Anges -- Decimer
- Vuld Edone
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À force qu'on me demande qui est Homs, je n'ai pas pu m'empêcher de m'amuser. Et aussi, c'était une bonne excuse pour revenir sur une des histoires des Anges :
Anges -- Decimer
À noter que ce style est devenu mon style par défaut pour les histoires "sans importance". Plutôt que de raconter l'histoire, je la décris, de façon "historique" comme on disait à l'époque. C'est beaucoup plus agréable pour moi.
Et bien sûr, c'est un texte qui joue sur le narrateur. Vu que dans tous les textes des Anges, le narrateur est toujours Homs.
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- Mr. Petch
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- je trouve ce texte beaucoup plus réussi que Coral, même s'il relève d'un même mouvement
- je trouve que c'est un de tes textes (après, je n'ai pas tout lu ! ) où la caractère magique de la fiction apparaît le mieux, et c'est très agréable. Deux exemples :
1. il y a les noms, tout d'abord. On voit cette multitude de noms exotiques (mais qui semble correspondre à une même ère linguistique) apparaître comme par magie les uns à la suite des autres, trois ou quatre nouveaux noms par page, et sans que cela ne soit gênant (il y aurait un parallèle à faire entre l'apparition de ces noms dans ce texte et l'apparition du nom d'Homs dans Coral, qui paraît plus artificiel, alors qu'ici le jaillissement, voire le fourmillement fait partie de l'économie du récit).
2. il y a les histoires. Des histoires les unes à la suite des autres. Et le personnage de Fifrelin, bien sur, est essentiel. Un des passages qui m'a le plus marqué :
En retour, Lanfer le défia de vaincre les Spires, et Decimer y parvint. Lanfer rejoignit la croisade folle du jeune bouc.
En une phrase, ce qui paraissait, d'après le paragraphe précédent, une épreuve insurmontable, est résolu "Decimer y parvint". Tu fais bien de ne rien nous dire sur la façon dont il y parvient, de développer le combat. Tu ne dis que ce qui est important pour transformer l'histoire de Decimer en quelque chose qui ressemble à du "mythe". On a la même logique un peu plus loin avec le "Rhages gagna" (les deux se font clairement écho, de même que :
). Bien sûr, l'explication de ces passages est la présence d'Homs comme narrateur, mais pour le lecteur, cela produit aussi un effet "magique".« Il est temps ! » Clama Decimer. « Aujourd'hui, les bêtes déclarent la guerre à Homs ! »
La seconde d'après, il était mort.
Dernière chose, mais qui est liée : j'ai l'impression que depuis un ou deux ans, il y a une inflexion très nette dans tes textes. Ils semblent de moins en moins chercher à relever du roman, et de plus en plus de la fable. Je dis "fable" au sens d'un récit face auquel on demande au lecteur de croire d'emblée, instinctivement, même s'il met en scène des animaux qui parlent et des combats qui se résolvent en une phrase. Ton écriture tend de plus en plus vers l'ellipse. Est-ce simplement une impression de lecteur ?
Mr Petch
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- Leagend7381
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Petite répétition de ciel. A part ça je me suis arrêté pour l'instant à la fin de la 5eme page. Texte fluide, bonne histoire, j'aime bien cette façon passive de raconter une histoire.
Surtout ici:
"« Il est temps ! » Clama Decimer. « Aujourd'hui, les bêtes déclarent la guerre à Homs ! »
La seconde d'après, il était mort."
On dirait qu'en fait le narrateur n'en a rien à faire, que c'est juste un petit détail.
Si non, j'aime bien t'embêter: Qui sont les bêtes?
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- Vuld Edone
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Yup, le narrateur n'en a rien à faire. Et pour cause : ce sont des bêtes. En principe, une bête est un animal à forme humaine ; ici, c'est un humain avec des traits animaux. Dans les deux cas, une bête n'a aucune sorte de valeur (pour Homs).
Pour Petch :
Je préfère définitivement ce texte à Coral. Pour preuve, celui-là je veux bien en parler.
Les Anges sont une critique des personnages de JdR, et par extension des héros d'aventure comme je peux en rencontrer. Ridiculement puissants, soit par leurs pouvoirs soit par leur chance insolente, dans tous les cas ces héros sont "supérieurs" à... à l'univers. Heureusement qu'il n'y en a qu'un.
Dans les Anges, des héros il y en a une volée.
Le résultat est double. D'une part ça fait une volée de personnages qui se piétinent pour avoir le projecteur, et d'autre part ça fait des actions oscillant entre l'improbable et l'absurde de démesure. Tout ce qui touche les Anges a donc ce côté "magique".
À ça s'ajoute la foule d'informations à donner au lecteur, sur les bêtes, sur Homs, sur les Anges, les Gardiens... le meilleur exemple vient d'Impe', dans "Instinct de survie", qui se demande ce qu'est la "Lance" utilisée par les Anges. Le texte n'y répond pas, et c'est voulu. Au fond, j'ai effectivement besoin que le lecteur accepte de ne pas savoir.
Je ne sais pas pour l'ellipse.
D'un côté je me dis que c'est dû au fait que je n'écris quasiment plus qu'en TdE, avec des brouillons, et presque essentiellement sur les Anges. Je m'arrête moins, et il n'y a plus de second niveau de lecture... Donc j'ai envie de dire que non, mon style reste bardé de détails cryptiques. C'est juste que je n'écris plus "sérieusement".
Mais...
D'un autre côté j'ai envie de retenter les Reniants justement parce qu'il y a désormais ce style très descriptif et expéditif que j'aimerais y appliquer. Dans ce cas-là oui, je m'orienterais vers des textes plus expéditifs et "fabuleux".
