller autour en quête de chardons lorsque l’autre se couchait, le bronze sonnait au hasard de leurs mouvements. Renald avait dû l’entendre, il avait parlé assez fort, ou bien il dormait, comme si les gens dormaient encore en toute fin de matinée. La tôle étincelait sous le soleil, au-devant la porte se couvrait d’ombre, plus sombre encore que le relief alentours se laissait caresser par les rayons. Sur le pas l’assiette n’avait plus que quelques miettes, il frappa quelques coups au battant du haut, sans appeler, pour voir si le loquet le retiendrait, attendit encore un peu avant de tirer le loquet. Renald avait dû sortir se promener.
Une odeur de sueur et de thé plaquait la cuisinière, les étagères, sur le bois repoussées traînaient les tasses d’hier, encore sales, à côté d’un paquet défait, une assiette et le sac de papier roulé par terre. Plus loin près du matelas deux piles avaient roulé, deux poux noirs sur les nœuds du plancher, ses bottes en tapant à l’entrée les secouaient, il pouvait les voir osciller. Dans le fond la lumière manquait, il voyait dépasser ses jambes, le sac de couchage rejeté les pieds traînaient sur les rognures de mousse. La lampe traînait tout près, la cordelette passée au poignet, éteinte. Son neveu le regarda entrer, hocha la tête (gravement) à son salut, pour toute réaction, le sourire de Denis ne faiblissait pas :
«
Note : Comme tous les dialogues celui-ci m'a posé problème, surtout parce que Denis nie les événements nocturnes. La mise en scène du corps de Renald est une concession au genre - et à mon plan. Il aurait été plus intéressant de le trouver dehors ou près du promontoire, en train de "fouiner"
La lampe traînait tout près, la cordelette passée au poignet, éteinte. Il fit un pas dans sa direction, regarda le fond du chalet dans la pénombre, un cadre où la nuit se terrait encore. Ses gestes ralentissaient en l’approchant, son sourire s’atténuait, il trouva juste à dire : « Hé. » Puis : « Ça va ? » Renald le regarda s’approcher, hocha la tête ou bien de ce même mouvement lui fit signe de s’arrêter, un pas dans son intimité, l’oncle alors de retrouver son aplomb.
« Je sais, je sais ! Dans dix minutes je suis parti, laisse-moi juste voir, des fois que tu
« Je sais, je sais ! Dix minutes et je repars, le temps de déballer mon sac -
"Je sais, je sais ! Dix minutes et je repars, je passerai par le haut cette fois-ci, il y a un passage où à chaque pas le sol se dérobe. » Son neveu s’était levé, il approchait le visage bas, traînait sur le matelas
traînait sur la mousse. « Allez, je déballe tout là, tu feras le tri toi-même ! Oui, la grappe c’est ce matin, j’ai eu de la visite, tu vois comment ! Et puis le grain, on sait jamais- en même temps, note, y a de bons coins pour la cueillette ! Faut connaître ! Parlant de ça, je t’ai pris ces briques
Faut connaître ! Enfin, tu feras le tri, moi je remporte rien ! Demain ce sera plus vite fait, je passerai en coup de vent, un salut et au revoir, réglé ! Parce que tu te débrouilles, mine de rien. »
Contre la porte où la lumière s’engouffrait les cloches des vaches sonnaient vagues
les cloches des vaches retentirent plus lointaines, il remarqua le galon dans son recoin le goulot ouvert, l’eau qui stagnait, une mouche tournait sur les rainures de plastique où la fraîcheur l’attirait, siffla en s’éloignant. L’autre galon manquait, il le chercha du côté de la cuisinière puis dans la pièce, et sans vouloir déranger son neveu Denis fit quelques pas dans la pièce, tourna encore du côté du matelas sûr que le jeune homme comprenait ce qu’il cherchait, qu’il n’avait pas besoin de le lui dire, de finir par supposer qu’il l’avait laissé en contrebas, près de la source. Puis son regard revint aux tasses, à la plaque où une casserole traînait, il supposa que ce n’était rien.
Alors l’oncle retourna à son déballage
Puis son regard revint aux tasses, à la plaque où une casserole traînait, au plafond les poutres se couvraient de taches.
Il revint aux étagères près du neveu qui le regardait faire, son visage n’exprimait que de la réserve, l’oncle ouvrit les tiroirs pour regarder quelques dates, il s’était remis à parler sans vraiment plus écouter ce qu’il disait, juste par habitude, rangeait quelques paquets parmi les paquets avant de se baisser, de ramasser le sac de papier contre ses bottes, d’en sortir le pain dont le grain entre ses doigts craquait. « Bon, ça ce sera fait, c’est l’habitude, ce qu’on y peut ! » Et de parler des gens d’en bas, tout en brisant le pain à moitié, puis de considérer ce qui restait, il prit le tout pour le poser sur l’assiette.
puis de considérer ce qui restait, il roula le papier dessus, se releva.
« Il y a un bruit. »
Son neveu l’avait interrompu, sans un geste, sans un regard, juste parce qu’il avait parlé il l’empêchait de retourner à l’étagère y ranger le pain, il le retenait près de la porte, au regard surpris de son oncle, ajouta, un bruit.
« Du bruit mais c’est normal ! C’est le bois qui joue, et puis les vaches, et les insectes qui s’en donnent à cœur joie !
« Un bruit de bête. »
«
Note : La réponse directe est efficace, trop, j'ai eu besoin de la changer.
« Du bruit mais c’est normal ! C’est le bois qui joue, et puis les vaches, et les insectes qui s’en donnent à cœur joie ! Va pas me dire que ça te dérange, quand même ! C’est comme partout, ça te tient compagnie ! »
Le petit insista, il disait, un bruit, en même temps il détournait la tête du côté du grenier dans le fond, l’encadrement obscur d’où dépassaient les anciennes bouteilles de gaz. Son regard disait plus, un bruit différent,
l'encadrement obscur d'où dépassaient les anciennes bouteilles de gaz. Son regard évoluait, mimait la découverte de ce son naissant, qu’il ne décrivait pas encore, il se contentait de dire, un bruit.
« Un bruit de bête. »
Puis son regard après avoir hésité entre l’entrée du grenier et du côté de la cuisinière la paroi contre l’extérieur, où jouait une gouttière, le cou pencha, il alla tout le long du grenier depuis l’étroit accès et laissant grimper ou redescendre ce bruit le long du mur, jusqu'au bord du matelas, son regard continua, jusqu’au fond où il s’arrêta insistant, presque à l’angle. Ses lèvres tout du long avaient presque sifflé le bruit, sans chercher à l’imiter, plutôt pour s’en rappeler, la description venait de ses doigts le long de son pantalon qui faisaient semblant de gratter, par petits coups, les ongles collés l’un à l’autre, courbés, de petits grattements secs, la description venait de ses dents frottées à mesure qu’il sifflait, comme le bruit se rapprochait du fond, il coupa court, la description venait de ses mots :
« Un grattement. Des grognements. »
« Et alors, mais c’est un rat ! Un rongeur, ça arrive ces choses-là ! Ils ne pèsent rien, par ici, ils tiennent dans un gobelet ! Et puis c’est de la vermine, mais c’est de la chance, il te tient compagnie ! Profite, ça ne dure pas, et puis regarde, si ça se trouve il est déjà loin ! Il y a aussi des oiseaux parfois, ça joue avec leurs pattes sur la tôle, ça fait comme un crépitement, si tu connais pas, tu t’inventerais un monde ! Pour du grattage, tu peux bien en rire ! Ou bien t’as cru que c’était quoi, un chien ? »
Face à lui le neveu ne répondait rien, à la place il regardait toujours cet angle au fond du chalet, contre le matelas où le bruit avait fini par s’éteindre, contre son pantalon la main jouait encore les doigts serrés à frotter de tous les ongles, par petits coups. Ensuite il regarda son oncle qui se penchait par l’ouverture, qui regardait dans le galetas s’il pouvait trouver une trace de l’animal, sans conviction, riant encore de la naïveté de son neveu. La botte appuyait sur le rebord là où restaient des traces de terre qu’il piétinait, Denis s’engagea à l’intérieur, pour quelques secondes, disparut tout à fait, sa voix éclatait de derrière sans progresser, il reparut convaincu de n’avoir plus rien à prouver. Il se tut. Renald avait sorti une balle
Note : Et au moment où la balle, sortie de nulle part, aurait pu introduire du fantastique, j'abandonne l'idée. Mais au final je sens bien qu'il manque quelque chose à ce passage.
