file Le garçon de la plage reloaded

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il y a 13 ans 3 mois - il y a 13 ans 3 mois #17463 par Mr. Petch
Le garçon de la plage reloaded a été créé par Mr. Petch
Suite à la discussion engagée dans le sujet dédié : Le garçon de la plage - commentaires , je vais tenter de retravailler le Fragment d'Apocalypse en question en prenant en compte les remarques de Feurnard et Zara.
Et comme cet été semble être sur les Chroniques plus actif que prévu, je m'en vais vous présenter ma démarche de réécriture. Bien sûr, les commentaires sont les bienvenus et même souhaités.

***

Je reprends d'abord les remarques qui m'avaient été formulées sur Le garçon de la plage pour ceux qui n'auraient pas lu la discussion. L'avis général était que le texte était raté (i.e. l'intention était bonne, mais il manquait beaucoup pour qu'il soit réussi). En gros, Zara et Feurnard m'ont adressé plusieurs types de remarques :

1. Problème du rapport entre le narrateur 1 (commentateur) et le narrateur 2 (le garçon de la plage). Le texte était ainsi fait qu'il alternait deux voix : un narrateur qui raconte son expérience et ses actions et un commentateur qui commente les actions en question à l'adresse du lecteur. Or, le problème était que les deux voix n'étaient pas assez différenciées et que la chute finale (qui révèle que le narrateur 1 est la même personne que le narrateur 2 était un peu artificielle.

2. Problème de cohérence dans les descriptions de la mer et de la montagne. Les descriptions ne font pas assez vivre les deux lieux (qui s'opposent dans le texte) et sont trop brouillonnes car d'autres lieux interviennent qui ne trouvent pas leur place (la ville, la voiture, le lac). D'autre part, la symbolique de la mer (comme vision de l'infini), manquait d'originalité dans son traitement et le choix des mots.

3. Une scène essentielle mal traitée : la mort de la mère du héros dans une violente fusillade, revécue en flash-back, était mal amenée et apparaissait comme profondément artificielle : pas de suspens qui permet au lecteur de ressentir de l'émotion en la lisant, alors même qu'elle est censée expliquer l'évolution psychologique du personnage.

4. J'avais choisi d'introduire des animaux parlants, mais cette étrangeté posait problème car les animaux en question faisait plus penser à des personnages de Disney qu'à des représentants des forces naturelles.

5. Le style poétique et grandiloquent choisi manquait parfois de recul et tendait à l'abstraction, problématique dans certains cas.

6. problème le plus flagrant : le texte ne proposait pas d'enjeu clair. En gros, rien ne venait justifier les actions et les paroles des deux narrateurs et le lecteur avait du mal à voir où en venait le texte, entre un exercice contemplatif gratuit et le récit d'un personnage dans l'Apocalypse. Le "sujet" était mal identifié.

Je reprendrais plus tard les idées que j'ai eu pour pallier à ces problèmes, puis viendra ma tentative de réécriture.

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il y a 13 ans 3 mois #17465 par Mr. Petch
Réponse de Mr. Petch sur le sujet Re:Le garçon de la plage reloaded
Voici maintenant les directions que je vais prendre pour tenter d'améliorer tout ça :

1. L'idée est de rendre plus lisible le partage des tâches entre les deux narrateurs : le narrateur-acteur est là pour exprimer et ressentir / le narrateur-commentateur est là pour expliquer. Je vais tenter de conserver cette logique là ; notamment, le narrateur-commentateur peut servir à commenter la "poésie" du narrateur-acteur. D'autre part, la gestion du tutoiement n'était pas très clair, et je vais tenter de la rendre significative afin de bien marquer les deux parties du texte (voir plus bas).
En revanche, pour ce qui concerne la chute, je suis un peu dans le flou. Je verrais ce qui passe le mieux dans le fil de l'écriture.

2. Ce problème peut être résolu par un simple exercice d'attention. En fait, les descriptions vont me servir à découper le texte en deux parties : dans la partie 1, l'opposition mer = Bien, montagne = Mal sera très nette. La seconde partie est celle de l'apaisement et me permettra d'utiliser des termes ambigus déjà pointés (pins maritimes, falaises, etc.) dans une connotation positive. Dans la première partie, il faut que j'essaye de caractériser la mer et la montagne par quelques traits significatifs et récurrents. Le plus dur, et je ne sais si j'en suis capable, est d'éviter l'écueil des clichés.
Et dans les descriptions, pur éviter que l'opposition mer/montagne soit contaminée par la présence de la ville, je supprime les allusions à cette dernière.

3. La scène de la mort de la mère et de la fusillade est retravaillée de deux manières : elle est préparée en amont (par des allusions), elle gagne en intensité. A voir. Là, je ne suis pas très sûr de moi. Mais cette scène doit rester essentielle et centrale comme moment de la métamorphose du garçon de la plage : elle est située au milieu des deux parties.

4. Les animaux : le jeu sur les deux parties va me permettre de mieux gérer l'étrangeté animale, puisqu'ils n'interviendront que dans une deuxième partie. Il s'agira de les rendre plus majestueux et impressionnant qu'ils ne sont maintenant, peut-être en jouant sur les symboles que peut expliquer le narrateur-commentateur.

5. Pour la grandiloquence du style, je pense essayer de jouer sur les deux narrateurs, le narrateur-commentateur permettant d'apporter un second degré de lecture utile, un recul par rapport au style. Mais c'est là où je vais avoir le plus de mal.

6. Enfin, l'enjeu. Ici, rendre plus clair la direction que prend le texte : décrire la métamorphose du héros en "le garçon de la plage", un être immanent et hors du temps, maître d'un univers fantastique

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il y a 13 ans 3 mois - il y a 13 ans 3 mois #17466 par Mr. Petch
Réponse de Mr. Petch sur le sujet Re:Le garçon de la plage reloaded
Bon... bah comme on dit, y a plus qu'à...

Voilà la réécriture de la première partie du texte (avant la mort de la mère). Vous remarquerez que j'ai gardé certains passages et réécris de larges pans. Si cela vous intéresse, je peux expliquer plus en détail certains choix.

**

Quand il était petit – c'était avant l'Apocalypse – ses parents l'avaient emmené voir la mer, depuis le haut des falaises et jusqu'en bas, dans la crique qui formait son croissant. Il n'en avait pas mémoire, car les souvenirs trop lointains n'ont plus aucun sens arrivé à l'âge où la réalité s'enfonce en soi ; et, pourtant quelques échos percèrent lorsque vinrent les bourrasques de l'Apocalypse et qu'ils durent tous quitter la mer qui grondait pour les creux entre les montagnes. Ce n'était que des semailles dans un petit corps, mais les racines étaient profondes et il en fallut peu pour que remonte, un jour, porté par la même houle qui l'avait fait naître, le passé, et la mer.
Il en fallut peu ou beaucoup pour qu'il devienne le fils du sable, le garçon de la plage, l'enfant de la mer et des rochers. Peu car, à l'échelle de tout un cosmos, qui peut dire ce que nous valons, et ce que valent nos résurgences et nos inconstances ? Mais beaucoup, quand même, avouons-le. Et racontons-le. Ou laissons-le nous raconter.

