Style "Roman Noir"
- Zarathoustra
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L'intrigue est complètement improvisée. Je crois que ce qui m'avait intéressé était de construire une possible histoire en peu de mots.
Quand je le relis, j'aurais envie de le poursuivre pour voir ce que tout ça a dans le ventre. Donc je me dis qu'un lecteur lui aussi aurait envie de continuer cette histoire. Si c'est votre cas, alors on peut se lancer dans un cadavre exquis si ça vous tente.
Il y avait bien eu blessures par balle.
Du moins, c’est ce qu’on avait entendu dans les médias.
Pour sa part, Amélie en doutait, car son amie n’était pas du genre à se faire prendre par la police et à se laisser tirer dessus. Elle se serait plutôt rendue sans en faire trop. Il avait dû y avoir un complice un peu plus tête brûlée. Elle espérait que ce ne fût pas Ionela ou Yassim, parce que cela aurait signifié qu’elle lui avait menti.
Elle avait passé quelques coups de téléphone, mais personne n’en savait plus, ni si c’était grave. La dernière fois, c’était elle qui avait terminé à l’hôpital. Pas pour les mêmes raisons, bien entendu. Nerveusement, elle regarda une nouvelle fois sa montre, sans même retenir l’heure, avec juste le constat que le temps n’avançait décidément pas. Sans y penser, elle alluma sa cigarette et sourit en voyant celle, presque intacte, qui, indolemment, se consumait dans le cendrier. Cela faisait deux mois qu’elle avait ralenti sa consommation mais, avec ce qu’elle venait d’apprendre, elle n’avait pas le courage de contenir cette pulsion en elle qui la poussait à se saisir de son paquet pour en extraire une et à tirer sur son premier taf. Le reste importait peu, seul comptait le geste de l’allumer et la première bouffée. Tous les fumeurs vont le diront. Pendant les quelques secondes que la fumée prenait alors pour remplir ses poumons et sortir de ses narines, elle avait ce vague sentiment caractéristique qu’une brèche s’ouvrait en elle et que tout pourrait bien aller. Machinalement, elle écrasa la vieille cigarette dans le cendrier et décida de sortir pour finir l’autre.
Dehors, il ne faisait pas encore nuit mais la fraicheur était déjà là. Elle était contente d’avoir pris le premier truc sous sa main pour recouvrir ses épaules, en l’occurrence son vieux blouson en cuir. Il dépareillait quelque peu avec sa robe légère, presque transparente, tout de blanc, de beige foncé et de noir, qui se dégradaient sur le bas en teinte pastel dans un vague motif fauve. Ses jambes sortaient du tissu au niveau du genou et ses sandales d’été en toile clair à talon haut auraient pu lui donner un air de pouffiasse, si sa coiffure et son maquillage n’avaient pas été aussi naturellement élégants. D’ailleurs, elle n’avait pas calculé son look, ce n’était qu’en croisant une bande de jeunes qu’elle avait compris que sa drôle dégaine lui donnait une allure un peu canaille qui avait l’air de plaire autour d’elle. Elle le devinait rien qu’à la façon dont ils parlaient entre eux, tantôt plus bas tantôt trop fort. Le magazine « Elle » aurait dit qu’elle était « glamour », le truc qui ne voulait rien dire et qu’il ressortait pour autant tous les ans. Glamour, un truc définitivement à la con. Pourtant, elle continuait de le potasser régulièrement, à raffut d’une idée pour s’en inspirer plus ou moins.
Deux garçons s’approchèrent pour l’accoster. Elle les rembarra vite fait. On voyait qu’ils n’avaient pas l’habitude de rencontrer pareille répartie de la part d’une femme, et encore moins, mais ça il ne pouvait le savoir, provenant d’une qui trimbalait dans sac à main un si gros calibre. Surtout que ce n’était pas le sien mais celui d’Alice. Cette dernière n’avait pas voulu le prendre la veille, parce qu’elle avait eu un mauvais sentiment, à moins que son horoscope ne l’avait pas inspirée, elle ne se rappelait plus. Il faut dire qu’Alice était tellement superstitieuse…
Amélie se demanda ce qui se serait passé si elle l’avait eu sur elle. Aurait-elle tiré ? Cette idée l’effraya. Elle n’avait aucune envie de partager sa vie avec une tueuse. Et pourtant, c’était ce qui la fascinait en elle. Alice était capable de tout, y compris de faire preuve de cette vulnérabilité éminemment féminine qui la faisait craquer, lorsqu’elle blottissait sa tête tout contre son épaule. C’est pourquoi, malgré son allure de grande tige un peu fragile, avec son joli regard un peu rêveur de myope, c’était elle qui se sentait bizarrement la plus forte des deux. Comme en ce moment où, même si elle devinait son anxiété monter, elle restait calme. Et même contre les deux mecs qui avaient voulu la draguer, elle était restée zen. Elle avait pensé que le plus grand des deux aurait insisté davantage, mais on aurait dit qu’il avait deviné qu’elle n’était pas d’humeur et qu’elle vivait un truc pas drôle. Parfois, un visage en dit plus qu’on ne l’imagine. Et cela l’avait bien arrangée. Dans la situation inverse, elle savait qu’Alice aurait crisé et qu’elle aurait fait et dit n’importe quoi, peut-être même qu’elle se serait effondrée, alors que tout le monde imaginait l’inverse quand on les voyait ensemble.
Son portable vibra contre la crosse du flingue. Elle jeta par terre sa cigarette qu’elle écrasa comme si cela avait été un insecte soudain répugnant et prit la communication.
