Une Histoire impossible à raconter
- Zarathoustra
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Est-ce pour autant un mensonge ? Ce serait plutôt une manipulation, non ? Ainsi, je lui fais voir une elfine maltraitée par de vilains elfes noirs. Et lorsqu’elle s’échappe, bien qu’à aucun moment je n’ai clairement dit les choses, il voit en elle une innocente parce que, pour lui, elle est avant tout une victime. Plus tard, bien que je lui montre des gestes qui devraient l’obliger à la voir autrement, je sais qu’il continuera de vivre sur l’a priori que cette elfe est gentille. Jusqu’au moment où il ne peut plus se mentir et qu’il doit reconsidérer ce qu’il a lu autrement.
Ici, la réalité est dissimulée dans l’anticipation des projections du lecteur. Suis-je pourtant un menteur ? Je l’ignore, je ne veux pas lui mentir, je veux l’immerger dans une autre réalité. Pour renforcer cette impression, écrire à la première personne est parfait puisque le lecteur n’a pas d’échappatoire, il se projette immédiatement, mais, bizarrement, il continue aussi à voir avec ses propres yeux et déforme ce que j’ai écrit pour n’y voir que ce qu’il veut. Ecrire, est-ce donner au lecteur ce qu’il a envie ou l’attirer malgré lui vers ce que l’auteur a décidé d’écrire ? J’aimerais faire les deux en même temps mais de manière parallèle. Quelque part, je n’ai pas envie d’écrire pour lui faire plaisir, je veux lui donner cette illusion, car, fondamentalement, je veux qu’on sente vraiment cette elfine vivre devant nous jusqu’à en percer son secret.
Malheureusement pour moi, je reste inévitablement dans le mensonge parce que je veux atteindre une objectivité sur les personnages sauf que je le fais subjectivement au travers ma nature masculine. Donc employer le « je » accentue l’imposture, car fondamentalement, tout comme le lecteur, je projette une réalité féminine imaginée par ma nature masculine, qui n’est certainement pas celle d’une vraie femme. Il y a indéniablement une part de désir inavoué qui motive mon exploration de mes personnages féminins. Du coup, si j’ai dit que j’écrivais pour un lecteur précis, je me suis rendu compte que ce lecteur était un double de moi-même, donc lui aussi un homme. C’est surtout moi qui veux découvrir et lire ce récit qui flotte encore confusément dans mon esprit. C’est moi qui veux mettre à nue l’âme féminine.
Pourquoi alors vous reparler de ce vieux récit d’elfine ? Tout simplement parce que j’ai voulu écrire récemment une nouvelle qui reposait sur les mêmes ressorts : un récit à la première personne sur une femme avec une réalité qui s’avère très différente de ce qu’on imaginait au final. Le plus étrange, c’est que j’ignore précisément comment m’est venue l’idée de départ, mais ce dont je me rappelle, c’est que plus je la gardais en moi et plus j’y voyais des possibilités infinies de l’écrire et que chacune m’attirait irrésistiblement. Au final, j’avais décidé que l’histoire se lirait de deux manières sans qu’aucune des deux ne soit plus vraie que l’autre. Mais j’ai fini par tout effacer parce que j’avais découvert que je ne pouvais pas l’écrire sans me mentir une nouvelle fois.
Or j’ai bien décidé de ne plus mentir. A la place, je vous vais expliquer ce que je voulais obtenir parce que j’ai besoin de vous pour rendre encore plus réel ce récit. En fait, je voulais écrire une histoire dans lequel le lecteur se sentirait happé malgré lui, un peu comme cet athée qui approcherait d’un temple et y rentrerait sans conviction, mais en ressortirait malgré lui complètement converti. Bien sûr, pour cela, même si deux majestueuses colonnes devaient marquer clairement son entrée et lui donner secrètement envie de découvrir ce qui s’y cache, il faudrait qu’il ne sache pas qu’il a franchi depuis longtemps le seuil du temple.
C’est là où j’ai besoin de vous. Pour ça, il faut simplement que vous arriviez à visualiser deux images qui, un jour, se sont d’elles-mêmes imposées à moi et qui m’ont provoqué ce désir d’écrire ce texte. Pour être plus précis, je me dis que l’histoire qui m’importe doit exister très exactement entre l’espace de ces deux images, comme les deux colonnes de ce temple. Et ce n’est qu’à partir de là que vous pourrez jouer votre rôle.
Ma démarche sera simple. Je vais vous décrire, aussi précisément que je le pourrais, ces deux images pour que vous cherchiez, avec moi, ce qui les relie et comment donner précisément vie à l’histoire qu’elles provoquent en chacun de nous.
La première utilise un archétype très simple et assez basique que beaucoup de films et de publicité ont utilisé. Une belle voiture noire, une limousine, s’arrête au bord d’un trottoir au milieu de la nuit. La porte s’ouvre et de là apparait un escarpin fin et pointu, suivi d’une longue jambe élancée de femme qui se déplie lentement pour prendre appui au dehors. On ne voit pas la femme cachée par l’ombre et les contours froids de la porte, on devine juste, en glissant notre regard le long du bas de soie, le léger tissu d’une robe de satin noir qui recouvre, très partiellement, une cuisse frissonnante. L’image est suffisamment connue et clichée pour être gravée dans toutes les têtes. Bien qu’on ignore tout de cette femme qui doit en sortir, dans l’esprit de chacun flotte cette impression troublante de l’avoir déjà vue.
Pour autant, ce pied, redessiné par l’élégance toute en pointe de l’escarpin et qui sort lentement au dehors, a quelque chose d’irréelle et vulnérable à sortir, comme dans un songe, de l’énorme voiture au milieu de l’obscurité mouvante de la ville. En même temps, il y a cette lumière qui glisse le long du galbe du mollet qui nous renvoie au contraire une image si nette et précise qu’il est inutile de l’effleurer pour en éprouver l’ivresse. On suit malgré nous ce bref mouvement de pivot du corps pour extraire cette cuisse à peine entraperçue. Et au moment où cette jambe toute entière qui s’étire à n’en plus finir va prendre appui sur le trottoir et que cette scène va se figer en une simple image, cette seule jambe projette en nous l’image d’une femme toute entière sans même que nous l’ayons vue.
Maintenant, je vais décrire la seconde image. En soi, rien ne les lie véritablement, mais je les avais choisies parce que je ressentais de nombreuses interactions entre elles et qu’elles suggéraient bien plus qu’elles ne montraient. Celle-ci nous marque immédiatement parce qu’on la dirait sortie d’un vieux magazine érotique et qu’elle dévoile brutalement tout ce que la première scène avait suggéré.
En pleine lumière, au milieu d’un hall luxueux d’hôtel, se tient debout, dos à nous, une femme, assez grande, magnifique, mais complètement nue. Un homme, avec l’assurance de la quarantaine, impeccable en costume noir de soirée, lui fait face et tient ouvert devant elle un manteau de fourrure, au poil noir et épais comme du vison, dont les pans tombent droits de chaque côté et effleurent à peine les frêles épaules. A ce stade, l’image se fige sans que nous puissions savoir s’il cherchait à l’en recouvrir ou à le lui retirer. Derrière eux, légèrement sur la droite, nous voyons aussi un ascenseur avec une porte entrouverte qui est sur le point soit de s’ouvrir soit de se fermer.
Même si j’ai dû dire dit qu’elle était complétement nue, c’est inexact. C’est ce que, nous, nous voulons voir. Mais, de biais, un petit chapeau noir en forme de barque, avec une plume coincée dans un ruban satiné, comme une rame, prolonge sa tête de manière tout à fait charmante; il y a aussi à ses oreilles une pluie de brillants qui tombe en cascade en répondant aux scintillements de ses bracelets ; enfin, elle a conservé à ses pieds sa paire d’escarpins, noirs également, qui soulignent les courbes de sa chair intensément claire par le subtil équilibre que provoquent leurs fins talons. Et tous ces accessoires qu’elle a gardés sur elle magnifient sa nudité et la rendent encore plus désirable.
A dire vrai, comme vous, j’ignore encore à ce stade ce qui m’attire et me déstabilise. Il y a ici comme une invitation ou une promesse impudique qui excite mon imagination à regarder librement le face à face entre cette femme élégante jusque dans sa nudité et l’homme habillé pour une soirée. Pourtant, je voulais voir un peu plus que cette image, parce que je ressentais aussi toute une violence souterraine entre ces deux êtres qui justifierait l’étrange exhibition de cette femme aux yeux de tous.
D’abord, il y a la carrure écrasante et puissante de cet homme qui renforce la finesse et la fragilité de la silhouette dévêtue de la femme, d’autant plus que le regard est irrésistiblement aspiré par l’espace libre et troublant de la peau claire, parfaitement lisse, dessiné par les pans tout noirs des poils de l’épaisse fourrure. Et j’ignore pourquoi j’ai à ce point envie de laisser son charme agir sur moi. Plus elle se laisse regarder et plus je suis attiré par elle. En suspension sur les talons-aiguille, toute sa nudité rayonne vraiment au travers de ses longues jambes légèrement fléchies, de ses fesses aux rondeurs musclées et tendues qui tracent, sous elles, deux arcs d’ombre, et surtout du triangle fuyant de son dos, à peine marqué, comme deux paupières closes, par ses fragiles omoplates.
Du coup, moi aussi, comme cet homme, j’aurais voulu également voir ce que devant nous cache son dos, notamment cette poitrine qu’on devine plus que parfaite, aux formes lourdes, fières et tendres. Mais, en même temps, il y a, entre elle et lui, toute cette tension électrique et confuse qui me met mal à l’aise, parce que nous sommes face à un spectacle que nous aurions dû ne jamais voir et qui, du coup, nous pousse à prendre parti.
Voilà la scène telle qu’elle nous saute d’abord aux yeux, sauf qu’il y a bien plus à voir. A gauche et qu’on oublie pourtant, il y a effectivement ce petit sac à main, noir toujours, aux fermetures dorées, que la femme tient négligemment dans son bras ballant dans le vide et qui semble en dire long sur son état d’esprit. Montre-t-elle de la résignation, de l’abandon ou de la lassitude ? Et il y a surtout cette autre main qui se lève en l’air, entre elle et le torse de l’homme, dont on ignore si elle va le repousser ou l’enlacer. L’homme, lui, penche sa tête sur elle comme pour l’embrasser. Sauf que la femme, le corps légèrement cambré, bascule en arrière son visage sur le côté, dans un dernier geste, sans qu’on puisse déterminer si elle réclame un suave baisé dans le creux de son cou, ou si elle lui refuse volontairement ses lèvres rouges impeccablement dessinées.
Il y a surtout, derrière eux, cette porte d’ascenseur entrouverte dont la cage nous rappelle à son tour la coque froide de la limousine. A ce moment précis, on bute sur son immobilité frustrante et illogique. Pour en sortir, on cherche un lien entre l’ascenseur, l’homme et la femme: en sortent-ils ou s’apprêtent-ils à le prendre ? Ou bien une autre personne va-t-elle en surgir, comme un nouveau danger qui interromprait brutalement l’intimité de la scène ? Derrière cet équilibre de plus en plus instable, il y a certainement un secret qui nous permettrait d’entrapercevoir ce qu’a vécu cette femme ou bien ce qui l’attend.
Mais je crois qu’il faut continuer à voir plus que cette image jusqu’à en franchir l’immobilité qui nous frustre tant, car je reste avec l’énigme de la nudité de cette femme à percer. Et, si elle doit l’être, ce sera en chacun de nous, car je ne veux pas que le texte le dise ouvertement.
Voilà les fondations de mon histoire. Et c’est là où vous pouvez m’aider. J’aimerais qu’elle tienne toute entière entre l’espace qui sépare ces deux images. Moi, pour l’écrire, je m’étais dit que l’image de la femme dans la limousine aurait été suffisante pour imprégner, par sa présence, toute la scène devant l’ascenseur. Bien que nous n’ayons pas vu son visage, cette juxtaposition des deux images dans nos esprits, ou en tout cas dans le mien, créait un premier lien. Et je vais vous dire, pour moi, c’était même l’absence du visage dans la limousine qui m’obligeait à lui en donner un. Je le voyais en moi encore mieux que si elle en était entièrement sortie.
D’ailleurs, dans mon récit, j’avais envie, au départ, que chacun soit libre d’imaginer la femme pour incarner cette apparition dans la limousine. Malheureusement, avec la seconde image devant l’ascenseur, j’ai découvert que l’irruption soudaine de cette autre réalité pouvait nous piéger. En effet, tandis que le visage dans le hall se détourne in extrémis vers nous et laisse entrevoir enfin son profil parfait, comme vous, je devais confronter son image avec celle que j’avais projetée dans la limousine. Et là, soudain, nous sommes tous placés face à un dilemme : la première image restera-t-elle identique à ce qu’elle était ou se trouvera-t-elle contaminée inconsciemment par la tension trouble que la scène du hall d’hôtel distille en nous? Ou alors, avons-nous vraiment deux visages différents et qu’il nous faudra, d’une manière ou d’une autre, relier entre eux ? Car rien ne dit qu’il s’agit des mêmes jambes, et donc de la même femme, même si, au fond de moi, comme vous, j’en ai terriblement envie.
Là aussi, à nouveau, je crois que nous avons besoin de voir plus que cette image, car la solution se cache certainement au cœur de l’âme de cette femme. Pour l’heure, nous sommes face à elle comme face à des portes qui, chacune, obstruent une partie de son secret et qu’il nous faut, à chaque fois, davantage pousser pour y plonger plus profondément. C’est certainement là que nous trouverons sa vraie motivation. C’est là aussi que nous saurons si elle attire cet homme dans un but précis pour obtenir une faveur ou pour assouvir une vengeance. Ou bien si elle lui cède dans un geste irraisonné d’amour et d’abandon. Il se peut aussi qu’elle ait été brisée par un autre homme qui se cache justement dans cet ascenseur et qui, dès lors, s’éloignerait d’elle définitivement. Ou encore même qu’elle ne soit qu’un simple pion dans un vaste piège qui se refermerait sur l’homme quand, enfin, la porte de l’ascenseur entièrement s’ouvrira. Dès lors, je me disais que nous étions forcés de lier cette scène à cette mystérieuse jambe qui sort de la limousine jusqu’à en irriguer à son tour la scène différemment. Voilà en tout cas l’essentiel de mes hypothèses.