La mer se dépose sur le sable au rythme d'un battement de coeur. Je la regarde, s'éloigner, puis revenir et hésiter, et s'éloigner, à nouveau, lentement. L'écume est maintenant très loin mais la distance n'est rien quand le temps s'agrandit. Je veux rester là et ne plus bouger, jamais. La mer est si belle et, les vagues, allant et venant, comblent ma mémoire mise à mal. Il fait froid, je me souviens. Il fait froid mais j'ai insisté pour rester jusqu'au coucher du soleil alors que dans la voiture s'impatientent mon père et ma soeur. Il me faut voir cette plage jusqu'au bout de ce qu'elle peut m'apporter, jusqu'au moindre grain qui rougit et s'étend, dans l'eau aux teintes brunes, quand le soir vient et s'impatiente la nuit. Que me reste-t-il d'autre à partager ? L'eau coulant, en ruisseaux minuscules sur le sable trop souple. Les oiseaux qui hurlent. Le vent, très doux le vent, mais froid comme en hiver, qui ne me fait que prendre plus de plaisir encore en portant la voix de ma mère qui murmure l'histoire de la mer et du sable. Une histoire ancienne, très ancienne, qui me revient encore par bribes. Mais qui n'est pas la mienne et ne détourne pas le rythme lent et beau des vagues et de l'écume. Je m'assieds d'abord, sur un monceau d'algues formant coussin. La marée les a délicatement apportées sur la rive, naviguant à la vitesse apaisée qui est celle des immortels, qui n'ont de chemin à parcourir que par habitude, et jamais par contrainte comme il arrive à d'autres errants, sur des routes moins propices, le long de chemin en lacet moins accueillants, entre les pics ardents d'abris, trompeurs par leur hostilité et le danger en eux recélé. Ici je ferme les yeux aux voix qui s'entremêlent au temps qui se suspend et s'amorce simplement, à la voix de ma mère servant d'amarre sans jamais se rompre. La mer est venue ici il y a longtemps, et dans longtemps elle s'en ira non sans avoir laissé aux êtres son empreinte profonde qui n'est pour elle que quelques secondes de vie ; et celle qu'elle laisse en moi est du passé d'avant, et mêle à la brise l'écho maternel. Je m'y allonge, sur le sable doré ; je m'y enfonce presque dans cette couche douillette propre à me reposer des menaces, de l'ère de menaces dont je m'échappe enfin. Elles sont loin ; elle les a emportées, par-delà les rivages qu'elle sait traverser tant son empire est vaste. Ici l'eau me caresse, et apaise mes blessures. Je ne sais plus l'avant de l'après.
Le deuxième jour s'annonça d'abord comme le frère du premier. Il y eut les battements de la mer sur le sable, dégagée en filets sinueux, comme des ombres ou comme des montagnes, imprimées à l'envers. Les souvenirs qui se brassèrent alors au plus profond de mon inconscient étaient bien plus flous que les précédents, bien qu'infiniment plus proches, et aussi plus violents. Des tremblements. Des bourrasques des cris. Ou bien étaient-ils réellement si proches, ou bien, le passé, cette chose morte, me jouait-il des tours ? Je m'y arrêtai quelques heures, essayant de trouver un ordre dans le chaos, mais toujours revenaient des interférences. Alors il me fallut replonger mon regard dans l'oubli d'infini porté au-delà de l'horizon de la ligne des eaux. Il me revint parfois des idées de montagnes, gigantesques, périlleuses, tonitruantes même, du haut de leur front de géants ; mais les vagues gentilles les érodent à mesure que passe un temps, que je ne sais plus compter. Il me revint parfois des altitudes étourdissantes, vertigineux à-pics sans fond du haut jusqu'aux entrailles ; mais la mer tantôt bouche les abîmes, tantôt lissent les cimes qui la défie, témérairement. Il me revint encore des éboulis de neige et de gravats le long de pentes abruptes, réduisant tous les arbres et tous les hommes, et répandant leur sève vitale en bas, dans la vallée ; mais la mer ralentit tout, de son tempo brisé qui s'équilibre seul au rythme de marées attendues, sans tempête.
Encore une fois les galets domptés réduits en sable fin.
Encore une fois le doux vent de la baie orné d'un collier de bruine.
Encore une fois la mer à mes pieds.


Mais ce n'est pas par le sable fin que lui reviendront les étapes qui le conduisirent à désirer ainsi la paix dans l'eau ; pour comprendre le garçon de la plage, il me faut reprendre la parole et tisser des fils que lui ne demande qu'à noyer dans l'oubli que lui offre la douceur soyeuses des grains entre ses doigts. Comment lui reprocher ? Aidons-le.
Après l'Apocalypse, ils quittèrent les côtes où l'on ne pouvait vivre, sans confiance, et dans la peur. Lui d'abord oublia qu'il avait vu la mer, car il était trop peu formé en âge pour n'en garder rien d'autre qu'une surface, et quelques grains qui ne germent qu'à présent, à l'aube du deuxième jour, au retour au domaine. Alors les rochers prirent le dessus et, bientôt, aux vagues souples se substituèrent les crêtes rompues des montagnes et les bourrasques de leurs dessins schisteux. Les routes se faisaient bossues et périlleuses. Derrière les vitres arrières de la voiture de ses parents, l'écume était de neige. Elle laissait une trace moins éphémère, plus dense, qui ne lui plut qu'à moitié ; et le froid qu'elle dégageait n'était pas celui du vent, qui caresse, mais celui du serpent, qui mord. Coincé sur le siège entre le dépît boudeur de sa grande soeur et l'abnégation naïve de la cadette tout à ses jeux, il ne recueillit de cet exil rocheux que des impressions floues, boueuses, grainetées de tâches sans vie. Pourtant, ce qu'il voyait alors, sans y prêter attention car se mêlait à l'ascension des cols des mouvements anciens de marées, allait devenir son seul paysage pour plusieurs années. L'eau allait être enfouie sous des tonnes de pierre, encerclée par des légions de cailloux qui transformeraient son rythme paisible en une cadence sauvage enfermée dans les ravines, se débattant sans fin au milieu de crêtes acides coupantes aux doigts, à la recherche de l'échappée salvatrice dans la mer, trop lointaine encore.
Ainsi le caractère du garçon de la plage devint rèche, prompt aux crises, aux cris et aux pleurs. Lui-même tentait de vaincre sans y parvenir les sommets les plus hauts, mais tout le temps l'harassait la fatigue et la nécessité d'une tranquillité plus vaste et sage. Dans son imaginaire qui ressassait inconsciemment le souvenir d'une eau à la fois plus libre et plus paisible dans sa liberté, il ne voyait pas qu'il y avait dans la physionomie minérale de ce refuge trompeur, vers lequel l'avait conduit la voiture, une analogie avec sa propre situation. Lui-même arraché au sable, il ne pouvait atteindre la tranquillité de l'âme ainsi contraint dans une prison de roches. Dans les montagnes, à mesure qu'il grandissait sur la terre dévastée naquit en lui le sentiment de l'injustice, mais sans que se dégage une voie libératrice. De la souffrance de ses parents arrachés à leur vie d'avant, il ne retint que leur résignation face à l'Apocalypse. Elle lui paraissait plus qu'absurde, à lui qui n'avait pas vécu en propre l'évènement destructeur, mais qui conservait à l'état de fragments des souvenirs. Or, les souvenirs sont ainsi faits qu'ils restent enfouis jusqu'à ce qu'un déclic vienne les abreuver. Ce déclic se produira au matin rouge du lac, après que d'autres dangers aient contraints la famille à reprendre la route en sens inverse, à dos des montagnes ; mais nous n'y sommes pas encore revenus, comme il s'attarde à apprécier encore une nostalgie bien plus lointaine qui n'a plus vraiment corps dans ce monde, dans laquelle il puise une force régénératrice. La caresse du vent froid sur le sable. La plage et ses doux embranchements d'eau. La mer.

