Tentative d'histoire dans l'histoire
- Zarathoustra
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J'aimerais si possible que vous m'aidiez à transformer ce passage toujours un peu ingrat en un passage plaisant et au cours duqeul on aurait vraiment envie de connaître l'histoire.
Autre piège, il y a pas mal de dialogues, j'aimerai également que vous me disiez ce qu'ils vous inspirent pour les améliorer. Je sais que je pourrais en couper, pourtant je me dis qu'ils jouent un vrai rôle dans le rythme de l'ensemble.
Bref, je cherche un équilibre et j'ignore si j'y suis parvenu.
*
Depuis plusieurs soirs, Aurélia procédait selon un petit rituel établi. D’abord, elle rentrait dans la chambre avec de quoi nourrir l’elfine, puis, la laissait seule pour manger en réglant les instances du Comté que son père négligeait de plus en plus. Quand elle regagnait sa chambre, elle prenait soin de ne faire aucun bruit en espérant que la furie soit tombée de sommeil et ouvrait grand la fenêtre pour s’imprégner de l’air. Et là, dans la fraîcheur qui faisait palpiter sa peau et son cœur, elle se sentait vivante comme jamais. Sans savoir pourquoi, elle retardait le plus possible l’heure de se glisser dans le lit près de l’elfine. Pourtant, elle adorait sentir cette douce chaleur sous les draps qui contrastait délicieusement avec sa peau frissonnante. Ce soir-là, quand elle y prit sa place, l’elfine bougea et se plaqua contre elle, comme si elle aussi attendait sa présence pour soulager sa peau brûlante. Tout le corps d’Aurélia se raidit à ce contact. Elle se tenait inconfortablement tout au bord du lit, de plus en plus crispée, à tel point qu’elle préféra se lever.
- Non ! Reste près de moi!
Pourtant, elle avait à peine fait mine de se redresser. L’accent caractéristique du peuple des Ombres avait donné à ces quelques mots des notes saillantes à la fois suppliantes et autoritaires. Elle n’osa ni se rallonger ni se lever, tétanisée par tout ce qu’ils impliquaient.
- J’aime sentir la fraîcheur de la nuit sur ta peau contre la mienne, elle apaise ma fièvre.
A nouveau, les mots qu’elle entendait s’insinuaient dans son être et lui brûlaient les joues.
- Je croyais que tu dormais…
- Non, pas tous les soirs… La fièvre m’a tellement affaiblie que je me sens comme une enfant qui a besoin d’une présence pour dormir.
- Tu dis ça pour te moquer et te jouer de moi !
- Pourquoi m’amuserai-je de la sorte alors que je n’ai qu’à t’embrasser pour le faire ?
La tête de la furie s’approchait d’Aurélia comme un serpent vers sa proie. Au dernier moment, la jeune femme détourna sa bouche, les joues en feu et le cœur battant. Les lèvres se lovèrent à la place dans le creux de son cou, lui laissant une caresse tout aussi enivrante, tandis que de fins cheveux effleuraient son bras et filaient le long de son épaule. Petit Louis aussi avait les cheveux longs, mais plus raides. Ce délicieux contact impromptu lui donna un léger frisson. Elle ferma les yeux pour profiter de cet instant qu’elle redoutait autant qu’elle désirait. Puis une main inclina son visage du bout des doigts. Cette fois-ci, toute sa volonté s’évanouit à son contact. Sa propre bouche s’entrouvrit à l’approche de l’autre. Un délicieux vertige accompagna la caresse humide de leurs baisers. Immédiatement, les souvenirs de l’étrange rituel du sang avec Aynaryel qu’elle s’était efforcée d’oublier refirent surface et, en des gestes maladroits et trop précipités, elle rendit à son tour les quelques gestes d’amour qu’elle connaissait. Une dernière fois, elle serra très fort le corps de son imprévisible amante contre le sien avant que son corps ne s’abandonna totalement. Tout lui paraissait si doux, si parfait, que tous les moments intimes passés aux côtés de Petit Louis lui parurent soudain insignifiants et ternes.
A plusieurs reprises, Dolorès sourit à l’ardeur de ses initiatives. Au fil de leurs ébats, il lui arrivait de grimacer de ses blessures suivant les positions et les gestes que tantôt elle entreprenait tantôt elle subissait. Alors Aurélia redoublait de tendresse quasi maternelle pour apaiser cette douleur qui avait rendu possible cette rencontre. Ce qu’elles vécurent cette nuit-là dépassa de très loin ce qu’avait pu entrevoir l’humaine. Le corps de l’elfine la fascinait. Il était parcouru d’étranges et multiples cicatrices, plus ou moins vieilles. Chacune d’elles le rendait encore plus mystérieux et fascinant car aucune ne l’enlaidissait vraiment. Ses mains et ses lèvres mouraient d’envie de les parcourir mais, à chaque fois, une pudeur la retenait.
Quand elles se retrouvèrent côte à côte, main dans la main, le corps brûlant, seul le souffle ample de deux respirations résonnait dans la chambre. Pourtant, la jeune femme aurait voulu poser mille questions sur ce qu’elles venaient de vivre et sur ce qui allait advenir de leur relation, d’autant qu’elle ressentait encore plus les différences de races et de culture qui les séparaient et, en même temps, elle redoutait tellement de paraître candide aux yeux de l’elfine sans âge. Et au fond d’elle, elle était persuadée qu’il s’agissait d’un adieu et qu’elle allait lui annoncer son proche départ. Elle voulut la regarder une dernière fois pour s’imprégner à jamais de son visage. Les yeux qui lui faisaient face, bien qu’impénétrables, restaient étrangement tendres.