Vous ne me croirez peut-être pas, mais à force de parler avec vous, j’ai l’impression de progresser et d’y voir plus clair. Et du coup, je vois mon texte différemment. Pour mieux cerner les deux scènes, je pense qu’il ne faut surtout pas se concentrer sur cette image de la femme aux prises avec les pulsions de l’homme. Oui, il faut oublier qu’elle puisse s’adonner fiévreusement à lui, même si, vous comme moi, nous savons combien elle assouvirait le moindre des désirs qui nous hantent soudain. Et même si cette scène qui me trouble ne cesse de graviter autour des enjeux, j’aimerais que nous envisagions plutôt le rapport de force qui en découle, et surtout que nous déterminions qui, de l’homme ou de la femme, en sortira vainqueur. A ce stade, n’importe quel lecteur devrait vouloir résoudre deux questions : la nudité sensuelle de cette femme marque-t-elle pour elle une victoire ou, au contraire, une défaite ? Et au moment où nous saurons si la porte de l’ascenseur s’ouvre ou se ferme, plongera-t-elle corps et âme dans les enjeux que nous entrapercevons ou les esquivera-t-elle in extremis?
Pas facile pour l’instant de le déterminer. On dirait qu’il nous manque toujours quelque chose. A dire vrai, nous sommes exactement dans la situation du spectateur qui prend un film en cours de route et qui a très envie de voir une scène, sauf qu’il ignore pour l’instant s’il vient juste de la manquer ou si précisément elle est sur le point de commencer. La seule chose qu’il sait, c’est que son désir de la voir contamine tout entier l’image qu’il a sous les yeux.
Par contre, depuis le début, je crois que ni vous ni moi n’avons sérieusement envisagé une dernière hypothèse : et si, en réalité, la femme que tous nous imaginons en nous n’était pas unique et parfaite, mais plutôt constituée de femmes différentes ? Alors cette nouvelle femme serait beaucoup plus libre d’agir. Pour la relier à l’ascenseur, elle pourrait très bien, à son tour, retrouver l’homme dans sa chambre ou même sortir de cet ascenseur derrière eux et les surprendre ici. Mais nous avons maintenant deux réalités féminines sur le point de se télescoper là où il n’y en avait qu’une en nous. Pour régler ce problème, pendant le laps de temps de l’ouverture de l’ascenseur, chacun devra rendre un nouveau visage à cette femme qui s’apprête à en sortir. Et admettre que l’incarnation de la femme que nous avions vue en nous depuis le début n’est plus unique mais possède de multiples visages.
Je vous avouerai que c’est ici à peu près que j’avais arrêté mon histoire, car je sentais que je sortais du cadre que je m’étais fixé. En effet, nous arrivons à un point où nous ne sommes plus du tout entre l’espace des deux images. Pour être honnête, je pense aussi que ce n’était le texte que je voulais écrire. Donc, à la place, pour confirmer nos hypothèses, je crois que nous devrions plutôt nous concentrer sur tout ce qui les relie en même temps qu’il les sépare, comme cette porte d’ascenseur qui s’ouvre et se referme. Chacune de ces images devraient se répondre davantage l’une à elle et se refléter en nous comme des miroirs. Oui, c’est exactement ça. Pour que leur sens nous parle, nous devons être impliqués personnellement dans cette histoire. Ca y est, je sens que nous approchons du but. Quelque chose me dit que nous avons tout en main pour faire apparaître cette vérité. Ce qui nous relie si intimement à elles se cachent forcément quelque part dans ces images.
Pourtant, à y regarder de plus près, je me dis que quelque chose cloche. Plus je les fixe, plus elles s’immiscent en chacun de nous, et moins j’ai l’impression d’accepter ce qu’elles nous disent. Et, déjà la dernière fois, j’avais eu cette même impression à un moment donné de faire fausse route.
En effet, au départ, je vous ai dit que je voulais écrire cette histoire sans avoir à mentir. Or, jusqu’à présent, tout n’est que mensonge car cette histoire n’existe que parce que je suis un homme et que je fantasme sur cette femme. Et même si je veux uniquement me focaliser sur elle et la faire vivre devant nous jusqu’à en sentir le palpitement de son cœur, voire même jusqu’à en percer tout entier son mystère, je sais que rien ne peut vraiment exister tant que j’oublie à ce point cet homme qui tient le manteau. Pour réussir mon histoire, forcément, je dois aussi percer son secret.
Et donc, encore et toujours, il faut que nous continuions à voir plus que cette image. Pour ça, oublions un instant tout ce qui précède et cherchons à la place ce que nous avons pu oublier. Tout est sous nos yeux : la femme nue, l’homme au costume, le manteau de fourrure et l’ascenseur derrière. Tiens, à propos de cette fourrure, que nous dit-elle? En la regardant au fond de moi, je commence à comprendre mon erreur.
Pour que l’histoire prenne tout son sens, bien que complètement passif sur cette image, nous devons transformer cet homme en un double du lecteur masculin, et donc de moi-même. Oui, soudain, je comprends que cette femme ne fait pas simplement face à lui, mais face à nous tous qui la regardons et qui voulons l’attirer à nous, et voir, et caresser son corps tendre et fragile. Et la fourrure devient un paravent pour que nous seuls contemplions ce corps offert dans sa sublime nudité. Si la fourrure cachait jusqu’à présent ce que le lecteur voulait voir, notamment les formes si appétissantes de cette femme, nous voilà maintenant libre de les contempler là, devant nous. Et maintenant, regardez comme toute sa chair si parfaite semble vibrer délicieusement sous nos yeux.
Du coup, sans que personne ne remarque rien, mes bras sont tendus de part et d’autre, pour que, placée entièrement ainsi en mon pouvoir, je puisse à tout moment la serrer contre moi. Et la jeune femme se tient ici, tout contre mon épaule.
Malgré moi, la douce chaleur qu’elle dégage m’attire et m’aspire. Et je comprends ce que j’ai toujours voulu, c’est-à-dire tout ce que je désire précisément faire avec elle. Et la chair de son cou frissonne maintenant tout près de mes lèvres. Elles sont si proches de sa peau que son parfum nous effleure et nous enivre encore plus.
Alors, à cet instant précis, qu’importe qu’on puisse nous surprendre, seul compte cet appétit que nous sentons au plus profond de nous et ce poids du réel que nous arrachons à la vie. Oui, seul compte ce que nous voulons voir à cet instant précis, et surtout ce que nous voulons vivre avec elle. Nous allons combler enfin le vide qui sépare ces deux images.
Et voilà comment il faut avoir envie de réécrire cette histoire: dans un double mouvement de frustration et de désir, pour que ces deux êtres existent en nous tout entier au moment où se termine la scène, c’est-à-dire là où les deux images se rejoignent pour s’éclairer l’une et l’autre.
Pourtant, il est temps que nous cessions de regarder autrement ces images pour les voir uniquement pour ce qu’elles sont, car, si je le fais à ce moment précis, tout deviendra limpide dans ma tête. C’est là que je comprends ce qui, jusqu’alors, m’avait échappé quand j’avais découvert ces deux images. Et leurs secrets se révèlent soudain. Oui, je sais maintenant si la porte de l’ascenseur va s’ouvrir ou définitivement se refermer. Je sais également ce qui attend cet homme et cette femme, car, de toutes ces histoires possibles, une seule s’impose vraiment à moi, parce que j’ai terriblement envie de la vivre pour comprendre comment cette femme si belle s’est retrouvée ici entièrement nue.
Pour ça, il ne me reste plus qu’une chose à faire. Quelque chose d’impensable et qui devient à présent évident. Maintenant que ces deux images sont gravées au plus profond de chacun de nous, dès que je gonfle ma poitrine, je sens, très fort, en moi, le cœur de cette femme battre. Et c’est précisément sur cette histoire que j’ai honteusement échouée. Je la vois, je la vis, mais personne n’est jamais là pour l’écrire. Tous, à la place, vous préférez me regarder.
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- Vuld Edone
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Jusqu'alors je me répétais en boucle "mais qu'est-ce que ça fiche en TdE" jusqu'à ce que je me rende compte à cet endroit précis du message que tu racontais une histoire.La première utilise un archétype très simple... L’image est suffisamment connue et clichée...
Excellent, évidemment, même si tu devrais songer à plus aérer non pas pour rendre la lecture agréable mais pour te rapprocher du sentiment de conversation, avec ses pauses plus nombreuses et ses hésitations.
Le texte débute avec l'impression d'une confession et employer l'elfine, pour ceux qui te connaissent - que ce soit Anarielle ou Ether - rend l'histoire crédible. Surprenant, , mais crédible.
Et effectivement, au moment où tu nous dis clairement ton projet, tu arrives à nous le cacher, ce fameux jeu du renard, on passe les portes sans s'en rendre compte.
C'est d'autant plus réussi que cette narration n'a rien à voir avec la manière dont tu t'exprimes habituellement, mais parce que je suis aveugle j'ai quand même passé la moitié du texte persuadé que c'était bien toi. (EDIT: Ce qui contredit mon conseil d'aérer.) Il faut dire qu'en même temps, je compatissais...
Ce qui t'a trahi, c'est... alors très littéralement, c'est simplement que la description m'a un peu fatiguée et j'ai donc eu cette tendance à sauter des mots pour aller plus vite. C'est là que je me suis rendu compte que j'étais en train de lire un texte.
Tu cherches donc peut-être trop vite à entrer dans l'histoire, peut-être des descriptions déjà trop construites au départ. C'est difficile à dire.
(Oh. Bien sûr je lirai le reste mais quand je déciderai de remettre la patte dans le piège.)
Ce genre d'exercice est excellent pour montrer le travail d'immersion et de vraisemblance, et c'est ici clairement un succès. Je ne sais pas depuis combien de temps tu le prépares ou la quantité de travail que ça t'a demandé, mais le résultat est là et consciencieux.
...
Je me demande si à mon propre jeu je n'ai pas manqué le plus important... quand je lirai le reste, je verrai s'il n'y a pas une clé qui m'aurait échappée...
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- Zarathoustra
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- Hors Ligne
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A dire vrai, c’est une idée de texte qui a germé la semaine dernière en repensant à la discussion sur le Renard au Harnais (que je ne retrouve plus, tu l’as effacé ? ). Plus exactement, c’est un mélange de cette discussion avec mes réflexions en cours sur un autre texte très personnel que je ne pourrais diffuser ici qui m’a donné envie de l’écrire et qui coincide avec l’apparition de ces deux images dans ma tête, dont l’une vient effectivement d’un souvenir adolescent d’une photo d’un magazine érotique.
C’est étrange que tu dises ne pas avoir reconnu mon style, parce que je pense qu’il est très connu ici car il est très proche de celui de mes commentaires (et que j'emploie dès que j'écris quelque chose qui n'est pas un roman). Il m’est finalement très spontané. C’est vrai aussi que j’ai retrouvé un peu de la façon dont je travaillais certains passages d’Allariel. Et dont tu as eu un rappel dans le début du Chap 2 du Renard au Harnais.
Pour cela, l’idée était de faire une longue introduction, mais très douce, où je mêle quelques pensées personnelles à des chaussetrapes de renard, dont le but est de créer une intimité complice avec celui qui lit. Il était pour moi très important que ce début se lise tout seul, qu’il soit fluide et qu’il progresse de manière très nette mais sans que le lecteur ne s’en rende compte. Qu’il soit en quelque dans la nacelle bien avant qu’il n’ait vu le grillage qui l’entoure, c'est-à-dire même bien avant que le piège soit explicitement posé (en fait tout est en place dès le premier paragraphe, comme je l’ai appris en te lisant).
A dire vrai, il y avait ici plusieurs pièges dédicacés à un certain renard notamment sur mes réflexions « personnelles » sur l’écriture. Donc je comprends tes réactions à ta première lecture. On pourrait presque dire que c’est plus un texte pour piéger les renards qu’un vrai texte de renard … Bien qu’il soit aussi un hommage à ce renard…
Au départ, il n’y avait aucune trame, je me suis lancé dedans en free style vendredi soir… Mais, ce qui faisait 2,5 pages en a fait 4 à force de le travailler jusqu’à hier soir.
Je voulais juste partir de la description des deux images que je voulais faire précéder d’un plan de marche très précis sans qu’il ne soit visible au lecteur. Enfin, une fois les descriptions faites, je voulais juste obliger le lecteur à combler de lui-même les trous du récit qui pouvait prendre place entre les deux images. Tel était le projet de départ.
C’est ici que les choses ont changé entre le vendredi et le dimanche. Je m’étais rendu compte que je n’exploitais pas l’idée que j’exposais dans mon introduction, à savoir ma subjectivité dans mon soi-disant désir refoulé inconsciemment pour rendre réel le personnage féminin. Donc dans la dernière version, j’ai retravaillé pour mieux mettre en scène cette idée, qui a elle-même évolué dans une ultime version qui était de nous substituer au protagoniste masculin.
Ce qui fait que tout le début a été très simple pour moi à écrire, toutes les idées se sont agencés et enchaînées assez naturellement, créant d’ailleurs parfois d’heureuses brèches que j’ai exploitées ensuite.
Ce qui a été plus laborieux (et ce qui se sent d’ailleurs nettement, je suis d’accord avec toi), ce sont bien sûr les descriptions des deux images, et tout particulièrement celle de la seconde. Mais ici, je me sens moi aussi piégé entre le besoin de rendre l’image la plus nette qui soit et de progresser également dans l’histoire. C’est bien la projection de l’image qui doit provoquer le désir de vivre la scène. Selon moi, plus je serais arrivé à la rendre précise et nette, plus je pensais captiver le désir masculin de se projeter sur la femme.