Le troisième jour, je m'amusai à bâtir une cabane sur le sable faite de branches des bouleaux soldies puisant leur force dans l'eau salée, et du feuillage de quelques vastes palmiers, dont le nom ne me revint que par miracle, car jamais je n'ai vu ces arbres majestueux qui semblent comme éclore de la vie des dunes. Quelques oyats masquèrent, en signe de bienvenu, l'entrée de ma nouvelle demeure et, comme eux, je me baignais quand la marée s'approchait de près. Je ne sus pourquoi le contact de l'eau m'apaisa tant ; je ne sus pourquoi il fit revenir, quand je me fus donné tout à lui dans un bond vers l'écume du large, la voix de ma mère, non plus meurtrie mais apaisée. Et quand je me perdit à la dérive, ne voyant plus la terre ferme car la mer avait envahi ma vue, je m'étonnai de ne plus ressentir la moindre crainte. Au contraire, je plongeai à nouveau les yeux clos, et ressortai plus loin encore. Il m'énivra, ce sel ; et remontèrent l'odeur et le goût des algues. Sous son emprise bienfaisante, j'accomplissais des périples insensés toujours plus au large.
Le quatrième jour, l'écorce des arbres marins m'offrirent une embarcation que je reçus avec joie car elle allait me permettre de visiter l'infini que dessine l'horizon quand la mer nous fait face. Quand la côte eut disparu je m'orientais par le soleil, et par le chant des mouettes refluant des hautes vagues en formation. Je ne voyais pas, et pourtant je savais que je pénétrais dans ma vision propre, aussi ancienne fut-elle, comme ces images qui demeurent en nous et au milieu desquelles nous tentons de dessiner un chemin tout en étant conscient qu'il n'y en a pas, et que c'est le chemin qui se dessinera pour nous. Le vent doux me conduisit car j'avais tendu un semblant de chiffon en guise de voilure.
Il y a cette tempête qui s'annonce et menace quand le soleil vient à se coucher et se camoufle dans des branches de saule perdues à la dérive. Il y a l'eau qui déborde, part à mon abordage quand la paix n'est plus dans les souvenirs. Il y a le vent qui souffle, trop fort, trop cassant, trop pointu, trop vertigineux. Il y a moi qui me noie dans les ruisseaux rapides rutilants et sauvages. Il y a le goût du sang sur ma chemise moite et les cris d'agonie au milieu des arbres de la colline. Il y a les heures passées à attendre que se lève sur l'eau le matin rouge et la pression de la peur, de la terreur, de l'atroce ; du filet du sang qui dessine un jeune ruisseau entre les épines de pin ramassées en tapis. Il y a l'attente de la mort qui ne veut pas venir mais le doit, parce que je ne sais plus où aller ailleurs que dans le tourbillons de gouffres glacés.


Il s'égare. Sa mémoire lui joue des tours, trouée qu'elle fut par le destin. Elle perd pied, et se noie, sans pouvoir se rattraper au moindre piton rocheux, car tout n'est qu'eau. C'est ainsi qu'à l'innocence originelle d'un simple garçon qui aime regarder la mer, (la mer), se joint des cris et des douleurs qui ne nous sont connues, et qui pourtant ne doivent être oubliées pour qui veut comprendre et devenir le garçon de la plage. La mémoire aussi revient par pics quand elle s'agite trop longtemps. Il faut la gravir, aussi abrupte soit-elle.
Ne le suivons pas plus près et arrêtons-nous d'abord. Parce qu'il oublie la vie longue et monotone dans les montagnes. Parce qu'il oublie les révoltes contenues dans le silence. Parce qu'il oublie le disparition de son père dans des lieux plus lointains, et plus inconnus. Parce qu'il oublie les pleurs de sa mère. Parce qu'il oublie leur fuite à jamais des montagnes, et son plaisir à l'entendre, pourtant si fort. Sur sa barque rompue d'arbre, la mer n'est plus pour lui qu'un seul endroit sans temporalité où tous les évènements se rejoignent immanquablement, comme si, le temps s'affolait. Alors il ne peut comprendre que surgissent au milieu du calme ces résidus d'horreur accrochés comme des échardes sous la peau. Mais nous qui l'accompagnons dans son transport, comprenons-le mieux que lui.
C'est de son propre esprit qu'est venue la tempête quand les souvenirs acides ne peuvent plus supporter le bienfait du calme infini. Ils doivent sortir et s'exprimer, réintroduire le temps sous les traits du passé. Cette tempête qui l'envoie par-dessus bord, il ne la voit pas mais la vit. Elle est la perception symbolique du désordre d'un matin rouge sur l'eau calme ; et pour cela sa violence est inouïe. Il faut à présent qu'il se débarrasse du matin rouge qu'il le plonge à jamais dans l'eau calme, pour devenir vraiment le garçon de la plage et sentir, plus que l'apaisement, la puissance de la métamorphose. Laissons-le renaître à présent, aussi brutal que cela doive être.
Es-tu prêt à cela ?

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il y a 13 ans 3 mois #17467 par Mr. Petch
Réponse de Mr. Petch sur le sujet Re:Le garçon de la plage reloaded
Maintenant, la scène centrale de la mort de la mère. Je ne suis pas forcément archi-convaincu par le résultat, j'ai du jongler entre les deux versions, mais enfin...

**

A l'aube du cinquième jour, ma tête heurta un rocher qui me réveilla dans la voûte froide et sombre d'une caverne marine coincée dans des falaises où l'eau s'amoncelait en vastes déferlantes frappant les parois. Je vécus à nouveau les cascades, les torrents et les avalanches ; je laissai les récifs déchirer la coque de ma barque de fortune et ne laisser que des fibres de bois.
Au-dehors gémissait la mer qui voulait me délivrer de cette prison nouvelle conçue par la roche et se divisant en une myriade insensée de lochs intérieurs dans lesquels les couleurs d'une lumière voilée par la distance se reflétaient à peine. J'entendais tout de la souffrance de l'eau jaillissante et cloîtrée, ne pouvant retrouver la sortie dans le dédale formé par les couloirs granitiques. Les rochers de l'un à l'autre me portèrent, de l'un à l'autre me brinquebalèrent sur un chemin tracé. Ils me déposèrent enfin sur un lit de galets coupants comme des lames sans que je ne puisse bouger. Là, je retrouvai d'autres naufragés. Des lambeaux de souches ; des étraves de navires ; des os de mouettes ; des crânes d'hommes ; la carcasse rouillée d'une vieille voiture que les berniques avaient commencé à ronger en festin. Au-dehors les cris de ma mère se font de plus en plus forts, de plus en plus engourdis dans l'écho des cavernes, de plus en plus solides comme prennent corps les souvenirs. Le souvenir du matin rouge au lac.