- Quoi que je dise, quoi que je fasse, j’ai l’impression que tu le sais à l’avance, comme si tu avais déjà tout vécu… alors que pour nous, ton peuple nous reste si imprévisible…
- Pourtant, tu te débouilles très bien pour une jeune humaine…
Elle ignora si la réponse désignait le moment d’intimité qu’elles venaient de passer ou son habileté dans le monde qui les entourait. Dans les deux cas, elle ne pouvait s’empêcher d’y voir une ironie cruelle car elle avait tant d’inexpérience pour y faire face.
- Dolorès, j’aimerai tellement te connaître davantage…
- Ah vaste question que voilà… Si seulement je le savais moi-même…
- Tu te moques encore de moi…
- Non, pas du tout, que veux-tu savoir de moi ?
- Je ne sais pas… Par exemple, ce prénom, Dolorès, il n’est pas elfique, n’est-ce pas ? Tu sais qu’il signifie également Douleur ?
- Bien observé, ma jeune amour. Je m’appelle en fait Veyldline mais plus personne ne m’appelle ainsi. Ce pourrait être notre secret si tu le veux ?
- Oui, ce serait un jolie secret, Veydeline. Mais aussi beau soit-il, ce prénom ne me dit rien sur toi alors que celui de Dolorès...
- Ce prénom de Dolorès possède une très longue et vilaine histoire, interrompit l’elfine.
- Alors je veux la connaître !
- Et si tu découvrais à quel point je suis un monstre, voudrais-tu quand même la connaître ?
- Pourquoi un monstre ?
- Parce que tu sauras vraiment qui je suis. Et d’ailleurs, tu ferais mieux d’apprendre à me détester…
- Jamais je ne le pourrais…
- Le crois-tu vraiment, se moqua l’elfine.
- Non, mais je sais que tu n’es pas si mauvaise que tu veux me le faire croire…
- Toi, tu oublies trop vite à quel point nous vivons dans un monde cruel pour toute femme ou elfine qui ne veulent se plier sous le joug du masculin…
- Détrompe-toi, à ton contact, j’apprends à mieux le comprendre. Et, comme toi et Aynaryel, je veux peser davantage sur ce monde pour qu’il s’ouvre davantage à nous toutes… Et de tout ce que nous devons être capables pour s’y faire une place !
- Ce sont de belles paroles mais es-tu prête à en payer le prix ?
- Oui, et même à t’aimer davantage malgré tout ce que tu m’auras raconté, rajouta Aurélia d’une voix mutine et pleine de malice qui fit sourire l’elfine. Tu sais, Aynaryel m’a déjà parlé de Volveane. J’aimerais vraiment que tu m’en dises davantage sur elle. Quel genre d’elfine était-elle ?
- Oh c’est une autre et longue histoire que tu me demandes…
A ces mots, Aurélia se saisit du visage de l’elfine à pleine main pour échanger avec elle un ultime et passionné baiser. Ce mélange d’audace et de naïveté plut à l’elfine. A dire vrai, elle était touchée étrangement, comme si son cœur corrompu ne s’en trouvait que plus désarmé pour l’affronter.
- Alors je vais te raconter une partie de mon histoire. Apprête-toi à découvrir comment une elfine d’Aubemorte finit par porter un prénom d’humaine pour le reste de sa vie.
Alors, elle lui raconta qu’en Aubemorte, contrairement à ce qu’imaginent les humains, les elfines devenaient Furie par ferveur religieuse, puis comment l’enseignement qu’elles recevaient les poussait à se surpasser tant en prouesses martiales qu’en cruauté envers leurs adversaires, et enfin comment on se servait du sang de leur victime et du leur pour d’étranges rituels. Elle insista sur la fierté qu’elles éprouvaient à pratiquer leurs forfaits et que leur Ordre fût pour beaucoup dans l’horreur qu’inspirait la nation des Ombres sur l’ensemble des peuples. Pourtant, à mi-mots, Aurélia crut entrapercevoir comme une certaine condamnation dans de telles pratiques.