D’ailleurs, si tu veux tout savoir, je me suis rappelé ce matin que dans l’image qui m’a inspirée, le couple était dans l’ascenseur et qu’un groom nous regardait en fermant le grillage qui servait de porte d’ascenseur, et je crois même qu’il y avait un miroir au fond qui nous donnait à voir ce qu’on ne pouvait voir. Et l’attitude de la femme n’avait aucune ambiguïté, elle s’adonnait complétement aux baisers de l’homme qui l’étreignait dans ses bras, c’est un point qui fait donc partie de mes petits mensonges délibérés.
Dans ce texte, il y a certainement un autre point qui est à revoir, c’est la dernière fois où je reparle de la scène de la limousine. Cela manque de fluidité et je ne suis pas sûr que les idées soient très claires. Mais cela contribue aussi à saturer l’esprit du lecteur pour le rendre complètement disponible au transfert final, qui devient ainsi comme une échappatoire. Plus que le fond, ce serait donc la forme qu’il faudrait revoir. Mais je t’avoue qu’il faudrait que le texte décante ou que j’ai quelques retours pour m’y replonger.
Donc voilà en gros pourquoi et comment il a été écrit.
PS: j'ai modifié plusieurs passages dont le style ne me convenait pas.
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- Imperator
- Hors Ligne
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Bien sûr que je suis pris dans le texte.Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi vous écriviez ?
Mais comme j'ai dû gérer mon temps, je me suis demandé si je pouvais lire la suite, me faisant prendre conscience que le texte était long, qu'il semblait suivre une structure narrative et que le titre était finalement extrêmement démonstratif.
Néanmoins, un magnifique exercice de style. Je l'ai parcouru en diagonale pour confirmer mon soupçon et je dois dire que ce que j'en ai lu est plus que convaincant.
À vrai dire, le premier commentaire que je voulais écrire était:
Et pourtant tu l'as écrite.Mais c’est précisément sur cette histoire que j’ai honteusement échouée. Je la vois, je la vis, mais personne n’est jamais là pour l’écrire.
Parce qu'à ce moment là, j'ignorais si tu étais conscient ou non d'avoir écrit une histoire.
Bref bref bref... Un petit mot sur ce qui m'a vraiment mis la puce à l'oreille:
Aimant moi aussi placer des suggestions, j'ai pu reconnaître cette astuce à ce moment. Même si tu l'avais déjà employée avant ce point.Et le lecteur, tout entier sous l’influence des images de femmes fatales qui flottent dans son esprit, la perçoit en lui encore mieux que si la séquence l’avait vu sortir toute entière de l’habitacle métallique et brillant.
Mais sérieusement, bravo! Si c'est possible de publier cette histoire, histoire de pouvoir facilement la retrouver, je t'en serais assez reconnaissant. Je pense qu'en termes de méthode d'écriture, on a là un exemple de maître .Le discours sur l'écriture au travers d'un exemple jamais interrompu.
On peut y greffer tout ce qu'en tout cas je connais en termes d'écriture:
Yay, un enjeu!e pensais écrire pour moi. Or de plus en plus j’écris pour un lecteur.
J'apprécie particulièrement l'idée d'avouer mentir au lecteur pour cacher le fait que tu lui mens.
Bref, encore une fois, bravo! C'est splendide. Je n'avais plus vu une telle performance depuis... depuis longtemps (mes souvenirs sont un rien brumeux).
Impe, jaloux pour le coup , mais pas étonné de voir le maître à l'oeuvre.
ps: je me demande ce que Petch en penserait...
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- Zarathoustra
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- Hors Ligne
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Donc j’ai remplacé :
Par :Et voilà comment il faut avoir envie de réécrire cette histoire : dans un double mouvement de frustration et de désir, pour que ces deux êtres existent en nous tout entier au moment où se termine la scène, c’est-à-dire là où les deux images se rejoignent pour s’éclairer l’une et l’autre. Alors que, d’un coup, la porte de l’ascenseur s’ouvre ou se ferme définitivement, que va-t-il se passer maintenant que tout est clairement inscrit en chacun de nous? Oui, tout bascule si vite dans ma tête. De toutes ces histoires possibles, une seule vraiment s’impose à moi, parce que j’ai terriblement envie de la lire pour connaître ces obscures raisons qui éclaireraient alors parfaitement ces deux images gravées en moi. Mais c’est précisément sur cette histoire que j’ai honteusement échouée. Je la vois, je la vis, mais personne n’est jamais là pour l’écrire.
La fin me met vraiment mal à l'aise, j'ignore si ça sera pareil pour vous, mais c'est ce qui me fait dire qu'elle fonctionne .Et là, ça redevient vraiment un texte de renard.Et voilà comment il faut avoir envie de réécrire cette histoire : dans un double mouvement de frustration et de désir, pour que ces deux êtres existent en nous tout entier au moment où se termine la scène, c’est-à-dire là où les deux images se rejoignent pour s’éclairer l’une et l’autre. A partir de là, tout bascule si vite dans ma tête, car j’ai compris ce qui m’avait jusqu’alors échappé quand j’ai découvert ces deux images. Oui, je sais maintenant si la porte de l’ascenseur va s’ouvrir ou se fermer définitivement. Je sais également ce qui attend cet homme et cette femme, car, de toutes ces histoires possibles, une seule s’impose vraiment à moi, parce que j’ai terriblement envie de la vivre pour comprendre comment cette femme si belle s’est retrouvée nue ici. Maintenant que ces deux images sont gravées en chacun, je sens, très fort, le cœur de cette femme battre en moi. Mais c’est précisément sur cette histoire que j’ai honteusement échouée. Je la vois, je la vis, mais personne n’est jamais là pour l’écrire. On préfère juste me regarder.
Je suppose que Vuldone aurait dès le départ réfléchi sur son projet pour l’écrire de manière à aller imméditament sur C , sans faire mes aller-et-retour, mais aurais tu pensé (ou oseé) à aller jusqu’à D ?
J'hésite même à finir par:
C'est toujours le fameux dilemne entre en faire trop et pas assez quand on a des intentions cachées...Maintenant que ces deux images sont gravées en chacun, à chaque fois que je gonfle ma poitrine, je sens, très fort, le cœur de cette femme battre en moi. Mais c’est précisément sur cette histoire que j’ai honteusement échouée. Je la vois, je la vis, mais personne n’est jamais là pour l’écrire. On préfère juste me regarder.
Honnêtement, c'est Vuldone qui m'a montré le chemin, et je te rassure que son texte "Le Renard au Harnais" était au moins aussi bon et produisait un autre effet encore plus surprenant (pour moi, je ne l'égalerais en terme d'effet sur le lecteur que si je parviens à atteindre le point D). Et il employait des artifices certainement moins tape-à-l'oeil que certains que j'ai employé ici sur lequel je ne suis pas complètement satisfait (comme notamment celui que tu cites).Impe, jaloux pour le coup , mais pas étonné de voir le maître à l'oeuvre.
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- Vuld Edone
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... Le narrateur. En plus je le savais...Je me demande si à mon propre jeu je n'ai pas manqué le plus important... quand je lirai le reste, je verrai s'il n'y a pas une clé qui m'aurait échappée...
Cela dit et pour un piège ton texte devrait aller de D à D, en passant par B. Je veux dire par là que ton narrateur doit être le même du début à la fin, sans quoi tu fais une sortie de cadre (avec ou sans métamorphose) qui a certes son effet mais brise aussi la vraisemblance.
Comme un ajout... tardif...
J'ai lu le reste du texte et pour moi la raison pour laquelle l'illusion se brise, c'est que le texte est déjà écrit. Du coup le lecteur ne travaille pas, et s'il ne travaille pas il se retrouve de nouveau en position de lecteur.
(EDIT: Si tu préfères, tu ne montres pas que c'est un texte impossible.)
Je l'ai remarqué parce que tu demandes au départ l'aide du lecteur pour écrire ton histoire - ce qui est logique pour un piège - mais alors mes commentaires auraient été "mais tu veux notre avis sur quoi ?" Il n'y a pas de chantier, tout est déjà donné.
"Mais si tu le sais pourquoi tu nous demandes de l'aide ?"Pour ça, contrairement à ce que j’avais écrit, il ne faut pas commencer par l’image de la limousine (...)
Cela dit et c'est ma remarque la plus importante, tu as relancé mon intérêt pour "Fleur bleue". Tu sais, le défi romance...
Parce que dans ce défi je me concentrais sur l'homme, en lui donnant une vie, et je laissais la femme plus ou moins à l'état de fonction (ombre de Flor). Tu m'as donné envie de me mettre dans ses escarpins et d'en faire l'héroïne...
Y faire jouer ton ambivalence... ce pourrait être intéressant.
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- Zarathoustra
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En fait, je pense que mon texte souffre certainement d’un projet initiale qui était comme le tien, de donner envie au lecteur d’écrire le texte. Ce qu’il ne fait absolument pas. Je demande de l’aide, parce que je mens. Je me mets en situation de faiblesse alors que je sais que je ne le suis pas du tout. Je crée ici un a priori dans la tête du lecteur."Mais si tu le sais pourquoi tu nous demandes de l'aide ?"
C'est par contre une idée intéressante. Pour moi, j'avais besoin du lecteur pour qu'il m'aide à créer un vrai personnage féminin. Qu'on le sente vivre. Mais ce n'est certainement opas assez marqué. Ici, effectivement, je pourrais exploiter tes procédés d'aller-et-retour de la réflexion.mais alors mes commentaires auraient été "mais tu veux notre avis sur quoi ?" Il n'y a pas de chantier, tout est déjà donné.
Mais fondamentalement, ce texte souffre certainement du glissement qui s’est opéré très vite. Le but ici est de jouer avec le lecteur, de jouer au chat et à la souris avec ce que je raconte pour le pousser à basculer dedans et devenir acteur du récit (et non l’écrire). Tout est fait pour qu'il se projette complètement sur ces images, et qu'au final il rentre dedans liéttarement.
Et comme j’avais dit que j’écrivais non pas pour moi mais pour le lecteur, mais qu’au final j’étais ce lecteur, le texte est plus une réflexion sur les projections des uns et des autres, en même que je me joue de ma volonté de rendre crédible mes personnages (et dont mon aveu de ne pouvoir donner vraiment vie à des héroïnes féminines quand on est un homme sans qu’il y ait une part de désir et donc de créer une même sorte de personnages).
Donc, quand tu dis que l’illusion se brise, c’est dans l’idée que le lecteur serait poussé à écrire ce récit impossible ? Parce qu’effectivement, ce n’est pas le but. Ici tout tourne sur le mensonge. Je lui dis que je n’ai pas écrit ce texte alors qu’il est effectivement en train de le lire sans qu’il le sache. Et quand je dis que j’échoue à donner vie au personnage féminin, j’ai enfin trouvé comment résoudre cette question que je n’avais fait qu’esquisser.J'ai lu le reste du texte et pour moi la raison pour laquelle l'illusion se brise, c'est que le texte est déjà écrit
Ce qu'il est (malheureusement)!!!! Mais c'est aussi une solution finale à un probléme. Donc pour que le probléme existe, la solution ne doit pas être dedans. Comment faire vivre ce personnage féminin quand on est un homme? Tu comprends que le narrateur ne peut pas être le même à la fin.Comme un ajout... tardif...
Oui, là, tu as raison. Mais je ne sais pas si je suis clair parce que, pour moi, ce qui est impossible, c’est qu’un homme supprime son désir en creusant un personnage féminin dès le moment où il lui donne une plastique agréable. Tout ce texte joue sur le désir de l’homme. S’il se projette sur la femme, ce n’est pas pour elle, pour la comprendre, mais pour vivre ce qu’il fantasme sur elle. Et s’il prétend la comprendre, tout le contexte même de l’histoire n’est qu’une projection érotique quelque part ridicule.(EDIT: Si tu préfères, tu ne montres pas que c'est un texte impossible.)
En soi, que de telles femmes existent, c’est possible, mais ce ne devrait pas être des personnages de romans écrits par des hommes. S’ils le font, c’est uniquement parce qu’ils expriment leur désir. Bref, ces images sont au contraire uniquement des projections masculines, la preuve, l'une d'elle est vraiment inspirée d'une vraie photo d'un vieux Playboy... Ce n'est certainement pas là qu'il faut chercher pour comprendre le secret d'une femme. Par contre, c'est un excellent moyen de comprendre le regard de l'homme sur la femme...
Du coup, ma dernière phrase essaie de renvoyer cette vérité aux hommes. Et rien que de la prononcer dans ma tête, je suis toujours moi-même mal à l’aise. Sans doute parce que je n’ai aucune envie d’être regardé par des hommes… parce que je trouve ce regard obscène dè le moment où je l'imagine sur moi.
Le narrateur change dans la mesure où il devient lecteur. Il faut qu’il change parce que le lecteur est d’abord lui-même, puis veut voir cette femme, donc devient l’homme au costume malgré lui, sauf que pour résoudre le texte, il doit devenir cette image (ou cette femme). Parce qu’il est dit que je ne pouvais pas y parvenir et que tout ici est mensonge. Dans la mesure où j’exprime dès le départ cette confusion entre l'auteur et le lecteur, je respecte selon moi, au contraire, scrupuleusement mon programme.Cela dit et pour un piège ton texte devrait aller de D à D, en passant par B. Je veux dire par là que ton narrateur doit être le même du début à la fin, sans quoi tu fais une sortie de cadre (avec ou sans métamorphose) qui a certes son effet mais brise aussi la vraisemblance.
