Adoption
- Petimuel
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Prologue
[size=150:395wjit3]L[/size]es cheveux grisonnants du baron d’Annecy dansaient avec le vent. Son dos courbé afin de mieux suivre le chemin, il sentait chaque pulsion de son cœur, qui s’accordait merveilleusement avec les mouvements des puissants muscles de son cheval. Le chemin défilait. Ici, un coude. Là, un gros rocher. Le sentier sableux était bordé par les arbres, au beau milieu de la forêt d’Andrésy. Ses chevaliers le suivaient. Point d’armes, et pas mieux de chiens. Nul n’était là pour chasser. Le baron d’Annecy affectionnait les tranquilles promenades, perdu entre les broussailles, à l’abri du soleil sous la douce ombre flottante des myriades de feuilles de chêne. Il apercevait, de temps à autre, un parterre de fleurs ou de champignons, un pommier, un ruisseau clapotant, ou encore une petite clairière ensoleillée.
Un cri retentit. Le paysage s’assombrit tout d’un coup. Le soleil tapait trop fort. L’eau qui dégoulinait de son pantalon était glaciale, et lui mordait les chevilles. Son vêtement lui collait au torse. Il transpirait de partout. Quelqu’un avait crié. Par la Dame ! Un enfant, si l’on en croyait le son de la voix. Le cri se fit entendre de nouveau. Par là, cavaliers, par là ! Et hâtez-vous, la vie d’un enfant est peut-être en jeu !
Le cheval ralentit peu à peu. Ses sabots écrasèrent quelques champignons. Le baron mit pied à terre, et s’approcha d’un bébé étendu, nu, sur un parterre de mousse et de lichen. Chut… Il ne lui voulait aucun mal… Il prit l’enfant dans ses bras, et l’emmaillota dans un pli de sa tunique. Que penserait sa femme ?
Elle pensait ce que n’importe quelle femme aurait pensé à sa place. Que c’était merveilleux, que le petit était si mignon, qu’enfin il y aurait un héritier d’Annecy, qu’il était incroyablement chou, qu’il fallait lui préparer un peu de lait parce qu’il devait avoir grand faim, qu’il était mignon, qu’il avait une bouille d’ange, que ce jour était le plus beau de sa vie et où se trouvait le fermier, grands dieux ! Comment voulez-vous préparer du lait sans un fermier pour traire la vache ?
« Non. »
La femme s’arrêta dans son élan. Un lourd silence s’installa.
« Comment cela, non ? »
« Non, nous ne garderons pas l’enfant. »
La baronne ne répondit rien, trop émue, sur l’instant. Elle jeta un regard sur le bébé, qui riait par hoquets, en postillonnant un peu. Il battait l’air de ses petites mains potelées, et de délicieuses petites fossettes marquaient le rire sur ses grosses joues rouges.
« Vous auriez le cœur à remettre cet enfant dans le bois, Raoul d’Annecy ? »
« Non pas, madame. Nous le remettrons à l’une de nos gens. L’enfant sera élevé dans les meilleures conditions qui soient. »
« Et notre héritier. L’oublieriez-vous ? »
L’homme attendit quelques secondes avant de répondre, à mi-voix, et en se penchant pour se faire entendre.
« Nous en concevrons un, ce soir… »
Le bébé, qui s’affairait à tirer la moustache du baron qui avait commis l’erreur de pencher la tête, partit dans un petit rire entrecoupé de toussotements. La baronne, une femme mûre, qui avait l’expérience des années, mais qui, pourtant, gardait un charme trouble et une curieuse beauté, s’en trouva attendrie.
« D’accord, mais nous le donnerons seulement à quelqu’un qui l’accepte, autrement, les gens ne s’en préoccupent guère. Et puis, j’irai le voir tous les jours ! »
« Tous les jours, je vous le promets, ma douce… »
La femme en retrouva toute sa gaieté. Elle s’activait, criait, riait, courait et sautait.
« Alors allons-y. Nous demanderons d’abord à Fanchette, elle est jeune, et saura sûrement bien s’en occuper. Puis, nous lui donnerons du lait… Non, d’abord, donnons-lui du lait. A la cuisine. Holà, serviteur ! Va me quérir le fermier. Comment, tu ne le trouves pas ? Dame, quand je te demande de le trouver, tu le trouves, ne suis-je pas assez claire ? Oh, puisque c’est ainsi, j’airai le chercher moi-même. Ce n’est pas un fermier qui va me gâcher une journée, quand même. Surtout qu’il s’agit de l’enfant de Fanchette … Fanchette, tant qu’on en parle ! Où est-elle, celle-là ? Fanchette ! Pas dans ses appartements... si ! … Comment cela, tu ne veux pas de cet enfant ? Oh, baste, nous demanderons à Camille. Au fait, tu n’aurais pas vu le fermier ? Peste ! Où peut-il bien être… »
Le baron, lui, restait de marbre. Il caressait l’enfant. Il était mignon, quand même, ce marmot… Bon, il paraît que Fanchette avait refusé. La comtesse était partie demander à Camille, mais cette brave femme avait déjà trois enfants sur les bras. Elle refuserait, ou alors c’était folie pure. Lui avait une autre idée en tête…
Il se dirigea fermement vers l’entrée du jardin. Là s’étendaient de vaste potagers gorgés de soleil. Des tomates et des concombres, d’abord, puis de choux, des citrouilles et des potirons. Un peu plus loin, les écuries, et les remises. D’Annecy se dirigea vers ces derniers. La tiédeur de l’ombre était reposante, à l’abri sous ses toits de planches qui se côtoyaient de manière hasardeuse. Ici, des vaches, là, des mulets et des chevaux de traits ; un peu plus loin, l’enclos des poules. Il n’y avait pas âme qui vive.
Le baron s’en retourna alors vers le potager, et entreprit d’inspecter les rayons de potirons, derrières lesquels il était aisé de se cacher. Il faisait une chaleur étouffante, entre ces énormes boules oranges. La terre du potager était poussiéreuse, et se soulevait en nuages à chaque pas de l’homme. Il butait sur quelques graviers, ou sur de rares racines qui dépassaient du sol, présentant leur face noueuse au soleil, dont les rayons avaient flétri et sali la couleur habituellement verte.
Le baron marcha longuement au milieu de tous ces pulpeux légumes, en longueur comme en largeur. Sa tunique était brunie de poussière, il suait à grosses gouttes, l’enfant s’était remis à crier, et il ne voyait personne. Mais où se trouvait donc ce diable de fermier ?