- Tu n’as pas totalement tort. Cela fait partie de l’enseignement d’Ameryel. Mais ne crois pas qu’elle ou moi ne serions pas prêtes à en commettre de nouveaux ou de bien pires… Notre matriarche a juste donné un autre sens à notre combat… Mais je te raconterai cette histoire une autre fois. L’histoire que je veux te raconter commence vraiment le jour où je fus capturée par des humains. Pour que tu imagines un instant tout ce que cela signifie pour nous, dis-toi que toute la crainte que nous inspirons en temps normal ne fait que motiver davantage nos futurs bourreaux lorsqu’ils ont la chance de tenir entre leurs griffes une telle « créature», comme ils disent…
Alors, elle lui raconta sans trop rentrer dans les détails tout ce qu’elle avait subi pour avouer des choses qu’elle n’avait même pas à avouer. Elle lui expliqua combien elle se moquait alors de son sort car, pour elle, il ne s’agissait rien d’autre que de prouver sa foi en son dieu en résistant jusqu’à la mort. Et pour elle, torturer un prisonnier, tant pour se défouler que pour obtenir des informations, faisait partie de l’ordre des choses
Parmi le cercle de ses bourreaux, il y en avait un qui sévissait sur elle avec une ardeur toute particulière. Au bout de deux jours, tandis que les autres semblaient déjà se lasser, lui continuait toujours jusqu’à ce qu’elle s’évanouisse. Il finit par venir seul, toujours un peu plus inspiré. La haine qu’il éprouvait à son égard devait remonter à plusieurs générations en amont. Au bout du quatrième jour, alors qu’il prenait un plaisir plus grand encore à reculer l’échéance de son évanouissement, elle décida de le provoquer en se moquant de ses méthodes archaïques et du peu de résultats qu’il obtenait. Au bout d’une semaine, il s’acharnait toujours sur elle mais avec cette infinie mesure pour la laisser malgré tout en vie. A dire vrai, elle ne savait plus vraiment ce qu’elle faisait si ce n’était qu’elle défiait encore et encore l’humain sur sa soit disant incapacité à la faire vraiment souffrir. Et bien qu’elle fanfaronnât, jamais elle n’avait vécu de tels supplices. A son plus grand effroi, elle découvrait en elle une étrange jubilation à surmonter cette souffrance qu’il lui infligeait et combien elle aimait la sentir la submerger.
A force de repousser ses limites, la furie finit par être incapable ni de parler, ni de se réveiller. Pendant des jours, elle ignora ce qui se passa exactement, incapable de comprendre quoi que ce fût tellement son état physique était pitoyable. La seule chose qu’elle se rappelât, ce fut du visage de l’humain au-dessus d’elle qui la soignait et qui l’appelait sa « pauvre petite Dolorès ». Quand elle reprit vraiment conscience, elle devina que cet humain n’était pas insensible à son charme, ou plus exactement, il ne pouvait plus se passer de la faire souffrir et de découvrir à quel point il pouvait aller loin avec elle. S’il avait pris soin d’elle, c’était uniquement pour continuer ce jeu cruel qui les unissait. Leur petit rituel dura encore quelques jours. Lui attendait avec impatiences de pouvoir mettre en pratique de nouvelles tortures et, elle, malgré tout l’effroi que la douleur suscitait dans tout son corps, elle attendait de recevoir ses nouveaux sévices et l’encourageait à aller toujours plus loin, tant par arrogance que pour tester ses propres limites qui ne cessaient de reculer.
Aurélia repensait à toutes ces cicatrices qu’elles avaient contemplées et ne pouvait s’empêcher de chercher lesquelles avaient pu être causé à cette occasion. Il y en avait surtout deux près du mamelon qui l’avaient mise mal à l’aise. Sans même jamais avoir été blessée de près ou de loin à pareil endroit, elle avait ressenti une douleur rien qu’en les regardant. Et plus l’histoire avançait et moins elle se serait senti capable, elle, de tenir tête aux bourreaux. Une fascination à la fois morbide et malsaine la poussait pourtant à vouloir connaître la suite. Quand l’elfine avoua avoir atteint un stade où elle se remettait de plus en plus difficilement, elle en éprouva comme une sorte de soulagement.
Puis, Dolorès finit par dépasser son point de rupture. Encore aujourd’hui, elle était certaine d’être morte ce jour-là. Son corps n’avait plus d’importance et ne lui parlait plus. Seul un ruissellement de lumière se superposait partout autour d’elle sur l’image de sa geôle, avec la nette impression d’être sortie de son corps. Elle voyait l’homme en larmes à ses côtés en train de s’activer pour la ranimer. Elle se voyait également elle-même, le visage défiguré, le corps sanguinolent et sale, à tel point qu’elle se reconnût à peine. Puis elle ressentit une nouvelle souffrance qui recouvrait toutes les autres douleurs et elle reprit possession de son corps en se redressant d’un coup en hurlant d’effroi pendant de longues minutes comme une hystérique.
Quand elle finit par s’apaiser, l’humain la fixait, à son tour complètement effrayé. Il la laissa seul un instant puis revint avec un repas complet et même une bouteille de bon vin. Elle se souvint avoir à peine la force de se nourrir, mais que chaque aliment qu’elle ingurgitait la ramenait plus fort à la vie. A chaque bouchée, sa volonté grandissait à nouveau d’aller encore plus loin dans ses ressources. Puis, l’image de son propre corps en lambeau se grava dans sa tête. Si elle était encore en vie, ce n’était plus pour longtemps. Aussi, elle décida alors de jouer un autre jeu.
D’abord, elle commença à lui avouer combien elle aimait les souffrances qu’il lui infligeait. Ses mots provoquèrent une réaction inattendue. Il devint quasi fiévreux et se mit à lui poser non pas les habituelles questions d’ordre militaires ou pour lui faire désavouer sa foi mais sur ce qu’elle ressentait vraiment, comme un médecin qui aurait mesuré les différents dosages de ses médicaments. Elle s’amusa à lui répondre en employant des mots traduisant non pas une douleur mais comme de l’extase. Et ce qui la fascina alors fut de découvrir que plus elle voulait forcer le trait et plus elle comprenait qu’elle ne disait que la pure vérité sur ce qu’elle ressentait au plus profond d’elle. Aurélia ne put s’empêcher de penser que le récit provoquait un sentiment quasi comparable. Elle aurait voulu s’indigner mais elle ressentait la même fascination, d’autant qu’elle découvrait elle-même les secrets de l’extase.