Comme j’ai construit ceci à tâtons, il est fort probable qu’il faudrait tout réecrire en ayant dès le départ ce que j’ai maintenant en tête pour apurer le texte des séquelles de son processus de création par empilement (et c’est là où ta méthode de planification est meilleur). Je n’avais pas vu jusqu’où je pouvais aller. Mais c’est uniquement le fait d’y aller qui m’a permis d’aller si loin. Je ne pense pas que j’aurais pu « penser » à ce point ce texte en amont. Parce qu’au départ, je mettais vraiment en scène mon désir, ce côté « voyeur » que je pense inhérent aux hommes dès le moment où ils désirent. C’est mon désir de me projeter sur ces images et de le faire vivre qui m’a donné envie d’écrire.
Je voulais vraiment le retransmettre au lecteur (en l’occurrence, c’est vrai que ce lecteur doit effectivement être un homme, car j’ignore ce que mon texte donnerait sur une femme). En tout cas, ces derniers temps, j’ai découvert que le désir et le besoin inconscient de pousser le lecteur à le ressentir étaient un moteur important dans mon besoin d’écrire.
Donc je réponds aussi par ce texte à la question de départ. Si elle était une amorce chaussetrape pour piéger le lecteur, elle reste au centre de tout: pourquoi écrit-on? C'est ma réponse sur ce qui me motive.
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- Vuld Edone
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Mh potatoes.
Anyway, tu dis que ton narrateur devient lecteur, alors pourquoi ne pas se concentrer là-dessus ? Le narrateur aurait écrit un texte - ou un brouillon - puis remarqué que ce texte/brouillon ne le convainquait pas. Il le relirait alors - après ton introduction - et se demanderait pourquoi il n'est pas convaincu, pourquoi ceci ou cela ne semble pas fonctionner...
Là, tu as toutes les chances d'investir le lecteur - puisque tu lui demandes littéralement d'être un lecteur - jusqu'à ce qu'il soit le narrateur.
Mais comme tu le dis, c'est une histoire impossible dû à ce préjugé, et c'est justement ce qui me pousse à reprendre "Fleur bleue".
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- Zarathoustra
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J'ai remplacé ce passage:
Par ces nouveaux paragraphes:Pour ça, contrairement à ce que j’avais écrit, il ne faut pas commencer par l’image de la limousine, mais plonger immédiatement le lecteur dans le trouble de la scène à la fourrure. Dès lors, l’apparition de la jambe fera basculer ce qui n’est pour l’instant qu’un corps dans une histoire que nous avons déjà partiellement vu et va en accroître l’intensité. En sortant de cette limousine, alors l’autre scène continue de nous imprégner, cette femme nous pousse à lui trouver le sens qui se dérobe à nous.
En ce moment, notre imagination est poussée à reconstituer ce qui va se passer jusqu’à ce qu’on sache enfin si cette porte d’ascenseur s’ouvre ou se referme derrière le couple debout. Et là, tout à coup, on comprend que si la scène de la limousine peut très bien la précéder et nous montrer comment cette femme qui en sort va finir complètement nue devant cette cage d’ascenseur, elle peut aussi très bien lui succéder et élargir prodigieusement le champ de l’histoire.
De la même manière, jusqu’au dernier moment nous ignorerons s’il s’agit de la même femme. Quand celle de la limousine se retrouvera enfin dans cet ascenseur, il est possible qu’elle aille retrouver cet homme dans une chambre ou qu’elle s’apprête justement à en sortir dans le hall derrière le couple. Mais celui qui me lira aura déjà fait son choix, c’est la seule chose qui importe. Même si le récit s’achève ici, il le prolongera dans son esprit de manière encore plus nette car le dénouement sera exactement celui qu’il aura décidé de voir.
Seulement, j’ai dit que je voulais écrire cette histoire sans avoir à mentir. Or ici tout n’est que mensonge. En effet, cette histoire n’existe que parce que je suis un homme et que je fantasme sur cette femme. Et même si je veux uniquement me focaliser sur elle et la faire vivre devant nous jusqu’à en sentir le palpitement de son cœur et percer ainsi son mystère, je sais que tout ne peut exister que parce qu’il y a cet homme qui tient le manteau, ce double du lecteur masculin, donc de moi-même. Bien que complètement passif, il faut à son tour le comprendre pour que l’histoire prenne tout son sens. Soudain, cette femme ne fait pas face à cet homme, mais à nous tous qui voulons l’attirer à nous et voir et caresser son tendre et fragile corps. Et la fourrure devient un paravent pour que nous seuls voyions son corps offert dans sa sublime nudité.
Je me suis rendu compte qu'en expliquant que je voulais maintenir les alternatives du récit, j'empéchais le lecteur de plonger dans le récit, en le laissant spectateur. Or il est important au contraire qu'il s'immerge davantage.Pour ça, contrairement à ce que j’avais écrit, il ne faudrait pas commencer par l’image de la limousine, mais plonger immédiatement le lecteur dans le trouble de la scène à la fourrure. Dès lors, l’apparition de la jambe, qui n’est pour l’instant qu’un corps dans une histoire que nous avons déjà partiellement vu, devra basculer sur une autre réalité encore plus palpable pour en accroître l’intensité. En sortant de cette limousine, alors que l’autre scène continue de nous imprégner, cette femme nous pousse à lui trouver le sens qui se dérobe mais qu’on sent petit à petit grandir en nous.
C’est certainement là que nous remarquons que nous avons oublié quelque chose. Pour percer le mystère, il faut choisir si cette porte d’ascenseur s’ouvre ou se referme derrière le couple. Et là, tout à coup, la scène de la limousine prend une toute autre dimension. Elle peut fort bien la précéder et alors nous montrer comment cette femme qui en sort va finir complètement nue devant cette cage d’ascenseur, comme elle peut très bien lui succéder et nous forcer à envisager une réalité plus complexe, qui dépasse ces deux images. Il faudrait pour cela rentrer dans une autre réalité, être au cœur de ces deux images.
Du coup, on s’aperçoit que nous ignorons s’il s’agit de la même femme. Quand celle de la limousine se retrouvera enfin dans cet ascenseur, il est possible qu’elle aille retrouver cet homme dans une chambre ou qu’elle s’apprête justement à en sortir derrière le couple. En fonction du choix, la femme n’a pas du tout les mêmes motivations, pourtant toutes doivent expliquer pourquoi elle se retrouve dévêtue dans ce hall. Bien sûr, certaines options séduisent ici plus naturellement et l’image annonce une scène forte qui a soit déjà eu lieu ou qui va commencer et qu’on veut vivre parce qu’elle donnerait tous son sens à nos hypothèses.
Malheureusement le récit s’achève ici, ce qui est fondamentalement frustrant quand on commençait juste à vouloir lire la suite. Pour confirmer nos hypothèses, il ne reste plus pour le vivre qu’à plonger dans ces deux images qui se répondent comme des miroirs. Plus on les fixe, plus elles s’imprègnent en nous, et plus il est évident que nous refusons d’en voir le sens. Pour les comprendre, nous avons certainement tout en main, mais nous devons aller encore plus loin pour faire apparaître cette vérité qui maintenant se cache au fond de nous.
C’est ici que j’ai moi aussi fait fausse route. J’ai dit que je voulais écrire cette histoire sans avoir à mentir. Or ici tout n’est que mensonge. En effet, cette histoire n’existe que parce que je suis un homme et que je fantasme sur cette femme. Et même si je veux uniquement me focaliser sur elle et la faire vivre devant nous jusqu’à en sentir le palpitement de son cœur et percer ainsi son mystère, je sais que tout ne peut exister que parce qu’il y a cet homme qui tient le manteau, ce double du lecteur masculin, donc de moi-même. Bien que complètement passif, il faut à son tour le comprendre pour que l’histoire prenne tout son sens. Soudain, cette femme ne fait pas face à cet homme, mais à nous tous qui voulons l’attirer à nous et voir et caresser son tendre et fragile corps. Et la fourrure devient un paravent pour que nous seuls voyions son corps offert dans sa sublime nudité.
Ce n'est pas encore parfait et il y a certainement des passages à reprendre avant ou après quand je faisais référence à ma volonté de maintenir les alternatives.
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- Zarathoustra
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C'est un bon dispositif pour immerger le lecteur dans le mode d'écriture. C'est quelque chose que je retiendrais si je voulais dialoguer avec lui. C'est même excellent. Mais je crois que ce serait un autre texte.Le narrateur aurait écrit un texte - ou un brouillon - puis remarqué que ce texte/brouillon ne le convainquait pas. Il le relirait alors - après ton introduction - et se demanderait pourquoi il n'est pas convaincu, pourquoi ceci ou cela ne semble pas fonctionner...
Je ne sais pas si ça fonctionnerait pareil. Ici, je travail sur ses projections: d'abord sur mon texte en lui-même en lui faisant croire que ce n'est pas un vrai texte écrit, puis sur la femme fatale qui me permet de jouer sur ses a priori (note que je ne demande jamais qu'il en soit une).Là, tu as toutes les chances d'investir le lecteur - puisque tu lui demandes littéralement d'être un lecteur - jusqu'à ce qu'il soit le narrateur.
Puis je veux qu'il projette son désir sur l'autre femme et surtout qu'il s'imagine le plus possible ce qui s'est passé ou se passera entre elle et l'homme. Ici, je cherche à ce que le lecteur se fasse voyeur, et c'est un jeu qui m'a beaucoup amusé à l'imaginer. Et même si j'ai commencé à la faire dans mes modifications, je crois que la meilleure façon de le faire serait justement de lui demander de ne pas l'imaginer.
Dans la dernière partie, je ne veux plus qu'il se projette mais qu'il s'identifie.
Je pense que mon registre est différent. Et je ne lui tend pas un piège mais plusieurs, qui jouent sur plusieurs registres. Et s'il ne tombe pas dans tous, je me dis que certains fonctionneront. Celui sur lequel j'ai le plus de doute, c'est justement sur la projection de son désir. J'ignore si j'arrive à ce qu'il bascule vraiment dans l'érotisme de la scène de l'homme et de la femme au moment où je décris l'image et que je cherche à l'y projeter..
Enfin, il s'agit quand même d'une mise en scène d'une réflexion plus globale que je n'arrive pas à visualiser dans unautre cadre. Et cette réflexion n'est jamais explicitée, elle se fait dans la mise en scène.
Et puis, il y a dans tous ces jeux une bonne part d'auto-dérision et d'espièglerie.
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- Zarathoustra
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Donc j'ai remplacé les descriptions suivantes:
La première utilise un archétype très simple et assez basique que beaucoup de films et de publicité ont utilisé. Une belle voiture noire, une limousine, s’arrête au bord d’un trottoir au milieu de la nuit. La porte s’ouvre et de là apparait un escarpin pointu suivie d’une longue jambe élancée de femme, qui se déplie lentement pour prendre appui au dehors. On ne voit pas la femme cachée par les contours en métal luisant de l’habitacle, on devine juste en remontant notre regard sur le bas de soie qui la recouvre, là, tout en haut de la cuisse, le tissu léger d’une robe de satin noir. L’image est suffisamment connue et clichée pour être gravée dans la tête du lecteur. Elle est si précise en lui qu’il voit certainement la finesse du grain de la peau de cette jambe qui semble ne plus finir, d’autant plus que tout concourt à rendre plus tendre et vulnérable sa chair si claire, au milieu de cet univers glacé de métal et d’obscurité trouble de ville.
On ignore tout de cette femme qui doit sortir. Et le lecteur, tout entier sous l’influence des images de femmes fatales qui flottent dans son esprit, la perçoit en lui encore mieux que si la séquence l’avait vu sortir toute entière de l’habitacle métallique et brillant. Ce pied, redessiné par l’élégante forme de l’escarpin tout en pointe, ce mollet galbé qui s’étire sensuellement, la lumière qui glisse le long du bas et ce début de cuisse dont les muscles tressaillent dans ce mouvement de pivot pour sortir, bref toute cette jambe entière qui va prendre appui sur le trottoir suffit pour donner vie à une femme dans chaque esprit et que nous soyons déjà frustrés de ne pouvoir la suivre du regard quand l’image se figera.
Cette première scène parait pourtant très insignifiante mais elle conditionne et enclenche un début de tension en nous qui se confirme immédiatement quand surviendra l’autre image qu’on dirait sortie d’un vieux magazine érotique. Dans le hall d’un luxueux hôtel, devant une cage d’ascenseur dont la porte finit soit de s’ouvrir soit de se fermer, un plan rapproché nous montre, dos à nous, le corps debout d’une femme magnifique, complètement nue, à l’exception d’une pluie de brillants qui tombe en cascade de son oreille, d’un petit chapeau noir avec une plume coincée de biais dans un ruban satiné qui prolonge le haut de sa tête comme l’avant d’un paquebot, et de ses escarpins, noirs également, dont les fins talons créent un contraste étrange et saisissant en surélevant tout cette chair intensément claire. Face à elle, un homme en costume noir, comme s’il sortait d’une soirée mondaine, tient ouvert un manteau de fourrure au poil noir et épais qui recouvre partiellement les épaules de la jeune femme. A ce stade, l’image se fige également sans qu’on puisse savoir s’il cherche à la recouvrir ou à le lui retirer.
Devant la carrure puissante et écrasante de l’homme, la silhouette nue de la femme pourtant très grande parait encore plus fine et fragile, mais ce qui aspire irrésistiblement notre regard et nous trouble dans cette image, c’est l’espace libre de la peau claire parfaitement lisse que dessinent les pans de poils noirs de l’épaisse fourrure. En suspension sur les talons-aiguille, elle nous dévoile la délicate nudité de ses longues jambes légèrement fléchies, l’arc d’ombre sous le muscle tendu de ses fesses et le triangle fuyant de son dos à peine marqué de ses fragiles omoplates, comme deux paupières closes.