Le numéro était inconnu.
Son cœur bondit dans sa poitrine quand elle reconnut la voix.
*
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- Vuld Edone
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Personnellement, l'histoire ne me tente pas : deux criminelles ensemble (complices au minimum), l'une s'en va, ça tourne mal. Le couple pourrait être intéressant (le texte y consacre un paragraphe) et le souci se devine un peu, mais ça reste trop... générique pour moi.
Il y a aussi un ou deux détails qui crochent. Notamment :
"Elle espérait que ce ne fût (sic) pas Ionela ou Yassim, parce que cela aurait signifié qu’elle lui avait menti." - Cette phrase est un peu cryptique, ce qui n'est pas gênant pour un texte de réflexion, mais ici on part dans le polar, avec ses allures populaires et ses bottes dans la boue. Les sous-entendus doivent être clairs comme du diamant.
Donc plutôt du "si c'était Ionela ou Yassim, elle ne le lui pardonnerait pas". Là aussi il y a de l'ambiguïté (pardonner à qui ?) mais peu importe le sens que choisit le lecteur, ça passera.
Autrement c'est juste le texte qui hésite entre un ton vraiment polar', où tout le monde parle en crachant par terre, et un ton un peu plus rêveur, plus habituel de tes récits. Le "pouffiasse" tombe un peu de nulle part et donne l'impression d'un narrateur schyzophrène (ou comique).
Cela dit, le paragraphe réussi à mon sens est celui du fumeur. Que ce soit vrai ou faux (aucune idée, jamais fumé), ce paragraphe permet de s'immerger dans le personnage. On se perd dans le geste et on ne pense plus (trop) aux nouvelles, ce qui est exactement le vécu d'Amélie. Les deux jeunes dans la rue, à côté, n'apportent rien, mais l'instant cigarette donne bien le ton.
Bref, je ne saurais pas comment poursuivre ce texte.
Je retoquerais personnellement l'héroïne en la rendant beaucoup plus simple. Une personne qui ne comprendrait pas le mot "hésitation", qui sait ce qu'elle veut et est seulement agacée de devoir attendre -- plutôt que de s'avouer qu'elle a peur pour son amie. Tout l'énerve parce qu'elle ne peut rien faire, et le coup de téléphone serait une libération.
Ensuite, je suis à peu près certain que les conventions du genre exigeraient que l'appel la menace directement. Un héros de polar ne peut pas se contenter d'être inquiet pour les autres, il doit être lui-même en péril. Je vois à peu près une construction qui permettrait d'y arriver -- sans brûler les étapes, où ça deviendrait vaudeville -- mais ce serait pas mal d'efforts pour rediriger l'attention du lecteur.
Tu pars plus sur une romance avec arrière-fond policier que sur un policier avec arrière-fond de romance, en somme.
... Il faudrait un cadavre exquis où j'aurais à réfléchir moins. Si possible.
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- Zarathoustra
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Bonne remarque. De toute façon, c'est une phrase également pour garder le récit ouvert et pour offrir une liberté dans l'histoire à développer. Je n'en ai aucune idée derrière la tête. Dans la mesure où à ce stade il n'y a pas de trame prédefinit, je préfère que les choses soient ouvertes. Et que si quelqu'un veut poursuivre qu'il n'ait pas à se plier à un carcan trop fermé et qu'il puisse sy' glisser et inter-réagir."Elle espérait que ce ne fût (sic) pas Ionela ou Yassim, parce que cela aurait signifié qu’elle lui avait menti." - Cette phrase est un peu cryptique, ce qui n'est pas gênant pour un texte de réflexion, mais ici on part dans le polar, avec ses allures populaires et ses bottes dans la boue. Les sous-entendus doivent être clairs comme du diamant.
Donc plutôt du "si c'était Ionela ou Yassim, elle ne le lui pardonnerait pas". Là aussi il y a de l'ambiguïté (pardonner à qui ?) mais peu importe le sens que choisit le lecteur, ça passera.
Je n'ai jamais fumé non plus. Clairement, j'aime ce genre de passage "gratuit" dans un texte, parce qu'il laisse le personnage vivre. Par rapport à tes remarques sur le personnage central, je pense qu'on n'a pas la même approche des personnage. Moi, j'ai besoin de sentir leur vécu (y compris quand je lis). Ey je n'aime pas les personnages "fonctionnels" dont le but est de servir l'histoire. Moi, c'est l'inverse, c'est plutôt l'histoire qui se met au service du personnage. Et parfois, ledit personnage lui joue de vilains tours... Pour ça, j'ai besoin qu'il ne soit pas monolithique.Cela dit, le paragraphe réussi à mon sens est celui du fumeur. Que ce soit vrai ou faux (aucune idée, jamais fumé), ce paragraphe permet de s'immerger dans le personnage. On se perd dans le geste et on ne pense plus (trop) aux nouvelles, ce qui est exactement le vécu d'Amélie. Les deux jeunes dans la rue, à côté, n'apportent rien, mais l'instant cigarette donne bien le ton.
Put-être. Mais généralement, l'un ne nuit pas à l'autre, donc ça me va. Comme je l'ai dit, c'est un texte où je me suis fait plaisir et où j'ai cherché à me surprendre (ici, avec le ton, et puis une intrigue potentiellement à tiroir).Tu pars plus sur une romance avec arrière-fond policier que sur un policier avec arrière-fond de romance, en somme.
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