« Camille ? »
« Oui, madame ? »
« Vous plairait-il de garder cet enfant, que le comte a trouvé abandonné dans les bois ? »
« C'est-à-dire, madame… sauf votre respect… j’ai déjà trois bouches à nourrir, et je crains qu’une bouche de plus ne me permette pas de subvenir à mes propres besoins… »
« C’est bon, Camille, j’ai compris… je vous remercie de vos services, mais force est d’admettre que vous me décevez beaucoup, à cette heure… »
« Comprenez, madame, que… »
Madame referma violemment la porte, ne laissant pas le temps à sa pauvre servante de terminer sa réponse. Elle se remit à marcher dans les couloirs. Michel, le valet de chambre, pourrait peut-être faire l’affaire… Elle doutait de plus en plus que quelqu’un accepte ce garçon. Mais qu’importe, après tout ! Si personne ne le voulait, elle l’élèverait elle-même, en compagnie du baron !
« Michel ! »
Bon, il fallait renoncer à chercher le fermier. Camille, Fanchette… personne ne voulait de ce bébé. Restait Isabelle, la prêtresse du fief. D’Annecy emprunta un petit chemin bordé de poiriers, qui menait vers l’Est du château. Comme le bébé pleurait, il cueillit un fruit, en arracha un petit morceau juteux et le lui mit dans la bouche. L’enfant se tut et mâchonna la nourriture avec curiosité. C’était assez bon, bien sucré, frais… Quel délice…
Le chemin s’achevait au pied d’un escalier, qui lui-même menait dans une chapelle dont les murs étaient recouverts de vitraux représentant les étapes de la vie de Gilles le Breton. La chapelle était très simple. Quelques bancs parsemés sur le sol de pierres étaient face à un autel, dans le fond, surmonté d’une statuette de la Dame et de deux chandeliers à trois branches.
« Ma sœur… »
La comtesse se pencha à sa fenêtre. De là, on pouvait voir s’étendre toute la forêt d’Andrésy, et même au-delà, les quelques bourgs avoisinants, et jusqu’à la limite du domaine d’Annecy. Il faisait beau, il faisait chaud, on entendait chanter les oiseaux; même en hiver, les neiges ne recouvraient pas longtemps les terres de cette région. La forêt était verdoyante, et elle enviait son mari de s’y promener chaque jour. Elle avait bien trop peur de monter à cheval. En penchant un peu la tête, on pouvait apercevoir le pont-levis, devant lequel quelques gardes devisaient avec animation. Tous portaient la livrée d’Annecy, un tabard d’argent et de gueules, à lisière d’azur.
La porte en chêne ciré s’ouvrit derrière elle. Le baron entra, l’enfant dans ses bras.
« Isabelle refuse de s’en occuper »
« Michel aussi… Nous allons le garder, n’est-ce pas ? »
Elle regarda son mari avec des yeux chargés d’espoir. En tentant de détourner son regard, le baron laissa ses yeux glisser jusqu’au lit conjugal. Il esquissa un sourire.
La nuit était tombée, et une myriade d’étoiles recouvrait le ciel, le faisant briller de milles feux. Quelques hululements de loups retentissaient au loin. Un enfant criait, criait à en perdre haleine. Il hurlait, toute la forêt tremblait. Puis il se tut, subitement. Les loups reprirent leur plainte, quelques minutes plus tard. Sans guère se soucier de tout ceci, dans la tiédeur des draps, le comte et la comtesse d’Annecy concevaient un héritier.
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- Petimuel
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[size=150:29eweiji] I
Une aiguille, du fil, et de l’eau
«F[/size]anchette ! Va me chercher de l’eau, vite ! Presse toi, nom de Dieu ! »
« Tout de suite ! »
Fanchette s’éloigna en courant. Des gémissements retentissaient dans toute la pièce. La baronne était couchée sur une table, et mordait furieusement un morceau de cuir afin de retenir des hurlements. Camille, une aiguille à la main, tentait de l’aider à faire sortir le bébé. Le baron se tenait dans le fond de cette petite pièce nue, sans décoration. Il restait impassible.
« De l’eau, madame ! »
La jeune fille avait ramené un sceau rempli d’eau glacée.
« Excusez-moi, madame, mais cela risque d’être froid. »
Des gémissements lui répondirent. Camille demanda à Fanchette d’aider la baronne à respirer. Celle-ci s’exécutât, et pressa le ventre de sa maîtresse, au fur et à mesure de sa respiration, pendant que Camille s’affairait entre les jambes de celle-ci. Son aiguille trouva, ouvrit, recousu. Ses doigts experts dansaient, mais n’étaient pas en rythme. Camille suait de partout, et tremblait souvent. Elle devait s’arrêter par moment, par crainte de faire un faux mouvement. Fanchette était affolée, et ne suivait pas toujours le rythme de la respiration de sa maîtresse. La baronne elle-même pensait finir par déchirer le cuir. Le baron restait là, debout dans le fond de la pièce, statue inquiétante et immobile, tapie dans ‘ombre d’une pièce, prête à bondir. Mais il ne bondissait pas.
La main de Camille glissa un peu de sang gicla. Dans un râle sinistre, la baronne se contorsionna, et enfonça profondément ses dents dans le morceau de cuir. Fanchette réagit immédiatement, et fit couler un peu d’eau pour calmer la blessure.
« Respirez ! »
La baronne s’agitait, Fanchette dut lui tenir les hanches, afin d’éviter un autre accident avec l’aiguille.
« Ne bougez pas, respirez ! »
Le pied droit, d’abord. Même les statues peuvent s’animer. Au pied gauche, maintenant. Le baron se déplaça silencieusement jusqu’à la petite porte de bois, tourna lentement la poignée, et s’éclipsa, prenant soin de ne pas jeter le moindre regard sur l’effrayant spectacle de Camille, qui tentait de recoudre la plaie. Même ainsi, dans le couloir, on entendait des gémissements à travers la porte. Par la Dame, quel vacarme ! Raoul se dirigea vivement vers ses appartements. Il quitta le sombre couloir éclairé par endroits à l’aide de vieilles torches qui achevaient de se consumer pour une chambre luxueuse, illuminée par de nombreux vitraux et une énorme fenêtre. Le parquet à croisillon fraîchement ciré reflétait la lumière du jour. Dans le fond de la pièce, un grand lit à baldaquin, avec un bois sombre et des draps blancs comme neige. Quelques petits meubles posés contre le mur agrémentaient l’ensemble. Point de chaise. Si l’on voulait s’asseoir, il fallait se résoudre à s’allonger.
Le baron était vêtu de sa tunique habituelle, une grande tunique noire, affichant son blason sur la poitrine et le dos. Ce vêtement tombait jusqu’à terre. Sans armure en dessous, cette parure était plutôt ample, et l’on s’y sentait à l’aise. On l’aurait volontiers pris pour une robe de nuit. Cependant, de par sa taille, le grand baron paraissait imposant, dedans, royal.