Et, dans son bras gauche ballant dans le vide, la femme tient négligemment un petit sac à main aux fermetures dorées, et lève en l’air, entre elle et lui, son autre main au niveau du torse de l’homme. On ignore si elle le repousse ou si elle s’apprête à l’enlacer autour de son cou pour l’attirer. Et l’homme avance vers elle sa tête comme pour l’embrasser. Et, dans un dernier geste, le corps légèrement cambré, la femme bascule en arrière sa tête sur le côté, sans qu’on puisse déterminer si elle lui tend sensuellement le creux de son cou afin pour appeler un suave baisé, ou si elle lui refuse volontairement ses lèvres impeccablement dessinées de rouge, ultime explosion de couleur au milieu de la douce pâleur de la peau et du noir pesant des vêtements.
Derrière eux, comme un cadre à ce tableau, la porte métallique de l’ascenseur rappelle à son tour la coque froide de la limousine. A ce moment précis, l’entrouverture de cette porte crée une tension très perceptible pour quiconque s’y attarde et qui voudrait comprendre le secret de cette scène. Viennent-ils d’en sortir ou s’apprêtent-ils à le prendre ? Ou alors va-t-il en surgir une autre personne qui interrompra brutalement l’intimité de la scène ? Là aussi, le regard guette encore les indices pour percer le secret de l’image qui se fige devant nous.
Par ces nouvelles descriptions:
La première utilise un archétype très simple et assez basique que beaucoup de films et de publicité ont utilisé. Une belle voiture noire, une limousine, s’arrête au bord d’un trottoir au milieu de la nuit. La porte s’ouvre et de là apparait un escarpin effilé suivi d’une longue jambe élancée de femme, qui se déplie lentement pour prendre appui au dehors. On ne voit pas la femme cachée par l’ombre et les contours froids de la porte, on devine juste, en glissant notre regard le long du bas de soie, le tissu léger d’une robe de satin noir qui recouvre très partiellement une cuisse frissonnante. L’image est suffisamment connue et clichée pour être gravée dans la tête du lecteur. On ignore tout de cette femme qui doit sortir. Pourtant, dans l’esprit de chacun flotte cette impression troublante de l’avoir déjà vu. A dire vrai, nous la visualisons même mieux que si elle était sortie toute entière de l’ombre de l’habitacle métallique.
Pour autant, ce pied, redessiné par l’élégante forme de l’escarpin tout en pointe et qui s’étire lentement, focalise toute notre attention dans cet univers glacé de métal et les ombres mouvantes de la ville. Il y a quelque chose d’irréelle et vulnérable à regarder comme dans un songe sortir cette chair si claire de l’énorme voiture. Pourtant, en même temps, cette lumière qui glisse le long du mollet galbé renvoie en nous une image si nette et précise qu’on en éprouve un frisson sans même avoir voulu effleurer de sa main la douce tiédeur de son grain. On suit malgré nous ce bref mouvement de pivot pour sortir qui fait tressaillir les muscles de cette cuisse à peine entraperçue. Et au moment où toute cette jambe entière qui s’étire à n’en plus finir va prendre appui sur le trottoir, cette femme est projetée en chacun de nous. Et quand nous découvrons que l’image s‘est figée devant nous, nous sommes poussé face à un vide béant que l’on cherche à combler.
Alors surgit cette autre image qui dévoile brutalement ce que toute cette première scène avait pu suggérer. Malgré toute l’émotion qu’a pu provoquer l’apparition de cette jambe longue élégante dans la nuit, tout parait d’un coup insignifiant face à ce qui apparait maintenant. En pleine lumière, dos à nous, se tient, complètement nue, une femme magnifique au milieu d’un hall luxueux d’hôtel. Un homme en costume noir, comme s’il sortait d’une soirée mondaine, lui fait face tandis que, derrière, une porte d’ascenseur est sur le point de s’ouvrir ou de se fermer. Immédiatement nous sommes saisis par l’inattendue de cette fraîche et pâle nudité livrée aux yeux de tous. Cette femme nous fascine d’autant plus que tout en elle dégage une sensualité troublante et digne. Un petit chapeau noir en forme de barque, avec une plume coincée de biais dans un ruban satiné comme une rame, prolonge sa tête de manière tout à fait charmante; à ses oreilles, une pluie de brillants tombe en cascade et répondent au scintillement de ses bracelets ; enfin, ses escarpins, noirs également, créent un contraste étrange et saisissant en surélevant par leurs fins talons toute cette chair intensément claire. Quant à lui, l’homme tient ouvert devant elle un manteau de fourrure au poil noir et épais qui recouvre partiellement à cet instant les épaules de la jeune femme. A ce stade, l’image se fige sans qu’on puisse savoir s’il cherchait à la recouvrir ou à le lui retirer. Et il y a dans ce doute même comme une invitation ou une promesse qui excite l’imagination.
Le spectacle nous saisit d’autant plus dans sa violente impudeur que, devant la carrure puissante et écrasante de l’homme, la silhouette nue de la femme, pourtant très grande, parait encore plus fine et fragile. Mais ce qui aspire irrésistiblement notre regard et nous trouble encore plus dans ce spectacle, c’est l’espace libre de la peau claire parfaitement lisse que dessinent les pans de poils noirs de l’épaisse fourrure. En suspension sur les talons-aiguille, elle nous dévoile la délicate nudité de ses longues jambes légèrement fléchies, l’arc d’ombre sous le muscle tendu de ses fesses et le triangle fuyant de son dos à peine marqué de ses fragiles omoplates, comme deux paupières closes. Ce qui dérange le plus, c’est que cet homme puisse librement voir les formes qu’on nous cache, mais il y a plus que cette frustration, on sent confusément entre eux une tension électrique qui nous met mal à l’aise.
C’est alors qu’autre chose accroche notre regard. Dans son bras gauche ballant dans le vide, la femme tient négligemment un petit sac à main aux fermetures dorées, et lève en l’air, entre elle et lui, son autre main au niveau du torse de l’homme. On ignore si avec elle le repousse ou si elle s’apprête à en l’enlacer à son cou. Et l’homme penche sa tête sur elle comme pour l’embrasser. Et, dans un dernier geste, le corps légèrement cambré, la femme bascule en arrière sa tête sur le côté, sans qu’on puisse déterminer si elle lui tend sensuellement le creux de son cou pour y accueillir un suave baisé, ou si elle lui refuse volontairement ses lèvres impeccablement dessinées de rouge, ultime explosion de couleur au milieu de la tendre pâleur de la peau et du noir pesant des vêtements.
Derrière eux, comme un cadre à ce tableau, la cage métallique de l’ascenseur rappelle à son tour la coque froide de la limousine. A ce moment précis, l’entrouverture de cette porte crée une immobilité illogique et frustrante pour quiconque s’y attarde et qui voudrait comprendre le secret de cette scène. Viennent-ils d’en sortir ou s’apprêtent-ils à le prendre ? Ou va-t-il alors en surgir une autre personne qui interrompra brutalement l’intimité de la scène ? Là aussi, le regard guette tout indice pour percer le secret de l’image qui se fige devant nous, alors même qu’elle nous dévoile un équilibre de plus en plus instable.
Pour moi il est essentiel qu'elles provoquent un mouvement de désir dans le lecteur. Vous êtes mes cobaye, à vous de me dire si c'est le cas.
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Les changements que j'indique, c'est pour ceux qui auraient déjà lu et qu'ils comprennent pourquoi leurs souvenirs ont été chamboulés.
Si je vous donne à lire un truc qui ne me satisfait pas et que je vois de moi-même comment l'améliorer, je vous fais travailler pour rien. Surtout que c'est parfois moi qui comprends mieux ce que je veux!
Et puis, je trouve que ce devrait vraiment être l'esprit de cette rubrique que de montrer comment un texte a été travaillé et retravaillé. Certes, c'est intéressant de voir comment les remarques ont été prise en compte, mais dans la mesure où il est là, ce devrait être une matière vivante, non? Alors je joue le jeux.
Et depuis le temps qu'on expose l'un et l'autre nos méthodes de manière abstraite, voilà du concret. Voilà comment je travaille. A partir d'un premier jet que je cruese et que je chamboule par tatonnement. Qui parfois débouche sur une piste qui remet en cause une bonne partie de mes objectifs initiaux.
Dans ce but, l'idéal aurait été de garder mon premier jet et de vous le donner également. Cela aurait permit de voir les choix et de mieux comprendre pour vous l'origine de certaine phrases qui parfois finissent par sortir de leur contexte et que je garde par aveuglement. Là, j'essaie d'en faire la chasse.
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- Zarathoustra
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Je pense cette fois être parvenu à quelque chose de plus fluide, de moins statique.
Donc là, promis, je ne retouche plus rien sans vos commentaires.
Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi vous écriviez ? Plus exactement, qu’est-ce qui vous motivait pour écrire ? C’est une question que je me pose de plus en plus parce que j’ai l’impression de me mentir. Il y a longtemps que je mens effrontément aux lecteurs mais je pensais être honnête avec moi-même. Je pensais écrire pour moi. Or de plus en plus j’écris pour un lecteur. Pas forcément tous les lecteurs, mais un lecteur que je cherche à attirer à moi. Je le force à rentrer dans une histoire, dans une logique qui est mienne. Et je suis prêt à tout pour ça, y compris à lui mentir. En fait, j’aime le piéger. Il avance innocemment dans sa lecture, et moi, mon intention secrète est de l’obliger malgré lui à envisager autre chose que ce qu’il attendait.
Est-ce pour autant un mensonge ? Ce serait plutôt une manipulation, non ? Ainsi, je lui fais voir une elfine maltraitée par de vilains elfes noirs. Et lorsqu’elle s’échappe, bien qu’à aucun moment je n’ai clairement dit les choses, il voit en elle une innocente parce que, pour lui, elle est avant tout une victime. Plus tard, bien que je lui montre des gestes qui devraient l’obliger à la voir autrement, je sais qu’il continuera de vivre sur l’a priori que cette elfe est gentille. Jusqu’au moment où il ne peut plus se mentir et qu’il doit reconsidérer ce qu’il a lu autrement.
Ici, la réalité est dissimulée dans l’anticipation des projections du lecteur. Suis-je pourtant un menteur ? Je l’ignore, je ne veux pas lui mentir, je veux l’immerger dans une autre réalité. Pour renforcer cette impression, écrire à la première personne est parfait puisque le lecteur n’a pas d’échappatoire, il se projette immédiatement, mais, bizarrement, il continue aussi à voir avec ses propres yeux et déforme ce que j’ai écrit pour n’y voir que ce qu’il veut. Ecrire, est-ce donner au lecteur ce qu’il a envie ou l’attirer malgré lui vers ce que l’auteur a décidé d’écrire ? J’aimerais faire les deux en même temps mais de manière parallèle. Quelque part, je n’ai pas envie d’écrire pour lui faire plaisir, je veux lui donner cette illusion, car, fondamentalement, je veux qu’on sente vraiment cette elfine vivre devant nous jusqu’à en percer son secret.
Malheureusement pour moi, je reste inévitablement dans le mensonge parce que je veux atteindre une objectivité sur les personnages sauf que je le fais subjectivement en tant qu’homme que je suis. Donc employer le « je » accentue l’imposture, car fondamentalement, tout comme le lecteur, je projette une réalité féminine imaginée par l’homme que je suis, qui n’est certainement pas celle d’une vraie femme. Il y a indéniablement un part de désir inavoué qui motive mon exploration des personnages féminins. Du coup, si j’ai dit que j’écrivais pour un lecteur précis, je me suis rendu compte que ce lecteur était un double de moi-même, donc lui aussi un homme. C’est surtout moi qui veux découvrir et lire ce récit qui flotte encore confusément dans mon esprit.
Pourquoi alors vous reparler de ce vieux récit d’elfine ? Tout simplement parce que j’ai voulu écrire récemment une nouvelle qui reposait sur les mêmes ressorts : un récit à la première personne sur une femme avec une réalité qui s’avère très différente de ce qu’on imaginait au final. Le plus étrange, c’est que j’ignore précisément comment m’est venue l’idée de départ, mais ce dont je me rappelle, c’est que plus je la gardais en moi et plus j’y voyais des possibilités infinies de l’écrire et que chacune m’attirait irrésistiblement. Au final, j’avais décidé que l’histoire se lirait de deux manières sans qu’aucune des deux ne soit plus vraie que l’autre. Mais j’ai fini par tout effacer parce que j’avais découvert que je ne pouvais pas l’écrire sans me mentir une nouvelle fois.
Or j’ai bien décidé de ne plus mentir. A la place, je vous vais expliquer ce que je voulais obtenir parce que j’ai besoin de renndre encore plus réel ce récit. En fait, je voulais écrire une histoire dans lequel le lecteur se sentirait happé malgré lui, un peu comme cet athée qui approcherait d’un temple et y rentrerait sans conviction, mais en ressortirait complètement converti malgré lui. Bien sûr, pour cela, même si deux majestueuses colonnes devaient marquer clairement son entrée et lui donner secrètement envie de découvrir ce qui s’y cache, il faudrait qu’il ne sache pas qu’il a franchi depuis longtemps le seuil du temple.
C’est là où j’ai besoin de vous. Ce que je veux écrire ne peut exister que grâce à vous. L’histoire que j’avais en tête a pris racine autour de deux images qui, un jour, se sont s’imposés à moi d’elles-mêmes. Pour être plus précis, l’histoire qui m’importe existe en fait très exactement entre l’espace de ces deux images, comme les deux colonnes de ce temple.
La première utilise un archétype très simple et assez basique que beaucoup de films et de publicité ont utilisé. Une belle voiture noire, une limousine, s’arrête au bord d’un trottoir au milieu de la nuit. La porte s’ouvre et de là apparait un escarpin effilé suivi d’une longue jambe élancée de femme, qui se déplie lentement pour prendre appui au dehors. On ne voit pas la femme cachée par l’ombre et les contours froids de la porte, on devine juste, en glissant notre regard le long du bas de soie, le tissu léger d’une robe de satin noir qui recouvre très partiellement une cuisse frissonnante. L’image est suffisamment connue et clichée pour être gravée dans la tête du lecteur. On ignore tout de cette femme qui doit sortir. Pourtant, dans l’esprit de chacun flotte cette impression troublante de l’avoir déjà vu. A dire vrai, nous la visualisons même mieux que si elle était sortie toute entière de l’ombre de l’habitacle métallique.