Renald passait la porte, son pied frappait l’assiette, le jeune homme continua sur l’herbe en direction de la source.
Tout de suite après venait son oncle pour le suivre jusqu’au haut de la pente d’où ils pouvaient voir les murets du point d’eau. À son tour il regarda le galon traîner au milieu de l’herbe, dévidé parmi les accrocs de terre. Il s’était exclamé, puis pour ne pas déranger son neveu, pour ne pas s’imposer, il s’était fait les réflexions à lui-même, de ce qui s’était passé. Le galon trop lourd avait été posé en cours de montée. Un moment d’inattention, il s’était renversé, il avait glissé peut-être. Déjà mû par l’habitude il descendait la pente pour le récupérer, regarda son neveu s’éloigner, le promontoire il n’en doutait plus, tout ce qui pouvait le rapprocher un peu plus de la vallée, cela ne le dérangeait pas. Il arrivait à hauteur du galon, l’attrapait, remarqua que la poignée plus rugueuse ou usée était différente de son habitude.
ou usée ne lui était plus familière. Avant que de remonter avec, au-dessus le relief était à nouveau désert, il alla jusqu’au tuyau de plomb, laissa remplir.
Note : Si je m'arrête là c'est par manque de temps, la suite est presque évidente, retrouver Renald, mentionner ou souligner le pain de blé et au départ lui faire demander les "croissants". Puis enchaîner sur la boulangerie.
Mais ce passage reste indéniablement faible, il n'en dit juste pas assez alors même que la nuit promettait beaucoup. Le matin est décevant.
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- Vuld Edone
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Note : Ma dernière note finissait plus ou moins sur le constat d'un passage médiocre. Et effectivement il m'a fallu réécrire une bonne partie de la page avant de pouvoir continuer. J'aurais dû revenir encore plus en arrière mais ma position actuelle est simple, j'ai envie de finir ce texte.
Note : Première tentative de reprendre à la fin du dialogue, en pensant que seule la suite posait problème.
Face à lui le neveu ne répondait rien, à la place il regardait toujours cet angle au fond du chalet, contre le matelas où le bruit avait fini par s’éteindre, contre son pantalon la main jouait encore les doigts serrés à frotter de tous les ongles, par petits coups. Ensuite il regarda son oncle qui se penchait par l’ouverture, qui regardait dans le galetas s’il pouvait trouver une trace de l’animal, sans conviction, riant encore de la naïveté de son neveu. La botte appuyait sur le rebord là où restaient des traces de terre qu’il piétinait, Denis
Face à lui le neveu ne répondait rien, l’angle pesait au fond plus pressant contre le matelas où le bruit avait fini par s’éteindre,
Face à lui le neveu ne répondait rien, l’angle du mur découpé tirait
Note : Échec. Je décide de reprendre le passage en entier.
« Il y a un bruit. »
Son neveu l’avait interrompu, près de lui à le regarder faire la remarque était venue d’elle-même, il n’avait pas esquissé un geste, seulement prononcé ce constat dans le calme du chalet tant qu’il retenait, dans sa jeunesse traquée, le regard de son oncle.
« Du bruit mais c’est normal ! C’est le bois qui joue, et puis les vaches, et les insectes ! Si ça dérange ! Tu sens ces choses-là, c’est, nouveau, ça dérange ! Demain tu t’en rendras même plus compte ! »
Le jeune homme secoua la tête, un peu brusquement, un pas en arrière pour laisser rentrer tandis que dans les mains le papier froissait, il pencha du côté de la cuisinière par la paroi ferme derrière, au-dehors la gouttière, l’absence de tout son.
« Du bruit mais c’est normal ! C’est le bois qui joue, et puis les vaches, et les insectes ! Si ça dérange ! Tu sens ces choses-là, c’est nouveau, ça surprend ! Demain tu t’en rendras même plus compte ! »
Le jeune homme secoua la tête sans brusquerie dans son insistance, un pas en arrière pour laisser rentrer tandis que dans les mains le papier froissait, il voulait dire, un bruit, il se reculait encore les bras balançant dans la pièce à mesure que ses mots pesaient, ses propres chaussures grognaient à peine par terre. Un bruit, sa voix était montée plus ouverte, il en eut un serrement de sentir le petit s’exclamer
il en eut un serrement de le voir se troubler Renald s’éveiller devant lui, s’exprimer difficilement,
il en eut un serrement de le voir devant lui réagir plus fortement, et dans sa voix un pique sensible
Note : De toute évidence je piétine. C'est en général à quoi ressemble un moment d'écriture quand je travaille vraiment, et qui peut expliquer des phrases finales assez... désincarnées.
il en eut un serrement de le voir devant lui réagir et plus vif Renald exprima devant lui cette curiosité de l’enfant
il en eut un serrement de le voir réagir et plus vif Renald essayait, une résistance dans ses jambes raidies où le tremblement l’obligea à s’arrêter, les mains jouèrent dans le vide quelques instants pour rattraper ces mots.
Le petit aurait pu se taire, à cet instant,
l’oncle le craignait bien plus que tout ce que son neveu pourrait dire,
Il craignit de le voir se taire tout à fait, abandonner, à son tour il n’osa plus bouger
à son tour il ne voulut plus bouger du pas de la porte où ses bottes couvraient les rayures du bois, pour ne pas briser l’instant où l’oncle croyait retrouver cet enfant si
où l’oncle croyait retrouver ce souvenir d’enfant resté présent dans sa mémoire.
Pour une seconde il eut cette impression, que Renald allait partager avec lui
Alors il sentit son regard
En même temps il le sentait lui échapper, le pain entre les mains arrêté dans son geste il attendait de capter plus que la rumeur qu’il voulait exprimer,
cette rumeur, un bruit, avant de rien ajouter son neveu tourna la tête, le regard furetait dans l’encadrement du grenier à la recherche d’un détail, glissa sur les anciennes bouteilles de gaz, ses yeux se faufilaient entre
furetait de loin dans l’encadrement du grenier à la recherche d’un détail, glissa entre les anciennes bouteilles de gaz, son regard se faufilait parmi les ombres au moindre espace où se tapir, où le recoin pouvait évoquer comme terrée en son sein la rumeur à exprimer, à évoquer dans le désordre du fond cet écho perdu.
dans l’encadrement du grenier son regard fureta entre les ombres les recoins où il pouvait s’accrocher à la recherche du détail, tout ce qui pouvait l’évoquer tapi parmi le désordre des déchets cet écho perdu, insaisissable.
tout ce qu’il pouvait évoquer tapi dans le désordre des déchets de cet écho enfui. Il n’y avait rien, son neveu laissait se faufiler son tâtonnement
Il n’y avait rien, son neveu laissa son tâtonnement se faufiler de cache en cache à l’intention de son oncle, pour le persuader, tous les efforts rendus sensibles par cette tentative désespérée de faire revivre un son, le jeune homme dut sentir la situation lui échapper, de reprendre plus lourdement, sur un ton de reproche, un bruit.