Raoul d’Annecy ouvrit grand la fenêtre, puis s’appuya contre la balustrade. Un vent soufflait, faisant danser les rideaux, virevolter ses cheveux en arrière. Il contemplait le spectacle de ce paysage gris, dans la tempête et pourtant plein de caractère. L’herbe était uniformément verte, à l’image du gris du ciel. C’était comme une peinture sans profondeur, comme si une feuille de papier eût été posée à la place des paysages. Sur cette feuille de papier s’étirait toutefois la forêt d’Andrésy, et quelques maisons grises, faites de pierres juxtaposées surmontées d’un toit de chaume ou d’ardoise. Derrière, un ciel entièrement gris, ainsi qu’une aquarelle, une feuille de papier. En dessous, l’herbe était uniformément verte. Les arbres s’agitaient, et l’on pouvait apercevoir, au loin, quelques paysans qui, surpris par la tempête, se hâtaient de regagner la relative quiétude de leur logis.
La brise soufflait toujours, le baron se sentit froid. Sa longue tunique battait derrière lui, portée par le vent. Un geste eût suffi pour refermer la fenêtre, et se retrouver soudain coupé de l’extérieur. Mais le baron ne cilla pas. Son caractère était celui d’une statue.
Les dents s’enfoncèrent trop. N’y pouvant plus, la baronne ouvrit la bouche, laissant s’échapper le petit bracelet de cuir. Le hurlement qu’elle poussa alors eût pu facilement faire fouir un quelconque curieux, aussi Fanchette et Camille se bouchèrent fortement les oreilles. Du sang coulait sur la table, car la vieille femme avait dû pratiquer une césarienne. Elle mit ses mains entre les jambes de sa maîtresse, et en sortit un petit garçon. Il était rouge comme le diable, et sa peau était fripée comme s’il eût cinquante ans. La baronne se calma finalement, mais son enfant pris le relais. Et ce fut à nouveau une cacophonie de cris et de pleurs. Tout le monde s’agitait. Fanchette regardait le garçon, sa maîtresse, le reste d’eau. Devait-elle s’en servir ? Oui ? Non ? Sur le bébé, peut-être ? Finalement, non. Camille, elle cherchait des langes propres pour emmailloter le nouveau-né. La baronne s’évanouit.
« Monseigneur ? »
« Oui, Michel ? »
« Votre enfant est né, monsieur ! Vous avez un héritier ! »
« C’est bien, Michel. Vous pouvez vous retirer. »
Le vent souffla de plus belle. Le valet demeurait là, sur le pas de la porte, l’air interloqué. D’Andrésy n’avait pas bougé, et fixait toujours l’horizon. Deux hommes ainsi immobiles. Deux statues de chair et d’os.
« Vous ne voulez pas aller voir… »
« Il suffit, Michel, vous pouvez vous retirer. »
Le baron s’était relevé, sans pour autant quitter l’horizon des yeux. Il se dressait de toute sa hauteur, de statue, il était passé à colosse. Michel se retira à reculons, par crainte d’éveiller la colère de son maître, qui de toute façon lui tournait le dos.
Une demi-heure plus tard, la baronne entra dans la pièce, encore tremblante, tout juste sortie de sa torpeur. Elle avança lentement, jusqu’à se mettre aux côtés de son mari. Elle aussi se mit à regarder l’horizon. Ils étaient là, tous deux, debout derrière la fenêtre, côte à côte. Toux deux regardaient dans la même direction, devant, vers le souffle du vent et le ciel gris, perdus dans l’immensité de la plaine.
« Vous… ne voulez pas voir l’enfant ? » articula timidement la baronne.
Le baron ne répondit pas. Il regardait toujours le paysage, mais il tremblait un peu. Il ferma les paupières. Sa femme n’osait pas tourner la nuque. Elle ne vit rien de tout cela. Le baron rouvrit les yeux, puis fixa le ciel avec fermeté.
Au bout de quelques minutes, la baronne tendit le bras, puis, à l’aveuglette, chercha la main de Raoul d’Annecy. Ses doigts effleurèrent ceux du père de son enfant. Leurs mains s’unirent. Ils se serrèrent très fort. L’étreinte était insupportable, même, mais la baronne laissait sa main.
Tous deux continuaient de regarder dehors, et jamais n’esquissaient le moindre mouvement. Cela dura plusieurs minutes, dans le tumulte du vent, et des premières gouttes de pluie, que laissaient tomber les nuages qui s’amoncelaient.
Finalement, la baronne baissa la tête. Elle ferma les paupières, et ses yeux rougis s’emplirent de larmes.
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- Kundïn
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Le suspense est bien menage quant a l'avenir de ce couple et de leur descendance ; on entre tout doucement dans une histoire dont on ne sait rien pour l'instant mais on se laisse porter par la narration tres facilement. C'est du beau boulot.
Pas grand-chose a dire sur le plan des critiques. Il doit bien y avoir quelques coquilles par-ci par-la mais rien de bien dramatique. Reste a savoir comment cela va tourner, sur quoi l'intrigue va se concentrer... Une dose de mystere un peu plus prononcee irait bien a ce type de texte, ma foi...
J'attends la suite !
Et je m'excuse au passage aupres de San pour n'avoir toujours pas fini l'ogre de Perouse... mais il est autrement plus long !
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- Petimuel
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Que de flatteries!
en fait, cocnernant l'intrigue, justement, il y en a un peu... enfin si, par période. Mais durant toute l'histoire, le jeune Gaston va évoluer, ainsi que ses angoisses, ses problèmes et ses besoins. En fait, j'essaye (en vain, sûrement), de m'interesser au côté psychologique de ce récit, plus qu'à l'action qui s'y déroule.
Et pour les coquilles, je les rèpre zet les corrige sur mon doc word.
Encore merci!
Bon, trève de bavardages, j'envoie la suite!
[size=150:32dzf0q6]II
Une longue nuit
L[/size]a nuit était noire. Quelques pâles étoiles diffusaient toute leur lumière pour tenter d’illuminer ce ciel opaque, mais rien n’y faisait. La lune était cachée par d’épais nuages. Pas une once ne vent ne venait effleurer la cime des hauts arbres de la forêt. Tout était tranquille, et même, contrairement à leurs habitudes, les loups n’entamaient pas leur lancinant concert.
Soudain, un bébé qui, jusqu’alors, dormait paisiblement entre un solide matelas et quelques épaisseurs de draps, se réveilla en sursaut. Il avait rêvé qu’on le jetait dans une rivière. Il se mit à hurler, à pleurer. Sa tête rougit, il se mit à postillonner, et il hurlait. Ses pleurs étaient entrecoupés de quelques hoquets.