Le lendemain de ces aveux à l’humain, l’elfine simula le même état d’épuisement qu’elle avait connu précédemment en rajoutant des délires où elle mettait en scène un amour de l’humain. Dans sa geôle, il y avait longtemps qu’elle n’avait plus de repères temporels et elle avait pris pour habitude de compter une journée quand l’homme en sortait. Depuis ce jour, il se mit fréquemment à dormir de longues heures à ses côtés, en s’inquiétant de son sort quand elle faisait mine de s’évanouir. A plusieurs reprises, quand elle faisait mine d’être inconsciente, il s’était même approché d’elle en larmes et l’avait embrassée passionnément. A chaque fois, elle avait hésité à le tuer car depuis longtemps elle avait testé quelle technique employée avec la longueur de ses chaines pour y parvenir. Seulement, elle ignorait s’il avait les clés sur lui pour la libérer.
Une fois même, alors qu’elle simulait une fois de plus l’évanouissement prématurément, elle le vit si en colère qu’il reproduisit sur lui ce qu’il venait de faire sur elle, comme s’il s’en était voulu d’avoir été si maladroit. Ce jour-là, elle décida alors de se faire aimer de lui à le rendre fou. L’idée paraissait certainement encore plus folle, mais elle avait fini par se persuader que c’était la seule solution pour parvenir à vraiment s’échapper. Lorsqu’elle fit mine de se réveiller, elle joua cette fois-ci un tout autre numéro. Elle le supplia de l’achever, qu’elle n’avait plus ni la force, ni l’envie de continuer leur jeu, que son état était tel qu’elle mourrait sans doute durant la nuit à rester dans une telle puanteur et avec des plaies si mal cicatrisées, ce qui était d’ailleurs fort probable. L’homme sortit en lui promettant un peu de répit et de vrais repas pour lui redonner des forces. Bien qu’elle en mourût d’envie, elle refusa de se nourrir et finit d’ailleurs par s’évanouir d’épuisement, pour de vrai cette fois.
Lorsqu’elle émergea à nouveau, elle n’était plus dans la geôle mais dans ce qui devait être la demeure de son bourreau. Elle était sur un vrai lit, des fioles de médicaments sur la table de chevet, et l’homme lui épongeait régulièrement le front. A peine remise, elle se jeta dans ses bras et l’embrassa passionnément, avec toute la reconnaissance qu’elle était capable d’exprimer. Elle y mit tant de flamme et d’ardeur, qu’elle finit par entraîner l’humain dans sa couche. Elle se donna à lui jusqu’à lui en faire perdre la tête. A nouveau, elle aurait pu le tuer à tout moment. Elle n’en fit rien car elle ignorait où elle était ni comment retrouver ses frères et sœurs. Pendant toute la semaine qui suivit, elle se comporta avec lui comme l’amante la plus parfaite. En à peine deux jours, non seulement il n’était plus question de torture, mais des moyens qu’il allait employer pour pouvoir la garder près de lui sans éveiller de soupçons. Et elle se prêta de bonne grâce à toutes ses exigences amoureuses, voire même au-delà. Seulement, dans le même temps, elle collectait toute sorte d’informations pour sa future évasion.
Aurélia eut un geste de recul à ces mots qui fait sourire l’elfine.
- Rassure-toi, un homme est plus facile à tromper qu’une femme…
- Pourquoi dis-tu ça ?
- Parce que tu te demandes si je ne suis pas en train de te faire vivre la même aventure, avoue !
- En tout cas, je sais maintenant que tu en es capable…
- Tu en doutais ?
La furie n’attendit même pas sa réponse pour continuer son histoire. La semaine écoulée, elle s’aperçut qu’elle ne pourrait jamais s’en sortir sans son aide, les obstacles étaient trop nombreux. Alors elle conçut un nouveau programme de torture. Une torture toute nouvelle et bien particulière. Elle allait se faire aimer de lui jusqu’à ce qu’il consente par amour à l’emmener lui-même en Aubemorte. Elle avait d’ailleurs déjà trouvé son ultime argument : puisqu’il était impossible de vivre leur amour librement parmi les humains, ils allaient pouvoir le vivre facilement parmi les elfes noirs. Aussi, par petites touches, elle ne cessait d’évoquer ses regrets et combien tout aurait été plus aisé en Aubemorte. D’abord effrayé, l’humain commença un jour à lui poser des questions sur cette éventualité. Elle comprit alors à quel point le fruit était mûr, il ne lui restait plus qu’à le cueillir. Elle s’offusqua alors de sa couardise, à insister sur le prix qu’elle avait payé pour vivre son amour auprès de lui et au contraire de lui qui n’avait jusqu’à présent rien sacrifier quoi que ce fût pour elle et, par sa réaction, qu’il lui prouvait juste combien il était indigne de son amour. En le regardant s’indigner de la sorte, jamais elle n’avait à ce point senti un être vivant sous son emprise. Elle commença dès lors à le mener par le bout du nez et à obtenir tout ce qu’elle voulait de lui. Il suffisait qu’elle fasse mine de vouloir regagner sa geôle plutôt que de vivre ainsi cachée de tous, pour que leur futur départ prenne toute autre tournure. Dolorès marqua une petite pause pour boire un verre d’eau.