« Un bruit de bête. »
il reprenait plus bas, presque pour lui seul.
« Un bruit de bête. »
Au moindre geste de son oncle il aurait cessé de parler, ce dernier le sentait, l’envie le tenaillait de réagir à cette scène retenu par le souvenir de cet enfant qu’il croyait voir reparaître, dans l’attente du sourire qui briserait son jeu. Renald se brusquait face à la réalité des lieux le fond du chalet où sa recherche étouffait
qui briserait son jeu. Renald se taisait toujours plus, sa voix devenue un fin sifflement où les dents frottaient variait à peine quelques instants quand il arrêtait son regard, le cou glissait en arrière à mesure qu’il suivait ce son évoqué par l’encadrement sombre du fond jusqu’à ce que le mur lui coupe la vue, alors de tête il continuait, laissa ramper son attention le long des étagères, lentement, une progression étouffée. Ils pouvaient entendre plus lointaines les cloches des vaches
les cloches de bronze frémir détachées de ces instants, puis l’oncle perçut
Ils pouvaient entendre plus lointaines le bronze des cloches frémir sans qu’elles les atteignent, un autre bruit plus insistant
un autre bruit plus sensible interpella l’oncle identifié aussitôt, la main de son neveu griffait par petits coups sur le tissu de son habit.
« Un grattement. »
« Et alors, mais c’est un rat ! Un rongeur, de la vermine ! Ta bête elle tient même pas dans un gobelet ! Pas de quoi se faire des idées, allez ! Ou bien tu croyais que c’était quoi, hein ? Et je dis ça, si ça se trouve il n’y avait rien ! C’est que c’est rare, la vermine, ça reste jamais longtemps !
Ou bien tu croyais que c'était quoi, hein ? Regarde, si c’était le bois ou une vache qui passait derrière ! Mais du grattage, mais c’est rien ! Tiens, un oiseau sur le toit, ça te fait comme un crépitement sur la tôle, tu peux t’inventer de ces choses ! Tu croyais que c’était quoi ? On va voir, tiens, qu’il y a rien derrière ! »
Face à lui son neveu ne répondait rien, un instant leurs visages s’étaient croisés qui avait poussé l’oncle à parler plus vite, plus fort
qui avait poussé l’oncle à accélérer ses certitudes, ensuite le cheminement reprit le long du mur, même une fois le dernier mot dit, ce déplacement du bruit sans importance jusqu’à hauteur du matelas, il continuait, par petites pauses, progressa de lui-même jusqu’à se retourner tout à fait, dos à son oncle, au moment de rencontrer l’angle où le grenier finissait, il laissait là son attention se dérober. Sa main reprenait encore, les doigts resserrés, ce bruit qu’il n’arrivait plus à rendre, de se fâcher soudain, Renald lui jeta une expression pleine de reproches. Il le vit faire quelques pas en direction du grenier, vers l’encadrement où ses bottes avaient dû déposer un peu de terre.
Ce mouvement dans le chalet, le soudain vacarme des semelles sur le plancher ramena l’oncle à sa tâche, entre ses doigts le sac de papier se refermait, il alla jusqu’aux tiroirs l’y ranger,
les doigts jouaient sur le sac de papier à le déplier, il alla jusqu’à ses affaires retirer parmi elles un second pain, son neveu se retournait pour le regarder faire, il lui montra le second pain qu’il rangeait dans le cornet avec ce qui restait du premier avant de les ranger, le reste déballé en un tas resta tel quel alors qu’il se relevait. « Allez, ça c’est fait ! » Dans la pleine lumière de la porte la pièce avait retrouvé sa tranquillité, il se prépara à repartir quitte à se séparer dehors sur l’herbe grasse des alpages.
« Tu veux quelque chose, tu dis ! Moi je redescends, le chalet c’est bon pour les autres, j’y ai pas mes meilleurs souvenirs !
Note : Anecdote. Oui, même la ponctuation.
j’y ai pas mes meilleurs souvenirs. Allez ! » Il aurait donné n’importe quoi pour que son neveu lui demande de l’alcool. « Et puis laisse, va, demain je t’apporterai d’autres piles, et si tu veux autre chose, tu vois comment ! »
« Un pain au miel. »
« Un petit pain fourré de miel. »
Il mit un temps à répondre : « Entendu va ! Tu l’auras demain, promis ! Et puis quatre ou cinq, tu feras du thé, ou on verra ! Et puis » « mais laisse, va, c’est pas important ! »
Ses pas l’entraînaient déjà sur la pente, il aurait cru que Renald le suivrait de loin comme la dernière fois, son neveu avait disparu dans le chalet
il se retournait encore pour faire signe de la main croyant que Renald le suivrait de là-bas, ne le vit pas, ensuite le chalet s’effaçait. Alors seulement Denis réalisa qu’il redescendait du côté des vaches, par le bas, les vaches autour de lui secouaient la tête puis plongeaient le groin où les mouches revenaient. Il s’exclama : « Mais comment » au souvenir de lui avoir dit autrefois aimer cette friandise, il revoyait l’enfant à ses pieds demander à quoi ça ressemblait, l’anecdote le troubla. Très vite du bras Denis chassa l’idée, son neveu avait pu en manger en bas, ils devaient avoir ça forcément, il aurait dû être content de partager ce goût avec le jeune homme, au lieu de rêver. Sa marche l’avait ramené au portail, il le trouva entrouvert de même pas un doigt, juste assez pour le faire grommeler.
Retrouver les alpages le calma, il pressa le pas à travers champs à nouveau pour ronger ces poignées de minutes sur les détours de sentiers, le val s’ouvrait enfin sur les barrières en fil de fer
Note : Cela fait depuis le début du texte que je tente de décrire la montagne, en vain. À chaque fois je dois abandonner tant cela pose de problèmes.
le val s’ouvrait enfin quand il sentit le vent se lever, un souffle sec jusqu’à la ferme. Il choisit de descendre directement au village, par la piste, aussi pour se changer les idées.
La clochette de la boulangerie retentit deux fois à son entrée, inutile
La clochette de la boulangerie retentit deux fois à son entrée, l’odeur de pain et de sucre l’accueillit si forte qu’il grimaça. À part le comptoir vitré la pièce s
Après le comptoir la pièce se relevait de deux marches sur un espace vide qui donnait sur l’arrière. Il avait tapé ses bottes sur le grillage dehors, il les frottait
Il avait tapé ses bottes sur le grillage dehors, il les essuya au tapis à l’intérieur tout en saluant. De derrière le comptoir vitré, à son bout le chien leva la tête, les babines raides prêt à gronder, aussitôt le boulanger de se pencher pour lui donner une tape, et de reprendre.