La baronne ouvrit les yeux. Bon sang, quel vacarme insupportable ! Elle leva péniblement le dos, puis se fit un devoir de s’étirer convenablement. Sa bouche était pâteuse, et ses yeux encore endormis. Près d’elle, le baron commençait à s’éveiller également. Et le petit Gaston pleurait toujours. La femme mit un pied en dehors du lit à baldaquin.
« Ce n’est rien, mon chéri, tu as fait un cauchemar… calme-toi… dors, dors… »
Le baron se retourna dans les draps. Mais pourquoi ce gosse refusait-il de se taire ? Il entendait des bruits de pas, dans le couloir. Sans doute sa femme qui revenait. Et le petit hurlait toujours. Par la Dame ; faudrait-il qu’il aille le calmer lui-même ?
« Monsieur… »
« Mmmh… »
« Notre enfant refuse de se calmer… alors, si vous pouviez… enfin, je pense que vous êtes plus apte que moi à… »
D’Annecy se leva avec peine. Oh, morbleu ! Mais qu’avait-il fait pour mériter cela ? Il se mit à marcher en titubant à travers la pièce, puis tâtonna dans le couloir, et se reposant sur les murs. Un pas, deux pas… ses doigts rencontrèrent une partie en bois. Etait-ce la porte de son fils ? A en croire les cris qui émanaient derrière, il avait touché juste. Bon, la poignée, à présent…
Les murs étaient gris, sous la faible lumière qui filtrait à travers les rideaux de la petite lucarne, dans le mur de fond. Dans cette pièce, point de meubles, seulement un petit lit tout au fond à droite, d’où partait une horrible cacophonie. Le baron fit quelques pas dans la pièce. Dès qu’il l’aperçut, Gaston changea de comportement. Il hoqueta un peu, puis se mit à murmurer, comme le font souvent les petits enfants, avant l’âge de parler. Il rit doucement. Son père s’approcha de lui, puis déposa un tendre baiser sur son front. L’enfant s’endormit, en bavant un peu.
Raoul regagna sa chambre péniblement. Oh, dame ! Fallait-il vraiment ne plus passer de nuits paisibles, pour que son enfant le soit?
Une fois dans ses appartements, il ne retourna pas tout de suite se coucher. Il fit quelques pas en avant, puis ouvrit grand la fenêtre. Un courant d’air frais s’engouffra dans la pièce. D’Annecy respira à pleins poumons. Quelques furtifs mouvements lui indiquèrent que sa femme s’était levée.
« A quoi pensez-vous, Raoul ? »
« A cet enfant… à cet enfant que j’ai relâché… dans la nature… A cet enfant qui aurait pu être le nôtre, mais qui a été tué par des loups. »
La main de la baronne effleura son épaule.
« J’y pense souvent, moi aussi… Je... je ne sais pas quoi retenir de tout cela… »
« Vous souvenez-vous, il y a deux ans, après votre accouchement ? Je regardais le paysage, et n’en détournais pas le regard. C’est vers la forêt que je regardais… je pensais à cet enfant qui aurait pu être notre fils… mais pourquoi avoir voulu le renier ? »
« Sauf votre respect, monsieur, c’est vous qui.. »
Le baron se dégagea vivement, et commença à marcher à travers la pièce.
« C’est moi... oui, c’est moi ! Bien sûr ! Mais pourquoi l’ais-je remis à sa place ? Je pensais que je n’avais pas le droit d’être le père d’un bâtard… je pensais que l’honneur était plus important que tout ! »
Il commençait à se mettre en colère, et à gesticuler. Parfois, il ployait, comme sous une charge imposante qui lui pèserait sous les épaules. Il se mettait à crier.
« Tu comprends cela ? J’ai cru que l’honneur d’un seigneur bretonnien valait la vie d’un enfant ! J’ai joué avec la vie d’un être humain, seulement pour pouvoir dire : « regardez, j’ai un héritier ! Il est de moi ! » Mais à quoi cela sert-il ? Cet enfant, cet enfant qui est mort, je l’aurai chéri, adoré ! »
« Calmez-vous ! »
La baronne posa sa main sur l’épaule de son mari mais celui-ci se dégagea vivement.
« Non ! Ne me touche pas ! Je suis un assassin ! Un assassin, entends-tu ? J’ai tué ! J’ai tué ! »
Le baron restait la, au beau milieu de la pièce, le dos voûté, ses mains crispées tournées vers lui. Il se dégageait de cette espèce de gargouille une impression d terreur de tristesse.
« C’est deux ans plus tôt qu’il eût fallu faire ces réflexions, mon ami. Allons dormir. »
Et la femme fit brusquement volte-face pour se recoucher.
*
Le doux et sourd murmure des sabots qui se posaient sur le sol meuble du chemin qui traversait la forêt d’Andrésy retentissaient agréablement au milieu de la forêt. L’heure était avancée, minuit devait déjà être passé, mais Raoul d’Annecy ne parvenait pas à trouver le sommeil. Gaston s’était réveillé par trois fois déjà, et ses parents avaient suivi. Après ce troisième éveil intempestif, la baronne avait trouvé le sommeil, mais lui était définitivement réveillé. Il se sentait le besoin de se changer les idées, l’idée d’une balade en forêt s’était imposée naturellement. La nuit, les arbres avaient un autre air, menaçants et traîtres. Qu’est-ce qui pouvait bien ce tapir dans l’ombre, entre ces deux rochers ? Ces ombres, projetées par la lune, à présent haute dans le ciel, qui griffent le sol de leurs pattes tordues, étaient-ce bien celles des arbres ? Ce caillou qui dégringole, a-t-il été poussé par le souffle du vent, ou par une créature maléfique ? Autant que questions que l’on serait en droit de se poser.
Raoul d’Annecy pensait à autre chose. Il réfléchissait à la réaction de sa femme, quelques heures plus tôt. Pourquoi avoir adopté ce ton glacial, elle qui d’habitude était serviable, aimante et gentille comme tout ? Il s’était un peu emporté, certes, mais de là à se désintéresser de ses états d’âme… car c’est ce qu’elle avait fait : en réagissant de la sorte, elle avait montré qu’elle se moquait de tous ses doutes et ses remords, elle se moquait de la position que lui-même prenait vis-à-vis de son ego… ou alors non, elle lui reprochait tout simplement de s’être détourné d’elle, de s’être emporté sans l’écouter… mais une femme se bornerait-elle à de pareilles futilités ? Il n’en était pas sûr, il ne savait pas, il ne croyait pas… Mais pourquoi ? Pourquoi ?