Est-ce que maman m'attend ? Est-ce que maman m'attend dans la voiture ? Je bondis d'un rocher à l'autre. Il fait noir. Je bondis d'un rocher à l'autre, sans penser à rien d'autre qu'aux voix de la mer, qui descend à présent au crépuscule. Est-ce que maman m'attend dans la voiture ? Je cours dans le sable. Mes chaussures marquent. Je cours dans le sable en attendant qu'un rayon de Lune m'indique où je trouverais la mer. C'est ma soeur qui vient, qui accourt elle aussi, mais dans un sens inverse. Et qui me crie : « Maman est morte ! ». Encore : « Maman est morte ! ». Que dit-elle ? La voiture est là, garée bien à l'abri d'un saule. « Maman est morte ! ». Il me faut courir aux oyats, là où le sable glisse au lieu de soutenir la marche. Et dans la voiture triste, maman est morte d'une balle en plein coeur, tirée depuis l'éclat de vitre, où depuis la forêt. Ma grande soeur me dit qu'ils n'étaient que deux, mais qu'il pourrait en jaillir plus des collines alentour dont les sommets sont garnis de bosquets offrant autant de caches d'affût. Nous ne pouvons reprendre la route de bitume qui descend vers la côté ; et il nous faut reprendre le chemin qui longe le lac vers les montagnes, une fois de plus habités par la crainte. Elle me donne un fusil. La crosse est froide. La peur ne vient pas du devant, mais de l'arrière où est laissée maman. Les pillards, croyons-nous, dévaliserons le cadavre sur la plage et n'irons pas plus loin. Mais quand même il faut rouler, pour la distance et je scrute sans cesser les immenses masses garnies de bruyère qui semblent s'enfoncer dans l'eau des lacs comme si la roche avait vaincu la mer et l'écrasait de tout son poids de brute forgée par le temps. Au moindre éboulis je sursaute, car derrière peuvent surgir des hommes armés, que je n'ai pas vu mais que j'imagine portant les cornes des bêtes sauvages de la forêt, et des dents de loups pendues à leurs fusils.
Nous roulons ainsi longtemps, toujours sur la même route, passant de lac en lac où nous nous arrêtons pour boire et pêcher. Avec le temps ne s'évanouit pas la crainte, bien au contraire, l'attente l'amplifie, et il nous faut à chaque veille nous armer, et protéger notre petite histoire murée dans le silence. Ici, la crique pourrait être un repère des pillards ; là les méandres des coteaux tourbeux peuvent révéler une embuscade.

Sur les galets où me déposèrent les rochers, fut-ce mon sang qui salit l'eau affaiblie ? Ou fut-ce le sang de ma mémoire éparpillant sa douleur après une simple entaille gravée par un silex dans le creux de main ?
Ma main que caresse celle de ma soeur dans la voiture où le pneu creve, parce qu'il y a des clous sur la route, parce qu'ils les y ont disposés comme un collet pour sa proie, parce qu'ils nous pistent au moins depuis le lac, sans que nous le sachions, parce qu'ils attendent qu'elle sorte pour tirer le premier coup, parce qu'ils s'acharnent ensuite avec tout leur arsenal. Et les balles la lapident sans relâche, et elle s'effondre à moitié sur le capôt noirci par la fumée, ou le sang. Eux déboulent déjà depuis les hauteurs en hurlant. Je cours dans l'argile glacé , incapable de protéger ma petite soeur, serrant le fusil sans savoir en user, le lâchant dans des marais qui l'avalent ; je cours vers le lac que je vois comme un refuge parce que s'y trouve une grotte. Mais l'eau y est sèche.
La rage des montagnes renaît en moi dans l'obscurité de la grotte, qui me rend l'écho des voix des pillards partis à ma recherche sur l'anse de galets. Je sais que l'aube vient, et comme elle rougit le matin du cinquième jour qui luit dans la grotte, elle rougit mes tempes par le froid, et mon esprit par la colère. Eux se répandent encore le long du lac, tirent dans l'eau et les fourrés, et même au ciel, et grognent. Moi je sors de ma cachette avec la gorge étreinte. J'arme, j'épaule ; je tire. J'arme, j'épaule ; je tire. J'arme, j'épaule ; je tire. J'arme, j'épaule ; je...


Que vois-tu ? Que crois-tu ? Jamais tu n'as tué, garçon de la plage ! Il n'y a rien qui te le dise dans le silence du lever rouge du sixième jour. Il n'y a que tes souvenirs obscurcis par les ombres que la grotte a projeté sur ses parois pour t'impressionner. Le lac est sorti de toi ; il s'est déversé à l'intérieur de ce palais jailli de la mer où tu as revu le souvenir du matin rouge. Le lac t'a trompé : sous ses allures de mer, surveillé par les monts, il est le symbole du piège dans lequel tu as failli tomber en cédant toi aussi à la violence. Mais rien de tout cela n'est arrivé. Maintenant la mer te reprend et te laisse dériver doucement. Ne perçois-tu pas d'autres nuances plus belles au moment de franchir la ligne d'horizon ? Ne perçois-tu pas les signes qu'il laisse sur la mer, ton nouveau domaine, ton nouveau royaume, qui ne rougeoie qu'en beauté et laisse la haine à d'autres heures, en des lieux plus hostiles ?
Ce ne sont pas de ces souvenirs dont je veux te parler ; pas des souvenirs de mort qui émergent, mais ceux de vie et de transformation.

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il y a 13 ans 3 mois #17468 par Mr. Petch
Réponse de Mr. Petch sur le sujet Re:Le garçon de la plage reloaded
On passe maintenant à la deuxième et dernière partie. Je ne suis pas complétement satisfait de la chute, comme d'habitude.

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Le septième jour me ramena sur le sable doux. Il déposa ma tête sur un roc moussu d'algues encore gonflées de l'eau de la mer ; elles mêlèrent à mes cheveux leur belle odeur marine. Je me redressai, encore étourdi, pour contempler le royaume dont le goémon dessinait la frontière d'un seul élan des récifs à marée basse aux dunes lisses et lointaines. Etaient-ce les odeurs neuves qui m'énivraient, ou étaient-ce les bribes de la nuit passée, incompréhensible ? Je n'en gardais que des fragments, des impressions, des sensations ; tantôt la peur, tantôt l'apaisement. A la recherche de la grotte dans laquelle j'avais halluciné mes cauchemars, je ne trouvai rien d'autre que les falaises, endormies désormais, accueillant les caresses de la houle au vent comme un allié bienveillant. Leurs pieds étaient masqués sous les eaux, et leurs sommets à l'ombre d'une végétation drue. Tout d'hier avait été englouti, et de ce matin, je ne retins que la paix.
A pas lents, je regagnai ma cabane sous les pins maritimes, un peu à l'écart, mais suffisamment près pour écouter les vagues. Vers l'ouest, d'où soufflait le vent, la majesté d'un pélican vint se poser sur le remblai naturel formé par les blocs de pierre que la mer avait porté et rassemblé en un même lieu. Alors l'oiseau se tourna vers moi. Ses ailes s'allongèrent ; ses yeux se fermèrent ; son bec s'ouvrit, large et puissant, d'un seul cri qui signa l'envol. Il s'établit un instant au-dessus de moi, sans que son regard n'abandonne le mien. Il me désigna les étendues gigantesques, de mer et de collines sablonneuses, qui étaient ses terres. Il se courba, et une fois de plus regagna les airs.
Je n'avais pas vécu cette scène comme les autres. Il me vint alors que je percevais mieux qu'avant la voix du vent, et les crépitements nombreux que le sable formule quand il sait que la mer se prépare à l'étendre. Il n'était pas jusqu'aux branches du pin qui ne vinssent se frotter à mon torse, sans même que leurs épines ne m'éraflent. Le pélican revint, et chaque fois plus se rapprochait, saisi par la même curiosité que moi.


Tu n'en es qu'à l'oiseau ? Accélérons un peu, veux-tu... Nous sommes là pour bâtir un monde, pas pour ralentir et dormir ici-même, quoique le temps s'y prête et qu'il te faille un peu de repos pour éponger l'émotion ; mais la bienvenue du pélican est encore loin des premiers reflux de l'achèvement. Sachons là qu'il te parle, garçon de la plage ; ou plutôt non, sachons que tu le comprends, de même que tu comprends tout ce qui t'entoure, et que leurs paroles seront les nouvelles voix familières.
Alors accélérons. Ecoulons les jours, maintenant qu'ils ne sont plus ralentis par le passé.