« Et alors, ton neveu ? Depuis le temps que t’en parles, tu peux bien partager. » Puis d’un ton joué : « Sérieux, tu montes chaque jour le voir ? Le chalet est à quoi, trois, quatre heures de marche ? »
« Tu connais pas sa mère, Viviane, depuis qu’elle est avec Charles, je vois plus mon frère ! Alors tu penses ! Et puis va comprendre, elle appelle tout le temps quand je suis loin et quand je la rappelle, y a personne ! Tiens, passe du lait, j’en ai plus. »
« C’est comme ça, va comprendre. »
Il s’était appuyé franchement sur le comptoir, son visage ridé par le temps, comme Denis était d’humeur à causer son ami tira la pipe pour la bourrer, il fit signe de passer derrière avant de craquer l’allumette, quand le tabac eut bien tiré seulement ils s’en allèrent dans la réserve. Il y faisait plus frais, presque un placard où les caisses s’entassaient au gré des jours, l’autre porte donnant sur l’atelier. Le sac ouvert ils y firent glisser quelques bouteilles en verre tout en causant, quelques nouvelles du village ou les ragots passés, des souvenirs de ces années passées derrière lesquelles se cachait l’espièglerie.
De temps en temps son ami chassait la fumée, alors il tirait quelque sentence avant de reprendre, sans se presser, malgré le froid ils s’appuyaient au mur pour causer sur le ton vague ou passionné.
« Mais alors » Clos reprenait « ton neveu il se débrouille ? Je veux dire, tu vois, c’est qu’on a de mauvaises surprises. Les promeneurs font n’importe quoi, on a beau leur répéter, mais enfin moi ce que j’en dis, si j’avais de la famille, je les laisserais pas rester tout seuls. On a de mauvaises surprises. Ce que j’en dis. À croire qu’ils ont rien dans la tête, tu vois, et puis ils comprennent pas que c’est la montagne.
et puis ils comprennent pas comment c’est ici. »
À son tour Denis hocha la tête, il y pensait bien. Il répondait, c’était à la demande de Charles, son frère devait savoir mieux que lui, puis d’ajouter que le petit était futé, il le voyait chaque jour, « qu’est-ce qui peut arriver ? » Son ami grimaça, il laissait sa pipe fumer toute seule sans vouloir répondre, juste pour que l’autre enchaîne. Bien sûr, le chalet avait eu ses histoires, mais c’était passé.
« Tu comptes pas vendre ? »
« Bah. » Il laissa passer un temps. «
Note : Si vous vous référez au plan, vous comprendrez que le passage a été en grande partie improvisé - les dialogues surtout. Insatisfait, je le reprends du début. Second jet.
« Tu redescends enfin !
aussitôt le boulanger de se pencher pour lui donner une tape, et de reprendre. Ses phrases éclataient toujours un peu avant la fin
« Paraît que t’as de la famille au chalet.
aussitôt le boulanger de se pencher pour lui donner une tape, et de reprendre. Il s’exclamait toujours avant la fin de sa phrase, par retenue, pour la finir paisiblement.
« Paraît que t’as de la famille au chalet. Après tout faut bien que ça serve, tu me diras, mais bon moi à ta place je serais pas tranquille. »
« Allez va, qu’est-ce qui peut arriver ! »
Déjà il s’appuyait franchement sur le comptoir, son visage ridé par le temps, comme Denis était d’humeur à causer son ami jeta un œil autour d’eux avant de tirer la pipe, sans cacher sa satisfaction, il la bourra d’un doigt distrait. Ce n’était pas pour la fumer, l’habitude jouait qui lui faisait sortir sa pipe à chaque fois qu’ils passaient du temps ensemble. Tout de suite ils se mettaient d’accord, le temps se dégradait, la radio s’y accordait avec des histoires de large front, de quoi durer plusieurs jours ou éclater d’un coup, lui laissait entendre que c’était pour bientôt. Ils entrecoupaient leurs propos de souvenirs des années passées derrière lesquelles à chaque mot se cachait leur espièglerie.
derrière lesquelles se cachait à chaque mot leur espièglerie.
De temps en temps la main de son ami balançait, l’air de chasser ce qu’ils disaient sans empressement, ils sentaient chacun que le sujet leur brûlait les lèvres.
« Il est là-haut, tout seul ? »
« C’est le fils à Charles quand même ! Et il est grand ! Et je passe chaque jour le voir
Note : L'information donnée trop tôt démolit les prochains dialogues. D'où l'importance de planifier.
« C’est le fils à Charles quand même ! Tu le verrais sur les pentes ! Et puis malin, il te reconnaît direct ce qui compte ! »
« N’empêche, les gens d’en bas, ils comprennent rien à rien. »
« Ils ont pas l’habitude, c’est tout ! C’est un coup à prendre ! Et puis tu veux qu’il fasse quoi de faux, y a pas mille choses ! Le petit, il comprend, il va pas tout te chambouler. »
Tous deux changèrent de sujet, de se plaindre des promeneurs et de la mentalité d’en bas, puis les histoires et les ragots. Ils causaient sans conviction, pressés de revenir à leur discussion, chaque anecdote retardait d’un peu le propos, de très loin l’évoquait déjà. Au détour il revenait sur la mère de Renald, de se plaindre alors avec le plaisir de la victime, Clos connaissait l’affaire. Pas possible de voir Charles depuis le mariage.
Pas possible de voir Charles depuis qu’ils étaient ensemble. Même pour prendre des nouvelles de son fils elle se débrouillait pour appeler quand il n’était pas là, quand il rappelait personne ne prenait la peine de décrocher. Il laissait un message.
« Je croyais que tu passais ton temps chez toi ? »
« Mais là j’ai le petit au chalet, je passe chaque jour le voir, tu vois comment ! »
« Ah. » Son ami avait froncé les sourcils, par habitude il mit la pipe aux lèvres avant de la sentir éteinte, la retira l’air dégoûté. « Quand même, moi, à ta place, je serais pas tranquille. » Le chien en profita pour relever la tête, de grogner un peu sans raison, il se dressait et tirant sur la chaîne alla faire quelques pas jusqu’aux marches pour renifler avant de revenir à sa place. Denis hochait la tête du même air grave, puis tous deux de se détendre en parlant des alpages, d’une rencontre prochaine, quand il en aurait fini avec son cousin. Son neveu. C’était de penser à Charles, et ces histoires de terrain, qui l’avait trompé, en plus ils se comprenaient, il avait voulu dire, quand il en aurait fini avec ça.
« J’y pense ! J’oubliais ! Je venais te prendre des pains au miel, t’en as encore ? C’est pour le petit ! »
« À d’autres ! Tu ne seras pas sorti que je te verrai bâfrer. »
Avec la pince il tirait les petits pains fourrés, cinq, six, jusqu’à ce que le paquet soit plein et que d’un grand geste il lui montre ne pas pouvoir en rajouter, les deux sacs de papier finirent sous son bras, il ne cachait pas être pressé de les partager avec Renald. Une ombre passa sur son visage, d’ajouter que ça lui pesait, après dix ans il s’était fait des espoirs, le petit n’aimait pas sa présence. Son ami rejeta
Son ami lui rappela sa propre expérience, sans doute que le garçon l’aimait bien, au fond, il n’y avait pas de raison.
La clochette sonna deux fois à son départ, avant la seconde ils se répétaient encore de se revoir, un peu tout et n’importe quoi puis il enjambait l’assiette à côté du grillage. Le village lui apparut désert à l’approche du soir, plus paisible encore qu’en altitude, il jeta un œil aux nuages avant de hocher la tête, l’air pensif, un orage qui se préparait à coup sûr, et de rire au souvenir de la veste de pluie ridicule et des sandales, il remonta la rue d’un pas égal
et des sandales, depuis la boulangerie le chalet ne pouvait pas se voir, seulement le début des pics avant l’ondulation des alpages, la montagne de ce côté présentait une face beaucoup plus sereine.