Pour autant, ce pied, redessiné par l’élégante forme de l’escarpin tout en pointe et qui s’étire lentement, focalise toute notre attention dans cet univers glacé de métal et les ombres mouvantes de la ville. Il y a quelque chose d’irréelle et vulnérable à regarder comme dans un songe sortir cette chair si claire de l’énorme voiture. Pourtant, en même temps, cette lumière qui glisse le long du mollet galbé renvoie en nous une image si nette et précise qu’on en éprouve un frisson sans même avoir voulu effleurer de sa main la douce tiédeur de son grain. On suit malgré nous ce bref mouvement de pivot pour sortir qui fait tressaillir les muscles de cette cuisse à peine entraperçue. Et au moment où toute cette jambe entière qui s’étire à n’en plus finir va prendre appui sur le trottoir, cette femme est projetée en chacun de nous. Et quand nous découvrons que l’image s‘est figée devant nous, nous sommes poussé face à un vide béant que l’on cherche à combler.
Alors surgit cette autre image qui dévoile brutalement ce que toute cette première scène avait pu suggérer. Malgré toute l’émotion qu’a pu provoquer l’apparition de cette jambe longue élégante dans la nuit, tout parait d’un coup insignifiant face à ce qui apparait maintenant. En pleine lumière, dos à nous, se tient, complètement nue, une femme magnifique au milieu d’un hall luxueux d’hôtel. Un homme en costume noir, comme s’il sortait d’une soirée mondaine, lui fait face tandis que, derrière, une porte d’ascenseur est sur le point de s’ouvrir ou de se fermer. Immédiatement nous sommes saisis par l’inattendue de cette fraîche et pâle nudité livrée aux yeux de tous. Cette femme nous fascine d’autant plus que tout en elle dégage une sensualité troublante et digne. Un petit chapeau noir en forme de barque, avec une plume coincée de biais dans un ruban satiné comme une rame, prolonge sa tête de manière tout à fait charmante; à ses oreilles, une pluie de brillants tombe en cascade et répondent au scintillement de ses bracelets ; enfin, ses escarpins, noirs également, créent un contraste étrange et saisissant en surélevant par leurs fins talons toute cette chair intensément claire. Quant à lui, l’homme tient ouvert devant elle un manteau de fourrure au poil noir et épais qui recouvre partiellement à cet instant les épaules de la jeune femme. A ce stade, l’image se fige sans qu’on puisse savoir s’il cherchait à la recouvrir ou à le lui retirer. Et il y a dans ce doute même comme une invitation ou une promesse qui excite l’imagination.
Le spectacle nous saisit d’autant plus dans sa violente impudeur que, devant la carrure puissante et écrasante de l’homme, la silhouette nue de la femme, pourtant très grande, parait encore plus fine et fragile. Mais ce qui aspire irrésistiblement notre regard et nous trouble encore plus dans ce spectacle, c’est l’espace libre de la peau claire parfaitement lisse que dessinent les pans de poils noirs de l’épaisse fourrure. En suspension sur les talons-aiguille, elle nous dévoile la délicate nudité de ses longues jambes légèrement fléchies, l’arc d’ombre sous le muscle tendu de ses fesses et le triangle fuyant de son dos à peine marqué de ses fragiles omoplates, comme deux paupières closes. Ce qui dérange le plus, c’est que cet homme puisse librement voir les formes qu’on nous cache, mais il y a plus que cette frustration, on sent confusément entre eux une tension électrique qui nous met mal à l’aise.
C’est alors qu’autre chose accroche notre regard. Dans son bras gauche ballant dans le vide, la femme tient négligemment un petit sac à main aux fermetures dorées, et lève en l’air, entre elle et lui, son autre main au niveau du torse de l’homme. On ignore si avec elle le repousse ou si elle s’apprête à en l’enlacer à son cou. Et l’homme penche sa tête sur elle comme pour l’embrasser. Et, dans un dernier geste, le corps légèrement cambré, la femme bascule en arrière sa tête sur le côté, sans qu’on puisse déterminer si elle lui tend sensuellement le creux de son cou pour y accueillir un suave baisé, ou si elle lui refuse volontairement ses lèvres impeccablement dessinées de rouge, ultime explosion de couleur au milieu de la tendre pâleur de la peau et du noir pesant des vêtements.
Derrière eux, comme un cadre à ce tableau, la cage métallique de l’ascenseur rappelle à son tour la coque froide de la limousine. A ce moment précis, l’entrouverture de cette porte crée une immobilité illogique et frustrante pour quiconque s’y attarde et qui voudrait comprendre le secret de cette scène. Viennent-ils d’en sortir ou s’apprêtent-ils à le prendre ? Ou va-t-il alors en surgir une autre personne qui interrompra brutalement l’intimité de la scène ? Là aussi, le regard guette tout indice pour percer le secret de l’image qui se fige devant nous, alors même qu’elle nous dévoile un équilibre de plus en plus instable.
Voilà le cœur de mon histoire. Elle tient toute entière dans l’espace de ces deux images qu’il faut relier entre elles. Pour l’écrire, je savais que la femme de la limousine se suffisait à elle-même pour imprégner par sa présence toute la scène devant l’ascenseur. Pourtant, rien ne dit qu’il s’agit des mêmes jambes et donc de la même femme, mais je suis certain que tout homme qui voit se succéder ces deux images a ce désir en lui. Et leur juxtaposition crée ce lien dans notre esprit, mieux que si nous avions vu son visage. C’est même l’absence du visage qui autorise cette pensée et qui nous oblige à combler ce vide, tandis que le visage dans le hall se détourne in extrémis vers nous et nous laisse entrevoir enfin son profil parfait.
Chacune de ces images s’attire et se repousse en même temps, comme un pôle magnétique qui concentrerait toute l’attention. Ce double mouvement est à l’image de la femme au manteau de fourrure dont on ne déchiffre pour l’instant pas précisément l’intention. En fait, je voulais juste raconter une histoire qui n’existerait que dans la tension entre ces deux images et que le lecteur trouve de lui-même l’interprétation du petit geste de tête de cette femme. Pour cela, il doit comprendre ce qui se joue entre l’homme et cette femme. Comment et pourquoi une femme si belle et si distinguée peut se retrouver nue dans un luxueux hall d’hôtel ? Que peut donc la pousser à s’offrir ainsi aux yeux de tous? On fouille cette image et on cherche à savoir si ce qu’on projette a déjà eu lieu ou si, au contraire, la scène n’en montre que les prémisses. Ce mystère fascine dans la mesure où le spectateur ignore s’il a manqué quelque chose. A dire vrai, tout donne l’impression qu’on se joue de nous.
Pour répondre à chacune des questions, il nous faut maintenant pousser une porte devant nous pour plonger plus loin dans l’âme de cette femme. Attire-t-elle cet homme dans un but précis pour obtenir une faveur ou bien pour assouvir une vengeance ? Cède-t-elle à lui dans un geste irraisonné d’amour et d’abandon? Ou a-t-elle joué avec le feu face à la brutalité d’un autre homme qui se cache et qui est peut-être déjà remonté dans l’ascenseur, comme l’atteste la porte qui se referme? Ou n’est-elle finalement qu’une simple exécutante dans un vaste piège qui va se refermer sur l’homme au moment où la porte de l’ascenseur aura entièrement fini de s’ouvrir ? Et surtout quel est le lien avec cette limousine qui laisse sortir cette mystérieuse jambe ?
Pour moi, écrire cette histoire revenait à décrire l’âme de cette double femme qui attire à elle cet homme ou bien le rejette, mais qu’il n’y ait plus aucun doute quand on aurait compris l’histoire. Ce que je veux raconter doit vivre en chacun de manière à ce que celui qui me lit en ce moment puisse trancher le plus simplement de lui-même.
Pour ça, contrairement à ce que j’avais écrit, il ne faudrait pas commencer par l’image de la limousine, mais plonger immédiatement le lecteur dans le trouble de la scène à la fourrure. Dès lors, l’apparition de la jambe, qui n’est pour l’instant qu’un corps dans une histoire que nous avons déjà partiellement vu, devra basculer dans une autre réalité encore plus palpable et retrouver son visage. En sortant de cette limousine, alors que l’autre scène continue de nous imprégner, cette femme nous pousse à lui trouver ce sens qui se dérobe mais qu’on sent petit à petit grandir en nous.
C’est certainement à ce moment que j’ai remarqué que j’avais oublié quelque chose. Pour percer le mystère, il faut choisir si cette porte d’ascenseur s’ouvre ou se referme derrière le couple. Et là, tout à coup, la scène de la limousine prend une toute autre dimension. Elle peut fort bien la précéder, et alors nous montrer comment cette femme qui en sort va finir complètement nue devant cette cage, comme elle peut très bien lui succéder et nous forcer à envisager une réalité plus complexe, qui dépasse ces deux images. Il nous faut pour cela rentrer dans une autre réalité, être au cœur de ces deux images.
D’ailleurs, c’est ici qu’on découvre que rien ne prouve qu’il s’agisse de la même femme. Quand celle de la limousine se retrouvera enfin dans cet ascenseur, il est possible qu’elle aille logiquement retrouver cet homme, mais elle peut très bien en sortir sur le hall pour surprendre le couple. En fonction du choix, la femme n’a pas du tout les mêmes motivations, pourtant toutes doivent nous pousser à comprendre comment la femme du hall se retrouve dévêtue devant nous. Bien sûr, certaines options séduisent ici plus naturellement. Et l’image du hall distille toujours sur nous sa fascination parce qu’elle nous plonge violemment dans quelque chose qui s’est déjà déroulé ou qui est sur le point de commencer et qu’on a besoin de vivre parce qu’elle donnerait tous son sens ce qu’on ressent. On se dit que, pour comprendre cette femme, on a vraiment besoin de voir cette scène qu’on nous cache. Pourtant, qu’on le veuille ou non, elle se déroule en nous.
Malheureusement le récit s’achève ici, de manière frustrante parce que nous commencions juste à mieux la cerner. Pour confirmer nos hypothèses, il ne reste plus qu’à plonger dans ces deux images qui se répondent comme des miroirs. Plus on les fixe, plus elles s’imprègnent en nous, et plus il est évident que nous refusons d’en voir le sens. Pour les comprendre, nous avons certainement tout en main, mais nous devons aller plus loin encore pour faire apparaître cette vérité qui maintenant se cache au fond de nous.
C’est ici que j’ai moi aussi fait fausse route. J’ai dit que je voulais écrire cette histoire sans avoir à mentir. Or, jusqu’à présent, tout n’est ici que mensonge. En effet, cette histoire n’existe que parce que je suis un homme et que je fantasme sur cette femme. Et même si je veux uniquement me focaliser sur elle et la faire vivre devant nous jusqu’à en sentir le palpitement de son cœur et percer ainsi son mystère, je sais que tout ne peut exister que parce qu’il y a cet homme qui tient le manteau, ce double du lecteur masculin, donc de moi-même. Bien que complètement passif, il faut à son tour le comprendre pour que l’histoire prenne tout son sens. Soudain, cette femme ne fait pas face à cet homme, mais à nous tous qui voulons l’attirer à nous et voir et caresser son tendre et fragile corps. Et la fourrure devient un paravent pour que nous seuls voyions ce corps offert dans sa sublime nudité.
De ce fait, qu’on le veuille ou non, elle se tient ici en notre pouvoir, et même précisément tout contre nous. Malgré moi, je devine la chaleur qu’elle dégage. Et depuis toujours je comprends que seul compte ce que je désire faire maintenant avec elle. Mes bras sont tendus de part et d’autre pour que je puisse à tout moment la serrer contre moi. Et la chair de son cou est maintenant toute proche de mes lèvres. Tandis que je m’en approche, je sens même m’effleurer son parfum qui m’enivre encore plus. Alors, à cet instant précis, je me moque qu’on puisse nous surprendre, seul compte le poids du réel que j’ai arraché à la vie et que je sens au plus profond de moi. Oui, seul compte ce que je veux voir maintenant et vivre, là, avec elle.
Et voilà comment il faut avoir envie de réécrire cette histoire : dans un double mouvement de frustration et de désir, pour que ces deux êtres existent en nous tout entier au moment où se termine la scène, c’est-à-dire là où les deux images se rejoignent pour s’éclairer l’une et l’autre. A partir de là, tout bascule si vite dans ma tête, car j’ai compris ce qui m’avait jusqu’alors échappé quand j’ai découvert ces deux images. Oui, je sais maintenant si la porte de l’ascenseur va s’ouvrir ou se fermer définitivement. Je sais également ce qui attend cet homme et cette femme, car, de toutes ces histoires possibles, une seule s’impose vraiment à moi, parce que j’ai terriblement envie de la vivre pour comprendre comment cette femme si belle s’est retrouvée nue ici. Pour ça, il ne me reste plus qu’une chose à faire. Maintenant que ces deux images sont gravées en chacun, à chaque fois que je gonfle ma poitrine, je sens, très fort, le cœur de cette femme battre en moi. Mais c’est précisément sur cette histoire que j’ai honteusement échouée. Je la vois, je la vis, mais personne n’est jamais là pour l’écrire. On préfère juste me regarder.
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- Vuld Edone
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parce que je veux atteindre une objectivité sur les personnages sauf que je le fais subjectivement au travers ma nature masculine.
A la place, je vous vais expliquer ce que je voulais obtenir
Et au moment où cette jambe toute entière (...) cette femme est projetée en chacun de nous au moment où toute l’image se fige.
Venons-en au texte même.
Hein ? J'ai dû louper quelque chose. Je regardais le trottoir, pas un hall d'hôtel. Il manque un bon paragraphe pour passer du trottoir, par le vide, jusqu'à l'hôtel, voire gentiment deux paragraphes pour rappeler l'impossible, mais bref...Mais il nous faut voir plus que cette image. Pour ça, notre regard s’immobilise sur le vide du trottoir pour le combler.