Soudain, il aperçut, au détour du chemin, l’endroit même où il avait abandonné l’enfant, deux ans plus tôt. Cruel jeu du destin, sans doute… mais il fallait en finir, avec toute cette histoire, ces remords… oh ! Que n’avait-il pas fait ? Il avait tué ! C’était un assassin de la pire espèce !
D’Annecy mit pied à terre, puis se coucha entre les fougères, à l’endroit où il avait déposé ce qui aurait pu devenir son fils.
Il s’endormit.
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- Petimuel
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Des échos du passé
D[/size]es rires. Des rires et des pleurs. Quand Gaston pense à son enfance, ce sont les deux premières sensations qui lui reviennent. Deux sensations contrastées, deux émotions contraires et pourtant si ressemblantes. Des cris nous échappent, nous sommes tout rouges. Seul le sentiment diffère.
Ses premières années s’écoulèrent paisiblement. Sa mère lui donnait à manger un bouillon préparé par Camille, qu’il acceptait d’avaler sans broncher. Il y prêtait tellement peu d’attention qu’il était incapable de dire s’il avait aimé ou non. C’était une soupe de légumes, parfois accompagné d’un petit bout de viande.
L’après-midi, il jouait avec son père. Le vieil homme était empli de tendresse, et acceptait volontiers de faire une partie de saute-mouton, imitant parfois le bêlement de l’animal. Les murs délabrés du château d’Annecy se souviennent encore des rires qui hantèrent les grands couloirs à cette époque.
De temps en temps, le baron faisait des cadeaux à son fils, comme de petits pantins de bois, représentant des chevaliers, que l’on devait faire combattre en levant ou baissant le bras.
Le père se prêtait avec plaisir à ces jeux enfantins, et, à genoux, au beau milieu d’un couloir éclairé par des torches et quelques vitraux, il riait autant que son fils.
« Papa ? »
« Oui, Gaston ? »
« J’ai un petit frère ? »
Les rires cessaient, parfois. Un lourd silence s’imposait. On n’entendait alors que les piaillements étouffés des oiseaux à l’extérieur, et le crépitement des torches. Les ombres dansaient, poussées par le mouvement des flammes et des nuages.
« Pourquoi me demandes-tu ça ? »
« Je ne sais pas… je me suis dit, tu n’es pas toujours là pour jouer avec moi, alors, je me suis dit, un petit frère, lui, pourrait jouer avec moi. »
« Oui, Gaston… tu as sans doute raison. »
« Pourquoi tu ris, papa ? »
« Ce n’est pas un rire. »
« Mais tu ris, je t’assure ! »
« Alors c’est un rire triste. »
« Oui, on dirait que tu pleures. Tu es triste parce que je n’ai pas de petit frère ? »
« Oui… oui, c’est cela, Gaston. Je suis triste parce que tu n’as pas de petit frère. »
« Allez, on continue ? »
« Non, Gaston. Il faut… que je parle à ta mère. »
Et l’enfant continuait seul ses jeux, sans se douter que, loin de discuter avec sa mère, D’Annecy se lamentait auprès d’elle.
Le méchant chevalier noir arrivait. C’était le plus fort, le chevalier noir ! Et le plus méchant ! Il dévastait la région, avec son épée, il tuait tous les paysans. Mais le gentil chevalier Raoul arrivait !
« Un frère ! Un frère… Vous rendez-vous compte ? Je n’en pourrais guère supporter plus ! Le souvenir de cet enfant banni, non, de cet enfant assassiné, me revient sans cesse en mémoire ! Que faire, ma Dame, que faire ? »
« Calmez vous… séchez vos larmes… Calmez-vous… chuut…. »
« Argh ! Je suis blessé »
« Bwahahaha ! Tu vas mourir ! »
« Jamais ! Pour la Dame ! »
« AAAAaaaaargh ! Tu… tu m’as eu…. Je vais mourir… Adieu… »
Quelques incidents se produisaient ainsi : le fils faisait revenir au père la mémoire de cet enfant, tué avant même d’être innocent. Souvent, au matin, on ne retrouvait pas le baron dans sa couche, et il fallait alors le chercher en pleine forêt, endormi sur le lit d’humus qui abritait sans doute quelques os, si petits qu’on les aurait volontiers pris pour des os de poulets.
« Un jour, les loups vous mangeront, Raoul, à vous trouver ainsi, assoupi, sans défense. »
« C’est bien ce que je mérite. »
« Mais non, mon ami, cessez de vous en faire. Il nous fallait un héritier de sang pur ! Et puis, le bébé n’a pas souffert, vous avez dit vous-même qu’il est mort avant même d’avoir conscience de la vie ! »
« Vous défendiez cet enfant, auparavant. Vous en souvenez-vous ? »
« Oui. »
Et les années s’écoulaient ainsi, de plus en plus longues, avec un rythme qui s’essoufflait un peu plus à chaque fois. Le père jouait de moins en moins avec son enfant. L’été passait, chaud et terne. Tout le monde restait cloîtré dans le château, à l’abri du soleil. Gaston passait ses journées à courir seul dans les couloirs, et à feuilleter des parchemins, rédigés de la main de son père. Parfois, celui-ci lui rendait visite dans sa chambre, et tous deux jouaient avec les pantins de chevaliers. La tête de l’un d’eux s’était cassée.
Puis venait l’automne. Les fenêtres étaient fermées, il faisait froid. Le garçon partait chercher du bois, parfois, à la lisière de la forêt, afin d’être loin des loups. Au beau milieu d’un tapis de feuilles à la couleur de feu et de fruits écrasés, il était là, sa hache à la main. Elle était lourde, ses bras étaient frêles. Chaque coup porté assaillait les muscles et tiraillait la chair, arrachant parfois quelques larmes fugitives aux paupières lourdes. Il fallait parfois une dizaine de coups pour venir à bout d’une bûche, et une fois qu’il y avait suffisamment de fagots, il fallait encore rentrer à la maison, avec un énorme poids sur le dos. Il fallait souvent s’arrêter, le dos en feu, puis reprendre le long et douloureux chemin jusqu’à la demeure familiale.
L’hiver mordait toujours, et, une fois encore, personne ne quittait le château. Malgré les toiles huilées qui recouvraient les meurtrières, un froid tiraillait les entrailles, et se déplacer, transi, à travers les couloirs était épuisant. Les jours s’écoulaient, mornes, froids, sans couleur. Les servantes apportaient le repas, les gardes faisaient des rondes de garde, Gaston apprenait à parler impérial, la vie s’arrêtait là. Parfois, une toile sue brisait, un courant entrait. Il fallait recouvrir le trou avec un tapis en attendant que les gardes ne viennent réparer les dégâts.