- Alors, tu vois, au lieu de te demander si je me joue de toi, demande-moi plutôt comment jouer à ton tour pareillement avec les hommes…
- Je crois que ton histoire en dit plus long que tu ne le crois sur le sujet.
- Très bien, si tu crois ne plus avoir besoin de moi pour apprendre…
- Disons plus exactement que j’en suis au stade où je commence à comprendre pourquoi je n’obtenais pas les mêmes choses que toi.
Le fait de découvrir une partie de l’histoire de son amante bouleversait Aurélia. Elle se sentait soudain plus proche d’elle, comme si cette révélation aurait pu créer un lien éternel entre elles. Sur ces mots, elle s’était saisi des mains de la furie et l’attira à elle pour lui porter un petit baiser sur les lèvres.
- Tu n’as pas fini de me distraire... Tu ne veux pas savoir comment je lui ai fait payer chacune des cicatrices qu’il m’a laissées ?
- J’ai déjà peur pour lui…
Enfin, ils commencèrent alors un long voyage au cours duquel elle réussit à entrer en relation avec quelques espions à la solde de l’Aubemorte. Quand elle monta sur le navire qui les y emportait, elle tenait l’humain à une laisse, d’abord pour lui faire croire qu’il s’agissait d’une nécessité pour ne pas éveiller les soupçons de ses frères, puis par jeu pour l’humilier et lui faire comprendre combien elle s’était joué de lui. Même humilié de la sorte, il refusait d’admettre son erreur et, pour garder un peu de son attention, il se mit à jouer parfaitement au chien avec tout l’équipage. Comme il ne cessait de l’appeler Dolorès quand il la suppliait de le garder près d’elle, les elfins prirent l’habitude de l’appeler ainsi pour se moquer d’elle. Puis, quand elle leur raconta toute son histoire, aucun d’eux n’eut plus envie de rire mais la regardait avec crainte, comprenant qu’ils avaient devant eux une authentique Furie et sans doute même l’une des plus fanatique. Une fois à terre, son histoire fut très vite connue de tous, y compris au sein de l’Ordre, sans même qu’elle n’eut à la raconter. Plusieurs Matriarches demandèrent à l’intégrer dans leurs rangs, notamment suite à l’expérience qu’elle avait vécue et qui lui conférait de nouveaux talents forts appréciés de ses sœurs pour les interrogatoires des prisonniers les plus récalcitrants. C’est à cette époque qu’elle avait choisi d’incorporer l’unité d’Aynaryel car elle était devenue à l’époque l’une des Matriarches les plus en vue et des plus jalousées d’Aubemorte.
- Je croyais que tu allais me raconter comment tu l’as fait souffrir ?
- Finalement, je ne préfère pas… Voilà, tu connais mon histoire, tout au moins, ce qui a donné naissance à ce prénom qui me suit et parfois me précède et qui fait que tu m’as trouvée un jour en aussi mauvaise état pour sauver mes sœurs… Et j’ignore à quoi l’humain l’avait rattaché dans sa tête, mais je sais que je lui en ai enseigné toute son effrayante richesse…
Il y eut un long silence qui suivit ces mots. L’elfine sembla un instant perdu dans la rêverie de ses souvenirs tandis qu’Aurélia avait senti non pas de l’effroi mais une véritable fascination au fur et à mesure que l’histoire avait avancé sur la force de caractère et la parfaite connaissance de la psyché des hommes qu’avait fait preuve Veydeline. Bien entendu, pas une seconde elle n’avait envisagé d’explorer une telle voie, mais elle enviait le fait qu’une elfine puisse aller jusqu’au bout d’une telle démarche pour obtenir ses fins. En même temps, contrairement à ce qu’elle avait imaginé, l’histoire modifia son regard sur son amante. Jamais elle n’aurait imaginé qu’on puisse aller aussi loin dans la manipulation. Elle ne pouvait s’empêcher de s’imaginer à son tour comme une nouvelle victime d’un jeu dont elle ignorait tout, à la fois les règles et les buts. Et elle s’en voulait d’autant plus qu’elle aurait prouvé à l’elfine qu’elle pouvait être son égal et la comprendre à son tour parfaitement. Or, elle se rendait que jamais elle ne saurait si jeu à ses dépens il y avait. D’ailleurs, Dolorès la regardait d’un petit air entendu qui prouvait une nouvelle fois qu’elle lisait en elle tous ses doutes.
- Je t’avais prévenue. Mes histoires ne sont pas pour les jeunes filles comme toi…
- Chère Veydeline, pourquoi dis-tu ça ? Parce que je suis trop jeune et que je ne sais ni me battre, ni me faire aimer ou torturer mon prochain comme toi?
- Peut-être un peu tout ça. Mais je pense surtout que nos cultures auront toujours les pires peines du monde à se comprendre. Certes, nous nous ressemblons, nous souffrons pour les mêmes choses, nos cœurs vibrent l’un et l’autre aux sons de l’amour, mais ils ne fonctionnent pas pareils, ils réclament chacun des saveurs et des ivresses très différentes… Et si nous vivons nos passions différemment, nous regardons aussi également la vie plus froidement que tu ne le fais parce que nous savons également tout ce qui ne s’y trouve pas.
- Cela veut donc dire que ce qui s’est passé entre nous n’était qu’un jeu de plus ?
- Mais l’amour, ma chère, n’est parfois rien d’autre. Et toi-même, avec Petit Louis, à quel jeu joues-tu ?