Note : Un moment j'avais considéré changer le plan, déplacer la boulangerie au troisième jour avant de découvrir que cela aurait impliqué trop de changements. Il est au moins rassurant de voir que, même incomplet, le plan est cohérent.
La narration est par contre déficiente. Je n'arrive pas à faire tous les sous-entendus que je voudrais, je n'arrive pas à dire au lecteur de regarder derrière les rouages. Il devrait être évident pourtant à ce stade que Renald au chalet n'est pas seul, et que Denis devrait le savoir également.
J'aurais envie de développer ma pensée ici mais c'est le brouillon, je le ferai une fois le texte achevé.
(09 Mai 2011)
Rien ne se présentait devant ses jumelles que la nuit profonde, à présent que le soir était passé avec les dernières lueurs les montagnes redevenaient les silhouettes sur leur ciel encombré, à peine quelques astres perçaient par bandes dans le ciel où les nuages n’étaient pas venus rouler, il voyait mieux leurs strates que les sommets, le chalet avait disparu totalement.
Note : J'avais écrit sur l'instant : "Pourquoi le formuler comme ça ? Pourquoi dire ça ? Pourquoi insister sur les nuages ? Pourquoi parler du ciel ? Quel rapport avec l’histoire ? Quel rapport avec quoi que ce soit ? Que m’apporte ce paragraphe ? Qu’ajoute-t-il, mais enfin qu’ajoute-t-il !?!"
Il m'arrive de m'écrire à moi-même pour me clarifier ce qui m'empêche de continuer.
Sa main passait dans la barbe, en tirait le poil au hasard alors qu’il maugréait d’aller dormir ses yeux cillaient à peine, il cerclait le point où sa mémoire reconstituait l’angle des parois, l’ondulation des tôles d’un bout à l’autre, parfois allant plus bas se reconstituaient des mouvements bovins. Après quelques minutes systématiquement ses yeux bondissaient à l’horloge, sur les aiguilles de bronze, compter le temps qui restait à passer dans l’obscurité.
Vers la mi-hauteur le halo de la vallée s’étirait en une aurore sur le point de s’achever, presque rien à quoi se raccrocher qui le divertissait de son observation. Denis se recula, à côté de lui sur la table se trouvait le sac de papier avec les friandises, ces petits pains fourrés, de même que les traits du chalet semblaient lui apparaître il croyait sentir leur odeur. Alors ses mains s’agrippaient aux jumelles plus avant contre le dossier pour fouiller les pentes informes de la montagne, dans l’attente.
« Allez, je sais que tu es là. Montre-toi. De la lumière, une lueur, n’importe quoi. Si tu ne fais rien, comment saurais-je
De la lumière, une lueur, n’importe quoi. Que je puisse me coucher tranquille. Allume, et puis éteins. Non, laisse allumé. Ce qu’il est bête avec ses histoires. »
Ce qu’il est bête avec ses histoires, juste pour m’inquiéter. »
Sa respiration se ramassa en gros paquet dans ses poumons qu’il se retint d’expirer, quelques secondes tendu jusqu’à sentir que l’instant lui échappait, il soupira. L’air lourd du s
L’air lourd à la dernière heure du soir désormais
L’air lourd aux premières heures nocturnes empêchait les sons de s’étendre, moins d’insectes, les champs comme la maison emplis de la même chape le rendaient sourd à force de se tenir à la même place, chaque mouvement faisait siffler les pieds de la chaise sur le carrelage, il s’entendait murmurer sous barbe avant d’éclater plus haut, de se taire. Enfin une lumière s’aviva
Enfin une lumière brisa la distance, il retrouva le cadre de la porte dans son éclat cru, à rougir déjà, au même instant ses mains tremblèrent en se détendant, le poing retiré de son ventre le laissa respirer.
« Voilà, c’est bien. Il va laisser allumé, il va user ses piles, il doit lui en rester. Je lui en apporterai demain. Quand même, les bougies ce serait plus pratique, quoi. Et c’est pas le vent qui pourrait les souffler. »
Quand même, les bougies, ce serait plus pratique, quoi ! Et c’est pas le vent qui pourrait les souffler ! »
Voir la lumière trembloter là-bas, à deviner les grands coups que son neveu donnait dans le noir, Denis se laissa tirer en arrière pour cligner, détendre ses yeux comme son cou meurtris à force de veille. Un détail l’attira, à l’œil nu il pouvait le voir, la lumière s’amplifia ou bien se déformait dans le noir, aussitôt de l’observer dans les jumelles, par la porte ouverte le spectre de lumière se perdait dans les ténèbres.
« Mais qu’est-ce que t- qu’est-ce qu’il fait ? »
Le neveu n’était qu’une ombre déchirée par l’éclat de sa lampe, sans qu’elle soit puissante la noirceur alentours la rendait envahissante,
la rendait terrible, il la voyait se déplacer en de larges mouvements sur tout le relief alors que Renald
alors que le jeune homme s’avançait sur les silhouettes d’herbe, des pas lents superposés aux gestes secs pour fouiller les vastes étendues de l’alpage. Il se retournait encore pour éclairer la porte restée ouverte, une seconde, deux secondes, à la troisième son hésitation ne faisait
à la troisième l’oncle crut percevoir jusqu’au doute qui devait le tenailler, la lampe retraçait un parcours plus loin vers de rares taillis. Chaque pas l’éloignait un peu plus du chalet, les formes des murs, l’angle du toit se réduisaient avec lui plus vite encore absorbés par l’épaisseur de l’instant.
Quand il se rendit compte que son neveu se trouvait à avancer comme à tâtons parmi l’alpage, et sans but, de s’arrêter soudain le rayon de la torche balayant à grands coups avant de reprendre, son parcours décalé de quelques pas, l’oncle le crut devenu fou, il repensait à ce que Charles lui avait dit et la raison pour laquelle ils l’avaient envoyé, là-haut, son neveu avait failli s’engager sur la pente qui menait à la source, il remontait évitant l’arbre dont les branches aux lueurs crues se muaient en autant de corbeaux, l’idée lui vint qu’à se promener trop haut il risquait de tomber dans une des failles.
« Ma parole mais il se joue de moi ! D’abord des bêtes et maintenant une promenade ! Rentre. Mais rentre. Il n’y a rien dehors pour toi. Est-ce qu’il m’écoute, tiens ! Le petit ne peut pas s’empêcher de fureter, c’est comme ça, c’est de famille ! Vas-tu rentrer. Il y a des choses qui ne se font pas. »
Soudain ses mains tremblèrent plus fortement, de manquer laisser tomber ses jume
Note : Je tente constamment de dédramatiser la scène, même si à côté j'emploie des mécanismes assez grossiers...
de manquer glisser sur les jumelles il raffermit sa prise, sentit son propre silence lui peser à travers cet arrêt total, son neveu ne bougeait plus, Renald gardait le rai de lumière figé dans un coin de pénombre sans forme. Il ne comprenait pas, cette fois, il ne comprenait pas. Un second éclat apparut dans ses jumelles, aux pieds de son neveu, avant qu’il ne les jette.
La chaise était tombée alors qu’il reculait le regard en fièvre, l’impression à son tour d’être dehors dans l’alpage il cherchait au cadre de sa fenêtre un intrus ou par la porte sur le couloir ou dans les murs mêmes à chaque recoin de meuble, comme il se faisait la réflexion de sa panique la raison déjà lui échappait, une sensation horrible au ventre qui peinait à faiblir, il cherchait toujours sans plus savoir ce qu’il cherchait, se répéta qu’il n’y avait aucune raison de pani
aucune raison de se mettre dans un tel état, à voix haute, dans un tel état.