Le printemps enfin venait. On courait, on riait, on jouait. On cueillait des fleurs pour les offrir aux filles, ces jolies enfants des villages voisins, dont les nattes dorées semblaient brodées sur les petites robes bleues, de ces filles qui respirent à pleins poumons de petites pâquerettes, de ces amoureuses timides et indécises qui sont prêtes vous aimer juste parce que vous le leur dites ; on partait se rafraîchir dans la grande fontaine en granit, au milieu du potager, qui représentait la Dame du lac, tenant entre ses mains une coupe d’où une eau claire et fraîche jaillissait.
C’est pendant ces printemps fous, ces printemps qui durent toute une année, que Gaston trouva un remplaçant pour son petit frère.
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Merci beaucoup à toi, Phoenix, c'est le genre de critique qui donne du coeur à l'ouvrage! Voici le chapitre quatre, pendant que je termine le dixième!
[size=150:1k44itbj]IV
Un jeu bien innocent[/size]
« Pour clore cette leçon, on peut donc dire que, contrairement à nous, les Impériaux ne vouent pas un culte unique, dit monothéiste, - m, o, n, o, t, h, é, i, s, t, e, pour éviter les fautes-, mais un culte multiple, dit polythéiste, bien que fondé sur une divinité principale, Sigmar, dit « l’unificateur ». »
Le vieux professeur marchait de long en large, devant les deux pupitres de ses élèves. Il était grand, mais maigre, aussi la longue tunique blanche qu’il portait était trop ample pour Frottait-elle par terre, se salissant au rythme des jours.
Son visage était creusé, ses pommettes marquées. Son visage bronzé par le temps laissait ressortir ses rares cheveux d’un blanc de lin. Ses paupières tombaient, alourdies par les années. Il paraissait fatigué. Il était fatigué.
« Demain, nous nous intéresseront à l’histoire de l’Empire. D’ici-là, vous me réécrirez les phrases « Sigmar et la Dame du Lac sont deux puissantes divinités », « Sigmar est la divinité la plus importante de l’Empire » et « Il n’y a pas d’autres divinités que la Dame de Lac en Bretonnie. » en Impérial. Allons, à demain. »
Les élèves étaient au nombre de deux. Deux, seulement. Deux bouches pour parler, deux paires de lèvres pour s’agiter. Mais quel vacarme ! Ils hurlaient, et roulèrent prestement leurs parchemins avant de courir en direction du château. Le vieux maître faisait l’école à quelques mètres de celui-ci, au milieu d’une cour, à quelques pas de la forêt. Deux pupitres et trois chaises y étaient installées.
« C’est celui qui arrive en premier qui gagne ! »
Des éclats de rire retentirent. Les deux garçons couraient à en perdre haleine. La poussière se soulevait sous leurs pas. Celui qui était en tête avait huit ans. Il s’appelait Gaston, son père était le baron du domaine d’Annecy. Ses cheveux châtains dansaient avec le vent. Le second le talonnait. Romain d’Andrésy. Sa mère, Camille, devait être en train de préparer un de ces bouillons dont elle avait le secret. Il avait huit ans et demie, mais était plus petit que son camarade. De longs et soyeux cheveux blonds s’entremêlaient derrière lui.
Les deux amis étaient vêtus de même manière : un bas vert sombre et un pourpoint ocre, sur lequel était cousu le tabard de la maison d’Annecy. Leurs chaussures en cuir se salissaient un peu plus à chaque pas. Leurs vêtements, doux et confortables, en disaient long sur leur classe sociale. Un classe riche. Une classe de gens favorisés, sans doute sur le dos d’autres personnes. Un classe de gens qui n’ont à se soucier de rien sans pour autant manquer de pain.
Mais les enfants n’en avaient pas conscience. Les enfants couraient.
Romain ralentit peu à peu.
« Hé ! Attends ! »
« Quoi ? »
« J’ai une meilleure idée ! Si on allait visiter la forêt. »
« Mais… et le repas ? »
« Oh, baste, tu sais bien que Camille ne l’aura pas fini avant une demi-heure. Viens ! »
Gaston se tourna vers lui. Il semblait hésitant.
« Allez, quoi ! On en a pour dix minutes…. »
La bouche de Gaston s’ouvrit pour parler, mais il fut stoppé dans son élan par un dernier moment d’hésitation, les quelques secondes durant lesquelles on s’assure que ce l’on a fait le bon choix, cette dernière minute où l’on vérifie que l’on a pensé à tout, l’ultime instant de réflexion au cours duquel on se sent au bord du gouffre, sachant que la décision prise sera irrévocable. La décision en question n’était pas importante, aucune vie n’était en jeu, mais qui savait ? Qui savait ce qu’il pourrait trouver dans la forêt ?
« Tu te décides ? Arrête de réfléchir comme ça, il s’agit d’une ballade en forêt, pas d’une déclaration de guerre ! »
Alors, la meilleure chose à faire était de refuser. Non, ce n’était pas une bonne idée, une promenade en forêt. Romain disait qu’elle durerait dix minutes, mais lui savait bien qu’elle s’éterniserait. Mais, comment lui dire ? Jamais il n’aurait le courage de… et puis, en plus son ami lui demanderait pourquoi. Or, il n’avait pas d’argument valable. Et pourtant, vraiment, cette idée le mettait mal à l’aise… on ne sait pas ce qu’on peut y trouver… en en plus, Il avaient déjà parcouru la moitié du chemin du retour, il serait bête de retourner en arrière. Oui ! Voilà ! C’est ça qu’il devait dire à Romain ! Que Non, il ne voudrait pas venir. Pourquoi ? Mais parce qu’ils avaient déjà parcouru la moitié du chemin et qu’il avait la flemme de revenir en arrière, ne serait-ce que jusqu’à la cour au milieu de laquelle ils ont classe !
« N… »
« Gaston ! Romain ! »
Les deux enfants sursautèrent. Leur maître venait d’arriver dans leur dos, son écritoire sous le bras. Sans même prendre le temps de s’arrêter, il leur dit qu’ils avaient oublié leurs écritoires et qu’ils devraient aller les chercher. Les deux enfants restèrent immobiles, le maître continuait sa route, salissant à vue d’œil le bas de sa toge.
« Bon. On y va ? »
« Oui… »
« Qu’est-ce que tu voulais me dire, au fait ? »
« Rien. Rien… »
« Allez, le premier arrivé est le plus fort. »
Et Romain détala en direction des tables de bois. Gaston continua de marcher, mais, au bout de quelques secondes, se prit au jeu, et se mit à courir à toutes vitesse, dans un éclat de rire sonore. Les enfants couraient, couraient toujours. A ce moment précis, ils couraient, mais ils courraient le lendemain, et les jours suivants aussi. Ils ne cessaient de courir, comme si c’était leur seul but.