Le quinzième jour, à nouveau vint le pélican pour m'enseigner les règles des lieux, et désigner de ses ailes les criques, les récifs, les caches marines, les profondeurs et les sentes naturelles. Je suivais son regard qui me disait : « Vois ici l'étendue du royaume, qui part vers les confins des terres, et jusqu'aux confins des mers s'abreuve encore. Vois et dis-moi s'il te plait. ». J'opinais en souriant, car rien ne me paraissait mieux que le calme qui régnait en haut des falaises surplombant la marée, surtout quand le vent fort des côtes septentrionales étouffe le moindre bruit. Le pélican se détourna et hésita son chemin à sentir cette brise, mais l'albatros, qui vint le rejoindre et claqua du bec pour le saluer, avant de plonger dans la mer, l'affranchit des dangers et des craintes. Désormais, mes guides étaient deux, se chamaillant sans cesse, se disputant les poissons de la mer et grimpant haut dans le ciel.
Le vingtième jour, l'albatros bavard m'apprit ses propres chants, et ils me retournèrent depuis le fond jusqu'au sommet. Il me raconta l'histoire de la plage où il était né et où il espérait bien mourir, car il n'y avait rien de plus beau que la nacre étincelante au soleil du coucher, que l'écume moussue gravissant les rochers à la force des vagues, que l'horizon, surtout, et ses promesses. Ce fut en l'écoutant que je captivais mon regard en une seule direction, celle qui était tout à la fois le début et la fin, l'infini et l'achèvement, l'espoir et l'habitude. Le début de mes émotions et la fin de la vie que je m'apprêtais à mener, et qui était la plus noble et la plus douce, là où les autres n'étaient que des tourbillons insalubres. A chaque marée s'effaçait un nouveau souvenir. A chaque marée s'effaçait le temps et sa mesure. A chaque marée je devenais un peu plus l'habitant de mon nouveau logis marin.
Le sable était doux à mes pieds nus. Mes sens s'aiguisèrent encore davantage : il m'arrivait de percevoir l'érosion naturelle que l'eau imposait aux falaises avec constance et paix. Là un bout de rocher, ici quelque motte d'herbe poussée un peu trop loin de son nid d'origine. Et c'était sans tempête, mais non sans force, que la mer venait à bout du sol. Là fut le premier spectacle prompt à me captiver. Là fut mon repos, car le temps de la mer et du sol n'était pas celui des hommes, et l'Apocalypse n'y était plus qu'un grain. Là encore, la mer, enveloppante désagrège les racines d'une mauvaise plante, d'un seul effort long de dix jours.
Le trentième jour surgit les premiers de mes pouvoirs. J'apprenais, sous les conseils des poissons de la mer, à changer la surface de mes visions, à donner aux nuages accolés à la mer au couchant pourpre des formes attrayantes. Du simple fait de mes yeux, je levais des montagnes qui prolongeaient les falaises, mais ces montagnes n'étaient pas terribles et tristes. L'albatros me félicita de ses yeux rieurs, car lui ne pouvait dessiner, comme d'autres créatures, que de sobres traînées sur le sable, que la marée emportait trop vite.
Le trente-troisième jour déjà, la tortue vint me rendre visite. Sa carapace immense portait des nuées de balanes ; le pếlican et l'albatros s'agenouillèrent à son approche. Elle m'évoqua l'autre face du royaume, blême mais plus puissante que le soleil. Elle m'évoqua les profondeurs, d'où la surface troublée n'est qu'un rai de lumière pâle. Elle m'évoqua les pensées les plus lointaines, où le temps ne se compte pas en jour, car un jour n'est qu'une longue sucession de courants affaiblis par la largeur des océans. Et quand souffle la tempête, il est aisé de s'échapper au milieu d'une fosse, ou d'un récif corallien dont les couleurs n'existent pas, au soleil. Elle me dit : « A présent, il te faudrait me suivre dans les eaux, que tu les admires de toi-même et apprennes leur forme et leur force. Tu auras besoin de temps, mais tu pourras les modeler, comme tu peux déjà modeler les formes que le soleil dépose sur les vagues. ». Mais depuis la plage, je laissai la tortue s'en retourner seul sous les eaux.


Quoi, que dis-tu ? Que fais-tu ? Pourquoi interromps-tu ta quête au trente-troisième jour, là même où tu devrais atteindre le comble de notre histoire ? Qu'est-ce qui te retient tant sur cette plage qui n'a été que le lieu d'une renaissance ? Comment peux-tu refuser l'accomplissement pour t'attarder sur la contemplation, cette coquille vide. Ne t'ai-je pas dit que tu étais là pour construire un monde ? Ton monde ?
Tu sais toi-même que la tortue est le symbole de la sagesse. Alors écoute-là. Tu sais toi-même que donner forme aux nuages qui au moindre vent disparaissent n'est qu'une vanité de poète. Alors deviens plutôt créateur, loin des surfaces mais près des coraux.
Moi-même qui ne suis que le conteur ne peut deviner ce qui se dissimule en toi.

La plage est survolée de silhouettes connues, portées par le pélican et l'albatros. Elle est comme un trésor déposé que j'esquisse loin dans le ciel, quand les algues, entre mer et terre, me parlent, cette fois. Le soixante-neuvième jour, j'appris des algues, quand elles se déposèrent, à mes pieds sur le sable, que rien n'est plus beau que le hasard, qui forme tourbillon et rouleau en surface, et qui donne aux choses des formes qu'elles ignorent elles-mêmes, croisant les masses et la croissance au gré d'envies bizarres, mais alléchantes. Et le pin renchérit, dans mon dos, lui qui n'attendait qu'au vent pour savoir où pousseraient ses branches et quand ses épines jailliraient de l'écorce ! Ils ne craignent pas cette marée, qu'elle soit d'air ou d'eau, et ses choix impromptus. Ils la laissent habiter leurs organes car il n'est aucune raison qui ne les guide en forme de destin. Là où ils atterrissent, quand ils sont graines et sans conscience, ils l'aiment et y attendent que leur être passe, là, sur le sable, où dans des les rochers domptés par les bulots.
Il y a bien le vent, me dirent-ils, qui garde certains souvenirs, certains sons entendus, parfois pendant des siècles, avant qu'ils ne trouvent leur destination. N'as-tu pas oublié quelque chose ?, me demandèrent les algues et le pin, en ajoutant : « Demande au sable ».
Ce fut le quatre-vingt-quinzième jour que le sable laissa apparaître les empreintes de pas quand le vent eut gratté un peu de surface. Le sable me dit qu'il ne conserve la mémoire que de ce qui est lointain, mais que les frémissements du monde ne lui valent pas. Le sable me dit que la meilleure attente est celle qui, délestée de souvenirs propres, adopte ceux du sol et respire avec lui, se laisse caresser par le matin et bercer par le soir, allonge toute son existence en un seul et même endroit qui est le seul de la terre. Et là, rien ne bouge. Rien ne bouge avant des millénaires, et rien de la fureur des hommes et des montagnes n'y descend sans s'être émoussé et avoir appris le chant du monde.
Alors les pas imprimés à l'envers sur le sable me menèrent au délicieux hasard, et j'entendis claquer la flanelle de sa robe au vent, crisser les valves des coques échouées sous les talons de ses chaussures, nimber sa voix d'embruns odorants. J'avais oublié la voiture et il n'y avait plus qu'elle et moi, qui me parlait de la plage, de la crique formant croissant, et de la mer.

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il y a 13 ans 3 mois #17469 par Vuld Edone
Réponse de Vuld Edone sur le sujet Re:Le garçon de la plage reloaded
Je n'ai lu que la deuxième partie, celle dont j'attendais le plus les corrections - et que mon état de fatigue me permet de lire.