Il se jeta sur l’interrupteur, l’activait, la lumière l’éblouit perçant chaque angle du mobilier, il sentit son malaise qui baissait, passa dans le couloir activer les autres lampes, à toutes les pièces, une par une les parcourant pour s’assurer qu’elles restaient éclairées et de taper aux bords des fenêtres, d’appuyer sur la poignée de porte s’assurer que tout était fermé, il revint s’installer
et de taper aux bords des vitres, de presser sur la porte s’assurer que tout était fermé, il revint s’installer, accroupi, sous la fenêtre.
dos à la fenêtre.
(19 Mai 2011)
Note : En fait une partie a été écrite le 19 au soir jusqu'à "reprendre sa marche", la seconde partie le 20 au matin.
Cela ne se voit pas encore mais le plan a été légèrement modifié pour s'assurer qu'il y aurait suffisamment d'événements pour tenir cinq pages. D'où d'ailleurs savoir s'il me fallait éclipser le portail ou en parler, avec le résultat suivant.
Dans le matin les montagnes couvertes encore par les nuées d’ombres s’alourdissaient aux masses roulantes sur leurs crêtes d’épais paquets gris de poivre, les rares trouées jetaient des faisceaux de lumière aux coins du vallon puis s’épuisaient dans le lent mouvement des masses, abandonnaient les prés d’herbes à la fraîcheur
les prés d’herbes à la moiteur ambiante parsemée de rafales sèches
les prés d’herbes à la moiteur ambiante parsemée de rafales au sein du calme et de la pesanteur. Sans la parure de l’astre les alpages se découvraient affadis, à peine moins ternes que les falaises le long du relief les pentes laissaient battre leurs brins sous la plaque des silhouettes couvrant le ciel, une pénombre brisée seulement aux sommets, partout ailleurs les mêmes teintes désenchantées couvraient ces flancs ouverts à l’orage. À certains moments comme répercutés pouvaient s’entendre des grondements indistincts, l’odeur de la bruine à venir flottait dans l’air toujours plus forte mêlée à une rosée qui ne partait pas, dans les hauteurs, à la sueur des roches.
Il se reprenait passé l’abri du même pas poussait en avant au moment où il aurait voulu souffler, les bottes battaient dans la terre des chemins devenue collante. Son sac tirait aux épaules au lieu du dos, la faute à une charge mal répartie, les bretelles à force de frotter lui donnaient l’impression de le brûler. Sur son front les vieux cheveux se défaisaient, de petites touffes hasardées par-dessus les plis de son front qu’il cherchait à chasser de la main, avec le pouce, en même temps le faible ru salin.
« Ça sert à rien, ça sert à rien de monter ! Je vais juste le déranger ! » Disait-il entre deux souffles lorsque sa foulée se calmait, au moment où le sentier cessait sa montée plane pour un instant d’égarement parmi l’immensité des prairies. « Et puis j’ai à faire en bas ! Et puis ça peut barder d’un moment à l’autre, et violent !
Note : Ai-je dit que je n'aimais pas les dialogues ? Les plus vivants sont aussi souvent les plus vides...
l’immensité des prairies. « Cette idée, cette idée bête, comme s’il pouvait rien arriver ! L’orage, ça oui, il peut barder à tout moment ! Et puis qu’est-ce qu’il a besoin ? Des piles, bon, mais encore ? Pas de quoi cravacher des heures en montagne ! » Il se tut en tapotant sa poche où les piles reposaient, le reste du sac flottant encombré de presque rien.
Plus loin la roche prenait le pas, un temps où il dut prendre appui pour gravir jusqu’à d’autres replats courbés d’herbages, avec leurs quelques buttes, il regardait peser dessus les ombres qui retiraient la montagne aux couleurs et au temps, un panorama impersonnel fait de bleu-gris coupé par les quelques bois de conifères laissés pour compte dans le vallon.
« Quand même, c’est là qu’elle est la plus vraie, la montagne ! Juste avant que ça éclate, ça respire ! Le troupeau aimait ça, nous aussi, quand les nuages couvraient tout le versant. Tu te souviens ? Des broutilles, des enfantillages, c’est plus de mon âge tout ça ! Allez, je ferais aussi bien de rentrer, il demande pas mieux, est-ce qu’il m’attend seulement ? Hein ? » De s’arrêter soudain. « Non ! Non non non ! Je n’ai pas pu oublier ça ! »
Comme son arrêt durait ses jambes marquèrent tout l’effort, il se sentit chanceler, fit encore quelques pas pour s’asseoir près des pierres ouvrir son sac, le fouiller, il se mordit la lèvre. Le sac de petits pains fourrés était resté en bas, au moment de partir il avait dû les oublier, combien de fois il s’était répété de les prendre, la pensée l’étourdissait. Il se leva, fit quelques pas pour souffler toujours à voix haute se traiter d’une poignée de noms, revint au sac pour se décider, regarda le sentier parcouru. De l’autre côté le portail n’était qu’à une quinzaine de minutes, il voyait le portrait de rocailles se dessiner au loin, avec un dernier regard plus long Denis reprit son sac, serra les bandoulières avant de reprendre sa marche.
Sur la pente le sentier déjà raide crochait aux pierres, les plus petits cailloux collaient aux semelles, il les entendait rouler dans sa foulée et sur la paume de ses mains en appui qui le tiraient, la montée l’épuisait,
Note : J'étais parti dans l'optique d'écrire pour écrire, avant de découvrir que c'était du remplissage. Du coup je recommence, en motivant un peu plus mes descriptions. "La montée l'épuisait", sans rire...
reprendre sa marche.
Plusieurs grondements se succédèrent sur la pente alors qu’il la gravissait plus raide, ses mains pressées sur les arêtes des roches il pouvait sentir l’épuisement de son corps à chaque enjambée la montée puiser dans ses forces, alors il pressait en avant ses yeux guettant parmi les
en avant aux aguets parmi les repères du vieux portail de fer plus haut, ses semelles dérapèrent à l’effort les petits cailloux allèrent rouler derrière lui jusqu’en bas. Une trouée des nuages passa sur lui, les rais de lumière firent miroiter la surface humide des pierres autour ainsi que la végétation, sur les feuilles et les minces branches comme d’infimes perles, il atteignit le battant avant que les ombres ne reviennent, découvrit devant lui un déchirement de silhouettes sur le relief. Denis s’avança, quelques pas toujours fixé sur les lames plus sombres entre celles plus claires, tandis que celles-ci s’évanouissaient, il se tourna pour fermer le portail, le temps de le faire ce coin de montagne avait retrouvé la torpeur pesante du jour.
«
Note : Non seulement la description est incompréhensible pour le lecteur mais elle est surtout étrangère au récit - une sorte de topos de l'eau en perle. J'ai donc repris les deux dernières phrases.
La troisième phrase ajoutée plus loin devait faire écho à la marche rapide de Denis et son souhait de s'arrêter au portail, mais comme je l'avais abandonné avant, je l'ai abandonné ici.