Romain n’était plus qu’à un mètre de l’une des tables, et, pour assurer sa victoire, bondit dessus dans un râle, dans un cri de guerre, dans un hurlement de bête victorieuse.
Son pied se prit sur le banc qui se renversa ; Romain s’affala sur sa table, l’épaule la première. L’écritoire se reversa, le flacon d’encre qui n’était pas rebouché se renversa, répandant son noir contenu sur le sol poussiéreux. Romain tomba au sol, et roula sur un mètre ou deux.
Le garçon resta quelques secondes ainsi, face contre terre. Gaston s’était arrêté, et le regardait, avec une impression de surprise mêlée de pitié.
Le bras gauche, d’abord. Han ! Romain se releva. Il titubait un peu, et avait du mal à se tenir debout. Il était couvert d’encre et de poussière, ses cheveux étaient collés par la sueur et l’encre, et ses vêtements étaient littéralement dégoulinants du liquide noir.
« Je crois que j’ai gagné, hein ? »
Un faible sourire sur les lèvres illuminait l’adorable visage de Romain, même couvert d’encre.
Gaston lui-même commença à sourire. Rien ne se passait. Ils étaient là, l’un devant l’autre, un sourire affiché sur leurs visages, les yeux pétillants.
Finalement, Gaston bondit sur son adversaire.
« Jamais ! »
Et les deux enfants roulèrent ensemble vers les bois, en se ruant de coup, dans un nouveau torrent de rires. Les deux amis roulèrent sur l’herbe fraîche de la forêt en se battant, passèrent quelques arbres puis atterrirent dans un buisson de ronces. Les épines déchiraient les vêtements et tailladaient la chair, mais rien ne pouvait venir à bout de ces rires.
« Bon, on la fait, cette ballade ? »
Un courant d’air s’engouffra par la fenêtre ouverte, soulevant les rideaux dans un murmure étouffé. Le baron se retourna. Son visage était plus que jamais buriné, ses traits saillants. Ses cheveux se raréfiaient, et sa moustache serait bientôt blanche comme les draps du lit à baldaquin.
Il fit quelques pas puis ferma la porte. Caille lui avait dit que la baronne était partie dans le village voisin. Mais qu’allai-t-elle donc y faire ?
Un cri. Un cri comme celui qui avait retenti huit ans plus tôt. Un peu plus grave, certes, mais un cri entrecoupé de pleurs, un cri déchirant vint percer le ciel. Le cri de son fils.
Les pas de ses bottes résonnaient dans les escaliers, qu’il descendait à toute vitesse. Il n’avait pas même accroché sa ceinture, aussi sa tunique volait-elle derrière lui. Plus que quelques marches… Il arriva dans le hall d’entrée, une petite pièce de pierre, avec la grande porte d’accès encadrée par des meurtrières. Deux torches flambaient. Deux gardes faisaient la ronde. Ils avaient de longues tuniques arborant le tabard d’Annecy, un grand pavois en bois cerclé de fer, et des casques ronds surmontaient leurs têtes. L’un d’eux était armé d’une arme d’hast, l’autre d’une épée.
Le baron s’empara de l’arme de ce dernier, qui le laissa faire, ne sachant que trop bien ce qu’il risquait d’endurer en contestant son maître.
« Ouvrez le portes ! »
Le soldat désarmé se précipita vers un petit escalier de pierre, près de la porte. Quelques secondes passèrent. Le cri retentit à nouveau. Enfin, la herse commença à se soulever. Elle ne s’était pas levée de plus de trente centimètres que le baron Se mit à plat ventre pour passer en dessous. Et là, comprimé entre ce rideau de fer et l’immense porte boisée, il chercha la poigné, finit par l’actionner et courut immédiatement en direction des bois, où les cris reprenaient de plus belle.
Il courait, courait. Le chemin paraissait interminable, et… Babille ! Il venait de voir les tables renversées, les écritoires ouvertes, de l’encre répandue sur le sol ! Mais que c’était-il donc passé ?
Il continuait sa course. Il n’était pas équipé, et couvrait une distance respectable en peu de temps. Il quitta la terre battue pour l’herbe haute, préférant couper au plus court, plutôt que de suivre le chemin. Les broussailles lui tailladaient les bras. Des arbres, des branches, par terre, des champignons, un ruisseau, des oiseaux, des rochers, des cris, des cris !
« C’est bon, tu peux arrêter, tu sais ? »
Le soldat à qui on avait pris l’épée était en sueur. Les muscles tendus, penché vers l’avant, k’une des jambes repliées, il s’évertuait à faire tourner l’énorme engrenage qui permettait d’ouvrir la herse. Il se relâcha, bloqua l’engrenage, et tomba à terre. Il ne pouvait plus supporter cela. Haletant, couvert de sueur, la tunique entrouverte au niveau de la poitrine, c’est à peine s’il entendit :
« Fais-la redescendre, maintenant ! »
Inspirer… expirer… inspirer… Allons, il fallait se mettre debout. Faire redescendre la herse était plus aisé que le contraire : il suffisait d’enlever le bâton qui retenait l’engrenage. Un pas… tendre la main vers le bâton…
« Non, arrête…Ce n’est plus la peine »
La baronne venait d’arriver. Elle était dans son boudoir, à deux pas de là, en face des portes, quand des cris lui parvinrent aux oreilles. Elle était venue aussi vite que possible. Vêtue d’une robe bleue moulante, les cheveux décoiffés, elle regardait la forêt.
« Gaston ! »
Là, un énorme rocher incliné! Les cris venaient de derrière. Raoul monta sur cette plateforme naturelle, et aperçut, en contrebas, son fils à terre, en train de se faire rouer de coups de bâtons par un garçon grand et blond. A un mètre de à, sur une pierre, Romain gisait, inerte. Du sang s’échappait de son crâne.
L’agresseur avait une demi tête de plus que Gaston, était vêtu de guêtres et muni d’une lourde branche, qu’il tenait brandie au dessus de la tête de l’héritier d’Annecy, dont le nez dégoulinait de sang.
« Arrête cela tout de suite. »
La voix rauque et ferme du baron avait de quoi effrayer un petit garçon. L’agresseur se retourna, découvrant un tête d’enfant, un tête que l’ont eût volontiers serré contre la sienne avec toute la tendresse du monde si elle n’était pas assombrie par un rictus malsain.
« Ah ! Vous êtes donc le père ! Je vous salue, monseigneur », répartit l’enfant, tout en s’évertuent à faire des courbettes telles que celles qui sont de rigueurs dans les cours nobles.