La pique de l’elfine fit terriblement mouche. Toutefois, ce qui avait le plus exaspéré Aurélia était d’entendre cette voix qu’elle chérissait analyser des choses si intimes qui la bouleversaient et qui restaient à ses yeux si opaques avec autant de froideur. Tout paraissait si simple là où tout ne cessait de tourner en rond et sans fin dans sa tête depuis une semaine.
- Tu sais, Aurélia, je t’aime bien. Et je suis sincère. Mais pour l’instant, n’attends pas plus de moi.
- Ta chère Matriarche m’a tenu un peu les mêmes paroles.
- Tu attends trop de nous et de la vie. Et parfois pas assez.
- Oui, je le sais. Même si, en fait, je ne sais pas encore ce que je sais…
Sur ces mots, la jeune femme prit congé pour retrouver Petit Louis, avec une étrange boule au ventre, perdue dans le bouillonnement de ses pensées. Elle redoutait maintenant son regard si animal sur elle et qui lisait si bien en elle comme dans un livre.
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- Vuld Edone
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J'ai pu lire ton autre texte d'une traite, et je me suis dit "allez je suis motivé, allo-" et j'ai regardé le texte qui m'attendait. Et j'abandonne déjà.
"Depuis plusieurs soirs, Aurélia procédait selon un petit rituel établi. D’abord, elle rentrait dans la chambre avec..."
-> Soupir. La taille de ce paragraphe, et je suis censé m'intéresser à un rituel d'une Aurélia qu'okay j'ai lu Ether je sais qui c'est mais elle m'intéresse pas. Le rituel devrait être intéressant, mais ici c'est plus synonyme de routine, et...
C'est peut-être ça le problème. C'est un texte de saga. On présuppose que le lecteur est déjà lancé dans sa lecture, et on "continue". Mais là je n'ai même pas l'impression de prendre un train en marche : j'ai l'impression que le train est arrêté en plein désert. Et on me dit de monter en mode "merci d'attendre, on repartira sous peu".
J'ai confiance dans les trains mais quand même.
"Depuis plusieurs soirs Aurélia revivait au rythme de son petit rituel..." paf enjeu, on a une personne qui revit et on a la curiosité, à savoir comment qu'elle fait. Inversement on a le suspense, parce qu'Aurélia elle peut faire des trucs. Un peu comme une lionne.
"Chaque pas ajoutait à son quotidien nocturne et secret où Aurélia se plongeait chaque soir..." paf enjeu, Aurélia est en danger, oh non, on s'inquiète et tout...
Tu sais, beaucoup de jeunes me demandent pourquoi je soupire sur leurs textes alors qu'ils ont tout bien écrit et exposé sur tout un paragraphe comment le gros meuchant il ronge son nonos. Mais en général ça tient à ça. On me dit des trucs et... et bon ben voilà. En peu de mots on peut lier une simple phrase à un vaste enjeu, et ce sont juste des indices, ça ne dit rien encore, à part que cet enjeu arrive.
Tu as une philosophie du texte où la gratuité prime, la beauté du geste, et c'est comme ça que tu permets à tes textes d'être vivant. Et c'est vrai que mes textes sont très froids, trop calculés. Inversement, tu sais ce que tu veux écrire mais tu ne penses pas assez à lier même une simple phrase innocente à l'ensemble. Lui donner ce petit coup de burin pour l'intégrer à l'oeuvre.
"Même une fois la plume posée et les affaires du Comté derrière elle, bête et gênée devant la porte de sa propre chambre, Aurélia continuait d'attendre comme pour tenir intact par sa passivité ce quotidien de nuits et de secrets."
Oui bon et il y a le fait que je joue avec les sons mais le plus important à mes yeux reste ces détails qui, pour la phrase seule, n'ajoutent rien et risquent toujours d'alourdir l'ensemble, mais qui ne sont pas là pour embellir : ce sont vraiment les accroches au reste du récit, les clous, les rivets, les indices qui sont pour moi le plus sûr indice que le texte est maîtrisé.
Ce après je cours comme une bête affamée.
Et je sais que ce n'était pas du tout ce que tu voulais et que je n'ai pas terminé la première phrase de ton texte mais... ouais. Ouais. Voilà.
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- Zarathoustra
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Tu as raison que le fait qu'il n'y a pas d'enjeu métaphysique particulier autre que celui de faire vivre un personnage. Et je ne comprends pas ton grief. Cela fait partie de la la matière même romanesque. Un personnage, ce n'est pas un robot. Il raisonne et et il vit à travers des sentiments. Et il agit à partir des deux.Tu as une philosophie du texte où la gratuité prime, la beauté du geste, et c'est comme ça que tu permets à tes textes d'être vivant. Et c'est vrai que mes textes sont très froids, trop calculés. Inversement, tu sais ce que tu veux écrire mais tu ne penses pas assez à lier même une simple phrase innocente à l'ensemble. Lui donner ce petit coup de burin pour l'intégrer à l'oeuvre.
La problématique est la suivante: comment rendre crédible l'idée de cette scène. Comment aller du point A à B en arrivant finalement à C, sachant que la personne qui part de A n'est plus la même quand elle arrive à C et comment rendre crédible ce changement. Je me répète sans doute, mais l'enjeu est uniquement au travers des personnages. Et s'il, comme toi, il n'y a pas d'affect possible avec les personnages, alors, oui, je peux te raconter n'importe quoi, alors oui, cela doit être profondément ennuyeux.