Puis la surface des pierres se mit à miroiter, il remarqua la trouée sur lui dont les rais allaient balayer ce coin de montagne, faire étinceler l’humidité, à mesure qu’ils se déplaçaient les rayons de soleil traçaient des lames claires parmi les aires plus sombres des roches, un déchirement de silhouettes. Il atteignait le portail, le temps de le refermer la trouée s’était évanouie, devant lui s’ouvraient les hauteurs dans leur torpeur pesante. Un froid vif l’empêcha de s’arrêter, sa peau un instant réchauffée retrouvait
torpeur pesante.
« Voilà. J’y suis. » Il regardait par-dessus les roches les deux replats
Note : On passe toujours par le regard, j'élimine beaucoup de "yeux", "regard", "voyait" et ainsi de suite. Aussi, le dialogue ici m'a posé difficulté, d'autant que rien d'autre dans le texte ne laissera entendre l'anxiété de Denis.
Il devinait par-dessus les roches les deux replats d’alpage derrière lesquels se cachait le chalet. « Tout est normal, je peux repartir. Tout est tranquille. Comme toujours ! Comme toujours. C’est pas possible, mon neveu me fait peur ! Et puis quoi ! Si ça se trouve il sera content de me voir, tiens, à force la solitude doit le rendre fou ! Nous, on y est habitués mais ceux d’en bas ? Mais le fils à Charles ? Allez, il voudra probablement redescendre, on sera loin avant qu’il pleuve ! »
Sa main tenait encore la barre rouillée, le battant bloqué grinçait sous son poids. Un autre grondement lointain le poussa à lâcher, alors il reprit
alors il s’engagea au long du chemin entre les roches encaissées d’où les autres flancs de montagnes se présentaient également couverts, le ciel également noirci de roulements. À la senteur de bruine s’ajoutait celle des taillis plats, plus forte, une odeur de feuilles mortes macérées longuement. Enfin l’alpage s’ouvrit devant lui, au premier replat les fleurs rendaient quelques couleurs à la montagne, au loin se découpaient les sommets encombrés dont les ombres effaçaient quelques détails, Denis les observa surplomber le val de leurs traits à mesure qu’il avançait, presser l’orage à leurs flancs.
Il s’était attendu à entendre les cloches de bronze, seuls quelques coups lointains pouvaient y ressembler, au second replat le troupeau manquait délaissant les touffes d’herbes par poignées auprès des creux de terre que les sabots avaient piétinés. Aucune bête n’était restée
avaient piétinés. Il les appela, à mes
Il les appela, comme il avançait les cloches lui répondirent toujours plus hautes, des coups brefs que l’air lourd atténuait, l’alpage s’ouvrait désert aussi loin qu’il pouvait voir. Lorsque le toit du chalet apparut alors il vit les premières bêtes debout ou couchées presque contre la bâtisse, aux abords, qui fouillaient dans le peu d’espace occupé tout ce qu’elles pouvaient prendre. L’une piétinait dans la terre molle à l’ouverture sous le chalet, la tête tournée fouettant pour chasser les mouches,
Note : C'est bête à dire mais je m'interdis le mot "mouches".
fouettant pour chasser les insectes, regarda Denis approcher. Il les grondait déjà, à voix haute, leur disait de redescendre, lui aussi sentait la tempête les pousser.
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- Mr. Petch
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Des observations purement techniques d'abord :
- sobriété de l'intrigue telle que décrite dans le "résumé" : "un jeune homme dans un chalet". ..
- sur le développement étape par étape, il y a une façon de penser le texte qui m'intéresse : tu ne penses pas le texte par action, mais par mots, par exemple :
En devient à la fois très énigmatique, et pourtant compréhensible. Chaque mot est chargé d'une partie du déroulement de l'intrigue. C'est une façon de penser l'intrigue qui est très symbolique et qui attribue au mot une fonction non plus seulement grammaticale et sémantique, mais qui le charge de connotations et de porter l'intrigue. Je ne t'apprends rien à toi, évidemment, mais ça m'intéressait de souligner ça, d'autant plus qu'il y a récurrence d'un texte à l'autre des mêmes mots chargés des mêmes affects (le plus évident étant le renard, qui charrie tout un imaginaire et un tissu de référence, mais pas seulement). La meilleure traduction de cela est dans le titre "Distant", qui n'a aucune intention déclarative (comme pourrait l'être un titre du type "Renald et le renard" qui indiquerait au lecteur, d'une façon très didactique, le noeud de l'intrigue), mais qui est le résumé du sentiment que doit dégager l'histoire :"5. Ellipse au soir, inquiétudes et jumelles, promesses du lendemain (lumière de la torche)."
."toute la tension repose sur la distance"
On le sait, le genre "fantastique" est surement celui qui est le moins bien codifié. Chacun en aura sa propre interprétation, selon qu'il est fan de H.P. Lovecraft ou de Théophile Gauthier, de Stephen King ou de Dino Buzzati, Robert Stevenson ou José-Luis Borges. Sans oublier la fréquente confusion fantastique/fantasy. Donc j'ai essayé de voir ici quels étaient tes repères dans cette appropriation du genre. J'ai relevé une phrase :
, qui reste vague mais qui tendrait vers une interprétation du fantastique comme découverte progressive d'une anomalie (d'un "danger"), trait en effet commun aux auteurs cités plus haut, le mot clé étant "se profile", puisque ce qui compte est la progression fantastique."D’une part savoir, par le genre, le danger qui se profile."
Mais mieux encore :
. Ici, tu flirtes avec la frontière que l'on trace habituellement entre fantastique et fantasy en suggérant que, dans le fantastique, il y a rupture avec la réalité par l'étrangeté, alors que dans la fantasy, on décrit une réalité étrange qui est normalité dans l'économie du récit. Ici, tu décris comme le passage d'une codification (l'étrangeté est source de frayeur) à une autre codification (l'étrangeté n'est qu'une autre façon d'interpréter le monde). Cette interprétation du fantastique me semble presque mystique."l’idée de règles loin des lois sociales, loin des lois naturelles, l’idée d’une justice différente, unique. Le rituel représente cette autre façon de voir"
Dernière remarque sur ce point :
. J'en déduis que ce qui t'intéresse dans le fantastique, c'est la manière dont, par le mot et le récit, l'auteur oblige le lecteur à se refugier dans ses conventions pour mieux les démonter. Le fantastique comme manipulation du lecteur. Le mot-clé étant ici "non-dit", et c'est une préoccupation que j'ai souvent en écrivant, moi aussi : comment introduire implicitement dans l'esprit du lecteur des idées sans les écrire explicitement ? Le fantastique pose ce défi de provoquer l'emballement de l'imaginaire du lecteur sans qu'il ne s'en rende compte."Je veux jouer absolument sur la distance, sur le non-dit, sur ce que les conventions impliquent inéluctablement :"
Justement, pour en venir au contenu, : le rapport implicite/explicite me semble essentiel ici, tout au long du récit : que savent les personnages, que sait le lecteur ?
**
J'en viens maintenant sur quelques problèmes que tu as rencontré, pour donner mon avis :
Brouillon 1 (23 mars)
Là, je dirais que ce blocage se ressent dans ta façon de répéter sans cesse "renfermé" comm un mantra qui expliquerait tout mais sans suffire. Peut-être insister en quelque phrases sur les liens entre Denis et son neveu. En ce sens, le paragraphe qui suit "Après deux ans de silence..." ne me semble pas avoir une très grande justification. Il éloigne trop du chalet, qui doit rester central : il est important que le lecteur ne sorte pas d'un huis-clos."Note : Le texte bloque parce qu'il me faut justifier l'envoi de Renald au chalet, et je ne trouve pas comment le formuler."