Je ne sais pas. Je sais juste que mon écriture en TdE n'est pas celle que je vise au final. Donc s'il y a inflexion, ce peut être simplement dû au fait que je ne prends plus vraiment le temps de soigner l'écrit.
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- Mr. Petch
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D'un côté je me dis que c'est dû au fait que je n'écris quasiment plus qu'en TdE, avec des brouillons, et presque essentiellement sur les Anges. Je m'arrête moins, et il n'y a plus de second niveau de lecture... Donc j'ai envie de dire que non, mon style reste bardé de détails cryptiques. C'est juste que je n'écris plus "sérieusement".
En fait, j'analyse ça autrement. Pour moi, si le "style brouillon" que tu adoptes en TdE peut produire des textes plutôt moyens comme Coral, il peut aussi produire de bons textes comme Decimer. Et c'était la même chose avec ton ancien style plus travaillé et plein d'allusions cryptiques : autant Chimiomécanique démontrait la difficulté de ce style sur la longue distance, autant Reniants était bon. Je me suis replongé dans les débats qu'on avait eu à l'époque sur ce texte, ainsi que d'autres proches (De corne), et il y a vraiment chez toi cet enjeu du cryptique, de l'allusif, et l'idéal d'un texte où chaque mot est un "mot de passe" pour comprendre l'univers dans lequel il se déroule (c'est comme ça que je l'interprète). L'exemple des noms et des multiples couches narratives dans Decimer va aussi dans ce sens.
J'aurais tendance à dire que le "meilleure style" serait quelque part entre Reniants et Decimer, les deux constituant des essais de style intermédiaire entre le "style brouillon" et le "style cryptique".
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- Vuld Edone
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Quand je regarde la conversation de départ, dans les Reniants, c'est "codé", on n'y comprend rien, mais la narration en elle-même est assez classique.
Quand je regarde le début de De corne, la narration elle-même est un code au-delà de ce qui y est dit. Bref.
Si je réécrivais la conversation des Reniants dans le style brouillon, ça donnerait ça (et ça revient à décoder en résumant) :
Écrit comme ça, on n'a que le factuel. Tell est méfiant, Maelle un peu folle et on comprend mieux de quoi ils parlent.Elle voulut savoir quelle était la taille de l'astre lunaire.
Sans comprendre la question, Tell se méfia, biaisa et demanda, en termes animal : si l'astre faisait un milliard de tonnes, qu'est-ce que ça changerait ? Mais elle, sans écouter, continuait et demanda, combien de temps la Lune mettrait pour tomber sur eux. Les bougies brûlaient entre eux et peignaient sur leurs visages des ombres fauves. Il se méfia. Elle ne demandait pas une distance, mais une vitesse. Alors Tell répondit, toujours dans sa langue : si elle allait à dix mille mètres par seconde, il faudrait trente mille secondes. Il inventait tout, à chaque fois.
Face à lui Maelle exulta. Elle se rapprocha encore de lui, fascinée, et il vit qu'elle ne le regardait pas. Et elle lui révéla ce qui était arrivé.
Une bille minuscule, presque une poussière, s'était abattue sur leur monde, si vite qu'elle n'avait pas pu la voir, seulement la sentir. Le choc avait été tel qu'étonnée d'être encore en vie, étonnée que le monde existe toujours autour d'elle et incapable de mesurer ce qu'elle avait ressenti, la reniante était venue partager ce secret impossible.
Mais ce n'est pas l'enjeu, et c'est le problème quand je crypte : je ne dis pas au lecteur où regarder.
Dans la narration des Reniants, l'important est de faire en sorte que le lecteur puisse penser comme un reniant. Le premier souci de Tell est de survivre, que Maelle ne le tue pas. Il ne s'intéresse au discours que pour savoir qui est la proie de la reniante, et trouver une faille. Et il est complètement perdu parce que Maelle, sous le choc, ne joue plus du tout le jeu des reniants. Elle a oublié la survie, elle a juste besoin de dire ce qui lui est arrivé.
Le style brouillon ne permet pas d'exprimer ça, pas sans un tas d'explications qui seraient, à mes yeux, un échec du texte. C'est à la narration, à la forme du texte d'exprimer la survie, la crainte instinctive.
Mais le style cryptique des Reniants ne met pas le lecteur en position de proie/prédateur. En fait, c'est ironique, le texte dit noir sur blanc que Maelle n'hésiterait pas à tuer Tell, mais à aucun moment on ne sent vraiment ce dernier en danger. C'est presque une formalité. Dû notamment à la manière dont il agit : il a l'air tranquille.
L'ellipse n'aiderait en rien à faire entrer le lecteur dans ce jeu de la survie et du mensonge. À le faire réfléchir comme un "reniant".
Ce serait le même enjeu dans les Armes si je voulais mettre le lecteur dans les bottes d'un monstre. Mais parce que le narrateur est Homs, on est toujours à l'extérieur, en observateurs. Donc la narration n'a pas besoin d'exprimer la vision du monde des bêtes. Tout au plus elle la commente.
Mais dans les Reniants le lecteur doit devenir un reniant à son tour, c'est le but. Dans Chimiomécanique, c'était la logique mécanique des machines. La narration doit pousser le lecteur à penser comme les personnages mis en scène, mais sans avoir à le dire explicitement : "il pensa que". Le but est que le lecteur finisse par y penser de lui-même, le temps du texte.
Donc non, je ne pense pas que Decimer soit une bonne direction. C'est pratique pour raconter des histoires quelconques, et reposant. Mais c'est très loin du but que je me fixe.
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