La chute est très réussie, parce que désamorcée par ce qui la précède, et surtout pour nous qui avions l'ancienne version, je ne sais pas jusqu'à quel point un lecteur novice s'y attendra mais elle renforce la cohérence et c'est une excellente manière d'introduire enfin cette idée sur les narrateurs.
Je ne sais pas non plus si le lecteur la comprendra mais c'est encore tant mieux.
J'aime aussi tout particulièrement le remaniement des animaux - et de la nature en général - en ce qu'ils me permettent à nouveau de décider par moi-même si cela arrive réellement ou si l'enfant interprète, voire imagine, et s'il ne s'agit pas d'animaux tout à fait naturels. C'est là une ambivalence que je souhaiterais beaucoup plus voir dans mes propres textes. Seul bémol à l'arrivée de l'albatros, où la scène paraît moins naturelle, alors même que s'agenouiller devant la tortue ne pose pas de problème.
C'est en tout cas la meilleure des façons que de faire endosser le discours des animaux par le garçon.
J'ai été un peu dérouté par le discours créateur, d'entendre parler de pouvoirs qui me semblent assez inutiles et brisent un peu l'ambivalence - "pouvoirs" est un mot trop concret, trop parlant et trop fantastique. Mais cela a permis la décision du garçon et c'est sans doute le moment où j'ai vraiment accroché au texte - un moment de tension, de curiosité.

Par contre, j'ai été surpris de ne pas adhérer à la narration des deux premiers paragraphes, de bloquer sur plusieurs phrases. Par exemple je m'attendais à ce que la seconde phrase du second paragraphe soit en fait la suite de la première phrase, et j'ai dû relire en me rendant compte de la majuscule. Ou encore, quand le garçon parle de fragments, d'impressions, de sensations, j'ai eu celle qu'il y avait un mot de trop, que l'énumération durait trop longtemps.
Je n'ai pas été gêné par la suite, des formules comme "le pélican hésita son chemin" ne me dérangent aucunement, ou encore "que les frémissements du monde ne lui valent pas". J'en comprends le sens. Par contre, je ne comprends pas pourquoi utiliser "vinssent" pour "il n'était pas jusqu'aux branches du pin qui ne vinrent se frotter à mon torse", ou "qui ne venaient se frotter à mon torse".

Je lirai le reste une autre fois, avec sans doute les mêmes remarques qu'ici. Le travail de la montagne surtout va m'intéresser, guère plus.

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il y a 13 ans 3 mois #17487 par Mr. Petch
Réponse de Mr. Petch sur le sujet Re:Le garçon de la plage reloaded

La chute est très réussie, parce que désamorcée par ce qui la précède, et surtout pour nous qui avions l'ancienne version,


J'ai préféré employer une chute ouverte plutôt que la chute fermée précédente. Finalement, c'est aussi pertinent dans le fil du texte qui, par sa nature n'attend pas forcément de chute signifiante. Et la question de l'identité du commentateur n'a pas une si grande importance qu'il faille la placer à la fin.

J'aime aussi tout particulièrement le remaniement des animaux - et de la nature en général - en ce qu'ils me permettent à nouveau de décider par moi-même si cela arrive réellement ou si l'enfant interprète, voire imagine, et s'il ne s'agit pas d'animaux tout à fait naturels.


Même réponse : j'en suis revenu à un de mes dogmes précédents, à savoir "laisser le lecteur décider et construire lui-même une partie de l'histoire". Là encore, cela me semble préférable au vu du style de l'histoire.

Par contre, j'ai été surpris de ne pas adhérer à la narration des deux premiers paragraphes, de bloquer sur plusieurs phrases.


Ce paragraphe a été difficile à écrire car il joue un vrai rôle dans la narration. Il faut y faire comprendre au lecteur que 1. la scène précédente (souvenir de la violence, etc.) est le moment crucial de la métamorphose 2. que, par conséquent, le narrateur est devenu "quelqu'un d'autre", et qu'il faut caractériser cette nouvelle identité : plus calme mais aussi presque divin et omniscient. Dès lors, j'ai du trouver un moyen d'évoquer la scène précédente, mais de façon calme.

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il y a 13 ans 2 mois #17513 par Zarathoustra
Réponse de Zarathoustra sur le sujet Re:Le garçon de la plage reloaded
Globalement, je trouve le récit plus réussi, plus unis. Plus clair également.
Maintenant, je trouve que la question des enjeux n’est pas complètement levé.

J’ai du mal également quand tu « nous » parles. Le « nousnoiement » me dérange car j’ai l’impression d’être inclus dans un truc où je ne me sens pas invité ou concerné. Pourquoi ? Parce qu’on ignore de quoi tu parles, de quoi tu vas parler et ce que tu attends de nous. Autre point qui me dérange, c’est que tu t’adresse à nous alors que tu nous parle de « je ». Or ce « je » on ne le connais pas non plus, et on ne sait pas de ce qu’il va nous parler, d’autant plus que le début parait toujours un peu gratuit. Je ne peux m’empécher de pense que ces phrases sont celles de quelqu’un qui se fait plaisir à les écrire, mais que le lecteur ne sent pas vraiment concerné. Donc on a une double invitation, mais il nous manque un point d'ancrage.
Globalement, je trouve comme Fufu qu'il y a trop de phrases. Tu n'as pas réussi à trouver cette voix qui me touchait dans l'autre récit.

Concernant la symbolique de la mer et de la montagne, c’est plus net, mais ça le devient trop si bien que ça devient évident, trop souligné. Disons que j’ai l’impression qu’au final, il y a même une part de clichés et que ça renforce l’idée que c’est l’écrivain qui se fait plaisir à créer cette géographie symbolique. En fait, ce qui ne va pas pour moi, c’est que je te lis en ayant l’impression d’une accumulation de mots et de phrases qui ne provoquent rien en moi. Et quand on comprend la symbolique, on comprend que tout ça devient une sorte d’espace mental qui fait qu’on ne se sent pas concerné (alors que tu nous interpelles). Et la transformation de ces décors en symbole ôte tout réalisme à ce qu’on lit. Si on est dans le symbole, alors la mort de la mère n’a pas d’impact, alors l’émotion de narrateur non plus car on ne sent pas la réalité vivre. Et l’accumulation de phrases abstraites nous noie et noie ton récit. L’enfant perd sa mère et on ne s’y intéresse pas. Sur certains points tu as mieux mis en scène la mort, mais j’ai encore moins saisi l’horreur et l’émotion que pouvait ressentir le narrateur.

Jusqu’à « es-tu prêt à cela ? », je n’accroche pas trop. Et je dirais que j’ai envie de répondre : « non ! ». Par contre, certains paragraphes qui précèdent cette question sont très beaux, je trouve. Comme si tu trouvais le ton juste.
Ensuite il y a la scène de la mère qui est plus concrète, donc on suit un fil plus solidement. Mais cette scène ne me parait toujours pas à la hauteur de son enjeu ni avoir l’impact qu’elle devrait. Tu parles de ton personnage, mais on ne le sent pas vivre ou ressentir. Il raisonne, il poétise mais il ne nous parle pas. Donc d’une certaine manière, tu n’arrives pas à nous toucher.

Je trouve qu'on sent plus fortement encore l'aspect contemplatif "terrence-malikien". C'est là où le récit gagne le plus en force, me semble-t-il. Globalement, la sensation d’apaisement est flagrante. On se sent presque par moment (pas tout le temps) hypnotisé par le jaillissement des pensées à travers le mouvement des vagues. Et je n'arrive pas à savoir si cela ne vient pas non plus de cette accumulation de phrases qui pourtant me dérangent en même temps. Comme si c'était un mal nécessaire pour qu'on soit immergé dans le flux des phrases-pensées du narrateur.

Pour ce qui est des animaux, je trouve ça mieux. Mais du coup, ils n’ont plus d’étrangetés. Ils deviennent des abstractions alors qu’ils donnaient une sorte de surgissement fantastique à ta précédente version. Mais en fait, je pense que c’est parce que je suis court-circuité par mon souvenir de la précédente version. Je rejoins Fufu sur l’ouverture d’interprétation que cette version donne.