Je préfère aussi "l'enchaînement", qui a le mérite de suggérer le transport de Renald en même temps que les lampadaires."Note : "l'enchaînement" des lampadaires..."
Brouillon 2 (24 mars)
Donc tu fais le choix des souvenirs d'enfance dès le départ. Je dois dire que j'aimais bien la phrase abrupte "Son neveu était renfermé", justement par son côté très explicite et parce qu'il semble que tout découle d'elle.
"Note : Tous les dialogues me paraissent théâtraux, je bloque donc sur ce qu'il pourrait dire.
À noter ce qui a été maintenu ou changé, notamment "terrer" pour "jeter"."
Les dialogues sont souvent, par leur théâtralité, un enjeu important chez toi. Ici, j'aurais tendance à ne pas en mettre si haut dans le récit. Attendre un peu. Jouer encore sur la solitude et le renfermé en gardant le discours indirect.
Brouillon 3 (6 avril)
Les dialogues donc. Tu introduis les dialogues ici, mais ils ne sont pas aussi "théâtraux", justement, que tes dialogues habituels. Ils sont plus naturels, dans un certain sens. Autre choix qui me semble pertinent : tu ne fais parler que Denis. Les autres restent muets. L'isolement est respecté. Ça vaut pour la suite des dialogues, d'ailleurs, qui me semblent relativement naturels et en cela intéressant. En revanche, ils ancrent définitivement le lecteur dans la tête de Denis : est-ce ce que tu souhaitais précisément ?
Brouillon 4 (14 avril)
Il m'aurait paru plus logique, pour la transition, d'insister d'abord sur le parcours de Renald entre les arbres, que Denis suivrait du regard, quitte à ramener avant la préparation du thé Denis qui regarde son neveu."Note : Nouvelle hésitation parce que la séparation des deux personnages n'était pas planifiée - mais riche d'intérêt, donc exploitée. Je ne savais pas comment enchaîner, parce que le paragraphe pour préparer le thé est assez peu motivé - sans le pain, il était inutile (même si réaliste)."
Plusieurs choses :"Note : Fin des trois premières pages et transition vers la nuit. Le regard inquisiteur (mais pas assez "fureteur", peut-être une évolution à construire ici) de l'enfant est sans doute le seul élément fantastique actuellement. L'insistance sur l'assiette doit paraître trop forcé et manquant d'intérêt, et l'arbre tombe vraiment de nulle part - d'autant qu'il n'a pour ainsi dire pas d'importance, il s'agissait juste d'évoquer la "fosse" comme terrier."
- l'insistance sur l'assiette paraît en effet artificielle. Pourquoi ne pas imaginer, par exemple, que Renald trébuche dessus avec ses chaussures pas faites pour la montagne ? Une façon d'attirer l'attention vers l'assiette d'abord comme révélateur d'une inadaptation momentanée, alors qu'elle deviendra centrale plus tard, pour tout autre chose. Ce n'est qu'une suggestion.
- l'arbre ne me paraît pas tomber de nulle part et, mieux exploité, il pourrait permettre d'insister justement sur ce côté "fureteur" du neveu. Ici, Denis trouve normal l'intérêt de Renald pour l'arbre. Ne peut-on pas imaginer qu'au contraire, il y voit déjà un signe d'étrangeté, de curiosité trop remplie ? Mais oui, essayer de développer la curiosité de Renald serait une bonne idée pour le fantastique, quitte à en profiter pour lancer des "fausses pistes".
Brouillon 5 (3 mai):
"Note : La transition m'a posé problème, avec l'idée que le lecteur allait quitter Denis en plein dialogue et se retrouver soudain de nuit. Qui plus est je voulais absolument un paragraphe entier sans mention de Denis en observation, uniquement la description de la nuit et du chalet. Entre autres."
Autant je trouve que l'idée d'un passage avec la description de la nuit est une bonne idée, autant j'ai du mal à comprendre le jeu d'allitération qui ne me semble pas à sa place, du moins pas de façon aussi insistante. Bon. Mais enfin tu sembles l'abandonner. Et le paragraphe que tu réalises finalement en transition exploite pas mal le rythme de phrases en désordre. Je dis pas mal car il me semble qu'à ce stade du récit, c'est un peu prématuré de décrire la nuit avec autant de désordre... Elle ne fait pas encore peur, à ce niveau du récit, non ?
"Note : Les deux paragraphes qui suivent ont été détachés et réécrits. On notera notamment le refus de la "force invincible", pourtant naturel en fantastique."
Le passage pose la question de jusqu'à quel point influencer le lecteur en fantastique ? Le refus de la "force invisible" est une bonne idée : et déjà, l'inquiétude croissante de Denis est par moment un peu trop artificielle. On ne comprend pas vraiment : quels dangers y a-t-il ? Est-ce que le jeu de lumière, que tu utilises ici, ne lui rappelle pas les soirées passées avec ses frères, d'où son attention ? Ce n'est pas suffisamment clair ici...
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- Vuld Edone
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Le texte ne peut pas faire peur. Pour faire peur il faudrait être à la place de Renald et j'ai souvent pensé que, Distant fini, il faudrait le réécrire de ce point de vue pour montrer justement à quel point on était distant du récit même.
La nuit n'est pas vraiment conçue pour faire peur au lecteur. Elle est conçue pour faire peur à Denis. Et c'est là une seconde distance, de Denis à lui-même car il ne comprend pas sa propre peur, et de Denis au lecteur qui se découvre distant du personnage qu'il croyait familier. Si quelque chose doit faire peur, c'est... disons-le simplement... le déni de Denis.
La mise à distance se fait partout ou, correction, la mise à distance devrait se faire partout.
En abordant l'assiette, je crois m'être dit la première fois que le lecteur n'allait pas la remarquer. Je pense que j'ai plus ou moins paniqué, au souvenir de mes précédents textes où le lecteur loupait systématiquement les détails importants, et j'ai forcé sur celui-ci de façon absurde.
Je ne sais plus si dans le brouillon cela apparaît mais, en sortant de la boulangerie, Denis devait regarder la rue où, à chaque porte, il y avait une assiette. Avec du recul je n'aurais pas dû forcer, vu que l'assiette revient naturellement partout, j'aurais pu à chaque fois passer dessus comme un banal objet de décor.
C'est quelque chose qui manque dans la conception du texte, savoir si j'allais tout traiter de façon banale ou au contraire tout chercher à rendre mystérieux... le mélange final n'est pas convainquant, et ce peut être un facteur qui a mis fin à l'écriture.
Avec énormément de recul je me demande si je n'aurais pas dû dire dès le départ "Denis sait ce qui va se passer mais refuse de le voir", qui n'est même pas pour moi l'enjeu du texte. L'enjeu, c'est cette possibilité de construire une logique différente, de penser différemment pour saisir ce qui se passe et franchir la distance.
Ce qui manque alors, ce serait des encouragements au lecteur à le faire... mais comment encourager quelqu'un à réfléchir dans un texte divertissant, quand on ne veut l'obliger à rien...
La seule chose qui pouvait pousser le lecteur à réfléchir, c'était la mise à distance de Denis, et c'est quelque chose que j'ai oublié de faire.
...
Je me suis arrêté au moment où Renald, entendant son oncle venir, va faire la mise en scène de placer du pain sur l'assiette, pour lui montrer "qu'il a compris". Je sais même l'ordre des séquences, d'abord ses gestes, puis l'expression sur le visage de Renald, puis la réaction de Denis.
Pourquoi ai-je pensé, à ce point précis du texte, que cela ne menait nulle part ?
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