Ether, c'est ma vision de la fantasy de manière à y mettre tout ce qui me manque quand j'en lis. Je n'ai aucune relation affective avec les personnages parce que je ne les sens pas vivre. Il leur arrive des drames, et tout et tout. On me dit qu'il souffre, qu'ils sont marqués à vie, même que c'est pour ça qu'ils sont comme ça et qu'ils agissent de la sorte. Sauf que moi, je ne vois que des robots au service d'une histoire. Moi, c'est l'inverse, mon histoire est au service de mes personnages.
C'est l'une de mes difficultés pour finir mon histoire. J'ai besoin de telles scènes pour faire avancer mon histoire. J'ai mon intrigue et le personnage doit la faire avancer mais souvent j'ignore avec quelle scène je vais y parvenir parce que je veux qu'elle parte de mon personnage plutôt que ce soit moi qui le manipule comme un robot.
Alors c'est sûr que si tu abordes ce texte avec cet esprit (que je comprends par rapport à ta philosophie de l'écriture), ne te lance pas dedans pour en plus essayer de t'intéresser à un truc aussi artificiel que les histoire qu'on raconte dans une histoire et qui n'a absolument aucun narratif si ce n'est que dévoiler le passé et rendre plus crédible une relation entre deux personnages. C'est une logique purement romanesque et sentimental et absolument pas littéraire ou cérébrale. Et si tu veux savoir ce qu'il se passe sur le plan narratif, tu as complètement raison, il ne se passe rien. Seulement, à la fin, quand Aurélia dit qu'elle est prête à tuer un homme, on ne la regarde plus pareil et on comprend d'où ça vient, j'espère en tout cas atteindre une crédibilité. Alors que si je l'avais fait agir de la sorte au début de l'histoire, cela n'aurait eu aucun sens. On aurait eu un robot qui agit. L'Enjeu, ce serait comment faire rentrer ce personnage avec tout son poids du réel dans un monde qui n'était pas le sien.
Donc effectivement, chaque mot n'est pas pensé par rapport à un enjeu. Chaque phrase n'a pas de nécessité narrative. On est sur le registre des états d'âme, une matière ingrate. Et pourtant, crois-moi, je suis comme toi, quelqu'un de purement cérébral qui a bien du mal à comprendre les sentiments des autres si ce n'est en les analysant au lieu de les ressentir. Mais quand j'écris, j'adore me plonger dans ce registre. Tu y vois de la beauté du geste, de la gratuité, parce que, sur ce plan-là, notre vision de la gratuité diffère. La beauté des sentiments, c'est bien que tu peux les analyser en long et en large, ce n'est pas pour ça qu'on peut les créer. On peut expliquer pourquoi on aime quelqu'un et pourquoi on ne l'aime plus. Mais la vérité, ce n'est pas ce qui fait qu'o l'aime ou qu'on ne l'aime plus. Cela arrive d'abord comme ça. Et on l'explique après. On ne décide pas d'aimer quelqu'un. On ne décide pas de ne plus l'aimer. On le sent au fond de soi; On le vit. Et après on peut (ou pas) l'expliquer rationnellement. Pas avant.
Donc si tout ce texte te parait gratuit, tu as bien entendu raison, mais dans le même temps, quelque part, je me dis que, oui, c'est pour ça que je dois être moi aussi dans le vrai.Trouve pourquoi tu as raison et pourquoi j'ai tort alors que plus tu trouveras que tu raison, plus tu me donneras raison. Et tu ne trouves pas que c'est un beau paradoxe? Que ce pourrait d'ailleurs un enjeu très cérébral à mettre en scène? Que c'est un formidable enjeu que d'avoir raison alors qu'on ne peut qu'avoir tort? Donc si tu veux un enjeu de lecture, trouve-le ici.
Donc oui, sur ces notions d'enjeux, de rattachement à un enjeu, tu as entièrement raison.
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- Vuld Edone
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Le problème n'est pas que tu cherches à faire vivre un personnage.
Le problème est que dans cette première phrase, Aurélia ne vit pas.
... Ce qui est curieux. Après ta réaction je me suis mis à faire un travail de comparaison.
Donc reprenons ta phrase.
"Depuis quelques jours, Aurélia procédait à un petit rituel établi." (De tête.)
Commençons par remplacer le nom de l'héroïne :
"Depuis quelques jours, Marc procédait à un petit rituel établi."
Je me suis rendu compte que soudainement il y avait une tension. Laquelle ? Savoir qui est Marc. Et parce qu'on ne connaît pas Marc, on se demande quel peut être ce rituel et ses conséquences.
Ce qui me permet de discerner, à l'inverse, le problème dans ta phrase. C'est Aurélia. Je la connais déjà. Je sais déjà où elle en est et ce rituel ne me promet pas (encore) d'en apprendre plus.
Mais allons plus loin. Tentons une version minimaliste de la phrase :
"Marc avait sa routine."
Je ne suis pas sûr qu'on puisse être plus minimaliste : verbe générique "avoir" et mot "routine" à défaut d'un autre. Je me suis demandé si cette phrase avait une tension et... oui. La même qu'avant : qui est Marc, quelle est cette routine et ses conséquences.
-- Maintenant remettons Aurélia :
"Aurélia avait sa routine."