Pour la fin, elle surprend effectivement, mais j’ai un peu l’impression qu’elle a surgi en toi d’un coup et que tu n’as pas encore pris le temps d’en donner toute sa plénitude. On sent que tu es encore hésitant quand à sa formulation et de son audace. Comme si tu n’étais pas encore sûr que ce soit la bonne.

Petite suggestion: pourquoi ne pas commencer l’histoire avec cette image de femme qui serait une sorte de fantôme à travers ton récit que l’on verrait à plusieurs reprises comme un leitmotiv et qui serait expliqué qu’à la fin (l’avantage, c’est que lecteur partirait avec l’idée d’une relation amoureuse malheureuse et qu’il y a possibilité de renforcer l’effet surprise). On aurait un enjeu pour le lecteur que de savoir qui elle est. On comprendrais mieux la blessure du narrateur. Et cela ouvrirait davantage son refus de voir la vérité ou son envie de la changer ou de se demander s’il n’est pas « ailleurs » et qu’effectivement il s’agit d’une sorte de rêve.
Bien sûr, c’est aussi un autre récit qui ne serait peut-être plus le tien ou ce que tu voulais y mettre.

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il y a 13 ans 2 mois #17516 par Zarathoustra
Réponse de Zarathoustra sur le sujet Re:Le garçon de la plage reloaded
Je reviens rapidement sur ce que j'ai écrit qui est trop négatif par rapport à ce que je pense. Et pas exact non plus.

Ce texte est intéressant. Et il mérite d'être écrit. Et surtout les idées qui te guident sont bonnes. Tout ça rend très intéressant ce texte à écrire pour lui trouver sa forme et son équilibre. Pour les points que j'ai évoqué, je pense que tu n'as pas encore réussi à les trouver alors qu'ils sont nécessaires pour nous, lecteurs.
Or j'ai très envie de voir jusqu'où tu peux aller pour être à la hauteur du challenge.
Donc si critique il y a, c'est bien parce que il y a une ambition que tout le monde n'a pas. Il soulève également des enjeux.

C'est à mon sens sur des subtilités, sur des notions de trop oupas assez qui fait que ça pêche. Par exemple, je pense qu'il manque un début avec un vrai hameçon.


Pour être concret, voici un passage qui me pose problème, parce que je décroche. J'arrive pas à m'intéresser car je n'ai pas assez d'enjeu. Les phrases prisent seules sont bien, voire poétiques et belles, mais leur succession les neutralise.
Par contre, la première phrase me parait par contre ni très heureuse ni très clair. Ou plutôt on voit ce que tu veux dire, mais ça nous importe pas à ce moment là. C'est des nuances inutiles pour l'instant et qui vont noyer la suite.

La marée les a délicatement apportées sur la rive, naviguant à la vitesse apaisée qui est celle des immortels, qui n'ont de chemin à parcourir que par habitude, et jamais par contrainte comme il arrive à d'autres errants, sur des routes moins propices, le long de chemin en lacet moins accueillants, entre les pics ardents d'abris, trompeurs par leur hostilité et le danger en eux recélé. Ici je ferme les yeux aux voix qui s'entremêlent au temps qui se suspend et s'amorce simplement, à la voix de ma mère servant d'amarre sans jamais se rompre. La mer est venue ici il y a longtemps, et dans longtemps elle s'en ira non sans avoir laissé aux êtres son empreinte profonde qui n'est pour elle que quelques secondes de vie ; et celle qu'elle laisse en moi est du passé d'avant, et mêle à la brise l'écho maternel. Je m'y allonge, sur le sable doré ; je m'y enfonce presque dans cette couche douillette propre à me reposer des menaces, de l'ère de menaces dont je m'échappe enfin. Elles sont loin ; elle les a emportées, par-delà les rivages qu'elle sait traverser tant son empire est vaste. Ici l'eau me caresse, et apaise mes blessures. Je ne sais plus l'avant de l'après.
Le deuxième jour s'annonça d'abord comme le frère du premier. Il y eut les battements de la mer sur le sable, dégagée en filets sinueux, comme des ombres ou comme des montagnes, imprimées à l'envers. Les souvenirs qui se brassèrent alors au plus profond de mon inconscient étaient bien plus flous que les précédents, bien qu'infiniment plus proches, et aussi plus violents.



Voici également ces passages qui me posent problèmes à titre d'exemple.

Quoi, que dis-tu ? Que fais-tu ? Pourquoi interromps-tu ta quête au trente-troisième jour, là même où tu devrais atteindre le comble de notre histoire ? Qu'est-ce qui te retient tant sur cette plage qui n'a été que le lieu d'une renaissance ? Comment peux-tu refuser l'accomplissement pour t'attarder sur la contemplation, cette coquille vide. Ne t'ai-je pas dit que tu étais là pour construire un monde ? Ton monde ?
Tu sais toi-même que la tortue est le symbole de la sagesse. Alors écoute-là. Tu sais toi-même que donner forme aux nuages qui au moindre vent disparaissent n'est qu'une vanité de poète. Alors deviens plutôt créateur, loin des surfaces mais près des coraux.

En l'état actuel des choses, je ne suis pas sûr de la nécessité d'écrire tout ça. Soit ton ambition de donner vie au narrateur et au spectateur omniscient est en trop soit tu n'as pas réussi à trouver le moyen de lui donner vie.
Ici, on sent que ce paragraphe est écrit pour palier une sorte d'échec de ton texte. Pour l'instant, cet être spectateur qui nous interpelle n'existe pas en soi. C'est une sorte de procédé littéraire, mais tout sonne factice. Et puis dire: Tu sais toi-même que la tortue est le symbole de la sagesse. C'est aussi montrer que ton texte ne peut pas vraiment être compris par lui-même et que tu as besoin de l'expliquer. Donc il ne se suffit pas lui-même. Donc ce commentateur omniscient n'a pas de raison d'être dans ton histoire. Il ne faut pas qu'il nous explique le texte, ni qu'il nous dise ce qu'on doit sentir ou comprendre parce que ça, c'est l'autre texte qui doit le faire. Tu dois lui trouver sa propre voix, sa propre personalité. Pour l'heure, moi, c'est un truc parasite qui m'agace dans le déroulement de ton récit parce que je ne me pose pas ces questions, je ne sais pas que la tortue est la sagesse etc. C'est comme s'il me dictait des trucs alors que je ne suis pas disposé à resentir et vivre. C'est une sorte d'agression.

Tu n'en es qu'à l'oiseau ? Accélérons un peu, veux-tu... Nous sommes là pour bâtir un monde, pas pour ralentir et dormir ici-même, quoique le temps s'y prête et qu'il te faille un peu de repos pour éponger l'émotion ; mais la bienvenue du pélican est encore loin des premiers reflux de l'achèvement. Sachons là qu'il te parle, garçon de la plage ; ou plutôt non, sachons que tu le comprends, de même que tu comprends tout ce qui t'entoure, et que leurs paroles seront les nouvelles voix familières.
Alors accélérons. Ecoulons les jours, maintenant qu'ils ne sont plus ralentis par le passé.