« Tu le prends comme ça, petit imbécile ? »
« Assurément, monseigneur ! »
La lame siffla. L’épée passa à quelques centimètres de l’oreille du garçon, puis vint se briser avec fracas sur un arbre derrière. L’enfant sembla hésiter. Le baron s’était relevé, et de toute sa taille dominait la scène, du haut de son gros rocher incliné, qui décollait du sol pour atteindre le mètre de hauteur.
L’agresseur allait partir, la peur se lisait dans ses yeux, tous ses muscles furent tirés en arrière. Mais soudain, un détail le frappa, chez le baron.
« Et comment voulez-vous que je vous craigne, à présent que vous êtes désarmé ? »
Dans un rugissement sonore, le baron sauta de son support, et atterrit juste devant le garçon, qui l’accueillit avec un coup de branche dans les pommettes, ce qui eut pour seul effet de le déséquilibrer. Raoul riposta avec son poing, mais son adversaire sen pencha et évita le coup. D’Annecy profita de l’occasion, il s’agrippa au dos de son adversaire puis, tirant de toutes ses forces, parvint à le soulever. Le garçon avait la tête en bas, le sang lui tournait, il lâcha son bâton.
Le vieux soldat lâcha sa proie, et bondit sur l’arme. L’enfant, en grand acrobate qu’il était, avait pensé à mettre les mains en avant, puis effectua une roue pour ses retrouver sur les jambes.
Face à lui, le baron avait le bâton tendu vers l’avant. Il respirait et grognait très fort. Des flammes auraient pu sortir de ses narines que cela n’eût qu’à demi étonné le jeune garçon.
Le baron fonça en avant avec un hurlement de rage. L’enfant plongea sur le côté et s’écrase sans grâce sur le sol. Le vieil homme se retourna, ses yeux étincelaient. L’agresseur de son fils détala à quatre pattes pour se blottir sous le rocher qu’avait emprunté le baron quelques minutes plus tôt.
D’Annecy tourna autour du rocher comme l’on tourne autour d’une proie apeurée avant de lui donner le coup de grâce. Il fallait prendre son temps… la proie en question était à sa merci... grelottante de froid et de peur... ce salaud avait voulu tuer son fils... oui, ce salaud, il n’y avait pas d’autre mot… il avait peut-être déjà tué l’ami de Gaston… pour tout cela, il payerait.
Enfin, prenant une décision, le baron courut sur le rocher, jusqu'à arriver au bord, puis il donna de violents coups de bâton vers le bas, dans l’espoir d’atteindre sa victime… espoir vain. Le bâton n’était pas assez grand, la saillie trop profonde. Rageur, il commença à redescendre, en frappant la pierre de ses pieds, afin d’exprimer son mécontentement. Le rocher se mettait à vibrer… intrigué, il sauta sur place. La grosse pierre plate donna l’impression de se tourner : la partie enfouie sortait du sol tandis que la partie émergeante s’enfonçait vers celui-ci.
Il l’écraserait !
Raoul se mit à sauter à pieds joints, de toutes ses forces, pour faire céder la pierre, qui, petit à petit, s’équilibrait. Le garçon commença à être comprimé. Il s’éloigna un peu plus vers le bord. Et le baron sautait, sautait, et riait, riait d’un rire méchant !
Encore un peu, et il serait écrasé.
Il détala en direction des bois, sauta quelques buissons et disparu de la vue de baron avant que celui-ci ne puisse réagir.
D'Annecy sauta par terre, et se dirigea vers son fils. Celui-ci gisait au sol, la tête contre une grosse pierre. Du sang s'écoulait de son nez et de ses pommettes ouvertes. Son visage était pâle, et respirait le froid. Son ventre se gonflait et se dégonflait timidement, et un léger souffle d'air s'échappait de ses narines. Il vivait, c'était le principal.
Raoul se retourna, et s'approcha de Romain. Celui-ci était étendu, inerte, contre un gros rocher. Sa tête reposait sur une petite flaque de sang. Il était livide, et blanc comme la mort. Raoul s'agenouilla près de lui, et posa son oreille contre le ventre du garçon. Il sentait quelques pulsations hasardeuses, preuve que le cœur était encore en marche, mais pour combien de temps ?
"Il… m'a dit que j'avais pris sa place…"
D'Annecy se retourna. Son fils tentait de relever la tête. Sa bouche s'agitait fébrilement mais seuls quelques rares sons en sortaient.
"Il m'a dit que… que j'avais pris sa place et … que c'est pour ça qu'il… qu'il devait me tuer."
Le vieil homme regarda fixement son garçon.
"Tu pleures, papa…"
La nuque de Gaston se renversa. Ses paupières se clorent.
Raoul d'Annecy courait, courait. Le chemin paraissait interminable! Mais pourquoi fallait-il que le sort le poursuive de la sorte, le traque sans relâche ?
Il continuait sa course. Des rochers, des oiseaux, un ruisseau, des champignons par terre, des branches, des arbres. Il était lourdement chargé, Romain sur le dos et Gaston entre les bras, mais la peur de perdre son fils révélait en lui des forces qu'il ignorait, aussi couvrait-il une distance respectable en peu de temps. Les broussailles lui tailladaient les bras. Il quitta es herbes hautes pour la terre battue.
Dame ! Que le château lui semblait loin ! Il fallait courir, courir encore ! Courir toujours ! Il aperçut sa femme, qui courut à sa rencontre.
Ses yeux rougis et bouffis se chargèrent de larmes.
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- Krycek
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- Petimuel
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- Krycek
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[size=75:3v0dc5wd]Tout tout tout vous saurez tout sur...[/size]
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- San
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C'est vraiment très bien écrit, j'accroche beaucoup à la narration, un peu moins au sujet finalement, en y repensant, mais on se laisse prendre dans l'histoire quand même !
Il y a deux ou trois passages qui m'ont demandé une relecture attentive et qui, après relecture, ne sonnaient pas bien, ou ne résonnaient pas bien dans ma tête... (enfin je sais pas comment dire) mais par exemple "Le pied droit, d’abord. Même les statues peuvent s’animer. Au pied gauche, maintenant." Je saisis pas bien ce qui me déplaît dans la formulation ou le choix des mots, mais voilà, c'est une impression vague, rien de bien grave.
Et puis Kukun', tu as tout le temps du monde pour finir l'Ogre, et si tu as des remarques à faire avant d'avoir fini, ça m'intéresse toujours
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- Petimuel
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Sinon, tu fais bien de relever ces formulatiosn, je comptais justement supprimer tout ça dans une version corrigée.
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- Zarathoustra
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Mais n'en avoie pas non plus 50 pages d'un coup. Un texte entre 5 et 15 pages, c'est bien, au delà ça fait beaucoup.
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