Soudainement la tension est présente. C'est toujours Aurélia, je la connais, je sais où elle en est mais cette routine, détachée du reste, redevient mystérieuse et c'est comme si j'allais apprendre quelque chose de nouveau, d'inédit sur elle.
-- Maintenant, remettons d'autres éléments.
"Aurélia procédait selon un petit rituel établi."
Mêmes remarques qu'avant : le rituel, détaché de tout le reste, redevient mystérieux et inédit. C'est la promesse de tout un nouveau pan d'Aurélia à découvrir, indépendamment des événements qu'on connaît, et qui justement peut tout changer.
-- Maintenant, revenons au minimal et rajoutons la première partie :
"Depuis quelques jours, Aurélia avait sa routine."
Grmf. Soupir. Pakontan.
Cette phrase dit littéralement que depuis la dernière fois il ne s'est rien passé ! On a beau avoir fait défiler les jours, on en est exactement au même point qu'avant, et tous les détails en seconde partie de phrase ne font que renforcer cette idée (procéder, établi).
Alors oui, je sais qu'il va se passer des trucs (et effectivement, dès la moitié du paragraphe ça démarre) mais là grmf, j'aimerais que ces jours aient pesé.
Ce n'est donc pas une question d'enjeu, l'enjeu (et particulièrement voir vivre Aurélia) est là et parfaitement valide.
C'est une question purement littéraire où la phrase, aussi bien écrite soit-elle, ne provoque pas de tension. La phrase piétine et ne promet rien.
Tu as des tas de choses pourtant à y signaler :
- Cette routine est dangereuse, désolé mais si
- Cette routine ne peut pas durer, elle se fissure en milieu de premier paragraphe
- Cette routine permet à Aurélia de vivre, ce serait bien de le rappeler
...
Alors bien sûr si tu m'écris :
"Depuis quelques jours Aurélia risquait bravement sa vie (?) pour protéger celle qu'elle aime (?!?) et se sentait vivre pour la première fois de son existence (?!?!?!?!)..."
Forcément je vais tiquer. Là ce serait typiquement le texte qui se fout de ma gueule. Et je force un peu le trait mais c'est ce que je rencontre le plus souvent dans d'autres textes "bien écrits" où les personnages sont, comme tu dis, des automates qui remplissent leur fonction, et pour lesquels je suis censé éprouver des sentiments.
Oui, ça crée une tension... elle risque sa vie, elle est amoureuse et elle se sent vivre... mais euh c'est du grand n'importe quoi.
Mais si tu m'écris :
"Depuis quelques jours, Aurélia vivait un petit rituel inédit."
J'ai changé deux mots. C'est quasiment rien. Mais ça dit que le rituel est nouveau (et effectivement c'est quelque chose de nouveau dans sa vie) et ça dit qu'Aurélia vit, ce qui est quand même l'enjeu pour elle, entre mariages forcés et rang.
D'ailleurs, ne changeons qu'un mot :
"Depuis quelques jours, Aurélia vivait un petit rituel établi."
Aurélia ne procède plus, elle n'est plus une machine, elle vit. Elle vit, elle expérimente, elle découvre, elle se confronte à cette routine bien posée mais sans forcément qu'elle s'y fasse, ce qu'encore une fois le milieu de paragraphe confirme, elle n'est pas encore à l'aise.
EDIT: Question de détailler, "procéder selon" fait d'Aurélia le sujet actif, c'est elle qui cause la routine. Ce qui, ironiquement, la rend passive. "Vivre" fait d'Aurélia un sujet passif : elle subit une routine qui lui est imposée. Ce qui, ironiquement, faite de cette routine un opposant et donc lui donne une raison d'être active.
Juste un mot. Rien qu'un mot. Et on aurait ton enjeu dès la première phrase.
En un mot tu peux donner l'enjeu pour l'ensemble du chapitre.
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- Zarathoustra
- Auteur du sujet
- Hors Ligne
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Mais je crois que si je devais le reprendre, je crois que je partirais sur : "-Non reste près de moi!" (sans doute avec une phrase introductive, mais ne me demande pas laquelle )
Et ensuite j'expliquerais que son "rituel" du soir ne s'est pas passé comme d'habitude.
Mais bon. pour défendre mon texte, il est justement conçu pour qu'il n'y ait pas vraiment de tension au départ. La tension, c'est bien la première phrase de Dolorès. D'ailleurs, tu parles d'amour. A ce stade, je pense qu'Aurélia n'était pas dans cet état d'esprit. Elle ressent des choses mais ne sait pas encore mettre un nom dessus, surtout que pour elle, l'amour, c'est avec Petit Louis.
Maintenant que tu me donnes cette phrase, c'est évident qu'elle change tout sans rien changer. C'est évident que je la prends de bon cœur. Mais pour tout te dire, sans doute à tort, ce premier paragraphe était le cadet de les soucis. Et cette scène, je ne pense la mettre en début de chapitre. Ce qui explique que je n'étais pas dans une exigence forte sur ce plan-là.D'ailleurs, ne changeons qu'un mot :
"Depuis quelques jours, Aurélia vivait un petit rituel établi."
Pour finir, j'espère que sur le reste, on la sent mieux vivre, mon Aurélia... Qu'on la sent même devenir une autre Aurélia. Encore une fois, j'ai mis ce passage un peu avant l'histoire dans l'histoire pour que vous ayez un peu du contexte. Cette scène se passe plus loin d'où j'ai dû m'arrêter ici.
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