Alors surgit la seconde image qui nous dévoile brutalement tout ce que cette première scène avait suggéré. En pleine lumière, au milieu d’un hall luxueux d’hôtel (...)
Ma pensée brute, sur le moment : "Arrête de me donner des ordres."Mais il nous faut voir plus que cette image, dont la violence impudique se fait de plus en plus sentir
...
Wow.
Je ne sais pas bien ce qui s'est passé mais vers la moitié de ton texte je me suis rendu compte que je ne lisais plus. Ce n'était même pas que je suivais encore le texte ou quelque chose, il a littéralement fallu le blanc du "****" pour que je me rende compte que je ne voyais même plus le texte.
Mon état mis à part, une fois tes deux images décrites, l'envie de te suivre est beaucoup moins forte. C'est comme si tu avais déjà tout dit et du coup j'ai appréhendé l'autre moitié du texte en me demandant ce que tu allais bien trouver à y dire - et pas dans le sens "curiosité".
Mais je pense que la remarque la plus pertinente a été "arrête de me donner des ordres". Autant ta manière d'introduire jusqu'à la première image est excellente, autant aussitôt arrivé à la première image tu as une façon de la traiter qui laisse le lecteur "hors du coup".
Ca n'a pas changé.
Si tu veux continuer à retravailler ce texte, il faut vraiment que tu te concentres là-dessus, l'attitude que tu attends du lecteur. Je pense que tant que tu lui donneras des ordres et une image toute faite, au lieu de "trouées" dans lesquelles s'investir, le piéger sera impossible. Et il faut vraiment que, dès la première image, tu mettes en avant cet impossible, encore une fois, le plus tôt et le plus clairement, le plus explicitement possible, que tu maintiennes cet enjeu constamment.
Simple exemple :
"Il y a ici comme une invitation ou une promesse qui excite l'imagination. Est-elle réelle ? L'homme habillé pour une soirée fait face à cette femme élégante jusque dans sa nudité."Il y a ici comme une invitation ou une promesse qui excite l’imagination dans ce face à face entre un homme habillé pour une soirée et cette femme élégante jusque dans sa nudité.
La question est quand même le mécanisme le plus simple pour investir un lecteur, il y en a bien d'autres et je sais que tu les connais. C'est ça qu'il faut que tu fasses, partout.
Et quand je dis partout, c'est partout. Au-delà de la saturation.
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- Zarathoustra
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Tu veux dire quoi, Que tu ne lisais plus parce que tu zappais ou parce que tu "voyais" ce que j'écrivais?Ce n'était même pas que je suivais encore le texte ou quelque chose, il a littéralement fallu le blanc du "****" pour que je me rende compte que je ne voyais même plus le texte.
C'est bizarre, parce que finalement, ces images ne disent rien. Donc si j'ai tout dit, c'est que ça cloche quelque part...Mon état mis à part, une fois tes deux images décrites, l'envie de te suivre est beaucoup moins forte. C'est comme si tu avais déjà tout dit et du coup j'ai appréhendé l'autre moitié du texte en me demandant ce que tu allais bien trouver à y dire - et pas dans le sens "curiosité".
En fait, non, je ne les connais pas forcément. C'est pourquoi je voulais relire ton Renard au Harnais... Mais tu as tout effacé, non?La question est quand même le mécanisme le plus simple pour investir un lecteur, il y en a bien d'autres et je sais que tu les connais. C'est ça qu'il faut que tu fasses, partout.
Pour ce qui est de ton exemple, même si je vois ce que tu veux me faire faire, je me dis que ta suggestion fais très plate par rapport à ma phrase. Certes la mienne dirige trop, mais la tienne ne retient pas l'attention, quand je la lis, je glisse dessus sans être marqué. En fait, je trouve que le sens de la phrase s'est évanoui. J'ai supprimé beaucoup de phrase comme ça.
Donc, oui, je vais tacher de revoir cette question de dirigisme. D'abord reformulé le leitmotiv ("nous devons voir plus"), même si j'aimais bien l'effet que j'obtenais sur ces modifications, jusqu'à arriver à la fin à demander de ne plus voir "plus"
Mais il nous faut voir plus que cette image, dont la violence impudique se fait de plus en plus sentir -> Mais j'aurais dû voir plus que cette image etc.
Je pense effectivement reprendre plusieurs "nous" en "je" de manière à mieux expliquer l'échec de ce que j'avais écrit. Pourtant, il faut que j'arrive à un moment à un "nous" dirigiste parce que ça fait partie de l'histoire. C'est le "nous" des hommes. Il est très important parce que la conclusion oblige l'homme à sortir justement du "nous". Le "je" final s'oppose au "nous". Pour moi, c'est d'ailleurs ce qui doit faire fonctionner la dernière phrase.
Donc ça marche pas... Je voulais voir si en parlant du vide du trottoir si on ne voyait pas justement la femme remplir ce vide. Et donc on le lecteur la verrait "librement" sans que je la lui décrive.Hein ? J'ai dû louper quelque chose. Je regardais le trottoir, pas un hall d'hôtel. Il manque un bon paragraphe pour passer du trottoir, par le vide, jusqu'à l'hôtel, voire gentiment deux paragraphes pour rappeler l'impossible, mais bref...
Quelques questions cependant:
1- Question images: tu arrives à les "voir"? Je veux dire: elles sont concrètes dans ta tête ou pas?
2- Tu parles de la forme, mais que penses-tu de ce que dis vraiment le texte, au delà du piège lui-même?
A ce propos, l'enjeu pour toi est que ce texte n'est pas possible. Or pour moi, l'enjeu n'est finalement pas là. Il est dans le défi de pouvoir se projeter sur ce que vis/attend cette femme. Tu me rétorqueras que les deux sont censés convergés...
En fait, ce titre, pour moi, je n'ai pas écrit ce texte avec. C'est au moment de le mettre sur le forum que je me suis dit qu'il fallait que je mette un titre qui pique la curiosité. Donc il y a un glissement entre ce que tu as projeté (écrire un texte impossible et jouer avec cette notion) et ce que je voulais écrire. Fondamentalement, le piège est principalement de dire que je faire croire que je n'ai pas réussi à écrire le texte que je voulais écrire.
3- Comment as-tu vécu l'immersion lecteur->homme au costume? Et qu'as-tu ressenti sur la chute finale? Je veux dire quelle impression t'a laisse la dernière phrase. J'aimerais que le lecteur masculin qui finit par comprendre le texte se sente regarder par le "nous" des hommes
Donc pour l'heure, j'étais satisfait de la réflexion sur le fond du texte. Il y
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- Vuld Edone
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Pour tes questions :
1.- C'est du voyeurisme. Donc oui, je vois les images, mais pas au-delà de ce que j'ai envie de voir.
2.- J'ai déjà dit que la question posée par le texte m'intriguait assez pour vouloir la poser dans "Fleur bleue". Le regard de toute une foule sur la volonté d'une seule femme.
3.- L'homme au costume m'a été hostile dès son introduction, je ne me suis jamais identifié à lui.
Oui, autant pour la partie écriture je suis concerné, autant sur le sulfureux il te faudra trouver un autre animal.
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- Mr. Petch
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Mais pourquoi suis-je scié ? Il y a deux raisons.
La première c'est évidemment le texte de Zara qui est admirable, notamment pour une raison : il prend en compte le lecteur. Il ne fait que ça, même. Et c'est un pli que j'ai beaucoup de mal à prendre quand j'écris, prendre en compte le lecteur, non pas l'impliquer (car on ne peut jamais trop prévoir) mais vouloir l'impliquer. Là on sent qu'avant d'écrire tu as pensé les mécanismes qui permettrait de prendre en compte le lecteur, de te demander "à ce stade de l'histoire, qu'est-ce que je veux que le lecteur pense ?". Et je trouve ça admirable parce que je n'y arrive pas. Pas souvent. Bon... on voit qui sont les plus assidus des Chroniques, et pourquoi ils le méritent
Il y a une autre raison qui me fait aimer le texte, c'est qu'au-delà du mécanisme, il est bien écrit et agréable à lire : tu ne t'es pas contenté de trouver un "pitch" (un texte où je ferais croire à un commentaire alors que c'est un texte), tu as vraiment travaillé le texte. C'est aussi un effort admirable, d'autant plus que tu continues à l'améliorer (je n'ai lu que la première version).
Comme j'ai des références très cinématographiques (et que le texte lui-même survole la question dun cinéma, ou du moins s'en sert dans son dispositif-piège), ton texte me fait penser à cette citation : "The greatest trick the Devil ever pulled was convincing the world he didn't exist".
La seconde raison, c'est la discussion qui s'ensuit avec Feurnard. Elle est admirable elle aussi, à tel point qu'à un moment donné j'ai cru qu'elle faisait partie du dispositif. C'est incroyable tout ce qui peut ressortir d'une réflexion sur un texte, certes un texte assez complexe comme celui-là mais qui donne l'occasion d'étendre la réflexion et de ne pas se contenter du "c'est super, continue !". Vous vous demandiez dans un post précédent pourquoi les Chroniques survivaient (ou pourquoi les commentaires devaient survivre) et je pense que vous y répondez par ce post-à, et tout ce qui s'ensuit. Il n'y a que sur les Chroniques qu'on pourrait trouver une telle profondeur de discussion, qui fasse apprendre des choses aux autres lecteurs-scribouillards.
De mon côté, je n'aurais, cependant, qu'une seule question à lâcher (elle n'est pas adressée qu'à Zara) : est-ce que ce texte aurait pu exister en-dehors des Chroniques ? J'y pense à cause de la première phrase
Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi vous écriviez ? Plus exactement, qu’est-ce qui vous motivait pour écrire ?
Le piège fonctionne pour des tas de raisons qui sont purement liées aux Chroniques :
- parce que nous sommes sur un site sur l'écriture, donc discuter de l'écriture n'a rien d'incongru
- parce qu'on connaît Zara, et on sait qu'il est capable de faire des longs commentaires et d'avoir des idées de défis originaux
- parce qu'au sein de ce forum il y a une séparation claire entre "commentaire" et "texte", avec des systèmes techniques qui séparent les deux, et des façons d'écrire très différentes, par des conventions établies depuis longtemps.
Donc ma question est : est-ce que le texte en bibliothèque est lisible de la même façon ? Je ne dis pas que le piège ne fonctionnerait pas, et ce n'est certainement pas une remarque négative. Mais j'aimerais votre avis là-dessus (celui de Zara en tant qu'auteur et les autres en tant que lecteurs ) : pensez-vous que ce texte peut fonctionner en-dehors de son cadre de publication originale, un post dans le forum "L'atelier" des Chroniques des jours anciens ?
C'est une question qui m'interpelle, comme m'interpelle plus généralement les enjeux de la publication sur Internet...
Mr Petch
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- Zarathoustra
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Je répondrais d’abord à côté de ta question : ce texte n’aurait jamais pu être écrit sans les Chroniques car c’est ma rencontre avec le travail de Feurnard (et donc de Vuldone) qui a modifié ma perception de ce qu’on peut écrire et comment l’écrire.est-ce que le texte en bibliothèque est lisible de la même façon ?
Pour ce qui est de la question, pour que le texte puisse vivre ailleurs que les chroniques, il faudrait supprimer quelques allusions (tout ce qui concerne les elfes) ce qui serait très simple. Maintenant, peut-il exister en tant que contenu d’un livre ? Je suppose que oui, mais dans un mélange essais/nouvelles. Ce texte fonctionne uniquement parce que le lecteur ne sait pas ce qui va l’attendre. Maintenant, au-delà de la surprise, je pense qu’il y a aussi une réflexion qui dépasse le pitch et qui dépasse largement la question du regard masculin. Par contre, je suppose qu’il peut fonctionner dans tout forum qui s’intéresserait à l’écriture.
Reste que je l'avais aussi écrit en pensant un spécifiquement à Vuldone et que certaines remarques lui étaient un peu destinées. Donc c'est certainement ici qu'il fonctionnera le mieux.
PS pour M Petch : tu as lu la dernière version. Je mets à jour la première intervention et archive ensuite les corrections.
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- Zarathoustra
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Je l’ai déjà dit mais le texte est une mise en scène du travail de l’écrivain et de la relation qu’il entretient avec le lecteur. Dedans, tout comme le narrateur change, il joue aussi à mettre en scène plusieurs styles d’écrivain. C'est vraiment une réflexion sur l'écriture et la relation qu'elle entretient avec le lecteur. Vous la percevez un peu ou seule transparait le jeu du voyeurisme?2.- J'ai déjà dit que la question posée par le texte m'intriguait assez pour vouloir la poser dans "Fleur bleue". Le regard de toute une foule sur la volonté d'une seule femme.
Donc j'ai essayé de reprendre mon texte à partir de la seconde partie en tenant compte de la remarque de Vuldone, pour moins donner d'ordre. Voici l'ancienne version, la nouvelle a été mise en début comme pour les autres fois.
Ancienne version:
Donc je vais vous décrire, aussi précisément que je le pourrais, ces deux images pour que vous cherchiez, avec moi, ce qui les relie et ce qu’elles provoquent en nous pour donner vie à une petite histoire que vous auriez envie de lire (ou d’écrire).
La première utilise un archétype très simple et assez basique que beaucoup de films et de publicité ont utilisé. Une belle voiture noire, une limousine, s’arrête au bord d’un trottoir au milieu de la nuit. La porte s’ouvre et de là apparait un escarpin fin et pointu, suivi d’une longue jambe élancée de femme qui se déplie lentement pour prendre appui au dehors. On ne voit pas la femme cachée par l’ombre et les contours froids de la porte, on devine juste, en glissant notre regard le long du bas de soie, le tissu léger d’une robe de satin noir qui recouvre très partiellement une cuisse frissonnante. L’image est suffisamment connue et clichée pour être gravée dans toutes les têtes. Bien qu’on ignore tout de cette femme qui doit sortir, dans l’esprit de chacun flotte cette impression troublante de l’avoir déjà vue. A dire vrai, nous la visualisons même mieux que si elle était sortie toute entière de l’ombre de l’habitacle métallique.