Ici, on peut comprendre qu'il ne s'adresse pas à "nous" mais au narrateur quand tu dis "tu". Mais du coup, quand tu parle de "nous", tu oblige le lecteur à s'inclure dedans alors qu'on en est pas là ou que tu n'as pas créé les conditions pour qu'on y soit. Donc ce nous qui est un "lui+moi qui raconte" et non un "lui+les lecteurs" est ta façon de nous dire qu'il forme qu'un en quelque sorte, mais le problème c'est le "tu" et le "nous" englobe malgré toi le lecteur parce que tu es sur un plan fonctionnel du récit. Il faudrait qu'on est un vrai personnage qui raconte son histoire et qu'on découvre une seconde personne qui raconte aussi son histoire et qu'à la fin on comprenne que c'est un même personnage. Il faut donc qu'il y ait à la fois des diffférence entre eux et des points communs. A la limite que le garçon de la plage soit même un personnage qui raconte dans l'histoire du premier plutôt de créer ton entité qui explique un peu par défaut ce qu'on lit.

Voilà ce que je voulais dire plus précisément en espérant être plus clair (ce qui n'est pas sûr! :laugh: )

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il y a 13 ans 2 mois #17525 par Mr. Petch
Réponse de Mr. Petch sur le sujet Re:Le garçon de la plage reloaded
Tes remarques, Zara sont argumentées et m'interpellent beaucoup, prouvant au besoin la capacité des chroniques à fournir un vrai "retour" sur des textes. 'Ai bien fait de passer par là, moi.

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Je commence par les trucs moins essentiels :

Concernant la symbolique de la mer et de la montagne, c’est plus net, mais ça le devient trop si bien que ça devient évident, trop souligné.


Là, c'est une question d'équilibre : trop d'un côté, pas assez de l'autre... C'est relativement simple à corriger.

Pour ce qui est des animaux, je trouve ça mieux. Mais du coup, ils n’ont plus d’étrangetés. Ils deviennent des abstractions alors qu’ils donnaient une sorte de surgissement fantastique à ta précédente version.


Certes, moins d'étrangeté, mais je trouve aussi que leur ton est plus juste tant qu'ils restent à la frontière entre le vrai animal et l'animal-symbole. Disons que c'est plus raccord avec le reste, je pense.

Pour la fin, elle surprend effectivement, mais j’ai un peu l’impression qu’elle a surgi en toi d’un coup et que tu n’as pas encore pris le temps d’en donner toute sa plénitude. On sent que tu es encore hésitant quand à sa formulation et de son audace. Comme si tu n’étais pas encore sûr que ce soit la bonne.


J'ai surtout choisi la simplicité, éviter de vouloir expliquer et rationnaliser à tout prix. D'où peut-être l'impression que c'est incomplet.

Sur certains passages, tu dis te perdre dans les phrases, et l'exemple que tu cites (la marée, etc.) m'éclaire un peu. Il me semble que là aussi, ça peut être un problème d'équilibre : savoir quand il faut ralentir le rythme et la densité des phrases, quand il faut densifier le propos, quand telle idée doit intervenir pour renseigner le lecteur. Je vais creuser de ce côté-là.

**

Surtout, tu insistes sur un phénomène spécifique : le manque d'implication du lecteur à travers le texte et le rapport narrateur/lecteur.

J’ai du mal également quand tu « nous » parles. Le « nousnoiement » me dérange car j’ai l’impression d’être inclus dans un truc où je ne me sens pas invité ou concerné. Pourquoi ? Parce qu’on ignore de quoi tu parles, de quoi tu vas parler et ce que tu attends de nous. Autre point qui me dérange, c’est que tu t’adresse à nous alors que tu nous parle de « je ». Or ce « je » on ne le connais pas non plus, et on ne sait pas de ce qu’il va nous parler, d’autant plus que le début parait toujours un peu gratuit. Je ne peux m’empécher de pense que ces phrases sont celles de quelqu’un qui se fait plaisir à les écrire, mais que le lecteur ne sent pas vraiment concerné.

Ici, on peut comprendre qu'il ne s'adresse pas à "nous" mais au narrateur quand tu dis "tu". Mais du coup, quand tu parle de "nous", tu oblige le lecteur à s'inclure dedans alors qu'on en est pas là ou que tu n'as pas créé les conditions pour qu'on y soit.


Je reconnais là un des "défauts" de mon écriture : j'éprouve toujours du mal à anticiper la réaction du lecteur et, cas typique, j'ai du mal à introduire un suspens dans un texte, même court, même simple. Il faut toujours que je désamorce, que je minimise l'enjeu de ce suspens et qu'il devienne dérisoire. Je m'étais même servi de ce "défaut" dans le chapitre 2B de VLCBE où le plan d'Ilya est volontairement désamorcé dès le départ, et le suspens du chapitre noyé dans l'oeuf. Mais c'était volontaire et correspondait, dans mon esprit, à la pensée si spécifique du narrateur 19.
Tout ça pour dire que tu touches un point central : comment intéresser le lecteur ; je veux dire l'intéresser à ressentir des émotions à partir du texte ? J'ai parfois tendance à écrire des textes qui demandent trop d'efforts et d'implication de la part du lecteur, donc parfois ça passe, parfois ça casse. Je suis un peu démuni face à ce problème que je suis capable de diagnostiquer, mais moins de soigner. Ceci dit, on est bien dans un exercice qui relève du défi, donc c'est intéressant d'avoir ces avis :) .

**

Une dernière chose qui, là, me dérange un peu plus, car tu remets en question une orientation que j'avais sciemment prise ; du coup je vais argumenter un peu pour essayer d'expliquer où je souhaitais aller :

Ici, on sent que ce paragraphe est écrit pour palier une sorte d'échec de ton texte. Pour l'instant, cet être spectateur qui nous interpelle n'existe pas en soi. C'est une sorte de procédé littéraire, mais tout sonne factice. Et puis dire: Tu sais toi-même que la tortue est le symbole de la sagesse. C'est aussi montrer que ton texte ne peut pas vraiment être compris par lui-même et que tu as besoin de l'expliquer. Donc il ne se suffit pas lui-même. Donc ce commentateur omniscient n'a pas de raison d'être dans ton histoire. Il ne faut pas qu'il nous explique le texte, ni qu'il nous dise ce qu'on doit sentir ou comprendre parce que ça, c'est l'autre texte qui doit le faire. Tu dois lui trouver sa propre voix, sa propre personalité. Pour l'heure, moi, c'est un truc parasite qui m'agace dans le déroulement de ton récit parce que je ne me pose pas ces questions, je ne sais pas que la tortue est la sagesse etc. C'est comme s'il me dictait des trucs alors que je ne suis pas disposé à resentir et vivre. C'est une sorte d'agression.


Le commentateur omniscient est important pour moi. Mon idée était qu'il permet d'apporter un second degré par rapport au texte de base, celui du narrateur-garçon de la plage. Le ton que je cherchais pour ce narrateur était la rationalisation : opposer sa volonté de toujours tout expliquer au langage symbolique, fluide voire ornemental du garçon de la plage. Mon objectif était que le lecteur soit se trouve touché par le garçon de la plage et trouve le commentateur pédant et ridicule (parasite, comme tu dis), soit trouve le garçon de la plage niais dans sa poésie et se raccroche aux explications du commentateur. Provoquer une double lecture du texte, en somme ; ce qui est un trait que je recherche systématiquement quand j'écris : qu'il y ait plusieurs interprétations possibles pour mes textes.

Je crois que ça répond à ta question en confirmant sur la seconde alternative ! :dry: :

En l'état actuel des choses, je ne suis pas sûr de la nécessité d'écrire tout ça. Soit ton ambition de donner vie au narrateur et au spectateur omniscient est en trop soit tu n'as pas réussi à trouver le moyen de lui donner vie.


Une piste à travailler : mieux expliciter, dès le départ, les rapports de l'un à l'autre, pour que le lecteur "choisisse son camp", en quelque sorte.

**

Je vais essayer de reprendre le texte une troisième fois durant le mois de septembre, en espérant que mon emploi du temps me le permette.

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