Pour autant, ce pied, redessiné par l’élégance toute en pointe de l’escarpin et qui sort lentement au dehors, a quelque chose d’irréelle et vulnérable à sortir, comme dans un songe, de l’énorme voiture au milieu de l’obscurité mouvante de la ville. En même temps, il y a cette lumière qui glisse le long du galbe du mollet qui nous renvoie une image si nette et précise qu’il est inutile de l’effleurer pour en éprouver l’ivresse. On suit malgré nous ce bref mouvement de pivot du corps pour extraire cette cuisse à peine entraperçue. Et au moment où cette jambe toute entière qui s’étire à n’en plus finir va prendre appui sur le trottoir, cette femme est projetée en chacun de nous au moment où toute l’image se fige.
Mais il nous faut voir plus que cette image. Pour ça, notre regard s’immobilise sur le vide du trottoir pour le combler.
Alors surgit la seconde image qui nous dévoile brutalement tout ce que cette première scène avait suggéré. En pleine lumière, au milieu d’un hall luxueux d’hôtel, se tient debout, dos à nous, une femme, assez grande, magnifique, mais complètement nue. Un homme, impeccable en costume noir de soirée, lui fait face et tient ouvert devant elle un manteau de fourrure au poil noir et épais qui la recouvre très partiellement au niveau des épaules. A ce stade, l’image est figée sans que nous puissions savoir s’il cherchait à l’en recouvrir ou à le lui retirer. Derrière eux, légèrement sur la droite, nous voyons un ascenseur avec une porte entrouverte qui est sur le point soit de s’ouvrir soit de se fermer.
Je crois avoir dit qu’elle était complétement nue, c’est inexact. Un petit chapeau noir en forme de barque, avec une plume coincée de biais dans un ruban satiné comme une rame, prolonge sa tête de manière tout à fait charmante; il y a aussi à ses oreilles une pluie de brillants qui tombe en cascade en répondant aux scintillements de ses bracelets ; enfin, elle a conservé à ses pieds sa paire d’escarpins, noirs également, qui soulignent les courbes de sa chair intensément claire par le subtil équilibre que provoquent leurs fins talons. Il y a ici comme une invitation ou une promesse qui excite l’imagination dans ce face à face entre un homme habillé pour une soirée et cette femme élégante jusque dans sa nudité.
Mais il nous faut voir plus que cette image, dont la violence impudique se fait de plus en plus sentir
D’abord, il y a cette carrure puissante et écrasante de l’homme qui renforce la finesse et la fragilité de la silhouette nue de la femme, d’autant plus que notre regard est irrésistiblement aspiré par l’espace libre et troublant de la peau claire, parfaitement lisse, dessiné par les pans tout noirs des poils de l’épaisse fourrure. En suspension sur les talons-aiguille, sa nudité rayonne au travers de ses longues jambes légèrement fléchies, de ses fesses au-dessous desquelles leurs muscles tendus tracent deux arcs d’ombre, et surtout du triangle fuyant de son dos, à peine marqué de ses fragiles omoplates, comme deux paupières closes.
Pourtant, comme cet homme, on aimerait également voir ces formes sensuelles qu’on nous cache et qu’on devine parfaites. Mais en même temps, nous ne pouvons ignorer entre elle et lui cette tension électrique et confuse qui nous met mal à l’aise.
Et il y a bien plus à voir que le petit sac à main aux fermetures dorées, à gauche, que la femme tient négligemment dans son bras ballant dans le vide.
Notamment cette autre main qui se lève en l’air, entre elle et lui, au niveau du torse de l’homme dont on ignore si elle va servir à le repousser ou à l’enlacer. L’homme, lui, penche sa tête sur elle comme pour l’embrasser. Sauf que, dans un dernier geste, le corps légèrement cambré, la femme bascule en arrière son visage sur le côté, sans qu’on puisse déterminer si elle lui tend sensuellement le creux de son cou pour un suave baisé, ou si elle lui refuse volontairement ses lèvres impeccablement dessinées de rouge.
Il y a surtout, derrière eux, cette porte d’ascenseur entrouverte dont la cage nous rappelle à son tour la coque froide de la limousine. A ce moment précis, elle crée une immobilité frustrante et illogique pour quiconque s’y attarde. On cherche un lien avec cet homme et cette femme. Viennent-ils d’en sortir ou s’apprêtent-ils à le prendre ? Ou peut-être qu’une autre personne en sortira, interrompant brutalement l’intimité de la scène ? Alors même que l’image nous dévoile un équilibre de plus en plus instable, nous commençons à entrapercevoir ce qu’a vécu cette femme et ce qui l’attend.
Toujours il faudra continuer à voir plus que cette image, dont l’immobilité nous frustre tant.
Toujours, nous avons cette énigme à percer car rien n’explique vraiment la nudité de cette femme.
Et il faudra le faire en nous car le texte ne le dira jamais.
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Voilà les fondations de mon histoire. Elle tient toute entière entre l’espace de ces deux images qu’il faut remplir. Et pour l’écrire, je m’étais dit que la femme de la limousine se suffisait à elle-même pour imprégner, par sa présence, toute la scène devant l’ascenseur. Bien que nous n’ayons pas vu son visage, la juxtaposition des deux images crée un lien dans notre esprit. C’est même l’absence du visage qui autorise cette pensée et qui nous oblige à la combler. Tandis que le visage dans le hall se détourne in extrémis vers nous et nous laisse entrevoir enfin son profil parfait, nous devons confirmer le visage que nous avons imaginé sur cette première image. Reste-t-il identique ou a-t-il été contaminé malgré nous par le contenu troublant de l’image à la fourrure ? Ou avons-nous, malgré tout, deux visages différents que nous devrons relier ? Car rien ne dit qu’il s’agit des mêmes jambes et donc de la même femme, sauf que je sais que moi aussi j’en ai envie.
Ici, nous voyons combien chacune de ces images s’attire et se repousse en même temps, comme deux pôles magnétiques qui concentreraient toute l’attention. Ce double mouvement est à l’image de la femme au manteau de fourrure dont on ne déchiffre pas précisément l’intention. Or c’est cette tension entre ces deux images que je voulais raconter de manière à ce que le lecteur trouve de lui-même l’interprétation du subtil geste de tête de cette femme. Il finirait par découvrir comment et pourquoi cette femme si belle et si distinguée peut se retrouver nue dans ce luxueux hall d’hôtel. Ce serait à lui de comprendre ce qui l’a poussée à s’offrir ainsi aux yeux de tous. A cet instant, nous sommes tous exactement dans la situation d’un spectateur qui prend un film en route : allons-nous vivre sous nos yeux ce que suggère la tension fiévreuse entre l’homme et la femme ou a-t-elle déjà eu lieu ?
Là aussi, il faut voir plus que cette image. A première vue, les réponses se cachent au cœur de l’âme de cette femme. Et nous sommes face à elle comme face à des portes qu’il nous faut à chaque fois pousser pour plonger plus profondément dans ses secrets. Parmi eux, nous devrons déterminer si elle attire cet homme dans un but précis pour obtenir une faveur ou bien assouvir une vengeance, ou si elle lui cède dans un geste irraisonné d’amour et d’abandon. Ou, peut-être même a-t-elle été brisée par un autre homme qui remonte alors dans cet ascenseur qui se referme? Ou n’est-elle finalement qu’une simple exécutante dans un vaste piège qui va se refermer sur l’homme quand la porte de l’ascenseur sera entièrement ouverte? Et surtout quel est le lien avec cette limousine qui laisse sortir cette mystérieuse jambe ?
Pour comprendre ce qui se cache, je pense qu’il nous faut chasser de notre esprit l’image de cette femme aux prises avec le désir de l’homme et dont elle assouvirait chaque pulsion, exactement comme nous l’imaginerions. Même si cette scène qui nous trouble ne cesse de graviter autour des enjeux, j’aimerais que nous envisagions plutôt le rapport de force qui en découle et surtout déterminer qui des deux en sortira vainqueur, ce qui revient à répondre à ces deux questions : La nudité si sensuelle de cette femme marque-t-elle pour elle une victoire ou bien une défaite ? Et au moment où nous saurons si la porte de l’ascenseur s’ouvre ou se ferme, les enjeux seront-ils terminés ou débuteront-ils seulement?
Bref, ces simples choix peuvent orienter toute notre lecture, avec en premier lieu, la scène de la limousine. Si l’on relie cette porte à la femme qui sort de la limousine, le déroulement parait complètement logique. Elle traverse le trottoir pour regagner cet hôtel luxueux et, la seconde image, dans une fulgurante ellipse, nous la présente quelques instants plus tard complètement nue. Bien sûr, le pourquoi et le comment sont toujours comme une béance en nous qu’il nous faut combler.
Mais, une nouvelle fois, il faut voir plus que cette image car rien ne dit que la scène de la limousine se passe avant. Et si nous inversions les séquences, on se dit très logiquement que nous voyons alors l’homme la reconduire et la déposer. Mais je crois que nous avons, depuis le début, écarté une autre option : et si nous devions imaginer non pas une femme unique et parfaite, mais deux femmes qui seraient différentes ? Pour la relier à l’ascenseur, l’autre pourrait très bien à son tour retrouver l’homme dans sa chambre ou même sortir de cet ascenseur derrière eux et les surprendre. Et nous sommes sur le point de télescoper ces deux femmes qui, en nous, ne faisaient qu’une. Alors, pendant le laps de temps de l’ouverture de l’ascenseur, nous devons lui rendre un nouveau visage. Et admettre que cette incarnation de cette femme unique puisse ne pas exister et que la femme puisse avoir de multiples visages.
Or nous devons absolument arrêter l’histoire ici, car nous commençons à sortir du cadre des deux images. Pour confirmer nos hypothèses, il ne reste plus qu’à plonger, toujours plus loin, dans cet espace qui les sépare et les relie en même temps, comme cette porte d’ascenseur qui s’ouvre et se referme, jusqu’à ce qu’elles se répondent en nous comme des miroirs. Malheureusement, plus on les fixe, plus elles s’immiscent en nous, et plus il est évident que nous refusons d’accepter ce qu’elles nous disent.
En fait, à ce stade, je sais que nous avons tout en main pour faire apparaître cette vérité qui maintenant se cache au fond de nous, dans ce besoin que nous avons de les relier entre elles autant qu’à nous. Sauf que, moi, c’est ici que j’ai fait fausse route.
Je vous ai dit que je voulais écrire cette histoire sans avoir à mentir. Or, paradoxalement, tout n’a été jusqu’à présent que mensonge. En effet, cette histoire n’existe que parce que je suis un homme et que je fantasme sur cette femme. Et même si je veux uniquement me focaliser sur elle et la faire vivre devant nous jusqu’à en sentir le palpitement de son cœur, voire jusqu’à tout entier en percer le mystère, je sais que rien ne peut vraiment exister tant que j’oublie à ce point l’homme qui tient le manteau, ce double du lecteur masculin, et donc de moi-même.
Et donc, encore et toujours, il faut voir plus que cette image. Bien que complètement passif, nous devons à son tour comprendre cet homme pour que l’histoire prenne tout son sens. Soudain, cette femme ne lui fait pas simplement face, mais face à nous tous qui voulons l’attirer à nous, et voir, et caresser son corps tendre et fragile. Et la fourrure devient un paravent pour que nous seuls voyions ce corps offert dans sa sublime nudité. Elle nous révèle même ses formes si appétissantes qu’elle cachait jusqu’à présent. Et devant nous, toute sa chair si parfaite vibre délicieusement.
Sans que nous n’ayons rien remarqué, elle se tient ici, tout contre notre épaule, entièrement en notre pouvoir. Malgré moi, je devine la chaleur qu’elle dégage. Et je comprends ce que j’ai toujours voulu, c’est-à-dire ce que je désire maintenant faire avec elle. Mes bras sont tendus de part et d’autre pour que je puisse à tout moment la serrer contre moi. Et la chair de son cou est maintenant toute proche de mes lèvres. Tandis que je m’en approche, je sens même m’effleurer son parfum qui m’enivre encore plus. Alors, à cet instant précis, je me moque qu’on puisse nous surprendre, seul compte cet appétit que je sens au plus profond de moi et le poids du réel que j’ai arraché à la vie. Oui, seul compte ce que je veux voir, là, et surtout vivre avec elle.
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Et voilà comment il faut avoir envie de réécrire cette histoire : dans un double mouvement de frustration et de désir, pour que ces deux êtres existent en nous tout entier au moment où se termine la scène, c’est-à-dire là où les deux images se rejoignent pour s’éclairer l’une et l’autre.
Pourtant, il est temps que nous cessions de voir plus que ces images, car, si je le fais à ce moment précis, tout bascule d’un coup dans ma tête. Et c’est là que leurs secrets se révèlent soudain. C’est là que je comprends ce qui m’avait échappé jusqu’alors, quand j’ai découvert ces deux images. Oui, je sais maintenant si la porte de l’ascenseur va s’ouvrir ou se fermer définitivement. Je sais également ce qui attend cet homme et cette femme, car, de toutes ces histoires possibles, une seule s’impose vraiment à moi, parce que j’ai terriblement envie de la vivre pour comprendre comment cette femme si belle s’est retrouvée entièrement nue ici.
Pour ça, il ne me reste plus qu’une chose à faire. Quelque chose d’impensable et qui devient à présent évident. Maintenant que ces deux images sont gravées au plus profond de nous, dès que je gonfle ma poitrine, je sens, très fort, le cœur, en moi, de cette femme battre. Et c’est précisément sur cette histoire que j’ai honteusement échouée. Je la vois, je la vis, mais personne n’est jamais là pour l’écrire. On préfère juste me regarder.
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